Né en Argentine, l’attaquant français Nestor Combin n’est pas le plus connu des buteurs de l’histoire tricolore. Il fut pourtant un redoutable attaquant, dont la force de frappe dévastatrice lui valut le surnom de « la foudre ». De l’Olympique Lyonnais, la Juventus Turin et surtout l’AC Milan, retour sur le parcours de ce joueur majeur des années 1960.
10 mai 1964, finale de la Coupe de France au stade olympique de Colombe. L’Olympique Lyonnais remporte face aux Girondins de Bordeaux le premier titre de son histoire. Une victoire 2-0 acquise grâce à un joueur, auteur d’un magnifique doublé, son avant-centre Nestor Combin.
Cette saison-là, l’OL réussit de superbes performances. Vainqueur de sa première Coupe de France, quatrième du championnat, demi-finaliste de la Coupe des Coupes… Une saison pleine qui place Nestor Combin en pleine lumière, sur un tremplin vers des sommets bien plus élevés encore. En 49 matchs, l’international français a fait s’abattre la foudre à 41 reprises. Devant Benzema ou Lacazette, il est le meilleur buteur de l’histoire de l’OL sur une saison, toutes compétitions confondues.
Nestor Combin, un jeune Argentin d’à peine 18 ans qui traverse l’Atlantique vers la France
Le petit Nestor Combin naît le 29 décembre 1940 à Las Rosas, dans le nord de l’Argentine. Comme tant d’autres enfants, il grandit en étant confronté à la pauvreté au cœur de cette petite ville de 12 000 habitants.
C’est rapidement le football qui devient son exutoire. Et le gamin adore ça, il joue des heures et des heures sans jamais vouloir s’arrêter. « Je n’aimais que ça », confiera-t-il plus tard. Dès 14 ans, il intègre le club du Colon Rosario, où il impressionne vite son monde. Année après année, il se forge une solide réputation de buteur. Au point que, à 18 ans à peine, il est repéré par l’Olympique Lyonnais, en quête d’un nouvel attaquant. De nos jours, un jeune joueur quittant son pays pour débarquer en Europe n’a rien d’inhabituel. Mais en 1959, pour un Nestor Combin à peine adulte, ça n’a rien d’anodin. C’est un véritable bond vers l’inconnu. Vers un autre monde. Pour de nombreux Argentins, ce n’est ni plus ni moins qu’une désertion.
« Cela a été une chance pour moi, c’était le début d’une grande carrière », Nestor Combin, à propos de son arrivée en France.
Forcément, il faut un temps d’adaptation au jeune attaquant, bientôt naturalisé français, pour donner la pleine mesure de son talent. À l’époque, l’Olympique Lyonnais n’a rien du club majeur qu’il est devenu. Il se bat plutôt, saison après saison, pour éviter la relégation en D2. Cela n’empêche pas Nestor Combin d’empiler 17 buts en 1960-61. Il en marque de nouveau 17 puis 18 les deux saisons suivantes. Son éclosion, ainsi que celle d’autres joyaux lyonnais, son compère d’attaque Fleury Di Nallo en tête, va peu à peu changer la donne.
Le duo Combin-Di Nallo va alors porter l’OL plus haut qu’il n’est jamais allé jusque-là. Lors de la saison 1962-1963, Lyon finit à la cinquième place du championnat et se hisse en finale de la Coupe de France, malheureusement perdue contre l’AS Monaco (défaite 2-0 après un premier match fini sur le score de 0-0). Lot de consolation pour Combin et les siens : les Monégasques remportant aussi le titre de champion cette année-là, les Lyonnais sont, malgré leur défaite, qualifiés pour la Coupe des Coupes 1963-1964.
Cette saison sera celle de tous les succès, ou presque, pour Nestor Combin. La puissance de sa frappe de balle troue tous les filets de France et d’Europe. Celui que l’on surnomme ainsi « la foudre » se fait, grâce à ses performances, une place chez les Bleus. Avant cela, il remporte d’ailleurs en 1964 le championnat du monde militaire avec l’équipe de France.
