Récemment, le Paris Saint-Germain a bousculé une habitude vieille de près de trente ans. Les joueurs entrent sur la pelouse du Parc des Princes au son de Who said I would de Phil Collins. Seulement, sans prévenir, le club a changé le programme pour remplacer le batteur de Genesis par DJ Snake. Et ce, deux matchs d’affilée. Les supporters sont montés au créneau, n’acceptant pas qu’un pan du patrimoine du PSG soit bafoué si précipitamment et DJ Snake a lui aussi fait part de sa surprise quant à ce changement. Une courte péripétie qui illustre la relation qu’entretient le club de la capitale avec la musique. Des tubes aux titres underground en passant par les hymnes des joueurs, plusieurs chansons ont marqué l’histoire du PSG, le club s’en est approprié et d’autres lui ont été consacrées.
Quand les ultras font la culture musicale du club
Le furtif remplacement de Phil Collins par DJ Snake a été présenté par Fabien Allègre, directeur de la diversification du PSG, comme une volonté de promouvoir la production musicale francilienne. Il s’avère alors curieux de choisir un artiste aux plusieurs millions d’abonnés sur les réseaux sociaux pour ce faire. Cependant, cette branche de la direction du club devrait écouter plus attentivement ce qui est chanté dans le tribunes du Parc des Princes. En effet, lorsqu’on évoque les chansons dans le football, il est inévitable de penser aux chants ultras. De nombreux chants sont inspirés de chansons préexistantes. À Paris, il y a notamment Cette chanson capitale reprenant Milord d’Édith Piaf, l’une des figures les plus emblématiques de la culture musicale parisienne à l’international.
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Les deux virages du Parc ont aussi repris Padam Padam de Piaf en remplaçant le mot du refrain par « Paname ». D’autres chansons plus éloignées du folklore francilien ont résonné dans les travées parisiennes : le générique de Capitaine Flam servant à glorifier Raï, l’hymne écossais Flower of Scotland transformé en O ville lumière ou encore Go West des Village People repris en Allez Paris Saint-Germain. Cette dernière est la plus pérenne puisqu’elle est aujourd’hui jouée à la fin des matchs. Elle a également été reprise par les joueurs lors de la saison 2011-2012, la première sous QSI. Dans une version à mi-chemin entre celle des Village People et celle des Pet Shop Boys, Mamadou Sakho et Guillaume Hoarau sont les chefs de fil d’une chorale plus ou moins impliquée mais avec un Carlo Ancelotti enthousiaste, rien que ça…
35 ans plus tôt, un enregistrement du même nom avait déjà eu lieu. Le groupe au nom trivial de Les Parisiens sortait en 1977 Allez Paris Saint-Germain, relativement éloigné du rythme disco des Village People. Ce 45 tours est réédité en 1982 à l’occasion du premier titre remporté par le PSG, la Coupe de France face au Saint-Étienne de Michel Platini.
La variété contribue à l’histoire du PSG
La popularité de plusieurs chanteuses et chanteurs a eu un impact dans la souscription de nombreux donateurs afin de créer le Paris Saint-Germain. En effet, le club est né d’un appel aux dons sur Europe 1 un dimanche de février 1970. Plusieurs bénévoles démarchent alors les Parisiens dans la rue, parmi lesquels Annie Cordy, Mireille Mathieu, Sacha Distel ou encore Enrico Macias. Ce dernier a d’ailleurs joué à plusieurs reprises un rôle important au PSG, d’abord en favorisant la nationalisation de Safet Susic auprès du Président de l’Assemblée Nationale Laurent Fabius, en 1988. Puis, par hasard, en se trouvant dans la même pizzeria que l’équipe première parisienne un soir de décembre 2012 alors que le Paris SG n’est que quatrième de Ligue 1 après une défaite à Nice. Enrico est appelé par Sylvain Armand et Christophe Jallet à chanter à la table des Parisiens. Le chanteur anime la soirée, Ezequiel Lavezzi est aux anges, le PSG gagne 4-0 face à Évian quelques jours plus tard et entame sa course au titre le menant à son troisième titre de champion de France.
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Yannick Noah joue également un rôle important dans la conquête d’un titre parisien. En 1996, sa carrière de tennisman vient de s’achever tandis que celle de chanteur entamée il y a plusieurs années déjà est en plein essor. Le PSG est quant à lui en finale de la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe mais le dialogue est rompu entre les joueurs et l’entraîneur Luis Fernandez. Le président Michel Denisot propose alors à Noah de venir ressouder le groupe parisien. Le chanteur accepte et organise une soirée à Hendaye rien qu’avec les joueurs. Cet événement remobilise les Parisiens et leur permet de pouvoir fêter leur victoire sur le Rapid de Vienne quelques jours plus tard avec une chanson que leur a appris Yannick Noah.
