Il fait partie de ceux qui, lorsque leur nom est évoqué, permettent de se remémorer un but mythique. Cette tête plongeante face à l’Espagne lors de la Coupe du Monde 2014 a forcé sa légende. Un caractère bien trempé, des reprises de volées mémorables, nous parlons bien de Robin van Persie, l’autre « hollandais volant ».
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Voyante, football de rue et hooligans
C’est le 6 août 1983 à Kralingen, dans un quartier à l’Est de Rotterdam, que Robin van Persie ouvre les yeux pour la première fois. Née d’un père sculpteur et d’une mère peintre, il s’essaie à l’art mais se sent plus à l’aise avec ses pieds qu’avec ses mains. En compagnie de son grand-père, ancien joueur professionnel de football, il découvre le ballon rond. Dès l’âge de 4 ans, le petit Robin fait des merveilles et insiste pour que son grand-père joue avec lui pendant plus de cinq heures par jour lors des vacances. Difficile de suivre le rythme pour le retraité. C’est donc dans la rue que Robin va se confronter à plus fort. Il participe à ses premiers tournois de rue et se fait repérer par l’Excelsior Rotterdam. Robin intègre alors le centre de formation du club satellite du Feyenoord à l’âge de 10 ans. Le jeune homme est rapidement surnommé « le Marocain » en raison de son accent attrapé en côtoyant les amis de son quartier. Le chemin du jeune prodige est tout tracé et il faut dire que sa mère s’en doutait. Après sa naissance, elle était allée consulter une voyante pour savoir ce qu’allait devenir son fils. La vielle dame aurait déclaré :
« Votre enfant aura des difficultés à l’école. Mais dans le football, il deviendra un roi. Il sera en équipe nationale. Ce sera le seul enfant de la famille qui n’aura jamais de problème d’argent. »
Le jeune homme deviendra effectivement footballeur et sera souvent renvoyé de classe par ses professeur : « J’étais le petit malin, qui se moquait de tout. J’avais toujours quelque chose à dire à l’enseignant, ce qui, j’en suis sûr, était frustrant pour eux, mais j’avais toujours du respect envers eux. » Robin bien que pétri de talent balle aux pieds a un problème avec l’autorité. C’est la raison pour laquelle le jeune Hollandais doit quitter son club formateur à 16 ans suite à de nombreux désaccords avec son entraîneur. Il rejoint donc le Feyenoord en 2001 et remporte le trophée de meilleur espoir du championnat ainsi que la Coupe UEFA face à Dortmund la même saison. Malheureusement, le naturel revient au galop, Robin van Persie n’arrive pas à accepter la critique de son entraîneur Bert van Marwijk, surtout lorsqu’il décide de l’écarter lors de la Supercoupe de l’UEFA en 2002. Une tragédie pour celui qui voulait se confronter aux plus grands. Renvoyé en équipe réserve, l’histoire entre van Persie et Feyenoord semble se terminer. Pourtant, un homme va faire basculer la carrière du turbulent Néerlandais dans une autre dimension : Steve Rowley.
Gunners prodigieux, jacuzzi et but d’une vie
Nous sommes en été 2004. Arsenal vient tout juste de décrocher son titre de champion d’Angleterre en étant invaincu. Une performance historique. L’équipe des « Invincibles » est alors composée de Henry, Cole, Viera, Bergkamp et bien d’autres. A l’issue de cette saison d’anthologie, il faut préparer le prochaine et miser sur des jeunes pousses. C’est le recruteur en chef d’Arsenal, Steve Rowley, qui est chargé de cette mission. Un soir, il assiste à la rencontre de la réserve de l’Ajax et celle du Feyenoord. Robin van Persie réalise un match plein en marquant le but égalisateur. Juste après, des hooligans se jettent sur lui et une bagarre générale éclate. Robin vit cette expérience comme un moment assez traumatisant mais heureusement la soirée va bien se terminer. Après la rencontre, le scout des Gunners, subjugué par la performance du jeune homme, rencontre le père du joueur ainsi que l’intéressé. Quelques jours après, RVP signe en Outre-Manche et aura la lourde responsabilité de remplacer Dennis Bergkamp, bientôt sur le départ.
