Le 18 avril 2006, l’AC Milan reçoit, à San Siro, le FC Barcelone. Une rencontre au sommet, entre deux géants du football européen, attend les fans dans le cadre des demi-finales aller de la Ligue des Champions. Ancelotti ne s’y trompe pas. « C’est un match entre deux grands clubs. Avec Barcelone nous pratiquons le plus beau football d’Europe et je m’attends à une rencontre spectaculaire, avec de nombreuses occasions des deux côtés », déclare l’entraineur milanais, avant la rencontre. Jusqu’à présent, les deux équipes n’ont pas eu grand mal à atteindre le dernier carré. Celles-ci ont fini premières de leur groupe. En huitièmes de finale, Milan a facilement éliminé le Bayern Munich sur un score total de 5-2. Le Barça quant à lui s’est détaché de Chelsea sur un score global de 3-2. Au tour suivant, les Italiens ont mis fin aux espoirs de Lyon, en gagnant 3-1. Les Espagnols, de leur côté, ont battu le Benfica.
Ce soir, c’est un peu un derby qui se joue. Un « derby du beau jeu » comme on pourrait l’appeler. « On ne pourra pas dire de l’équipe qui sera éliminée qu’elle aura failli, car toutes deux méritent nos applaudissements », poursuit Alberto Cerruti, journaliste italien pour la Gazzetta dello Sport. Le Corriere Della Sera est impatient de vivre une « Nuit magique ». De plus, cette rencontre est l’occasion de retrouvailles entre les entraineurs des deux équipes, amis de longue date. Ancelotti et Rijkaard ont en effet défendu ensemble les couleurs du Milan et remporté deux Ligues des Champions avec le club italien, en 1989 et 1990. Deux entraineurs désormais adversaires, mais ayant eu le même maître, en la personne d’Arrigo Sacchi. C’est pourquoi, l’espoir de voir un beau football est de mise.
La menace Ronaldinho
Malgré tout, le Milan semble partir avec un léger avantage, celui de l’expérience sur le terrain. « Ils sont très expérimentés, déclare Puyol. Ils sont rapides et solides, et restent parmi les meilleurs défenseurs en activité. Milan a disputé bien plus de rencontres que nous à ce niveau. […] Le Milan est une équipe impitoyable quand il s’agit de convertir ses occasions, alors nous ne pouvons pas nous permettre de faire la moindre erreur. » Pour le club lombard, c’est sa troisième demi-finale en quatre ans. Ancelotti avait d’ailleurs fait jouer 13 anciens vainqueurs face à l’Olympique Lyonnais, lors du quart de finale retour. Malgré ce petit avantage, difficile de prédire un vainqueur tant les deux équipes alignent des joueurs de haut rang. Nesta, Gattuso, Seedorf, Pirlo, Kaká ou encore Shevchenko côté milanais face à Rafael Márquez, Puyol, Giovanni van Bronckhorst, Van Bommel, Iniesta, Eto’o ou encore… Ronaldinho Gaúcho. Alberto Cerruti attend une « nuit de stars, l’affrontement spectaculaire entre les deux derniers Ballons d’Or, Andriy Shevchenko et Ronaldinho ». Un match équilibré donc, entre deux équipes qui possèdent de grands attaquants et de solides défenses. Une nouvelle fois, la guerre du milieu de terrain aura toute son importance. C’est également un duel de Brésiliens qui se joue ce soir. Kaká face à Ronaldinho. Compères en sélection, amis dans la vie, mais adversaires sur le terrain le temps de deux nuits. Deux joueurs au sommet de leur carrière, ou presque. Deux talents, deux magiciens du football l’un contre l’autre. Toutefois, c’est bien Ronnie qui semble être la plus lourde menace ce soir. Celui-ci a été laissé au repos lors des deux dernières rencontres, et est prêt à afficher toute sa classe lors de ce match aller. Tuttosport considère également que Ronaldinho serait le plus grand danger : « Milan, ensorcelez-le », clame le titre, suivi de « Le football est arrivé à San Siro ». La presse italienne a sorti tous ses plus beaux superlatifs pour accueillir le génie barcelonais. La Gazzetta dello Sport a montré la voie en accordant sa Une à une photo du Brésilien qui fête l’un des sept buts inscrits en Champions League cette saison en titrant « Milan, essayez de le battre ».
