Le football basque, marqué par des périodes de défis et de triomphes, occupe une place centrale dans l’histoire du sport espagnol. La guerre civile affecte durablement le football basque dont les clubs finiront par se relever tour à tour. Le Pays Basque est aujourd’hui la région qui compte le plus d’équipes en Liga. Tour d’horizon des différents âges d’or des clubs basques.
L’Athletic Club, pionner du football espagnol
Aujourd’hui, le Pays Basque se distingue comme le principal vivier de talents pour la Roja. Il compte parmi les régions les mieux représentées en Liga. Et il le doit beaucoup à sa locomotive, l’Athletic Club. Club légendaire d’avant-guerre civile, il continuera à l’être dès le début des années 1940. Malgré une politique de la Cantera très stricte, le club remporte un nouveau doublé Coupe-Championnat en 1943. Par la suite, les Rojiblancos remportent deux nouvelles Coupe d’Espagne en 1944 et 1945. Les pensionnaires de Bilbao alignent alors une attaque florissante. Telmo Zarraonaindía marquera même 38 buts lors de la saison 1950-51, un record qui tiendra 60 ans. Il sera finalement battu par Lionel Messi et Cristiano Ronaldo. Cela vous dit quelque chose ?
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Le club de Bilbao remporte trois nouvelles Coupes d’Espagne et un championnat dans les années 1950. Il découvre également la Coupe d’Europe en 1956, uniquement éliminé en quarts par le grand Manchester United. Cependant, l’Atlético Bilbao, alors appelé comme cela en raison de l’imposition du castillan dans tout le pays par Franco, a de plus en plus de mal à concurrencer ses grands rivaux. Le Real Madrid ou le FC Barcelone, par exemple, n’hésitent pas à faire appel à des stars étrangères. Un premier assouplissement de la Cantera intervient alors. L’Atlético Bilbao décide d’étendre la règle d’éligibilité aux grands-parents. Ils ont désormais le droit de recruter des descendants de Basques.
Un parfum de Coupe d’Europe
Les Basques de Bilbao patinent toujours dans les années 60 puis 70 mais plusieurs évènements vont marquer cette décennie. Le premier en décembre 1975, lorsque le drapeau basque (Ikurriña) refait son apparition lors du derby basque entre l’Atlético et la Real Sociedad. Drapeau qui fût jusqu’alors interdit par le régime franquiste, dont le général n’est plus depuis quelques jours. Par la suite, le club réalise sa première belle épopée européenne, en atteignant la finale de la Coupe UEFA, perdue de peu face à la Juventus. Enfin, l’Atlético Bilbao retrouve son nom originel et redevient l’Athletic Club.
La Real Sociedad, un mélange de Cantera et d’ouverture
La Real Sociedad est elle aussi un pionnier, et une locomotive du football basque. Nommée comme ceci en l’honneur du roi Alfonso XIII, amoureux de San Sebastian, la « Real » est un membre fondateur de la Liga en 1929, à l’instar de l’Athletic Club. Les Txuri-urdin vont connaître leur premier âge d’or dans les années 80, avec deux titres en 1981 et 1982. C’est durant cette même période que la Real enregistre son meilleur parcours européen, échouant en demi-finale de Coupe des Clubs Champions 1982/1983 face au futur vainqueur, le Hambourg SV. Une décennie de succès jalonnée par deux deuxièmes places en championnat (1980 et 1988) et une Coupe du Roi en 1987.

Jimmy Hartwig et Alberto Gorriz aux prises lors de cette double confrontation entre le Hambourg SV et la Real Sociedad en 1983.
Cependant, une décision révolutionnaire marque un tournant dans l’histoire de la Real durant cette décennie. Jamais, avant cette date, la Real n’avait recruté un joueur sans origine basque. Lassés d’être les éternels dauphins de l’Athletic Club, les Basques de San Sebastian décident de rompre avec cette politique de la Cantera. Ils recrutent le prolifique attaquant anglo-irlandais John Aldridge, débarqué du grand Liverpool. Malheureusement, l' »adoucissement » de sa politique de recrutement ne portera pas totalement ses fruits et les résultats ne s’amélioreront pas de suite.