Pour se faire, Robin van Persie est bien entouré. Arsène Wenger sait gérer les fortes personnalités et va tout faire pour mettre dans de bonnes conditions son milieu offensif qu’il souhaite transformer en buteur. Souvent, après l’entraînement, le jeune prodige discute avec celui qu’il considère comme son « père du football ». Peu à peu Robin gagne en maturité. Lors de sa première saison, il inscrit six buts en 32 matchs. Des débuts plutôt prometteurs qui enchantent son entraîneur. Oui mais voilà, Robin reste Robin et lors d’un match contre Southampton, il est expulsé et suspendu pour plusieurs rencontres en raison d’un vilain geste sur Graeme Le Saux. Arsène Wenger, qui fulmine sur le banc, se dit alors qu’il y a encore beaucoup de travail pour polir son diamant brut. Pourtant, Van Persie s’inspire des meilleurs. Un jour, confortablement assis dans un jacuzzi, il observe Dennis Bergkamp faire des passes avec les jeunes :
« Il n’en ratait aucune. Et, à partir de ce jour, je me suis mis à faire les exercices à 100%. Quand je faisais une erreur, je m’énervais, car je voulais devenir Bergkamp. »
Le Néerlandais se met donc au travail. Pour sa deuxième saison sous le maillot des Gunners, il marque lors des huit premiers matchs de championnat. Mais c’est lors de sa troisième saison que Robin van Persie va dévoiler au monde entier sa marque de fabrique : la reprise de volée. Le 30 septembre 2006, sous un temps ensoleillé, Arsenal affronte Charlton. A la 49ème minute, Emmanuel Eboué adresse un centre au Néerlandais. RVP surgit à l’entrée de la surface de réparation et déclenche une frappe aussi instinctive que déferlante. Les supporters des Gunners explosent et saluent cet éclair de génie. Epoustouflé, Arsène Wenger qualifiera cette action de « but d’une vie ».
Pour l’heure, Denis Bergkamp a tiré sa révérence quelques mois plus tôt mais n’hésite pas à rendre visite à son jeune compatriote lorsqu’il est de retour à Londres. En 2007, c’est au tour de Thierry Henry de quitter la capitale britannique. La légende d’Arsenal rejoint le FC Barcelone et Robin van Persie devient son digne héritier. Auparavant positionné sur les ailes au Feyenoord, Arsène Wenger aligne RVP en tant que numéro 9. Un choix qui s’avère payant pour le jeune Néerlandais :
« Je suis très reconnaissant envers l’entraîneur pour cette chance, car je peux m’améliorer de bien des façons. Si vous regardez les joueurs vraiment spéciaux – et je n’en suis pas encore là, car j’ai besoin de développer ces petits détails –, ils peuvent jouer partout. Regardez Zidane. Il était le maître dans tous les aspects du jeu ».
RVP enchaînera toutefois les blessures, l’un des principal frein lors de sa carrière. Une fracture du métatarse et un genou fébrile l’éloignent des terrains pendant une longue période mais c’est en 2008 qu’il revient à son meilleur niveau. Avec 20 buts inscrits pendant la saison, le trophée du meilleur joueur de la saison lui sera décerné par les supporters londoniens.
Lors de la saison 2010-2011, Robin van Persie rencontre le FC Barcelone en huitième de finale de Ligue des Champions. L’occasion pour lui d’inscrire un but somptueux dans un angle exigu. Une réalisation dont lui seul a le secret. Malheureusement, les Gunners seront éliminés par les Blaugrana sur l’ensemble des deux rencontres. Une déception pour RVP qui monte en puissance et qui récupère le brassard de capitaine la saison suivante lorsque Cesc Fàbregas quitte Londres à son tour. L’attaquant néerlandais assumera pleinement cette responsabilité et réalisera l’une des saisons les plus prolifiques de sa carrière. Avec 30 buts au compteur, l’autre « hollandais volant » est élu meilleur joueur de la saison et s’attire les louanges du monde entier. Difficile donc de résister lorsque le Manchester United de Sir Alex Fergusson le sollicite. Le club mancunien a tout pour attirer van Persie : un coach d’exception, une équipe talentueuse et surtout une garantie certaine de remporter des trophées. Car oui, après huit saisons à Arsenal, Robin n’a gagné qu’une simple FA Cup en 2005 et un Charity Shield en 2004. Trop peu pour celui qui voulait devenir Bergkamp.
Trahison sacrée
C’est donc du coté de Manchester United que Robin van Persie va nettoyer les lucarnes. Un choix décrié pour beaucoup tant les Red Devils sont détestés par les Gunners. L’attaquant révélera : « J’écoute toujours le petit garçon enfoui en moi au moment de prendre une décision. Je me demande ce qu’il voudrait. Ce petit garçon en pinçait pour Manchester United.» La quête aux trophées commence donc. Symboliquement, l’attaquant choisit le numéro 20 en référence au vingtième titre de champion à aller chercher. Dès les premières rencontres sous le maillot des Red Devils, van Persie détonne. Sa capacité à se créer des situations dangereuses, son élégance et sa flegme le font tout de suite adopter par les supporters mancuniens. Mieux encore : en inscrivant le but de la victoire contre Manchester City lors de son premier derby, van Persie est adulé. Avec douze points d’avance sur les Citizens, Manchester United remporte son vingtième trophée de champion d’Angleterre. Le premier pour Robin van Persie, désormais sur le toit du monde en raison d’un sublime triplé face à Aston Villa lors de la dernière journée.