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Les chansons dédiées au Paris Saint-Germain
Des chansons ont ainsi une histoire proche et réciproque avec le PSG, que cela concerne les supporters, les joueurs ou la direction. Cependant, d’autres chansons, sans avoir cette réciprocité, sont dédiées au Paris Saint-Germain. Dans le rock d’abord, le mouvement oi! qui a bien plu au Kop of Boulogne au début des années 1980 a donné naissance au groupe Sherwood Pogo et à leur titre Paris S.G., sorte d’étendard aux hooligans dont certains Porte de Saint-Cloud se revendiquaient.
Toujours dans un sillon punk, les Fatty Shorty Ramone, sorte de copie parodique du mythique groupe new-yorkais, enregistrent une reprise de The KKK took my baby away des Ramones en remplaçant le Ku Klux Klan par le Paris Saint-Germain. Ce qui donne une chanson fidèle et drôle où une femme quitte son amour de vacances pour suivre les joueurs du PSG. Si le club parisien n’est pas forcément à son avantage dans cette chanson, ce n’est rien par rapport à Les Princes du Parc des Fatals Picards où le supporter en prend pour son grade, tant «autiste», «bourrin» que «connard».
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La musique électronique a également fourni des titres inspirés par le Paris SG. Outre la récente polémique qui lie DJ Snake à la musique d’entrée des joueurs, on sait l’auteur de Carte blanche très proche du club et de ses joueurs, étant régulièrement un invité de marque à domicile comme à l’extérieur. Il n’a cependant pas encore enregistré de piste en l’honneur du PSG. Au contraire de Little Mike, membre de Birdy Nam Nam et auteur de l’acide PSG Anthem ponctué de chants de supporters.
Avec plus de subtilité, le groupe parisien Tommy Hools, dont le nom trahit son lien avec les tribunes, cache lui aussi des bribes de l’ambiance du Parc des Princes dans un maxi 4 titres Paris Milan Manchester Barcelone sorti en 1998 et produit par Arnaud Rebotini. Ces différents artistes associent autant leur amour pour le PSG que pour son stade et son ambiance dans leur musique. Cela crée un imaginaire underground parisien auquel les fervents supporters des rouge et bleu du groupe NTM ont adhéré. Une ferveur que le virage Auteuil a partagé avec JoeyStarr puisque ce dernier a eu le droit à son tifo lors d’un classique contre l’OM. Le groupe ultras Authentiks a repris une phrase prononcé par l’éminent rappeur lors d’un concert à Bercy en voyant un spectateur avec un maillot marseillais : «Mets-toi le dans le cul ton maillot, t’es à Paris ici».
De nombreux rappeurs franciliens ont glissé des références au Paris Saint-Germain tout comme les ultras parisiens utilisent des références du rap de leur région jusqu’au récent PSG-Lyon du 19 septembre 2021 où était inscrit sur une banderole «Si je viens cagoulé tu me reconnais ?», une formule piquée à Rohff. Mais en ce qui concerne le rap, il n’y a pas uniquement l’Île de France qui s’inspire du PSG : le rappeur anglais Dave a consacré une chanson à Thiago Silva alors qu’il était le capitaine parisien. Sur la scène de Glastonbury en 2019, Dave souhaite qu’un spectateur le rejoigne sur scène pour chanter le titre avec lui. Il désigne un fan portant le maillot du PSG floqué au nom du Brésilien. Dave ne s’est pas trompé, le jeune homme fait sensation. Quelques semaines plus tard, il est reçu au Parc des Princes pour rencontrer Thiago Silva.
Après la polémique qu’une branche de la direction du Paris Saint-Germain s’est créée toute seule concernant DJ Snake, on observe que le club de la capitale a une identité musicale forte dans laquelle il peut piocher avant de faire des choix sans logique du point de vue des amoureux des rouge et bleu. Des supporters, des joueurs et des artistes ont contribué à une histoire en chansons du Paris SG. Sans bafouer son patrimoine et ses traditions, le PSG pourrait faire le choix d’une chanson à l’ADN parisien pour l’entrée des joueurs à l’échauffement plutôt que de piocher chez Nirvana ou Queen. Et pourquoi pas NTM ?
Sources :
– MINONZIO Pierre-Etienne, Petit manuel musical du football, Le mot et le reste, 2014
– Le PSG, grosse voix et petites chansons, publié le 9 mai 2014 sur francetvinfo.fr
– Le PSG en passe de remplacer Phil Collins, publié le 11 septembre 2021 sur culturepsg.com
Crédit photo : IconSport