Thomas Dossevi a connu tous les échelons professionnels français avec à la clef, trois montées avec trois clubs différents. Plus marquant encore, il est de ceux qui ont emmené l’équipe du Togo à une Coupe du Monde, en 2006 ; la seule de son histoire. De Châteauroux à la sélection des Eperviers en passant par Nantes, Swindon Town et la Thaïlande, rencontre avec Thomas Dossevi.
C’est une sacré part d’histoire que tu as écrite en participant à la seule Coupe du Monde de l’histoire du Togo…
L’équipe nationale, ça m’a permis de construire ma carrière, ça m’a étoffé, ça m’a forgé ! J’ai pris la décision, à 21 ans, d’aller en équipe nationale, ce qui est très tôt. Même si je suis né en France, j’avais un attachement pour le Togo, et le plaisir que je ressentais à y aller venait déjà du fait de connaître mon pays d’origine et en plus de voyager, à travers les matchs de sélection, pendant 10 ans. J’ai eu la chance de faire des matchs internationaux, de faire une Coupe du Monde, de côtoyer beaucoup de joueurs talentueux, à commencer par Adebayor…
Toi qui as grandi avec un contexte familial très sportif, ça fait de toi le combientième international togolais de ta famille ? Et bien je suis le premier ! On est une famille de sportifs, c’est vrai, mais mon père, qui jouait au Tours FC au moment où il a reçu la sélection, n’a pas eu l’autorisation de son club pour partir en équipe nationale donc il n’a pas pu être international togolais bien qu’il ait été sélectionné.
Est-ce qu’à un moment, au début de ton parcours, tu as eu des rêves d’équipe de France ?
Je suis quelqu’un de très terre à terre, il faut être clair : j’ai vite été lucide sur le fait de ne pas pouvoir atteindre l’équipe de France. Tout joueur en rêve, forcément, quand on est en France, mais au moment où le Togo m’appelle, à 21 ans, j’étais à Châteauroux, prêté à Valenciennes en National, et quand on voit ce qu’il y a en face… ce sont des générations de Djibril Cissé, Thierry Henry… on est sur des attaquants de grande classe ! Il faut remettre les choses en place, j’ai pas les qualités de ces gens-là. J’étais bon, mais j’étais pas assez bon pour atteindre l’équipe de France. Donc, logiquement, quand on m’a appelé pour rejoindre l’équipe nationale du Togo, j’ai couru. J’étais content d’y aller.
Tu as été formé à Tours puis à Châteauroux. Comment s’y passait la formation, à cette époque ?
J’ai fait mon premier match professionnel avec Christian Letard à Tours à 16 ans et demi, donc j’étais assez précoce. J’avais été surclassé plusieurs années en U17 Nationaux, ce qui m’a permis de jouer contre des grosses équipes. Le souci, c’est que le Tours FC est descendu en National et moi, pour finir ma formation, je suis parti à Châteauroux . Mais je ne remercierai jamais assez Christian Letard de m’avoir permis de faire mon premier match en équipe première à 16 ans et demi.
À ce moment, en tant qu’adolescent avec des rêves pleins la tête et cette précocité dont tu nous parles, comment visualises-tu ta carrière internationale?
Je commence à Tours donc, en jeunes, j’y pense pas trop. À Châteauroux, là, je signe mon premier contrat professionnel, et je suis prêté à Valence. À partir de là, je reviens à Châteauroux et, là, il y a des demandes. Je fais deux années et je décide de partir au Stade de Reims, où je fais une montée et, là, j’ai été sélectionné par l’équipe nationale. Pour moi, ma carrière est là aussi grâce au fait d’étoffer mon jeu en équipe nationale. En Afrique, on doit plus protéger le ballon, se gainer, il y a plus de jeu de corps. Ça, ça m’a fait évoluer.
Quelle est l’histoire du Togo en CAN ?
