En se classant deuxième du championnat de Ligue 2 l’an dernier, le Stade Brestois est monté pour la cinquième fois en quarante ans en première division. La saison brestoise 2018-2019 a été belle, elle l’avait aussi été en 1978-1979, il y a tout juste quarante ans, lorsque le club finistérien accédait pour la première fois en D1. Si le SB29 a plutôt bien démarré sa saison 2019-2020 en Ligue 1 (1 victoire, 2 nuls et 1 défaite), on ne peut en dire autant pour ses débuts dans l’élite du football français, lors de la saison 1979-1980, quand Brest vécut un véritable désastre et battit des records de médiocrité.
Michel Bannaire, 31 ans et chef d’une entreprise d’électricité devient le président du Stade Brestois en 1976, remplaçant ainsi Raymond Nicol. Le jeune décisionnaire est ambitieux et fixe la montée en première division comme objectif principal du club. Pour ce faire, il fait venir Alain de Martigny, alors joueur à Lille, et fait de lui l’entraîneur du club. Martigny est né à Paris mais a grandi dans le Finistère, sa mère étant originaire de Tréflez. Il démarre une carrière de footballeur sur le tard, en 1970, et évolue en tant que milieu de terrain à Lille puis Cambrai avant de rejoindre Brest où en plus de tenir le rôle d’entraîneur, il continue de jouer pour aider l’équipe. Bannaire poursuit sa réforme du club en confiant la section des jeunes à Jean-Louis Lamour, un ancien gardien du Stade Brestois.
Une première dans l’élite après une superbe saison
Le pari de Michel Bannaire est une réussite puisque Brest se hisse en D1 à la fin de la saison 1978-1979. Le championnat de deuxième division est alors scindé en deux groupes de 18 clubs. Le Stade Brestois évolue dans le groupe B en compagnie du Stade Rennais, de l’En Avant Guingamp ou encore du Racing Club de Lens. Ce dernier est le principal concurrent des Brestois durant toute la saison. Les Lensois viennent de descendre et ont joué quelques mois auparavant la Coupe d’Europe après avoir été vice-champions de France. Si les deux clubs caracolent en tête de leur groupe de D2, les confrontations directes font la différence et permettent à Brest de finir premiers en battant Lens deux fois par le score de 3 buts à 1. Auteur d’une remarquable saison, le Stade Brestois gagne 25 de ses 34 matchs avec la meilleure défense du championnat (seulement 22 buts encaissés et 69 marqués) et accède ainsi pour la première fois de son histoire en première division.
L’euphorie de la montée est de courte durée. En effet, les Bretons doivent faire face à plusieurs problèmes. Le Groupement du football professionnel (le précédent nom de la LFP) réclame une garantie de 750 000 francs de subvention municipale à chaque club évoluant en Ligue 1. Le maire socialiste de Brest, Francis Le Blé, ne propose que 400 000 francs. Une décision approuvée par son conseil municipal le 7 mai 1979 ainsi que par la presse locale, voyant en cette décision une courageuse prudence. En effet, le voisin rennais est en important déficit et les dépôts de bilan sont fréquents dans le football professionnel français à l’époque. Ceci est notamment le cas du Red Star ou de Troyes. Le Stade Brestois peut également compter sur le Conseil Général du Finistère qui vote une subvention de 110 00 francs pour le club.
Brest a besoin de cet argent. En plus des évidentes dépenses nécessaires pour la première division, la pelouse du stade de l’Armoricaine (aujourd’hui rebaptisé stade Francis Le Blé) doit être refaite, le club ayant prévu la pose d’un gazon hollandais. Toutefois, le Stade Brestois n’en a pas complètement fini avec la D2 : il lui reste une finale à jouer face au vainqueur du groupe A pour désigner le champion de France de deuxième division. Le match s’effectue en aller-retour, or le stade de l’Armoricaine est en travaux. Il existe un second stade de football à Brest, le stade Ménez-Paul, celui de l’AS Brestoise, évoluant alors en D3, mais les deux clubs sont rivaux tout comme leurs présidents. Brest dispute alors sa finale contre Gueugnon à Quimper, au stade de Penvillers. Finalement, les Brestois perdent les deux matchs (1-2 puis 1-0) et cèdent le titre honorifique de champion de D2 aux Gueugnonnais.
Brest à la rencontre l’élite du football français
Pour se préparer à l’élite, Brest se renforce et fait venir de nouveaux joueurs. L’un d’eux est Raymond Kéruzoré. Il incarne, pour beaucoup, le football breton de l’époque à lui seul. Il remporte la Coupe de France avec le Stade Rennais en 1971 en étant l’un des piliers de l’équipe. Kéru poursuit sa carrière à l’Olympique de Marseille et à Laval, il tutoie l’Équipe de France de Platini, Rocheteau ou Trésor et passe de peu à côté d’une participation au Mondial argentin de 1978. Lors de la saison 78-79, Kéruzoré est un des artisans du maintien de Laval en première division. A la suite de cela, il ouvre un magasin de sports chez lui, à Carhaix et veut prendre du retrait avec le football. C’est sans compter sur Brest, en la personne de son président Michel Bannaire et de son entraîneur Alain de Martigny qui le convainquent de venir rééditer l’opération maintien à la pointe du Finistère. Raymond Kéruzoré, alors âgé de 30 ans, accepte.