Le renouveau venu de Zubieta
Les Txuri-Urdin poirotent dans le ventre mou de la Liga à la fin du 20ème siècle, mais débutent le 21ème avec un quasi-exploit. En effet, le coach français Raynald Denoueix parvient à emmener une bande de jeunes talents insouciants au pied du Graal lors de la saison 2002-2003. Les Xabi Alonso, Darko Kovačević et consorts réalisent une saison historique mais échouent face au Real Madrid dans la quête du titre. Malheureusement, les bleu et blanc ne réussiront pas à rééditer de telles performances après plusieurs départs et chuteront peu à peu dans les méandres du championnat espagnol. Jusqu’à descendre à l’échelon inférieur en 2007…
L’assouplissement de sa politique de recrutement n’éloignera pas tant que ça la Real de sa ligne directrice. Son centre de formation, situé à Zubieta, forme de nombreux jeunes joueurs talentueux. La Real s’appuie dessus et parvient à remonter en 2010. Le jeune prodige français Antoine Griezmann est la figure de proue de cette formation, pur produit de Zubieta. Cette politique de recrutement mêle jeunes pousses du centre de formation, avec des stars en devenir et des joueurs confirmés. Elle installe progressivement les pensionnaires d’Anoeta dans les hautes sphères de la Liga, mais aussi dans les compétitions européennes. Depuis sa remontée, la Real se qualifia 6 fois en Coupe UEFA (Ligue Europa aujourd’hui), mais aussi 2 fois en Ligue des Champions, preuve de la régularité de ce club. Les Basques se payent même le luxe de remporter une Coupe du Roi en 2020, face à son plus grand rival, l’Athletic Club.
Le Deportivo Alavés, un centenaire dans le football basque et une comète en Europe
Le nom du Deportivo Alavés vous dit quelque chose ? Peut-être, pour les plus hipsters d’entres vous dans ce cas. Pour tout dire, ce club basque, basé à Vitoria-Gasteiz, n’est pas le plus stable de tous. Fondé en 1921, il est un habitué de l’ascenseur entre la 1ère et la 2ème division, touchant même parfois les divisions régionales. Issu du cyclisme et de la fusion entre deux petits clubs locaux, le Deportivo Alavès n’est à la base pas destiné à faire partie du paysage professionnel du football espagnol. Pas non plus d’exclusivité basque au niveau des joueurs. Le Sport Friend’s Club est créé en 1920, avant le changement de nom en 1921 pour Deportivo Alavés, le premier nom étant jugé trop britannique. Très peu de coups d’éclats sont à relater pour un club aux ambitions modérées jusqu’aux années 1990.
Leur titre en deuxième division lors de la saison 97/98 leur permet de retrouver l’élite, 40 ans après. La saison suivante, l’équipe parvient à se maintenir pour réaliser son plus grand exploit lors de la saison 99/2000. L’équipe parvient à se qualifier pour la Coupe UEFA, pour la première fois. Et quelle campagne historique ! Les Espagnols se hissent en huitièmes où ils font tomber le grand Inter Milan avant d’enchaîner les exploits, jusqu’à parvenir en finale. Face à Liverpool, Alavés fait plus que rivaliser. De 3-1 à 3-3, puis de 4-3 à 4-4, ils parviennent toujours à recoller au score et arrachent une prolongation. Malheureusement, deux cartons rouges et un but contre leur camp viennent annihiler leurs espoirs de victoire. Goliath aura donc fini par vaincre David cette fois. Quelques descentes et remontées plus tard, le club fait toujours parti du gratin espagnol aujourd’hui.
Le Club Atlético Osasuna, la santé et la force
Osasuna, signifie littéralement « santé » en basque, mélange de force et de vigueur. Un leitmotiv qui définit bien le club basé dans la région de Navarre. Le Club Atlético Osasuna, de son nom complet, c’est un peu l’adversaire contre lequel vous savez que vous allez devoir batailler pour en venir à bout. La encore, pas de joueurs exclusivement basques, mais les valeurs inculquées aux pensionnaires du bouillant et réputé stade d’El Sadar sont guerrières. Tout comme le Deportivo Alavés, Osasuna évolue souvent entre la première et la deuxième division espagnole. Son plus grand accomplissement se déroulera en Coupe d’Europe, lors de la saison 2006/2007. Cette saison n’est d’ailleurs pas leur première expérience européenne.