On ne va pas se mentir, on est sur une présence régulière, certes, mais sans vraiment s’en sortir. On va peu en phase finale, il faut être clair, mais on a eu une génération homogène qui nous a permis d’aller au Mondial en 2006. Avant, les équipes elles n’étaient pas assez fortes mais on en parle régulièrement avec mon frère (Mathieu Dossevi, aujourd’hui au Denizlispor, ndlr) : ils ont une génération qui est aujourd’hui plus talentueuse que nous. Certains jouent au très haut niveau mais en ce qui concerne la CAN, ils n’ont pas pu aller plus loin que nous. Si on regarde intrinsèquement l’effectif qui va à la Coupe du Monde 2006, ce ne sont pas de grands joueurs mais c’était bien plus homogène.
Après tes premières sélections, tu as un passage à vide en 2003-2004. Comment tu l’expliques ? Par les changements de sélectionneurs ?
On souffrait d’un manque de stabilité, c’est clair. J’ai été peu sélectionné par le sélectionneur nigérian, Stephen Keshi, il me prenait de temps en temps mais je n’étais pas un premier choix. On avait eu une discussion par rapport à ça ! Je lui avais dit que s’il me prenait pour me faire rentrer ou pas jouer, je préférais me consacrer à mon club. Faire 10 heures de vol pour ne pas jouer, c’est dur. Je respecte hein ! Mais je préférais me consacrer à mon club.
Juste avant Stephen Keshi, tu as aussi eu affaire à Antônio Dumas comme sélectionneur …
Avec lui il y a eu une grosse campagne de naturalisation de Brésiliens, c’était compliqué… Je ne sais même pas si j’ai joué un match avec lui. Je respectais l’homme et l’équipe nationale, je n’avais aucun problème avec lui mais ils naturalisent 13 ou 14 joueurs. Je veux pas faire de polémique mais je pense qu’ils n’avaient pas de liens avec le Togo, le coach les aimait juste bien.
Ça pose pas mal de questions sur la suite, c’est propre aux équipes africaines d’avoir des joueurs locaux, des joueurs post-formés en Europe, d’autres qui ont passé peu de temps au pays, des naturalisés… Comment on trouve un équilibre, notamment au Togo ?
Déjà, j’étais l’un des premiers métis de l’équipe nationale, ensuite il y aura Alaixys Romao. Les Brésiliens c’était de la naturalisation à l’excès et je n’ai aucun papier pour juger tout ça et savoir s’ils ont vraiment de la famille togolaise, ce n’est pas de mon ressort. Aujourd’hui il y a beaucoup plus d’expatriés et de naturalisés qui viennent d’Europe et on demande une preuve qu’un des parents ou grand-parents est Togolais d’origine. À partir de là on remonte et on obtient une affiliation. Eux, ce sont leurs parents souvent qui ont émigré, c’est mon cas. Mon père est arrivé en France à l’âge de 13 ans donc je suis officiellement franco-togolais.
Dans quelle optique êtes-vous au début des qualifications pour la Coupe du Monde 2006, que vous entamez par une défaite contre la Zambie ?
Nous, à ce moment-là, on est le petit poucet. On prend les matchs les uns après les autres, et le but c’est de revenir sur chaque équipe, de raccrocher au classement, petit à petit. Et c’est ce qui se passe, alors qu’on a un groupe très étoffé, un groupe vraiment fou avec le Sénégal, le Mali, le Congo… Nous, honnêtement, on est là, et on se dit “bon, on joue notre coup à fond”. Au fur et à mesure qu’on avance dans les matchs, on se rend bien compte qu’on a une solidité défensive intéressante et qu’offensivement on peut marquer à tout moment. Sur les matchs retours, on commence à prendre confiance.
À quel moment est-ce que vous prenez la mesure de votre exploit ?
Au moment où on rentre dans le pays, on voit une marée humaine. Depuis le bus, c’était comme si on passait les Champs-Elysée avec le bus des Français. Les gens étaient trop heureux de la qualification.
Ça a aidé, dans les moments où il faut réaliser l’exploit, d’avoir quelqu’un comme Adebayor qui a une expérience bien plus grande que celle des autres joueurs du groupe ?
