Dans une Premier League anglo-centrée, Sylvain Distin porte haut les couleurs bleu blanc rouge. Le défenseur central détient le record d’apparitions en championnat pour un joueur de champ non-britannique avec 469 apparitions. Au milieu des légendes du football anglais, le gamin de Rueil-Malmaison n’a jamais volé sa place.
Aux côtés de Joey Barton dans l’album Panini à la page de Manchester City. Sur une sombre carrière FIFA avec Portsmouth. Dans les résumés hebdomadaires de L’Équipe du dimanche de Thomas Thouroude sous les couleurs d’Everton. Voici où vous avez sûrement aperçu Sylvain Distin. Les plus chanceux l’ont même vu au stade, sur les billards de Premier League ou le béton de la région parisienne.
Titi insouciant
N’Golo Kanté fait partie de la deuxième catégorie. Les deux joueurs sont originaires de Rueil-Malmaison et ont évolué à Suresnes dans leur jeunesse. Toutefois, l’aîné a été plus verni lors de son adolescence en étant repéré par le centre de formation du Paris Saint-Germain. Le rêve de tout jeune d’Île-de-France même si lui est davantage attiré par le sac Nike offert par le club.
Plutôt attiré par le basket, Sylvain Distin se montre à l’aise balle au pied et ses qualités athlétiques sautent aux yeux. En compagnie de Pierre Ducrocq ou Djamel Belmadi, il passe les étapes de la formation parisienne les unes après les autres. Il apparaît dans le film Didier d’Alain Chabat mais ne pense pas encore à un futur professionnel. « À côté du foot, j’avais juste une vie de mec de banlieue : je traînais un peu dehors, je buvais quelques coups avec des potes, j’allais en boîte aussi quelques fois », confiait-il à So Foot.
Ses sorties nocturnes et son manque d’implication lui coûtent cher. Le PSG décide évidemment de ne pas prolonger l’aventure et ne le conserve pas au sein de centre de formation après quatre ans. En 1997, il est toujours insouciant mais plus tout jeune. À 20 ans, il se retrouve sans club.
Retour fracassant
Le retour à la réalité est assez difficile pour le Francilien. Il estime désormais que réussite rime avec départ. Ainsi, Sylvain Distin quitte sa région natale, son foyer familial et ses amis du quartier pour s’installer dans le Centre. À l’US Joué-lès-Tours, il alterne entre son poste de défenseur central et son emploi de secrétaire du club de CFA 2. Une année et puis s’en va du côté de Tours. Même championnat mais contrat fédéral à la clé.

Sylvain Distin lors de son retour au PSG.
Son statut d’ancien Titi parisien et ses performances tapent dans l’œil au niveau supérieur. Sylvain Distin rejoint Gueugnon en D2. Il retrouve l’exigence du football professionnel mais s’applique désormais plus qu’autrefois. Sous les ordres d’Alex Dupont, Gueugnon élimine l’Olympique de Marseille en Coupe de France et se hisse en finale de la Coupe de la Ligue 2000. Au cœur d’une atmosphère particulière, Sylvain Distin et sa bande de potes battent le Paris Saint-Germain. Premier titre en carrière pour le jeune défenseur et il faut bien fêter ça.
« L’ironie du sort, c’est qu’après la victoire finale, on s’est retrouvés au Duplex sur les Champs-Élysées, la boîte de nuit qui m’a en partie coûté ma place au centre de formation. (Rires.) Moi à la base, je voulais qu’on aille au VIP, car c’était la boîte où “il fallait aller” à l’époque. »
Héroïque en finale et régulier tout au long de la saison, Sylvain Distin se fait remarquer par le PSG. Trois ans après son départ forcé, il retourne dans la capitale lors du même été que Nicolas Anelka. Retour du sac Nike et découverte de la Ligue des Champions pour le Titi. Aux côtés de Jay-Jay Okocha, Ali Benarbia ou encore Mauricio Pochettino, le défenseur s’impose dans l’effectif. Utilisé latéral gauche sous Philippe Bergeroo, il se mue en central avec Luis Fernandez.
Le grand départ
L’ancien milieu de terrain de l’équipe de France est néanmoins à l’origine de son départ. Épanoui à Paris, il est poussé vers la sortie par l’entraîneur. Luis veut l’envoyer à Bolton mais l’entretien entre Sylvain Distin et Sam Allardyce n’emballe pas le joueur. Lui veut continuer de garer sa Volkswagen Polo à côté des Mercedes dans le parking du Parc des Princes. Après une mise à l’écart du groupe professionnel et des rendez-vous incessants dans le bureau de l’entraîneur parisien, le défenseur accepte un prêt vers Newcastle United.