La deuxième recrue de marque du Stade Brestois est moins évidente, il s’agit de Drago Vabec. Avec lui, Brest engage un international yougoslave de 29 ans comptant plus de 250 matchs avec le Dinamo Zagreb. En plus de l’expérience en première division française qu’apporte Kéru, Vabec apporte une expérience internationale, connaissant les sommets du championnat yougoslave chaque année depuis une décennie, ainsi que la saveur des compétitions européennes.
Le SB29 démarre sa saison au stade Vélodrome avec une défaite 3-0 infligée par l’Olympique de Marseille. La semaine d’après, le vendredi 3 août 1979, le stade de l’Armoricaine voit son premier match de première division face à Sochaux. Si les Brestois s’inclinent à nouveau (1-2), ils ont cette fois-ci marqué. Ambroise Kédié Lohou entre dans l’histoire du club en étant le tout premier buteur du Stade dans l’élite. Des buts il y en a d’autres, en revanche Brest peine à marquer des points et voit son objectif de maintien s’éloigner dès le début de saison. Il faut attendre la sixième journée pour voir les Bretons obtenir leur premier point, au Parc des Princes, après un match nul 0 à 0 face au Paris Saint-Germain.
Des résultats désastreux et une issue malheureuse vite fixée
Les mauvais résultats s’enchaînent à Brest, Alain de Martigny décide d’abandonner son statut de joueur pour se concentrer à celui d’entraîneur. La chance ne joue pas en faveur des Brestois non plus puisque le buteur Patrick Martet se blesse. Les Finistériens montrent parfois un sursaut d’orgueil comme lors de la réception du Saint-Etienne de Rep, Platini ou Rocheteau où l’équipe bretonne résiste pendant 75 minutes avant de céder et de perdre à nouveau. Ensuite, Brest arrache quelques points (contre Nîmes ou Lille) mais ne gagne pas. A la pointe bretonne, on se demande quel record le club brestois peut-il battre : le plus petit nombre de points marqués, le plus grand nombre de matchs sans victoire… Ce dernier ne sera pas battu puisque le dimanche 2 décembre 1979, le Stade Brestois reçoit Lyon pour clôturer la phase aller du championnat et s’impose 5 buts à 1, avec un doublé de Drago Vabec. Le natif de Zagreb s’est vite adapté au football français et le public brestois est ravi de sa recrue qui enchaîne les buts, malgré les défaites. Ses coéquipiers et son entraîneur ne sont néanmoins pas de cet avis : ils le jugent trop individualiste sur et en-dehors du terrain, ce qui a tendance à agacer ceux qui le côtoient au quotidien. Alain de Martigny veut s’en séparer mais Vabec a signé pour trois ans et, il faut le reconnaître, permet à Brest d’éviter le ridicule pour ses débuts en première division.
La deuxième partie de saison s’avère tout aussi compliquée. Le Stade Brestois est vite fixé sur son sort : il va à nouveau évoluer en D2 la saison d’après. Enchaînant les défaites et les claques (7-0 à Sochaux, 5-1 à Nancy et face à Valenciennes), Brest touche le fond. Cependant, les joueurs restent très professionnels. Quelques lueurs viendront illuminer la fin de saison : deux victoires, 1-0 face à Nice puis 3-0 contre Bastia. Le 10 mai 1980, quelques semaines avant la fin du championnat, Le Télégramme (le quotidien local) organise un match de gala entre le Stade Brestois et Nottingham Forest. Le club anglais se prépare alors à jouer la finale de la Coupe des clubs champions face à Hambourg. Pour l’occasion, Brest se fait prêter plusieurs joueurs : le Brésilien Paulo César, Jean-Marc Pilorget du PSG ou encore Marius Trésor de l’OM. A quinze jours de sa finale européenne, Nottingham aligne son équipe type et l’emporte d’un seul but. Un match qui permet au public brestois de se remonter le moral.
Pour conclure sa catastrophique saison, Brest reçoit l’Olympique de Marseille, lui aussi relégué après une année tout aussi calamiteuse. A la surprise générale, les Brestois s’offrent leur quatrième victoire et pas des moindres : 7 buts à 2. Ce festival offensif permet aux Bretons de faire leur premier au revoir à la D1. Drago Vabec inscrit un triplé ce soir-là et se hisse au quatrième rang des meilleurs buteurs du championnat, devant Platini, Rep et Giresse. Le Stade Brestois finit donc dernier, avec 15 points (la victoire vaut alors 2 points) et une différence de buts de -52. Des débuts en première division qui auront sans doute permis de glaner de l’expérience mais une saison à oublier tout de même.
Le premier passage de Brest en Division 1 fut catastrophique mais ne symbolise pas pour autant les adieux du club finistérien à la première division. Très vite le Stade remonte, lors de la saison 1980-1981, et se maintient jusqu’en 1988. Au total, le Stade Brestois est monté cinq fois en Ligue 1 : en 1979, en 1981, en 1989, en 2010 et enfin en 2019. Si, dans son histoire, le SB29 a davantage connu les divisions inférieures, il a néanmoins marqué l’histoire de la D1, notamment dans les années 1980 lorsqu’il fut rebaptisé Brest Armorique. Un changement qui n’empêche pas Drago Vabec (toujours dans le rôle de buteur) et Raymond Kéruzoré (entraîneur lors de la saison 1986-1987) de poursuivre leur aventure brestoise.
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