Il est des joueurs qui, à travers un seul geste, marquent une génération toute entière. Un but, un arrêt, un dribble : certains joueurs de football ont réussi à immortaliser certaines de leurs actions les gravant dans la légende. David Trezeguet fait partie de ceux qui ont réalisé cet exploit deux fois. Pour un but en or inespéré à l’Euro 2000, et pour un tir au but raté lors de la Coupe du Monde 2006. Deux moments qui ont défini l’histoire des Bleus lors des vingt dernières années. Pourtant, l’histoire du Roi David est bien plus vaste et enrichie.
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Si l’histoire du Roi commence très certainement à Monaco, celle du jeune David s’est faite bien plus tôt, lors de son enfance et de sa formation en Argentine, avec Platense. C’est là-bas qu’il a pu, à l’âge de 16 ans seulement, découvrir la première division. Titularisé face à Gimnasia après la blessure de Marcelo Espina, attaquant titulaire du club, Trezeguet effectue ses premiers pas dans le grand bain le 12 juin 1994. Pourtant, ce début fut timide et ne lui permet pas de s’imposer dans l’équipe. Il n’effectue que cinq apparitions pour son club cette même année, avant de traverser l’Atlantique. Pourtant, Trezeguet se rappelle de bons moments avec son club formateur. « Platense représente beaucoup pour moi […], le quartier, le centre de formation, mes débuts en Primera. […] Mes années à Platense ont été une base solide et un tremplin pour le reste de ma carrière en Europe. »
Toutefois, l’explosion du Roi s’est faite ailleurs, de l’autre côté de l’océan. Le joueur est attiré par le PSG, qui souhaite s’offrir ses services. Omar Da Fonseca, responsable de l’arrivée de David en France, expliquait à RMC qu’il y avait fait un essai lors de l’été 1995. Un essai qui n’a, pourtant, pas été concluant. « Je n’ai jamais su pourquoi » expliquait Da Fonseca.
C’est finalement l’AS Monaco qui recrutera le prodige venu d’Argentine, réalisant ainsi une opération qui changera le futur du club. Trezeguet ne joue son premier match officiel que le 30 janvier 1996, six mois après son arrivée. Quelques jours après, il effectue ses débuts en championnat, le 7 février. Ensuite, ne faisant pas partie des plans de Tigana, il ne participe que timidement au titre de 1997, avec seulement cinq apparitions. L’année suivante sera celle de son explosion. Très loin d’être un titulaire incontesté, Trezeguet va se faire un chemin vers cette place. Il marque un but lors de sa première titularisation de la saison, face à Cannes, et fait gagner son équipe. Finalement, il marque 18 buts en 27 matchs de championnat cette année-là, dont trois doublés lors du mois de novembre. Il permet également à son équipe de se qualifier en demi-finale de la Ligue des Champions, après son célèbre but chronométré à plus de 163 km/h.
S’ensuit un festival de buts : 12 la saison suivante, puis 22 lors de la saison du septième titre de l’AS Monaco en 1999/2000. C’est sur cette saison de haute facture que David quittera l’AS Monaco pour la Juventus, où il deviendra le Roi.
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De l’avènement du Roi à une fidélité sans pareille
C’est le club qui a le plus marqué la vie de Trezeguet. Resté dix ans chez les bianconeri, il y garde la majorité des souvenirs de sa carrière, bons comme mauvais. Si la carrière de Trezeguet a été particulièrement hétérogène, teintée de hauts et de bas, la Juventus n’y fait pas exception. Arrivé dans un championnat dans lequel le physique peut faire la différence, Trezeguet se met à la musculation. Il découvre un nouveau cadre, celui des entraînements devant des centaines de supporters. Rassuré par Zidane, le franco-argentin s’adapte très vite. Il finit directement meilleur buteur du championnat, avec 14 réalisations. Son arrivée au club est si prometteuse que Filippo Inzaghi, évoluant au même poste, est envoyé à l’AC Milan.
L’année suivante, Trezeguet marque 24 buts en championnat et 8 en Ligue des Champions. Il est à nouveau meilleur buteur de Serie A (ex-aequo avec Hübner), et permet à la Juventus de remporter un titre, le premier depuis trois ans. L’année 2003 sera bien différente. Trezeguet est blessé et ne joue que 17 matchs cette saison, marquant 9 buts. La Juventus parvient toutefois à gagner un nouveau titre, et à se hisser en finale de la Ligue des Champions. Une finale contre un autre cadre italien : l’AC Milan. Celle-ci se finira aux tirs au but, Trezeguet manquera le sien.