Franchement, il était à l’apogée de son art, donc il accaparait deux ou trois joueurs, il était pratiquement au même niveau qu’un Samuel Eto’o. Seulement, quand on jouait le Cameroun, ils avaient 4 ou 5 joueurs du même niveau, donc c’était plus difficile. Eux, leurs individualités représentaient 50% de l’équipe, nous on n’avait que 2 ou 3 joueurs de haut niveau. Le fait qu’Adebayor occupe 2 ou 3 joueurs à lui tout seul, ça a été notre force, en plus il dégageait cette sérénité et ce calme en équipe nationale qui faisaient qu’il était au-dessus.
La spécificité du calendrier africain, c’est qu’entre la qualification à la Coupe du Monde et la Coupe du Monde, il y a une CAN qui se déroule en janvier et qui ne se passe pas très bien pour vous, qui n’honorez pas votre étiquette de “mondialiste”… D’ailleurs, est-ce que tu y étais ? En tant que joueur européen, la CAN en hiver était un sacré sacrifice.
Ce qui est le plus difficile, pour être clair, en tant que joueur d’équipe nationale, c’est de faire les qualifications. Toutes les vacances de footballeur professionnel se passent en mai ou en juin, et à ce moment-là, en Afrique, il y a les qualifications. Les joueurs africains, on n’a pas de vacances, et il faut demander une dérogation au club pour pouvoir reprendre 10 ou 15 jours plus tard, pour pouvoir récupérer, parce qu’on a joué 2 ou 3 matchs de qualification pendant que les autres étaient en vacances.
Après, pour partir en janvier, il faut s’arranger avec le club. Pour eux, ça peut être un plus, parce que le joueur s’expose et peut faire monter sa valeur, comme ça peut être un moins, parce qu’il rate des matchs. Surtout en Ligue 2, où rien ne s’arrête, mais même en Ligue 1, rien n’est adapté pour les qualifications ni même pour la CAN. En janvier, quand je partais, je pouvais rater 7 à 8 matchs, entre la Coupe de France, la Coupe de la Ligue et le championnat. Donc c’est sûr que c’est handicapant pour un club qui continue de payer un joueur alors que le joueur est parti.
Mais de toute façon, on ne peut pas contraindre un joueur à ne pas aller en sélection, il faut un arrangement entre l’équipe nationale et le club pour que le joueur n’y aille pas. Donc moi, si je suis appelé, j’y vais. Quoi qu’il arrive, si le joueur refuse d’y aller sans s’être entendu avec l’équipe nationale, il est suspendu, donc c’est vraiment inutile d’essayer d’aller à l’encontre de ça.
Tu étais donc à cette CAN, qui se solde par 3 matchs, 3 défaites en phase de groupes… ça a dû être dur pour le moral, à 5 mois de la Coupe du Monde ? Est-ce qu’il y a une peur qui s’installe, de sortir les mêmes prestations face à de meilleurs adversaires, et sous les yeux du monde entier ?
Disons que ça nous a permis de nous étalonner un peu, mais bon voilà, la CAN a été ratée… ça a permis justement d’opérer un renouvellement par rapport à certains joueurs qui pensaient qu’ils avaient le niveau, mais aussi par rapport à d’autres qui pensaient à tort qu’ils ne l’avaient pas. Il y a donc eu du changement entre le CAN et la Coupe du Monde, avec l’arrivée d’Otto Pfister, ça a été différent et je crois que ça a permis de faire une Coupe du Monde avec plus de poigne, malgré les trois matchs perdus. En Allemagne, on n’a pas été ridicules comme à la CAN.
Il y a eu des problèmes de primes, durant cette CAN, non ?
Il y a eu des problèmes de prime à pratiquement tous les rassemblements. Comme il y a toujours beaucoup de changements au niveau des présidents et des comités, il y a toujours des problèmes. C’est inéluctable. Dans tous les pays d’Afrique, il y a toujours eu ça.
Entre ça, et le fait que vous entamez les qualifications avec un entraîneur brésilien, vous vous qualifiez avec un Nigérian pour finalement aller à la Coupe du Monde dirigé par un Allemand, qui avait menacé de démissionner à quelques jours de la compétition avant de se raviser, c’est pas la préparation idéale pour une Coupe du Monde, si ?