En 1985/86, les Rojillos accomplirent leur premier exploit en battant le champion écossais les Glasgow Rangers, redoutés en Europe. En 1991/92, ils atteignirent les huitièmes en sortant Stuttgart et Dniepr, mais sont éliminés par l’Ajax après une performance honorable. C’est en 2005/06 qu’Osasuna va créer la surprise. Après l’échec de la qualification via les barrages pour la Ligue des Champions, Osasuna est reversé en Coupe UEFA. Ils parviennent à finir deuxième de leur groupe et éliminent Bordeaux en seizièmes de finale. Comme 20 ans avant, les Ecossais des Rangers sont surpris par une solide équipe basque en huitièmes de finale. Les Rojillos enchaînent un nouvel exploit face à Leverkusen, mais finissent par s’incliner en demis face au futur vainqueur, le FC Séville. Avec la réussite qu’on lui connaîtra dans cette compétition par la suite…

Les supporters d’Osasuna firent le court déplacement vers Bordeaux pour assister à l’exploit de leur équipe en 2007.
Le SD Eibar, un club humain et familier
Coincé entre San Sebastian et Bilbao, Eibar est une petite ville industrielle du Pays Basque. Son club de football, fondé en 1940, n’est pas le plus connu de tous en Europe, ni même en Espagne. Malgré tout, le SD Eibar est un club historique de la deuxième division espagnole, et tend à s’installer en Liga. La première montée de son histoire en Liga date simplement de 2014. Durant la saison 2013/2014, Eibar réussit l’exploit d’atteindre l’élite malgré le plus petit budget de l’antichambre (4 millions d’euros). Il faut dire que la gestion de ce club est rigoureuse, à l’heure où la ligue espagnole, ainsi que les autorités, sont particulièrement attentives aux finances des clubs ibériques. De plus gros clubs se sont déjà cassés les dents sur cet aspect, comme Malaga ou Valence par exemple…
Aucun problème de ce genre pour le SD Eibar, présidé d’une main de maître par Amaia Gorostiza, une femme dirigeante, cas unique en Espagne (et quasiment en Europe). Le club se construit petit à petit depuis ses montées successives de la troisième division à la Liga. Depuis retombé en deuxième division, le SD Eibar continue à faire son bonhomme de chemin et poursuit son développement. Son stade a pu être agrandi pour s’adapter aux normes de la Liga par exemple. Régulièrement, le SD Eibar obtient des augmentations de capital. De quoi voir venir le futur sereinement. Niveau recrutement, le club se penche majoritairement sur des joueurs libres. Il cible également des joueurs partageant l’esprit combattif des Basques. Leur partenariat avec la Real Sociedad est une preuve supplémentaire de son attachement à la région.
À travers les exploits de l’Athletic Club, la résilience de la Real Sociedad, les épopées inattendues d’Alavés et d’Osasuna, ou encore l’ascension exemplaire d’Eibar, le football basque incarne une richesse historique et une identité forte, mêlant traditions locales et ouverture progressive. Cette terre de football continue de faire vibrer l’Espagne entière, portée par des clubs à la fois ancrés dans leurs racines et tournés vers l’avenir. Un patrimoine sportif unique, forgé dans l’effort, la fierté régionale et la passion du jeu.
Sources:
- Anna Carreau, « La Real Sociedad, l’autre club basque qu’affronte le PSG« , RMC Sport
- Julien Desfrene, « Un maillot, une histoire. Les « Txuriurdin » de la Real Sociedad« , Ouest France
- Nostros.com, « Athletic Club Bilbao : un sentiment, une identité«
- Café Crème Sport, « Le Deportivo Alavés, chronique d’un club centenaire«
- Robin Delorme, « Osasuna, les ailes de l’Espagne« , So Foot
Crédits photos : Icon Sport
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