Fils du légendaire Valentino Mazzola, héros du Grande Torino disparu tragiquement lors de la catastrophe aérienne de Superga, Alessandro a poursuivi l’héritage de son père en portant fièrement et victorieusement les couleurs de l’Inter Milan et de la Nazionale.
Le foot en héritage
Le nom de Mazzola résonne particulièrement en Italie. En effet, avant le fils prodige Sandro dont nous allons évoquer la carrière, le père Valentino a fait les beaux jours du Grande Torino qui régna sans partage sur le foot italien dans les années 40 et qui a disparu tragiquement avec ses coéquipiers, le staff et les dirigeants dans la catastrophe aérienne de Superga en 1949. « Le nom de mon père était Valentino Mazzola. Je ne savais pas qui il était pour les autres. Pour moi, c’était juste mon père. » raconte Sandro. Il poursuit : « Quand je me promenais avec lui à Turin, Via Roma, tout le monde l’arrêtait et lui parlait. J’avais l’habitude de lui serrer la main parce que j’avais peur qu’ils veuillent lui faire du mal. » Comme son père l’emmenait souvent au stade Filadelfia lors des entraînements, il est logiquement devenu la mascotte de l’équipe. Et il a vite attrapé le virus pour le ballon rond. Au tout début de sa carrière, il endosse le maillot granata dans les catégories de jeunes mais très vite Sandrino est remarqué par Benito Lorenzi, un ancien joueur de l’Inter, et il rejoint le club lombard dès 1957. Son premier entraîneur n’est autre que Giuseppe Meazza, autre grande icône du football milanais, qui le dirige temporairement avec les jeunes nerazzurri.
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Temporairement, car les débuts en pro interviennent dès le 10 juin 1961. Et dans des conditions assez particulières, au cours d’un match qui va renforcer l’animosité entre les deux rivaux de la Botte. Quelques semaines avant ses grands débuts, l’Inter Milan accueille la Juventus pour un match décisif pour le Scudetto 1961. Cinq milles tifosi bianconeri envahissent San Siro, certains s’installent même au bord de la pelouse. « Le public était à quelques mètres du terrain, directement sur la piste, au contact du banc de touche de Herrera. » se souvient Aristide Guarneri. Après d’importants mouvements de foule en première mi-temps, le match est interrompu et l’Inter est désigné vainqueur sur tapis vert et se dirige vers le titre. Cependant, à une journée de la fin du championnat, l’appel de la Juventus est accepté et la fédération – dont le Président s’appelle Umberto Agnelli, également le Président de la… Juventus – décide d’annuler le résultat du match. Le match doit être rejouer le 10 juin 1961. Pour protester contre cette décision, Angelo Moratti envoie sa Primavera pour défier la Vecchia Signora de Boniperti, Charles et Sívori. Le résultat est net et sans bavure : 1-9 pour les turinois mais Sandro Mazzola (19 ans) inscrit l’unique but milanais. Le premier de sa carrière. Il ne quitte plus l’équipe jusqu’en 1977.