Jusqu’aux toutes dernières journées de championnat, l’OL est à la lutte pour le titre de champion de France avant de finir finalement quatrième. En Coupe d’Europe, plus de dix ans avant l’épopée des Verts et dans une période où le football français est habitué aux déconvenues continentales, l’OL porte haut les couleurs tricolores. Vainqueurs des Danois d’Odense au premier tour, les Gones se débarrassent des Grecs de l’Olympiakos en huitième de finale.
En quart, c’est l’exploit majuscule, face aux géants allemands du Hambourg SV. Lyon résiste magnifiquement à l’aller à l’extérieur (1-1). Au retour, Nestor Combin ne laisse à personne d’autre le soin de claquer un doublé pour qualifier les siens (2-0). En demi-finale, il faut un match d’appui remporté par les verts du Sporting Portugal (1-0), après deux nuls (0-0 et 1-1), pour stopper l’aventure lyonnaise. Avec la règle du but à l’extérieur, qui n’existait pas encore à l’époque, l’OL se serait qualifié pour la finale…
C’est finalement celle de la Coupe de France que les Lyonnais parviennent à atteindre en 1963-1964. Mais contrairement à celle de l’année précédente, ce n’est pas la déception qui les attend, mais l’apothéose. Face aux Girondins, Combin marque un nouveau doublé et offre la coupe Charles-Simon aux siens. L’Europe entière a les yeux braqués sur lui.
« On est éliminé en match d’appui en demi-finale de la Coupe des Vainqueurs de Coupe, on gagne la Coupe de France et je marque un doublé, on finit 4e du championnat et je suis champion du monde militaire ». Nestor Combin résume sa formidable saison 1963-64.
Nestor Combin, premier joueur français de l’histoire de la Juventus Turin et de l’AC Milan
C’est la Vieille Dame de la Juventus Turin, monstre du football italien, qui recrute le redoutable attaquant français à prix d’or. Les Bianconeri dépensent en effet 80 millions d’anciens francs, une somme folle à l’époque, pour s’attacher les services de Nestor Combin. Il n’est pas le premier joueur français à évoluer dans le championnat transalpin. Toutefois, le fait qu’un footballeur tricolore joue à l’étranger était extrêmement rare à l’époque, surtout dans un grand club européen, preuve du talent de l’Argentin de naissance. Surtout, bien avant un certain Michel Platini, Combin devient le premier Français à porter la célèbre tunique noire et blanche de la Juventus.
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Mais s’entendant très mal avec son entraîneur, son passage à la Juve tourne court, malgré un succès en Coupe d’Italie 1965. Dès sa deuxième saison, Nestor Combin est prêté à Varese, avant d’être transféré chez le rival turinois du Torino. Il y passe trois saisons, retrouve la confiance et « une famille », d’après lui, pour se relancer vers les sommets. Au passage, il remporte une nouvelle Coupe d’Italie en 1968.
C’est le grand AC Milan qui le recrute alors pour la saison 1969-1970. Il s’agit, ni plus ni moins, de la meilleure équipe d’Europe du moment, puisqu’elle vient de remporter la Coupe des Clubs Champions quelques mois plus tôt. Aux côtés de la légende rossonera Gianni Rivera, Ballon d’Or 1969, Nestor Combin devient le fer de lance de l’attaque milanaise.
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Et le succès est immédiatement au rendez-vous. En tant que vainqueur de la Coupe d’Europe, l’AC Milan dispute la Coupe Intercontinentale 1969 face aux champions d’Amérique du Sud, les Argentins de l’Estudiantes. À l’aller en Italie, Combin marque et le Milan l’emporte aisément 3-0.
Le match retour, en Argentine, est par contre synonyme de véritable calvaire pour Combin. C’est la première fois qu’il revient jouer dans son pays natal. Le public ne lui a toujours pas pardonné son départ pour l’Europe. Considéré comme un déserteur, il vit même l’enfer dans le stade de la Bombonera. Avec ses coéquipiers, il est aspergé de café brûlant au cours de l’échauffement. Puis, pendant le match, il subit de nombreux attentats et coups volontaires. Il est même carrément agressé et termine le match en sang, le nez cassé et la mâchoire fracturée. Défaits 2-1, les Milanais et Combin remportent malgré tout la Coupe Intercontinentale grâce à leur victoire de l’aller.
