Avant la domination du Red Bull Salzbourg, les championnats autrichiens étaient bien souvent remportés par l’un des deux géants de la capitale du pays, l’Austria et le Rapid Vienne. Ce dernier est le recordman de victoires avec 33 championnats dont 32 en Autriche et un autre… en Allemagne, remporté durant l’époque nazie.
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Et oui, un club autrichien peut se targuer de posséder autant de Bundesliga que l’Eintracht Francfort ou le VfL Wolfsburg, et même plus que le Bayer Leverkusen ou le RB Leipzig ! Le Rapid Vienne est donc lauréat de championnats de deux pays différents. Mais même si ce succès en 1941 peut surprendre, tout comme sa Coupe d’Allemagne en 1938, ces trophées remportés sous le IIIe Reich ne pèsent pas lourd dans le riche palmarès du Rapid Vienne et ses 32 championnats d’Autriche, 14 Coupes, 3 Supercoupes et 2 Coupes Mitropa.
Le club des ouvriers
Le Rapid Vienne est créé le 22 juillet 1987 sous le nom de « 1. Wiener Arbeiter-Fußball-Club » (Premier club de football des travailleurs viennois). Les débuts sont difficiles et lors d’une réunion le 8 janvier 1899, les responsables décident de changer de nom pour « Sport-Club Rapid », un nom repris d’un club allemand, le Rapid Berlin. Deux raisons principales sont évoquées. Tout d’abord, un nouveau départ pour faire oublier les échecs sportifs. En effet, le club reste sur une seule victoire en 19 matchs. Ensuite, la modification permet de contourner la surveillance des autorités impériales d’Autriche-Hongrie. En effet, la connotation ouvrière dans le nom de l’équipe entraînait une méfiance des autorités qui surveillaient et contrôlaient plus ce type d’association. Le club débute en bleu et rouge mais passe en 1905 à ses couleurs actuelles : le vert et le blanc.
Après avoir débuté sur un terrain de parade militaire, près d’une caserne, le club obtient un terrain dans le quartier de Rudolfsheim. Cependant, le club croule vite sous les dettes et en 1911, la ville de Vienne annule son bail pour le terrain. Un homme sauve alors le club, Dionys Schönecker. Il éponge les dettes et fait édifier un stade, conçu par son frère Edi, le Pfarrwiese. Dionys Schönecker prend aussi le poste d’entraîneur du Rapid. Lors du premier championnat d’Autriche, en 1911-1912, le Rapid décroche le titre. Depuis, le club n’est jamais descendu en seconde division. Il a aussi remporté la première Coupe d’Autriche en 1919.
En 1927 est créée la Coupe d’Europe centrale, renommée ensuite Coupe Mitropa. Elle est considérée comme une compétition précurseur de la Ligue des champions et réunissait des clubs autrichiens, hongrois, yougoslaves, tchécoslovaques, puis italiens, roumains et suisses. Le Rapid atteint la finale des deux premières éditions mais s’incline contre le Sparta Prague en 1927 (2-1, 2-6) puis face aux Hongrois de Ferencváros en 1928 (5-3, 1-7). Il prend cependant sa revanche en 1930 face aux Tchèques (2-0, 2-3).
Des Viennois champions d’Allemagne
En 1938, le IIIe Reich réalise l’Anschluss, le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne. Les équipes autrichiennes sont alors intégrées dans les compétitions allemandes. Cette année-là, le Rapid remporte la Tschammer-Pokal (ancêtre de la Coupe d’Allemagne) 3-1 contre le FSV Francfort en inscrivant les trois buts dans les dix dernières minutes. Trois ans plus tard, le 22 juin 1941, il est sacrée champion d’Allemagne au stade olympique de Berlin. Dans un format de matchs à élimination directe, il bat en finale la principale équipe de l’époque, Schalke 04. Les joueurs de Gelsenkirchen mènent 3-0 mais en moins de cinq minutes, les Autrichiens égalisent et l’emportent finalement 4-3, avec un triplé de Franz Binder.