Un dieu dans un temple du football
Le coup d’envoi peut être lancé dans un San Siro plein à craquer ce soir, avec ses 76 000 spectateurs. De chaque côté, un absent de marque. Deco pour Barcelone, suspendu, et Inzaghi pour Milan, malade, doit déclarer forfait. Le match débute. Ronnie ne tarde pas à se mettre en valeur. Dès la 7ème minute, crochet sur Gattuso. L’Italien n’apprécie guère et laisse trainer le pied. Faute. Le pitbull milanais n’a pas idée de la soirée qu’il s’apprête à vivre. Ce n’est que le début d’un long cauchemar pour lui. Les premières minutes sont accrochées. Chaque équipe a des occasions, mais aucune ne s’en procure de réellement dangereuses. Des centres qui ne trouvent que la défense adverse, des tirs lointains hors cadre, rien de bien concret pour le moment. Jusqu’à la 13ème minute. Sur une longue touche, Alberto Gilardino échappe à la vigilance de Rafael Márquez pour frapper du gauche à angle fermé sur le poteau de Victor Valdés. Dans la minute suivante, le gardien espagnol s’interpose sur une tête plongeante de Shevchenko qui reprenait un centre de Clarence Seedorf. Suffisant pour réveiller San Siro pour de bon… et Ronaldinho dans le même temps. Le Milan se montre tout de même de plus en plus insistant, mais ne parvient pas à concrétiser. Cependant, le prodige brésilien commence à monter en puissance. De plus en plus de ballons passent par ses pieds. 27ème minute, coup franc pour le Barça. L’attaquant brésilien s’en charge. Il tire dans le mur et s’y prend une deuxième fois, mais sa frappe trouve la tête d’un défenseur milanais. Les Italiens sont prévenus. Deux minutes plus tard, le numéro 10 barcelonais écœure une nouvelle fois Gattuso avec un passement de jambes exécuté à la perfection. L’Italien éliminé, Ronaldinho se retrouve désormais face à Nesta et Pirlo, et il tente de transmettre le ballon à Giuly, sur sa droite. Bien essayé, mais sa passe est interceptée et dégagée par Serginho. Le Milan continue d’attaquer mais rien n’y fait : les assauts lombards sont peu transcendants et leurs frappes ne trouvent pas le cadre. 37ème minute, une combinaison est en cours entre les trois attaquants barcelonais Eto’o, Giuly et Ronaldinho. Une fois de plus, tout part du Brésilien et celui-ci expose son intelligence et son génie, en aspirant deux défenseurs sur lui, laissant ainsi le champ libre pour Giuly. Ce dernier, libre de tout marquage, frappe, mais bute sur un vigilant Dida. Pour les Milanais, il est clair que la menace est le numéro 10 brésilien. Il est le joueur sur qui il faut se mobiliser en surnombre. Comme le montre cette occasion, juste avant la mi-temps, où le Brésilien met deux joueurs dans le vent, pour distribuer une balle de but à Eto’o, mais dont la frappe sera finalement manquée. La mi-temps est sifflée, 0-0. Au vu des quarante-cinq premières minutes, Gaúcho s’est montré comme l’un des joueurs les plus dangereux côté espagnol. Non pas par ses frappes, mais par sa capacité à éliminer un puis deux adversaires par des gestes furtifs, puis à distribuer le ballon dans les pieds d’un coéquipier, au bon endroit, au bon moment.