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La fin de la rencontre n’est pourtant pas synonyme de fin des ennuis argentins pour Nestor Combin. À l’issue de la partie, il est arrêté par la police pour désertion au service militaire argentin. Il faut toute la pression de ses coéquipiers, qui refusent de partir sans lui, pour le tirer d’affaires.
C’est peut-être cet épisode marquant et brutal qui vaut à Nestor Combin, en Italie, le surnom d’Il Selvaggio, le sauvage. Au total, il reste deux saisons à l’AC Milan, scorant quatorze modestes buts en championnat sur cette période. Son passage en Italie reste malgré tout marqué par d’importants succès et des titres que peu de joueurs français, voire aucun, n’avaient remporté avant lui.
Nestor Combin et l’équipe de France, une histoire modeste
Attaquant de classe mondiale, ayant joué pour les plus grands clubs italiens de l’histoire, le parcours de Nestor Combin avec les Bleus sera pourtant plutôt contrarié. Lorsqu’il quitte l’AC Milan en 1971, pour revenir en France, Combin n’est d’ailleurs plus international. Il termine pourtant sa carrière comme il l’a mené depuis ses 18 ans : en marquant des buts à la pelle. Il en inscrit 16, puis 18 pour ses deux saisons passées au FC Metz où il est une vraie star. Puis, ayant rejoint le Red Star pour un dernier défi, il devient à 34 ans le meilleur buteur de la saison de D2, avec 24 buts. Grâce à ses réalisations, le club de Saint-Ouen obtient sa remontée parmi l’élite du football français. C’est au terme de la saison suivante et de 15 nouveaux buts en 31 matchs que Nestor Combin décide alors de raccrocher définitivement ses crampons.
Avec les Bleus, l’histoire commence en avril 1964, durant la période lyonnaise de Combin. Sur ses six premières sélections, « la foudre » claque à quatre reprises ! Il inscrit par exemple un doublé face au Luxembourg en 1965 dans les éliminatoires de la Coupe du Monde 1966.
Qualifiés pour la World Cup anglaise, les Français y ont des ambitions. Combin est titulaire pour l’entrée en matière face au Mexique, qui se solde sur un match nul (1-1). Les Bleus seront toutefois ensuite battus deux fois, contre l’Uruguay puis l’Angleterre. Combin passe ces deux rencontres sur le banc.
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Passé cette compétition terminée dans la déception, Nestor Combin ne sera plus rappelé qu’une seule fois, en 1968, face à la Yougoslavie. Au total, il ne cumule donc que 8 sélections pour 4 buts malgré tout. Si le ratio est loin d’être ridicule, et même si le nombre de matchs joués à l’époque était bien moindre qu’aujourd’hui, ce nombre si faible de sélections interroge. Surtout pour un attaquant de la qualité de Nestor Combin, doté d’une frappe de mule et d’un formidable instinct de buteur.
Attaquant redoutable et efficace devant le but, Nestor Combin est une légende de l’histoire de l’Olympique Lyonnais. Preuve de son talent manifeste ? Le fait qu’il ait attiré l’attention des plus grands clubs italiens, la Juventus et l’AC Milan en tête, avec qui il étoffa son palmarès. Avant lui, rares furent les Français à jouer à l’étranger. Cela fait de Nestor Combin, l’un des meilleurs attaquants de sa génération, un réel précurseur en la matière.
Sources :
- Fiche de Nestor Combin, L’Équipe.fr
- « Combin, sacré phénomène », leprogres.fr
- Fiche de Nestor Combin en équipe de France, fff.fr
- François-Xavier Valentin, « Portrait d’un finisseur hors-pair », redstar.fr
- « Nestor Combin », Football-the-story.com
- Naim Beneddra, « Ces Français qui ont joué pour la Juventus », goal.com
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