Après la guerre, le Rapid connaît un âge d’or. Au cours de la saison 1951, il remporte la Coupe Zentropa, la première édition d’après-guerre de la Coupe Mitropa, face aux compatriotes du Wacker AC (3-2). La même année, les Grün-Weißen (Verts et blancs) écrasent le championnat. Pour leur 17e titre, ils inscrivent 133 buts en 24 matchs, soit près de 5,5 buts par matchs, un record. Il remporte ainsi un derby contre l’Austria 7-5, mais gagne aussi 12-1 contre le Sturm Graz, 11-2 contre LASK, ou encore 9-0 contre le FC Vienne. Les deux attaquants, Robert Dienst et Erich Probst marquent au cumulé (35 et 28) plus de buts que huit des 13 équipes du championnat.
Cette période dorée est aussi incarnée par la sélection nationale. Lors de la Coupe du monde 1954 en Suisse, l’Autriche termine 3e. On retrouve de nombreux joueurs du Rapid dans l’équipe : Walter Zeman, Ernst Happel, Gerhard Hanappi, Karl Gießer, Paul Halla, Hans Riegler, Robert Dienst, Erich Probst et Robert et Alfred Körner, soit 10 des 22 joueurs de l’effectif autrichien.
Le Rapid prend part à la première Coupe des clubs champions européens de l’histoire. Il bat le PSV Eindhoven en huitièmes (6-1, 0-1) mais s’incline contre l’AC Milan en quarts (1-1, 2-7). L’année suivante, il est à deux doigts de sortir le Real Madrid, tenant du titre, en huitièmes. Lors du match aller, les Autrichiens s’inclinent 4-2 au Santiago Bernabeu devant 125 000 spectateurs. À domicile, les Viennois l’emportent 3-1 grâce à un triplé d’Ernst Happel. Un barrage décisif est donc organisé et il se solde par une défaite 2-0 en Espagne face aux futurs vainqueurs de la compétition. Ils prendront leur revanche en 1968-1969 en éliminant les Madrilènes au 2e tour de la compétition (1-0, 1-2) avant de s’incliner contre le Manchester United de George Best en quarts (0-0, 0-3).
En 1977, les Verts et Blancs changent de stade et emménagent dans une nouvelle enceinte, le West Stadion, renommée en 1981 stade Gerhard-Hanappi du nom de l’architecte et joueur légendaire du club. Dix années après l’adoption du nouveau stade, le Rapid réalise un triplé historique avec le championnat, la coupe et la supercoupe.
Si proche du titre européen
Les plus beaux succès du Rapid ont lieu en Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe. Au cours de l’édition 1984-1985, les Viennois éliminent Beşiktaş en seizièmes de finales (4-1, 1-1), puis le Celtic Glasgow (3-1, 1-0). En quarts, ils s’inclinent 3-0 au match aller chez le Dynamo Dresde mais parviennent à remonter le score avec une victoire 5-0 au retour. Le Dynamo Moscou est écarté en demi-finale (3-1, 1-1), avant d’affronter Everton. On retrouve dans l’effectif du Rapid de nombreux internationaux autrichiens comme Michael Konsel (futur gardien de la Roma) ou Hans Krankl (Soulier d’Or 1978 avec 41 buts, transféré dans la foulée au FC Barcelone avant de revenir à Vienne), mais aussi le Tchécoslovaque Antonin Panenka. Ils s’inclinent finalement 3-1 face aux Anglais.
En 1995-1996, ils atteignent de nouveau la finale. Ils éliminent tout d’abord les Roumains du Petrolul Ploiești (3-1, 0-0), puis le Sporting Portugal (0-2, 4-0 ap), le Dynamo Moscou (3-0, 1-0) et le Feyenoord Rotterdam (3-0, 1-1). En finale, c’est le Paris Saint-Germain qui se présente. Le gardien Michael Konsel est toujours présent. Il est notamment accompagné du Bulgare Trifon Ivanov ou encore du futur joueur du Bayern, Carsten Jancker. Le PSG parvient à dompter les Autrichiens, sur un coup-franc dévié de Bruno N’Gotty (1-0). L’année suivante, ils participent à leur première phase de poule de Ligue des champions mais terminent derniers derrière la Juventus, Manchester United et Fenerbahçe.