Exact. Si ça a joué ? Oui, clairement. Pour réussir, il faut de la stabilité, et quand on montre autant d’instabilité, on ne peut pas avoir la quintessence d’une équipe et tirer le meilleur de chaque joueur. Peut-être qu’on aurait pu faire un petit peu mieux, sur certains matchs, notamment sur la Corée ou contre la Suisse. Mais bon, il ne faut pas avoir de regrets, c’est vrai que les pays africains ont toujours ces problèmes-là, mais c’est comme ça. Le Togo n’est pas la seule nation à avoir ces problèmes de primes ou d’instabilité.
Comment avez-vous accueilli le tirage ? Il y avait dans l’équipe beaucoup de joueurs qui jouaient ou qui avaient joué en France ainsi que quelques joueurs comme Mohamed Kader passés par la Suisse. Il y avait ce côté de jouer contre des têtes familières ?
Ah bah oui ! Là… J’ai joué contre la France, j’ai eu la chance de jouer un quart d’heure, c’était top. C’est quelque chose qui reste. C’est le match dont on me parle le plus, en France on ne me parle que de ce match-là, alors que moi j’ai préféré jouer titulaire contre la Suisse, personnellement. Après, c’est vrai qu’on me parle souvent de la France, qu’on me demande si j’ai joué contre Zidane alors qu’il était suspendu… Les gens font l’anecdote, à chaque fois je sais qu’on va mentionner la France et juste après Zidane, j’ai ma réponse déjà programmée.
Les comptes-rendus du match contre la Suisse parlent encore d’une occasion ratée, en fin de première mi-temps. C’est un regret qui te reste ?
J’ai un regret, oui, parce que cette action-là, je dois contrôler, et aller sur mon pied gauche, prendre le temps pour frapper, mais je me précipite. Du coup, je fais une reprise de volée pas du tout maîtrisée, et franchement j’en ai mal dormi. Quand je revois cette action, je me dis vraiment qu’en tant que professionnel, j’aurais dû ajuster parce que j’étais dans une bonne position. Avec l’émotion du match, on crée un geste qui n’est pas le bon. J’aurais pu, peut-être, faire autre chose que cette frappe trop centrée.
Ce match s’était joué à Gelsenkirchen, dans l’après-midi, si bien qu’il y avait eu à peu près 60000 Suisses dans le stade, c’est ça ?
Le stade était rouge ! C’est simple, on était chez eux. On n’a pas été ridicule, quoi qu’il arrive, mais le stade était blindé de Suisses.
Comment a été accueilli votre performance allemande, au Togo ?
On a été reçus, respectés, on n’est pas rentrés au panthéon mais on fait partie des équipes qui vont être retenues… On est la seule équipe qui a participé à la Coupe du Monde ! Je rappelle qu’on n’était pas l’équipe la plus talentueuse, mais on était une équipe assez soudée, on respectait beaucoup les anciens. On était une équipe assez rugueuse, très très dure, une équipe plutôt vaillante, avec de la vitesse et de la puissante. En somme, on était vraiment dans le thème d’une équipe africaine, sur le côté physique.
On a vraiment eu un super accueil au retour, malgré les trois défaites. On a représenté le Togo au plus haut niveau.
C’est le plus beau souvenir de ta carrière, cette Coupe du Monde, ou il y a eu plus marquant ?
Ça fait clairement partie de mes plus beaux souvenirs, après les gros souvenirs que j’ai en tant que footballeur c’est les trois montées avec le Stade de Reims, Valenciennes et le FC Nantes. Les montées, c’est quand même quelque chose de très positif et de très dur à accomplir, parce qu’une montée c’est un marathon. Il faut enchaîner les victoires, tenir le coup, assumer la pression… aller tout le temps jouer le match chez une équipe plus basse en embuscade, qui aura toujours envie de battre l’équipe plus forte. J’ai eu cette expérience de faire une montée avec le Stade de Reims, refaire une montée avec Valenciennes, et partir au FC Nantes pour refaire le coup et ramener le club en Ligue 1.