« Mon plus grand regret est d’avoir perdu la finale de Champion’s League en 2003 contre le Milan. Je suis arrivé rapidement à 24 ans dans cette finale et, lorsque nous avons perdu, la première chose que j’ai pensé c’est que tôt ou tard ça arriverait de nouveau, mais malheureusement pour notre histoire, cela n’a pas eu lieu » confiait-il à la Itasportpress en 2017.
Un échec qui restera dans la tête de Trezeguet pendant de nombreuses années, considérant ce moment comme « le plus grand regret de sa carrière ».
Trezeguet enchaîne les blessures et les buts. Il ne joue pas beaucoup de matchs (53 en deux saisons), mais marque tout de même à 33 reprises sur cette période. Son association avec Del Piero se passe à merveille, les deux joueurs finissant régulièrement parmi les meilleurs buteurs du championnat. Vient ensuite la saison 2005-2006, après laquelle il prendra la décision la plus importante de sa carrière. La Juventus, à la suite des affaires de matchs truqués de 2005 et 2006, est reléguée en Serie B. L’immense majorité des joueurs décident de partir du club : Ibrahimovic, Thuram, Vieira, Cannavaro, Zambrotta… ils partent vers d’autres équipes aux objectifs plus grands.
Certaines stars, aux multiples offres à travers l’Europe, prennent une décision différente. Nedved, Ballon d’Or 2003, reste. Buffon, Del Piero et Camoranesi, qui viennent d’être sacrés champions du monde, décident de continuer leurs aventures bianconere. Et David Trezeguet en fait de même, devenant automatiquement l’un des joueurs les plus appréciés des fans, le faisant un peu plus entrer dans la légende du club.
« Au début de la saison, on m’avait demandé si j’étais triste de ne pas jouer la Ligue des Champions et j’avais répondu que oui, cela ne me convenait pas. Le droit de jouer la Coupe, je l’avais conquis sur le terrain. Il nous a été retiré pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec le comportement de l’équipe. Pourtant, les journaux ont écrit que Trezeguet voulait jouer la Ligue des Champions et donc qu’il quitterait la Juventus. Cependant, pour moi, même face à une seconde saison sans Europe, c’est le rapport avec mes coéquipiers qui compte, et ils me demandent de rester la saison prochaine. C’est un club avec 106 ans d’histoire, qui ne peut pas être remis en question pour une saison en série B. » Trezeguet à la Gazzetta en 2007.
Dans une autre interview à la Gazzetta, trois ans plus tard, il se confie :
« Je considère la remontée en Serie A comme ma plus belle victoire sous le maillot bianconero, parce que c’était une expérience incroyable. Les tifosi nous ont traités comme des héros parce que nous avons choisi de rester. »
Aujourd’hui, le Roi est considéré comme une légende du club. Sa dernière grande saison se passe en 2007-2008, durant laquelle il marque 20 buts et finit à une longueur du meilleur buteur du championnat, son coéquipier Del Piero. Les deux années suivantes annoncent la fin de son épopée bianconera. Le Français est souvent blessé et ne parvient plus à s’imposer en tant que titulaire. Il quitte finalement le club en août 2010.
Trezeguet est à ce jour le meilleur buteur étranger de l’histoire de la Juventus, avec 171 buts pour le club turinois. Avec Del Piero, ils forment le duo le plus prolifique du club : 354 buts. Un palmarès long comme le bras et d’innombrables histoires. C’est avec le statut de légende du club que Trezeguet quitte la Juventus pour l’Hercules Alicante, équipe espagnole qui vient d’arriver en première division. Trezeguet est aujourd’hui un ambassadeur de la Juventus à travers le monde.
L’amour du football avant tout
Trezeguet vagabonde ensuite, restant une saison chez le promu dont il est le meilleur buteur. Cela ne suffira pas, et le club est relégué. Il va ensuite dans le club émirati d’Abu Dhabi, le Bani Pas SC. Il n’y fait que quatre apparitions et quitte le club après seulement six mois.
Pendant plus d’un an, Trezeguet sera sans contrat. Cependant, le 20 décembre 2011, il prend la décision de retourner en Argentine, son pays formateur. Il s’engage à River Plate, le club qui le faisait vibrer lorsqu’il était jeune. Alors en deuxième division, l’objectif est clair : remonter le plus rapidement possible. Trezeguet devient rapidement un joueur très apprécié du club de Buenos Aires. L’écart de niveau entre lui et les autres joueurs du championnat est immense : il se suffit à lui-même, se débrouille presque seul contre tous, et remplit l’objectif du club.
