Quand le calendrier de son équipe est annoncé, un fan anglais regarde en priorité deux choses : la date du derby et la formation que son club affrontera lors du Boxing Day. Cette tradition anglaise semble être aussi vieille que l’invention du football, et chère à tous les fans de Premier League. Revenons ensemble sur les origines de cette fête populaire et sur quelques grands moments qui ont écrit sa légende.
Tout d’abord, le Boxing Day ne concerne pas simplement le football ou même le sport en général. Aussi appelé “jour après noël”, puisqu’il a lieu le 26 décembre, il s’agit d’un jour férié pour de nombreux pays anglo-saxons. Le Boxing Day est maintenant comparé au Black Friday américain car les Britanniques se ruent dans les magasins pour profiter d’énormes soldes. L’origine de cette fête est assez incertaine. Elle serait, selon certains, d’ordre religieux et en lien avec des oeuvres de charité. D’autres pensent que ces boîtes, boxing day voulant littéralement dire « jour des boîtes », étaient données aux servantes des familles bourgeoises. Après Noël, elles étaient autorisées à retourner chez elles, emportant les restes du repas de fête. Il existe encore d’autres théories mais aucune ne fait l’unanimité.
A l’origine du premier derby
La première trace d’un match de football un 26 décembre remonte à 1860. Il s’agit d’un match d’autant plus symbolique car cette rencontre constitue le premier derby de l’histoire du football. Ce jour-là, le FC Sheffield affrontait son voisin de quelques centaines de mètres, le Hallam FC, dans un match à l’époque qui se jouait à 16 contre 16. Score final 2-0. Le club de Sheffield FC peut se targuer d’avoir remporté à la fois le premier derby de l’histoire ainsi que le premier match du Boxing Day.
La première édition du championnat d’Angleterre, en 1888-1889, incluait déjà des matchs le 26 décembre. Preston North End a battu Derby County 5-0 dans ce qui demeurera pour toujours le premier match officiel du Boxing Day. A cette époque, les équipes enchainaient même deux matchs en deux jours, puisqu’elles jouaient aussi le jour de Noël. Cela donnait lieu à des situation impensable aujourd’hui. En 1913, Liverpool a reçu et battu Manchester City le jour de Noël, a perdu le match retour le lendemain et a fait 3-3 contre Blackburn le surlendemain à Anfield. Cette tradition d’enchainer les rencontres s’est perdue quand les employés des transports en communs ont obtenu le droit de ne pas travailler le 25 décembre au terme d’une grève. Etant donné que la présence des spectateurs au stade n’était plus assurée, les décideurs ont décidé de ne plus jouer le 25 décembre et de laisser toute la lumière au Boxing Day.
Aujourd’hui, les équipes de divisions inférieures jouent aussi lors de ce jour férié. Il s’agit d’une date sacrée pour les spectateurs, pouvant passer leur gueule de bois du repas de Noël au bord des pelouses dans une ambiance toujours assurée. La tradition veut même que les spectateurs se rendent au stade déguisés, ou au moins avec un bonnet de Noël. Les équipes affrontent la plupart du temps un club géographiquement proche, pour limiter les trop grands déplacements en ce jour et s’assurer que les stades soient remplis. Ainsi, les équipes londoniennes s’affrontent souvent entre-elles.
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Une tradition exclusive au Royaume-Uni ?
Pourquoi les Britanniques sont-ils les seuls à jouer pendant les vacances de Noël ? Il parait évident qu’il s’agit d’une vieille tradition, mais celle-ci aurait pu contaminé les pays voisins. Si la passion des anglais pour le football s’est très vite propagée en Europe et dans le monde entier via les ports, pourquoi le fait de jouer le 25 ou 26 décembre n’a pas déclenché la même folie. On pourrait premièrement citer l’absence de sport d’hiver en Angleterre comme raison principale. Au mois de décembre, les français ou allemands peuvent pratiquer d’autres sports, grâce à la présence de montagnes. Peut être que la religion, et donc l’impossibilité de jouer au football un 25 décembre pour certains, est une autre raison. Mais la cause principale est surement la singularité des anglais et leur volonté de ne rien faire comme les autres. Un écrivain allemand, Raphael Honigstein, illustre cette particularité avec une blague racontée dans son pays à propos des Anglais : « Un type conduit sur l’autoroute dans le mauvais sens. Il écoute la radio et entend : « Faites attention, quelqu’un conduit dans le mauvais sens ». Il se dit à lui-même, « comment ça quelqu’un, il sont des milliers ! »
Quand les fédérations exigent une trêve hivernale afin que les joueurs se ressourcent et reviennent en forme en janvier, les Britanniques préfèrent continuer à jouer, quitte à le regretter plus tard. Le Boxing Day est vivement critiqué par les managers étrangers, qui ne comprennent pas cette tradition. Selon eux, les équipes se fatiguent trop et ce manque de repos est un gros désavantage pour les clubs anglais sur la scène européenne. Les Italiens se sont aussi essayés au plaisir de jouer après Noël à partir de 2017. Cette expérience n’a pas été un succès puisque depuis 2019 elle n’est plus reconduite. Les raisons : une mauvaise audience à la télévision et une faible fréquentation des stades, bien loin de la fête populaire anglaise. La passion des supporters pour le Boxing Day semble donc être ancrée dans la culture.