Ce sont des bons souvenirs, après la Coupe du Monde, c’est quelque chose qu’on n’oublie jamais. Quand on vient me charrier, sur des détails, parfois je demande “bon, les gars, combien de personnes ici ont fait une Coupe du Monde?”, et face au silence je réalise à quel point ils n’ont plus rien à dire. C’est mon argument ultime ! (il rit)
Un de tes matchs références en équipe nationale, c’est la victoire 1-0 face au Cameroun de Samuel Eto’o, où ton centre pour Adebayor contribue à une victoire de prestige. C’est comment, d’affronter Samuel Eto’o ?
J’avais une consigne, surtout, de ne pas le laisser passer, parce qu’il dézonait dans ma zone. J’ai été vraiment très très rugueux avec lui. Je jouais milieu offensif droit à ce moment-là, et il dézonait à gauche parce qu’il savait que nos défenseurs centraux étaient vraiment très rugueux, très durs. Il est malin, il sait qu’il ne doit pas être dans le feu croisé des deux défenseurs centraux, il sait qu’il risque de se blesser, donc pour prendre de la vitesse il vient dans ma zone défensive. Je jouais comme un défenseur, en lui rentrant dedans, et il devait me regarder en se demandant “mais qu’est-ce que c’est que ce joueur ?” J’en étais rendu à ça, quand un joueur est tellement fort, on est des fois obligés de mettre un peu des coups pour l’obliger à être à 100%. J’avais cette consigne d’être tout de suite devant lui dès qu’il venait dans ma zone, et je lui ai fait quand même beaucoup de fautes.
Malheureusement, ton histoire avec l’équipe nationale, c’est le moment le plus glorieux de la sélection togolaise avec la participation à la Coupe du Monde, mais aussi le moment le plus tragique, avec l’attentat au Cabinda sur le bus de votre équipe qui se rendait à la CAN en Angola. Comment est-ce que tu l’as vécu, personnellement ? Tu as hésité à retourner en équipe nationale ?
C’était une tragédie, ça a été horrible. J’ai eu 10 jours très compliqués, après l’attentat, où j’étais très tourné sur moi-même. Je n’avais pas vraiment envie de voir du monde, pas vraiment envie de parler. Ma famille n’était pas pour que je revienne en équipe nationale, mais je m’étais dit que je devais quelque chose à mon pays, et que je devais retourner en équipe nationale pour la mémoire des trois personnes décédées. Ça ne m’a pas empêché de refaire des matchs, mais c’est clair que c’était un moment très compliqué. On ne comprend pas trop ce qui nous arrive, au moment où on passe cette frontière de Cabinda. On a eu, entre guillemets, de la chance, parce que ça aurait pu être très très grave, avec plus de morts. On rend grâce à Dieu d’être encore en vie, et l’important, maintenant, c’est de commémorer et de se dire “plus jamais”.
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Le groupe rebelle qui s’est rendu coupable de l’embuscade avait envoyé un message de “menace” à la CAF pour prévenir de leurs intentions si des équipes passaient dans cette zone contestée qu’est le Cabinda. Vous étiez au courant de cela?
On a su après, qu’il fallait venir dans le pays par avion. Notre fédération s’est retranchée derrière le fait que notre préparation s’était faite au Congo, à 70 km de Cabinda et du site où on avait nos matchs de CAN. C’était une erreur. Même depuis le Congo, même juste pour 70 ou 100 km, on aurait dû prendre l’avion, pour atterrir directement sur le site, en sécurité.
Dans ce genre de moment, après le traumatisme, c’est tentant d’aller pointer du doigt les responsables ? Il y a eu une enquête qui a été faite. Je pense que l’organisation de la CAN avait mentionné le fait de venir en avion, c’est la Fédération togolaise qui a pris la décision de prendre le bus. Voilà, moi, j’ai pas plus d’infos par rapport à ça, je sais juste qu’il y a une enquête qui a été diligentée sérieusement, dont je ne connais pas les tenants et aboutissants.
Est-ce que certains de tes coéquipiers n’ont pas réussi à faire, comme toi, le choix de revenir ? Est-ce que l’effectif a beaucoup changé ou est-ce que, au contraire, une cohésion d’équipe s’est créée autour de ça ?