Dès le retour des vestiaires, le prodige brésilien reprend du service. Après un contrôle de la poitrine, sur un dégagement, Ronaldinho humilie trois joueurs du Milan d’un coup. Un lob sur Gattuso, puis un Pirlo dépassé par la furtivité des gestes du brésilien. Enfin, un Nesta qui tente tant bien que mal de stopper sa course folle, mais impuissant face aux multiples jongles et contrôles de l’attaquant, dont le numéro se conclue superbement par une aile de pigeon qui élimine pour de bon le défenseur italien. Cette dernière offrira le ballon dans les pieds d’Eto’o. Elastique et inarrêtable, Ronnie semble être sur un nuage. Le ballon lui colle au pied, et celui-ci fait de la balle son jouet. Un peu comme Federer maîtrise tous les coups du tennis à la perfection, Ronaldinho semble pouvoir faire ce qu’il veut du ballon et le distribuer n’importe où, peu importe sa position sur le terrain. En témoigne ses deux passes transversales, toutes deux pour Giuly, l’une en première mi-temps qui atterrit dans ses pieds, et l’autre en seconde mi-temps, distribuée juste avant le rond central, permettant au barcelonais de gagner la surface lombarde. Nous sommes à la cinquantième minute, et le Brésilien continue de monter en puissance. Le Milan se verrait bien marquer un but avant qu’il ne soit trop tard. L’occasion se présente grâce à une inspiration d’Andryi Shevchenko qui trouve Kaká, légèrement excentré sur la droite, et se retrouve seul face à Valdès. Celui-ci, avec altruisme, offre la balle à Gilardino qui arrive en renfort. Mais ce dernier, sous la pression de la défense catalane, rate le coche face au but vide. La détresse se lit sur le visage de l’attaquant italien. Il sait que son échec peut être lourd de conséquences.
Nous sommes à la 57ème minute quand ce qui devait arriver arrive enfin. Ronaldinho, se débarasse une nouvelle fois d’un Gattuso remonté, qui trébuche en tentant de prendre le ballon. Pivotant, le Brésilien voit l’appel de Giuly dans la profondeur. Sa passe enveloppée, aidée d’un rebond, élimine la défense milanaise en retard au marquage du Français, trop rapide. Ce dernier fusille Dida à bout portant d’une reprise de volée du gauche, ne lui laissant aucune chance. 1-0 pour Barcelone. Six minutes plus tard, la pépite brésilienne a l’occasion de faire le break. Libre de tout marquage, l’attaquant voit sa frappe croisée repoussée par le poteau. C’en était peu et Dida était battu. La suite du match demeure intense. Les Italiens ne parviennent pas à revenir au score et les occasions les plus franches sont pour le Barça. Ronaldinho, quant à lui, continue à faire sa loi. Un nouveau lob, sur Pirlo cette fois, puis un une-deux magnifiquement réalisé avec Iniesta qui mettent une nouvelle fois le feu à la défense milanaise, et qui obligent Dida à s’employer sur la frappe du jeune espagnol. La fin du match approche, mais Gaúcho n’en a pas assez fait pour ce soir. À la 76ème minute, l’attaquant trouve magnifiquement Eto’o, d’une passe enroulée, lancé dans la profondeur. Seul face au rugueux Stam, le Camerounais tente de se débarrasser du défenseur par un crochet. Sa frappe est trop croisée et le score en reste là. Ni les dernières offensives milanaises, ni le coup franc de Ronaldinho, rasant la barre transversale rossonera, ne changent quelque chose. Sale soirée pour le Milan, encore plus pour Gennaro Gattuso et Andrea Pirlo, écœurés par Ronnie, qui ont subi les pires dribbles de celui-ci durant la rencontre. Ce soir-là, Ronaldinho était dans son jardin et ce, pour le plus grand plaisir des 3000 supporters espagnols qui avaient fait le déplacement.
🇧🇷 Ronaldinho vs AC Milan, 2006 🔥#UCL | #ThrowbackThursday pic.twitter.com/czVTheLRBN
— UEFA Champions League (@ChampionsLeague) August 1, 2019
Le match retour verra le Barça se qualifier pour la finale. Grâce à un 0-0 au Camp Nou et un but refusé à Shevchenko, les Espagnols retrouve la finale de la Ligue des Champions, douze après leur dernière, perdue contre le Milan et quatorze ans après leur premier succès. En finale, le Barça s’imposera contre Arsenal, sur le score de 2-1, s’adjugeant sa deuxième Ligue des Champions. Nommé meilleur joueur de la compétition, la performance de Gaúcho, ce soir, à San Siro, est à l’image de ses précédentes saisons : monumentale. Ce soir-là, Ronnie était en feu, un vrai magicien qui attirait toute l’attention des 76 000 spectateurs au stade. 76 011, à vrai dire, car ce soir-là, il semble bien que l’équipe milanaise assistait également au show Ronaldinho.
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Crédit photos : Icon Sport