Les succès
Et Sandro devient l’un des acteurs majeurs des grands succès du club pendant le cycle doré sous Helenio Herrera avec Tarcisio Burgnich, Mario Corso, Giacinto Fachetti, Armando Picchi, Luis Suárez ou encore Jair. Si ses débuts interviennent en 1961, il doit attendre ses 20 ans et la saison 1962/63 pour avoir un temps de jeu conséquent. Le succès est immédiat. Au termes d’une année débutée difficilement, et qui a failli coûter son poste au technicien franco-argentin Helenio Herrera, l’Inter change de tactique et remonte au classement jusqu’à s’offrir le Scudetto aux dépens de la Juventus. Lancé dans le grand bain en attaque, alors qu’il évoluait au milieu dans sa jeunesse, Mazzola inscrit dix buts dont le plus rapide de l’histoire des derbys milanais après avoir marqué, le 24 février 1963, au bout de treize secondes et celui du titre sur le terrain des Bianconeri. Ce premier titre est un peu le précurseur de la domination interiste à venir. L’équipe fait preuve d’une grande solidité défensive (meilleure défense) tout en étant léthale en attaque. L’année suivante, les Nerazzurri abandonnent leur couronne nationale à l’issue d’une saison époustouflante ponctuée par un barrage pour déterminer le vainqueur du Scudetto. Lors ce match couperet, Bologne s’impose et conquiert le trophée après une attente de vingt-trois ans. Mais l’Inter se console en s’imposant en Europe et décroche la Coupe des Champions 1964 face au Real Madrid de Di Stéfano, Gento et Puskás. Mazzola joue un rôle déterminant dans cette épopée avec sept buts à la clé dont un doublé en finale. À cette occasion, il devient et demeure l’unique joueur nerazzurro à remporter le titre de meilleur buteur de la Coupe des Champions. Une performance saluée comme il se doit par l’un de ses illustres adversaires du jour, le Major Galopant Ferenc Puskás. Le Hongrois lui lance alors : « J’ai joué contre ton père. Tu l’aurais rendu fier et je veux te donner mon maillot. »
Si l’Inter gagne, c’est grâce à sa fameuse tactique défensive du catenaccio (le verrou en VF) et sa capacité à marquer sur des contre-attaques rapides et dévastatrices. L’équipe est réputée pour faire déjouer son adversaire. Elle rentre un peu plus dans l’histoire à la suite du premier succès italien en Coupe Intercontinentale contre les Argentins d’Independiente. Une finale épique disputée trois manches et une prolongation pour désigner le vainqueur (aller, retour et replay). Cette victoire est le prémisse à une saison triomphale. L’équipe récupère le scudetto en devançant l’AC Milan malgré un déficit de sept points de retard en février. Encore une fois, Sandro est décisif avec notamment dix-sept buts en championnat (capocannoniere). Polyvalent, élégant, fin techniquement et doté d’une grande force de caractère, Sandro est un attaquant moderne et très impliqué dans le repli défensif. L’Inter conserve son titre européen contre le Benfica de Eusébio dans une finale jouée à domicile, à San Siro, sur un terrain à la limite du praticable favorisant le jeu défensif des hôtes. La moisson se poursuit avec un autre succès en Coupe Intercontinentale. Encore contre Independiente mais cette fois, pas besoin de replay ou de prolongation grâce notamment à l’aller d’un doublé de … Mazzola. La série de victoire continue également en Serie A. Cette fois, la domination est totale du début à la fin du championnat même si le très bon parcours européen (demi-finale perdue contre le Real Madrid) entretient l’espoir pour Bologne. Il s’agit du dixième sacre, synonyme d’étoile dorée, pour les Milanais. Le troisième et dernier de l’ère dorée de Helenio Herrera.
Par la suite, l’Inter et Mazzola connaissent une période de transition. Le club change même de main après une saison 1967/68 conclue à la cinquième position. Angelo Moratti vend l’équipe à Ivanoe Fraizzoli. C’est à cette période que Sandro s’empare du brassard de capitaine. Bien placés en 1969 et 1970 (4e et 2e), les Nerazzurri s’emparent à nouveau du scudetto en 1971. Lors de cette saison, Guarneri et Suárez sont vendus et ces départs impliquent une nouvelle réorganisation tactique. Mazzola recule d’un cran au poste de trequartista pour laisser la pointe de l’attaque à Boninsegna. Salué par la critique, il est le dauphin de Johann Cruyff pour le Ballon d’Or 71. L’année suivante, ils atteignent la finale de la Coupe des Champions mais s’inclinent logiquement face au « Football total » de Johan Cruyff. Avec son repositionnement, Sandro ne marque plus autant que par le passé mais continue d’être influent dans le jeu de son équipe. Cette finale est le dernier baroud d’honneur de la carrière de Mazzola même si l’Inter atteint également la dernière manche de la Coppa Italia 1977 perdue contre les rivaux de l’AC Milan. Après dix-sept années sous le maillot milanais, le N°10 nerazzurro met un terme à son immense carrière avec un important palmarès, cinq-cent-soixante-dix apparitions et cent soixante-deux unités au compteur. Bandiera de l’Inter après avoir été mascotte du Torino quand il était petit, Sandrino est considéré comme l’un des meilleurs joueurs de football italien.