Il y a eu un peu de changement. Il y a des joueurs qui ont pris beaucoup plus de temps, moi j’ai dû mettre un mois, un mois et demi, deux mois… certains ont mis six mois. Ils voulaient prendre du recul.
Encore un petit mot sur ta carrière en club : tu as vécu un double changement de carrière, puisque tu es parti jouer pour les Robins de Swindon Town, en Angleterre, puis en Thaïlande. Tu y étais un des pionniers, puisque le fait de partir dans des championnats exotiques s’est normalisé, mais en 2012 vous ne deviez pas être nombreux à partir là-bas. Comment as-tu vécu ces expériences ?
J’avais toujours rêvé de partir en Angleterre, ça faisait longtemps qu’on me disait que j’étais fait pour l’Angleterre. Je suis parti un peu tard. J’aurais voulu jouer en Championship, j’ai joué en League One. J’ai fait un match d’essai, sur lequel j’étais vraiment chaud, j’ai mis un doublé contre Nottingham Forest, et j’aurais pu avoir l’opportunité de faire un essai pour Nottingham Forest, alors qu’il restait peut-être une semaine avant la fin du mercato, mais le club de Swindon Town me proposait un bon contrat. Après le FC Nantes, j’étais à l’UNFP, donc j’étais au chômage, à ce moment-là j’ai choisi la sécurité, mais en mon for intérieur j’avais vraiment envie de jouer en Championship, et j’avais le niveau pour. J’ai signé à Swindon Town notamment parce qu’ils venaient de faire les play-offs pour la montée, ils avaient perdu à Wembley. Donc je pensais signer dans une équipe qui jouait le haut de tableau, et finalement on est descendus. En plus de ça, je fais une saison plutôt moyenne, donc c’est difficile de retrouver un club. J’ai un appel de Geoffrey Doumeng avec qui j’avais joué à Valenciennes, qui est parti en Thaïlande et qui me dit que le club cherche un joueur costaud rapide puissant, dans mon profil, avec de l’expérience. Je suis parti à l’essai, et j’ai signé là-bas.
C’est vrai, ce qu’on dit, sur la ferveur en Angleterre ?
J’ai adoré. C’est professionnel, en troisième division on joue devant 12 000 spectateurs en moyenne… 12 000 spectateurs, c’est une moyenne de Ligue 1 en France. En Ligue 2, on doit être à 3000 ou 4000, encore moins depuis que Lens est remonté. J’étais vraiment super content de jouer devant 10 000 à 12 000 à Swindon, c’est vraiment des ambiances incroyables. J’ai aimé être dans ce club, j’ai aimé jouer pour Swindon, mais ce qui est dommage c’est que j’y suis peut-être allé un petit peu tard. J’avais 32 ans, et j’aurais pu avoir plus d’engouement si j’avais signé en Championship.
Et en Thaïlande ?
Beaucoup d’ambiance, aussi, on joue devant en moyenne 7000 ou 8000 spectateurs. Moi j’étais dans un très bon club, Chonburi, on jouait la Coupe d’Asie, un club sérieux. La Thaïlande, c’est l’expérience d’une philosophie différente. C’est un choix de fin de carrière, qui m’a permis de voir autre chose, d’étoffer ma carrière. J’aurai connu l’Angleterre, j’aurai connu l’Asie.
Et aujourd’hui, qu’est-ce que tu fais ?
Je viens de passer une certification pour être personal trainer, ça fait deux mois maintenant. J’avais passé mon brevet d’Etat au niveau foot quand j’étais entraîneur adjoint à Boulogne, l’année dernière avec Laurent Guyot, et cause COVID, on a arrêté notre collaboration sur un soucis budgétaire du club. Du coup, moi qui ai toujours fait attention à mon physique et toujours eu envie de transmettre ma passion pour l’entretien physique, je suis devenu personal trainer.
Vous pouvez retrouver le site de personal training de Thomas Dossevi en cliquant ici.
Propos recueillis par Jonathan Tunik et Thomas Rodriguez