Trezeguet était un joueur immense, l’un des derniers romantiques. Un commentateur argentin dira même, lors du premier but de Trezeguet à River :
« C’est incroyable. Ce mec a été champion du monde. Il a joué avec Zidane, il a joué avec qui vous voulez… Il a joué avec Del Piero. Mais la joie qu’il a sur son visage, je crois qu’il échangerait tout pour ça, pour ce but. »
Toutes ses plus belles aventures se finissent mal : la Juventus lui fait comprendre qu’elle n’a plus besoin de lui. Sa saison exceptionnelle à l’Herculès Alicante ne suffit pas à maintenir le club. A River, le constat est le même : Fernando Cavenaghi, idole de River et compère de David devant les buts, n’est pas du tout convaincu par Trezeguet. Il se plaint effectivement du Français, qui lui vole le feu des projecteurs. Il agit alors en interne et fait comprendre au club que le Roi n’a pas sa place au Monumental. Pourtant toujours excellent, Trezeguet n’est plus le bienvenue chez les millionarios. Il est alors prêté à Newells où il passe un an, avant de finir sa carrière en Inde pour promouvoir son football, à l’instar de son coéquipier de toujours, Del Piero.
Trezeguet était à part. Il jouait toujours avec un grand sourire sur son visage, célébrait tous ses buts avec le même enthousiasme, profitait des acclamations du public. Il célébrait comme si chaque but était le premier et le dernier, profitait de l’instant comme s’il ne pourrait plus jamais en vivre d’autres. Et pourtant, avec près de 300 buts dans sa carrière, il en a vécu d’innombrables. Emotif comme peu d’autres sur le terrain, il transmettait parfaitement sa passion pour le ballon rond. Il était limité techniquement et faisait pourtant rêver chaque supporter des équipes dans lesquelles il a joué.
Le Roi était un amoureux du football dans sa forme la plus pure, celle qui nous transmet constamment des émotions si fortes qu’elles peuvent dicter nos vies. Presque aucun joueur n’a eu le pouvoir de David, celui de transmettre un amour impérissable. Un amour pour le foot, pour l’Italie, pour l’Argentine et pour la France.
Trezeguet en Bleu : une carrière gâchée ?
Un amour à sens unique, que l’Equipe de France ne lui a jamais rendu. L’attaquant franco-argentin était l’un des plus grands de sa génération et n’a pourtant jamais pu se faire une place en titulaire de l’équipe de France. Roger Lemerre pensait en effet qu’associer Henry et Trezeguet était « un non-sens », Jacques Santini disait « qu’il y avait parfois une seule ombre pour les deux ». Les deux attaquants se marchaient dessus et n’ont jamais pu s’associer en Equipe de France, et c’est Henry qui devint le titulaire incontesté de l’attaque des Bleus.
Pourtant, Trezeguet a toujours rempli son rôle. Avec 32 buts en 31 matchs en équipe jeune, il annonçait de grandes choses. Il a eu le meilleur ratio buts/minutes jouées de l’ère moderne de l’Equipe de France, avec un but toutes les 120 minutes. Il est aujourd’hui le quatrième meilleur buteur de l’histoire des Bleus, avec 34 buts en 74 sélections, seulement 29 titularisations.
Le talent, l’efficacité et la médiatisation de Thierry Henry n’ont pas été les seuls freins à l’explosion de Trezeguet en Equipe de France. « Personne n’estime David plus que moi ! Je sais que nous pouvons jouer ensemble. Nous l’avons souvent fait » disait Henry. Le principal obstacle de David intervient le 12 juillet 2004, à la tête de la sélection tricolore.
En effet, Domenech va très rapidement adopter un style de jeu basé sur la contre-attaque. « En France, on ne parle que de vitesse pour les avant-centres et ça ne fait pas partie de mes qualités », s’est plaint Trezeguet à SoFoot. Dans un tel schéma, Henry lui est préféré. Jugé comme un joueur peu technique et trop dépendant des autres, il ne joue presque pas. Pourtant, Trezeguet était tellement plus. Sa comparaison avec Henry le relèguera au statut de simple renard des surfaces incapable de changer le cours d’un match. Et David encaissait et ne pouvait qu’accepter son sort. Un génie ayant fait de la surface de réparation son terrain de jeu relégué au rang de remplaçant. Capable de rugir de nulle part pour planter un coup de tête rageur et faire trembler les filets, capable de trouver une ouverture même dans les défenses les plus fermées d’Italie, Trezeguet n’a pas eu sa chance en Bleu. Pendant la même période, Trezeguet enchaîne les buts et les réussites avec la Juventus. Le sélectionneur et lui vont se livrer une guerre froide de plusieurs années, remportée par Domenech.
« Ce type est détesté dans le monde entier, le pire c’est qu’il aime ça. En général, quand tu joues le rôle du méchant, tu t’imposes des limites. Domenech, lui n’avait aucune limite. » Trezegol est sans pitié avec son ancien sélectionneur. « Je ne sais même pas quoi penser de lui. Sans doute de la pitié. C’est un homme seul. »
Le 9 juillet 2006 en guise de bataille finale.