Une déferlante de buts
Qui dit Boxing Day dit forcément matchs fous. Les joueurs enchaînent les matchs et sont pour la plupart exténués. Pour certains, les fêtes de Noël ont laissé des traces et cela se ressent sur le terrain. Alors, les matchs sont plus spectaculaires et on assiste à une avalanche de buts. C’était le cas notamment en 1963, quand le chiffre ahurissant de 66 buts ont été inscrits lors de cette journée. On peut noter la victoire 10-1 de Fulham face à Ipswich ou bien la victoire 8-2 des Blackburn Rovers face aux Hammers de West Ham.
Certains matchs sont restés dans la légende comme l’opposition entre Chelsea et Aston Villa en 2007. Score final 4-4. Alors que Ballack pensait offrir la victoire aux Blues à la 88e minute, les Villans obtiennent un penalty au bout du temps additionnel sur une main volontaire d’Ashley Cole pour repartir avec le point du nul. Lors de sa dernière saison sur le banc mancunien, Sir Alex Ferguson a lui aussi connu un scénario fou. Menés par trois fois face à Newcastle, ses joueurs vont trouver la force nécessaire pour retourner la situation et remporter le match 4-3 grâce à une réalisation de Chicharito dans le temps additionnel.
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Le Boxing Day a toujours donné lieu à des moments mémorables, comme ce fameux match entre Manchester City et Hull City en 2008. Mené 4-0 à la mi-temps, l’entraîneur des Tigers Phil Brown demande à ses joueurs de ne pas retourner aux vestiaires, mais plutôt de s’asseoir au milieu de la pelouse. Il les sermonne devant un public médusé, espérant alors une vive réaction. Les Citizens s’imposent tout de même 5-1, le coup de poker de Phil Brown n’étant alors pas payant.
Le Steel City Derby
Le moment le plus légendaire du Boxing Day ne s’est probablement pas disputé en Premier League, mais en troisième division anglaise. Dans la ville de Sheffield, deux clubs se disputent le statut de meilleure équipe. Le Sheffield Wednesday est en rivalité avec le Sheffield United, dans un derby surnommé Steel City Derby. Le 26 décembre 1979, les deux rivaux s’affrontent dans un match au sommet de la troisième division, à Hillsborough. 49 309 personnes se ruent au stade, dans ce qui demeure toujours le record d’affluence du troisième échelon national. Wednesday s’impose alors sur le score de 4-0, une véritable humiliation toujours chantée dans les tribunes par les supporters des Owls. L’équipe d’United était alors leader du classement avant ce choc, mais finira par échouer dans la course à la montée, tandis que les Owls, cinquième, décrocheront eux le ticket pour l’étage supérieur, propulsés par cette victoire historique.
Tradition pour les britanniques, le Boxing Day est vivement critiqué par les managers étrangers. Cependant, il semble presque impossible que cette fameuse journée du 26 décembre disparaisse dans le futur. Moment de fête dans les tribunes et pourvoyeur de matchs légendaires, le Boxing Day a perdu de son intérêt cette année à cause de la crise sanitaire. Un Boxing Day sans fan n’a pas du tout la même saveur.
Crédits photos : Icon Sport
Sources :
- « Why Football at Christmas is a very British tradition« , BBC
- Premier League : la fabuleuse histoire du Boxing Day, Foot Mercato
- « Boxing Day is coming », God Save The Foot
- « D’ou vient la tradition du Boxing Day dans le foot anglais » Ouest-France
- Sébastien Ferreira, « Trois matchs qui ont marqué le Boxing Day » Le Figaro