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Depuis le début des années 2000, le club connaît plus de difficultés. Il connaît son pire classement en 2001-2002 sous la direction de Lothar Matthaüs avec une 8e place. En 21 années, le Rapid n’a remporté le championnat qu’en 2005 et 2008 et la Coupe en 2005, 2017 et 2019. Il est confronté notamment au Red Bull Salzbourg qui écrase la concurrence nationale depuis 2007. Seuls trois titres lui ont échappé depuis cette année-là. Durant cette période, le Rapid change aussi de stade et évolue désormais à l’Allianz Stadion depuis 2016.
Dans ses parcours récents en Europe, le Rapid a de nouveau joué les poules de Ligue des champions en 2005-2006 mais a terminé dernier derrière la Juventus, le Bayern Munich et le Club Bruges. Depuis 2008-2009, les Viennois ont participé à huit phases de poule de Ligue Europa mais ne se sont qualifiés que deux fois pour les tours suivants. Ils ont été éliminés en 32e par Valence en 2016 (0-4, 0-6) et par l’Inter Milan en 2019 (0-1, 0-4).
Des supporters enflammés
Une tradition particulière existe chez les Verts et Blancs. Elle est nommée Rapid-Viertelstunde (le quart d’heure du Rapid) et existe depuis plus d’un siècle (on en trouve une évocation dans un journal en 1909). L’entrée dans les quinze dernières minutes est un moment de fête chez les supporters qui célèbrent notamment avec des applaudissements en rythme. Le club avait dès ses débuts, la réputation de remporter les matchs dans les derniers instants de la partie et l’histoire est restée jusqu’à aujourd’hui. Une recommandation a même été faite pour une inscription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO mais la requête a échoué.
Un simple coup d’œil aux statistiques montre qu’un nombre disproportionné de matchs ont été renversés par le Rapid dans les 15 dernières minutes. La Rapid-Viertelstunde n’est pas simplement un mythe, elle est tangible, et représente le moment où chaque joueur du Rapid puise au plus profond de lui-même pour vaincre l’adversaire, et où l’équipe elle-même devient la plus dangereuse pour ses adversaires. (Site officiel du Rapid Vienne)
Le club du quartier d’Hütteldorf peut compter sur des supporters importants car il est le plus apprécié du pays. Le principal groupe, les « Ultras Rapid 1988 » sont le premier groupe ultra fondé dans le monde germanophone, en 1988. Ils sont amis avec la « Nordkurve » de Nuremberg et la « Gate 13 » du Panathinaïkós. Les « Green Monsters » de Ferencváros ont aussi de bonnes relations avec les ultras viennois.
La principale rivalité du club est celle avec l’autre grand club de la capitale, l’Austria Vienne (24 titres de champion). Le derby entre les deux clubs est l’un des plus joués d’Europe avec le derby de Glasgow et celui d’Edimbourg. L’antagonisme repose notamment sur l’opposition entre « un club ouvrier », le Rapid et « un club bourgeois », l’Austria. Les deux clubs se sont affrontés près de 330 fois pour environ 120 victoires pour l’Austria contre 140 pour le Rapid.
Beaucoup moins sur le devant de la scène au niveau national ou européen ces dernières années, le Rapid Vienne n’en demeure pas moins le club emblématique du football autrichien. Les Verts et Blancs demeurent à ce jour l’équipe la plus titrée d’Autriche et la seule du pays à avoir disputé deux finales européennes. Il a aussi longtemps été un pourvoyeur majeur de joueurs pour la sélection nationale. Aujourd’hui, les Viennois connaissent plus de difficultés avec des moyens bien inférieurs à ceux du Red Bull Salzbourg.
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Crédits photos : Icon Sport