« Après mon penalty raté, Maradona est venu me réconforter. On a beaucoup parlé ce soir-là. (…) Le plus grand de tous les temps est venu me réconforter alors que Domenech n’est même pas venu m’adresser un mot. »
Les meilleurs étaient pourtant persuadés du talent de Trezeguet, qui a réussi partout où il est passé. Lippi assure que « Trezeguet a le talent et l’efficacité pour être titulaire dans toutes les équipes du monde. »
Mais la carrière de Trezeguet en tricolore n’a pas été que négative. Bien que teintée de périodes difficiles pour le plus argentin des Français, le Roi a eu ses heures de gloire en Bleu. Le 29 janvier 1998, le joueur s’offre sa première sélection en entrant sur le terrain à la 74ème minute contre l’Espagne, lors de l’inauguration du Stade de France. Quelques mois plus tard, Aimé Jacquet le retient dans sa liste pour la Coupe du Monde. Il y provoquera un penalty transformé par Djorkaeff contre le Danemark et délivrera la passe décisive qui permet à Laurent Blanc de marquer le but de la victoire contre le Paraguay. Contre l’Italie, après le raté de Bixente Lizarazu, Djorkaeff explique qu’il ne peut pas tirer. Il se sentait trop fatigué et son coéquipier était dans les buts. Ce sont donc David Trezeguet et Thierry Henry, 20 ans, qui s’avancent tour à tour et remplissent leur tâche. Nous connaissons la suite.
C’est le 2 juillet 2000 que David Trezeguet donnera sa plus grande contribution à l’Equipe de France. Les Bleus sont menés 1-0 lorsque Trezeguet est envoyé sur le terrain, à la 74ème minute. Alors que tout semble perdu, il dévie le ballon pour Wiltord, rentré à la 54ème, dans les derniers instants. Celui-ci délivre les Bleus, après 93 minutes de souffrance.
Vint ensuite l’un des plus beaux moments de la carrière du Roi. Dans les prolongations, Pirès trouve un centre pour Trezeguet, qui caresse la lucarne d’une demi-volée du gauche.
« C’est un but exceptionnel, plein de beauté. Et c’est le plus important, celui qui donne la victoire à l’équipe. Mon but a marqué l’histoire de façon importante. Mais ce que je ressens à ce moment-là, ce n’est pas évident à exprimer. Ça a été quelque chose de vraiment fort, de fantastique. Le temps passe et on me parle toujours de ce but. C’est une fierté énorme. C’était mon destin. » confie-t-il à France Football.
Ce soir-là, Trezeguet a délivré des millions de Français accrochés à leurs sièges, leur offrant un souvenir inoubliable.
« Avec le recul, c’est le but le plus important et le plus beau de ma carrière, celui qui me vaut encore la reconnaissance des gens aujourd’hui »
David Trezeguet était un grand. Immense figure de la Juventus en étant son joueur étranger le plus prolifique, joueur iconique de l’équipe de France malgré de nombreux désaccords avec son dernier sélectionneur. Il a sans l’ombre d’un doute marqué l’histoire du football européen, et ses années à River Plate ont fait de lui un joueur adulé en Argentine, son pays de toujours. Malgré une carrière loin d’être banale, Trezeguet a marqué le ballon rond de l’empreinte de ses crampons dorés. Renard des surfaces et joueur élégant certes, le Roi était surtout profondément amoureux du football. Dans une ère où le romantisme ne cesse de tarir, il est bon de se remémorer son passage sur les rectangles verts.
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Sources :
- David Trezeguet et Florent Torchut, Bleu Ciel, Hugo Sport, 2016
- Marco & Mauro La Villa, Gianluigi Buffon, Lapo Elkann, The Juventus Story: Black and White Stripes, Rizzoli, 2016
- « Equipe de France : Giroud et Trezeguet, deux manières de réussir sa vie en Bleu », Eurosport
- « Mais qui a tué David Trezeguet en Equipe de France ? », Franceinfo
- « Trezeguet, l’élégance du maraudeur », Le Monde
- « Le Mondial 98 du « Nouvel Obs » : Trezeguet et Henry, les « deux petits jeunots » des Bleus », L’Obs
- « David Trezeguet, une vie en noir et blanc. Et en bleu. », SoFoot
- « Le Roi David », SoFoot
- « Trezeguet raconte son but contre l’Italie en finale de l’Euro 2000 », SoFoot
- « The second tier odysseys of David Trezeguet at Juventus and River Plate », These Football Times
Crédit photos : IconSport