A l’aube de sa deuxième saison sous le maillot des Red Devils, RVP apprend le départ d’Alex Fergusson, une déception pour celui qui pensait évoluer à ses cotés pour encore deux saisons :
« Il m’avait dit qu’il envisageait de rester encore au moins trois ans. Pour moi, ce fut donc une grande déception, car j’avais signé à Manchester United pour lui. C’est la vie, les coachs vont et viennent, les joueurs sont transférés… Il faut aller de l’avant. Mais quand les gens ont vu Sir Alex Ferguson se retirer, tout le monde a su que cela allait être très dur pour le club. »
L’arrivée de David Moyes ne réjouit pas tellement l’attaquant star du club qui inscrit 18 buts en 28 matchs cette saison. Son plus beau but surviendra toutefois quelques mois plus tard…
Tête plongeante, nouveau défi en Turquie et retour à la maison
13 juin 2014. Premier match du Mondial brésilien pour les Pays-Bas face à l’Espagne. Lors de la dernière édition en Afrique du Sud, les Néerlandais avaient échoué en finale face à ces mêmes Espagnols. Le rêve s’était arrêté suite au but d’Andres Iniesta dans les prolongations. Pour Robin van Persie, cette édition 2010 aura toujours un goût d’inachevé. La raison certainement à un seul petit but inscrit et à une mauvaise entente avec le sélectionneur. Cela dit, ce dernier est à l’époque Bert van Marwijk, l’ancien entraîneur du Feyenoord qui avait envoyé Robin en réserve lors de ses jeunes années… Participer à cette Coupe du Monde 2014 est donc l’occasion pour l’attaquant d’écrire l’histoire. Même si Xabi Alonso ouvre la marque sur penalty en première période, les Oranje ne déméritent pas et c’est à la 44ème minute que Robin van Persie inscrit un but stratosphérique. Lancé par Daley Blind, l’attaquant néerlandais se jette au sol et lobe Iker Casillas d’une tête plongeante. L’histoire s’arrêtera en demi-finale face à l’Albiceleste de Lionel Messi mais on retiendra donc ce but devenu iconique.
En rentrant à Manchester, le « hollandais volant » semble quelque peu dépassé. Sa dernière saison à Old Trafford est légèrement en deçà de ses standard habituels. Le moment pour se lancer dans une nouvelle aventure. RVP s’envole en direction de Fenerbahçe pour trois saisons. En raison de multiples conflits avec son entraîneur, cette expérience sera surtout considérée comme anecdotique. L’attaquant inscrira toutefois 36 buts en 87 matchs, une façon pour lui de dire qu’il peut encore être performant. Ainsi, après tant d’années loin de son pays natal, RVP décide de revenir là où tout a commencé : le Feyenoord. Quatorze ans après, il est temps de rentrer. La boucle est bouclée lorsqu’il remporte, dès son retour, la Coupe des Pays-Bas face à l’AZ Alkmaar. Désigné capitaine dans la foulée, Robin van Persie guidera ses coéquipiers vers la victoire contre l’Ajax Amsterdam – futur champion – en marquant un doublé lors sa dernière saison. Le 12 mai 2019, il annonce sa retraite aux médias néerlandais.
Robin van Persie restera comme l’un des meilleurs attaquants du début des années 2000. Véritable acrobate dans les airs, ses reprises de volées ont illuminé le rectangle vert. En somme, RVP illustrait à quel point les éclairs de génies peuvent faire lever tout un stade. Certains regretteront que le natif de Rotterdam n’ai pas glané davantage de trophées. Le bilan est effectivement assez terne. Pour autant, ses exploits individuels resteront à coup sûr dans toutes les mémoires.
Sources :
- Andy Lloyd Williams, « RVP, the biography of Robin van Persie »
- Danny Ryan, « Robin van Persie : a stricker of astounding flair and capability », These Football Times
- Maxime Renaudet, « Le dernier envol de van Persie », So Foot
- Nicolas Jucha,Robin van Persie : J’avais signé à Manchester pour Sir Alex Fergusson », So Foot
- Maxime Brigand, « Il faut profiter de Van Persie, So Foot
- Quentin Schulz, « Quand Sa Majesté Robin van Persie tire sa révérence », Ultimo Diez
- Moha, « Sa Majesté est morte, vive Robin ! », Ultimo Diez
- Pierre Godon, « Séjour en prison, philanthropie et ping-pong : qui est Robin van Persie, l’attaquant star du Mondial ? », France Info
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