La Nazionale, une histoire contrariée
Ses débuts en Azzurro se déroulent comme dans un rêve. Opposée au Brésil du Roi Pelé, la Nazionale s’impose 3-0 et Mazzola marque son premier but international sur penalty. Néanmoins, son échec à onze mètres face au portier de l’Union soviétique est synonyme d’élimination à l’Euro 1964 pour l’Italie. Ses nombreux buts pendant la campagne qualificative à la Coupe du Monde 1966 aident grandement son équipe à traverser le Channel. Mais la déception anglaise est grande pour l’équipe dirigée par Edmondo Fabbri. Ce dernier décide de se passer de la présence de célèbres Oriundi tels que José Altafini (champion du Monde 58 avec le Brésil) ou Omar Sívori (Ballon d’Or 1961) accusés d’avoir failli lors du Mondial précédent. Éliminée au premier tour notamment à la suite d’une défaite humiliante contre la modeste Corée du Nord, l’Italie retrouve le sourire deux ans plus tard grâce à Ferruccio Valcareggi quand elle gagne à Rome son Euro contre la Yougoslavie.
Cependant, lors des années suivantes, le technicien toscan va établir une règle simple en sélection. Il estime que Sandro Mazzola et Gianni Rivera, son homologue rossonero, ne peuvent débuter le match ensemble. C’est soit l’un, soit l’autre. Une mi-temps chacun afin de bénéficier des qualités de chacun. Mazzola est apprécié pour son travail de l’ombre et sa capacité à éclairer le jeu offensif quand Rivera est plutôt considéré comme un joueur (trop) offensif mais avare en efforts défensifs. Valcareggi le voit plus en tant que supersub. En Italie, la presse appelle ça la staffetta (le relais). Titularisé mais remplacé dès la reprise par Rivera, Sandro doit partager son temps de jeu avec l’autre vedette milanaise. Si les résultats ne s’en ressentent pas lors du premier tour et des matchs à élimination avec le match du siècle contre la RFA en demi-finale, la défaite finale face au Brésil déchaîne les passions de la presse transalpine : pourquoi ne pas avoir associé les deux meilleurs joueurs du pays quand le Brésil a mis sur le terrain un quatuor offensif avec Jairzinho, Tostão, Pelé et Rivelino ? La mentalité en Italie est encore fortement inspirée par le catenaccio et les succès de l’Inter ont largement contribué à cet état de fait. Rivera déclare plus tard : « Peut-être que Valcareggi n’avait pas vu qu’il ne restait que six minutes à jouer. »
De son côté, l’entraîneur se justifie : « j’ai reporté l’entrée de Rivera minute par minute parce que j’avais non seulement Bertini avec un léger claquage à l’aine, mais aussi Cera qui était malade. » Il confirme la thèse de Rivera : « et il me semblait qu’il restait plus de temps à la fin. » Après le tournoi mexicain, et malgré les critiques, Valcareggi reste à la tête de la Nazionale jusqu’à la Coupe du Monde 1974. Non qualifiée pour l’Euro 1972, l’Italie prend part au Mondial allemand mais elle sort de la compétition dès le premier tour, comme en 1966. Le match perdu contre la Pologne est la dernière cape pour Sandro Mazzola. Avec soixante-dix sélections au compteur, il dépasse le total de son père. Sa carrière internationale reste néanmoins mitigée car elle aurait pu (dû ?) aboutir sur de meilleurs résultats collectifs. L’épisode de la staffetta demeure encore de nos jours un sujet très sensible en Italie et aura marqué la carrière internationale de Mazzola et de Rivera.
Difficile de porter un nom célèbre, pourtant Sandro a perpétué la tradition initiée avec son père dans les années 40. Homme clé de l’Inter de Herrera, il a connu la période dorée du club nerazzurro au début des années 60. Très apprécié des tifosi interisti pour sa loyauté et sa fidélité, Mazzola est également respecté pour son immense carrière et son riche palmarès.
Sources :
- « Mazzola : « L’Inter di HH, la staffetta e quei caffè » », Il Corriere dello sport
- « 27 may, the date of two European Cups for Inter », inter.it
Crédits photos : Icon Sport