En Angleterre, il affronte les meilleurs attaquants. Ici, Carlos Tévez.
Dans un climat bien différent, les débuts sont difficiles. Le gamin de Rueil-Malmaison ne parle pas encore anglais, se prend souvent les trottoirs en voiture et, surtout, ne joue pas. Le match est sa seule vérité. « Le seul moyen d’apprendre, c’est de jouer. Il y a des mecs qui font carrière sur le banc, ce n’est pas ma mentalité. J’ai besoin de jouer. Je préfère descendre d’une division et assurer de jouer tous les week-ends plutôt qu’être sur le banc d’un grand club. Il n’y a rien de mieux que la compétition. »
Sylvain Distin veut ressentir la pression, l’ambiance, l’intensité. À St James Park il va être servi. Une fois son acclimatation terminée, le Parisien conquit son nouveau public. Il aime voir les stades britanniques se lever à chacun de ses tacles et savoure la dureté du derby face à Sunderland. Il pensait n’avoir rien à faire en Premier League, il vient en réalité de trouver un nouveau chez lui.
Légende de Manchester City
Malgré sa bonne saison à Newcastle, le club ne le conserve pas. Il aurait voulu conserver une place dans l’effectif d’Alan Shearer, Noki Dabizas et Laurent Robert mais doit se résoudre à trouver une nouvelle destination. Direction Manchester City. Bien loin de l’équipe actuelle, les Citizens viennent alors d’être promus en Premier League et ne dépensent pas encore de sommes astronomiques. Après avoir trusté les premières places, Sylvain Distin se bat pour le maintien.
À Manchester, il retrouve notamment Ali Benarbia et va surtout s’imposer une nouvelle fois comme un cadre indiscutable. Dans un effectif majoritairement britannique, le Français devient incontournable au point de porter le brassard de capitaine, récompense extrêmement rare pour l’époque.

Sylvain Distin face à Michael Owen.
Il reste de 2002 à 2007 pour un total de 206 apparitions… chiffre dépassé par aucun autre frenchie. Joueur de l’année lors de sa première saison, le défenseur accumule l’expérience mais ne change pas. « Que je joue contre Maradona ou un pote du quartier ne change rien, je jouerai de la même manière », rigole-t-il dans une vidéo d’Amateur 2 Foot. Bien avant Samir Nasri ou Gaël Clichy, Sylvain Distin est en tout cas la première légende française de Manchester City.
Sylvain, Sol et David
En fin de contrat avec les Skyblues, celui qui n’a de parisien plus que les souvenirs poursuit sa route anglaise en signant à Portsmouth. Si le club végète aujourd’hui en troisième division nationale, l’ambition était plus grande à la fin des années 2000. Associé à Sol Campbell en défense centrale, Sylvain Distin n’est pas étranger à la bonne saison de son équipe. L’exercice 2007-2008 se solde par une qualification pour la Coupe UEFA et surtout le titre en FA Cup, son deuxième trophée personnel.
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L’aventure tourne au vinaigre lors de la saison suivante. Durant le mercato estival, le club recrute 33 joueurs et se séparent de 30 autres (prêts compris). L’entraîneur Harry Redknapp part du jour au lendemain à Tottenham sans prévenir les joueurs. Ceux-ci apprennent la nouvelle en arrivant à Fratton Park pour affronter Fulham. Portsmouth assure une quatorzième place de championnat mais le Français préfère partir du côté d’Everton.
Il pallie le départ de Joleon Lescott et rencontre surtout David Moyes. « Quand je suis arrivé à Everton (en 2009), j’avais 31 ans et, dans ma tête, il ne me restait que deux saisons au plus haut niveau. Mais il m’a tellement boosté, on a tellement bossé physiquement qu’il m’a convaincu de ne rien lâcher. Grâce à lui, j’ai joué en Premier League jusqu’à 38 ans », confiait le principal intéressé à L’Équipe.
Fin de partie
À Everton, il devient le premier joueur de champ non-britannique à disputer 400 rencontres de Premier League. Loin d’être largué physiquement, Sylvain Distin est élu joueur de la saison de son club durant l’exercice 2011-2012. L’intensité du football moderne ne le gène pas : « Si vous voulez que je respire pas de problème mais je n’en ai pas besoin, je préfère jouer. » Moins utilisé par Roberto Martinez, le défenseur central conserve son credo et préfère partir plutôt que de ne pas s’éclater le week-end.

Premier but avec Everton pour lui face à l’AEK Athènes.
Grâce à une entrée en fin de match contre Tottenham lors de la dernière journée de championnat, il reçoit une dernière ovation de Goodison Park avant de faire ses valises pour Bournemouth. À 38 ans, Sylvain Distin n’est, cette fois, plus titulaire indiscutable. Il ajoute douze matchs supplémentaires et gonfle son nombre d’apparitions en Premier League à 469. Un détail pour celui qui veut tout le temps jouer. « Être en majorité sur le banc, ce n’est pas mon truc, je ne voulais pas terminer ma carrière aigri. C’est trop d’efforts et pas assez de plaisir. »
Plus habitué aux terrains de Rueil-Malmaison ou aux boîtes de nuit franciliennes, Sylvain Distin ne pensait avoir rien à faire en Angleterre. Pas toujours professionnel mais constamment accompagné par ses proches, le Titi est devenu The Frenchie. Comment ? Il aimait tacler et détestait s’asseoir sur le banc. Les Français ne le connaissent qu’à travers les albums Panini, FIFA et L’Équipe du dimanche. Les Anglais, eux, l’ont accueilli comme l’un des leurs.
Sources :
- Andrea Chazy, « Sylvain Distin : “Au PSG, j’arrivais en Polo” », So Foot
- Pierre-Étienne Minonzio, « Paroles d’Ex : Sylvain Distin : “Je me suis fait défoncer », L’Équipe
- Pierre-Étienne Minonzio, « West Ham : la revanche douce-hammer de David Moyes », L’Équipe
- Amateur 2 Foot, « Sylvain Distin »
Crédits photos : Icon Sport