Le Festival de Cannes, après une année d’absence due à la pandémie était de retour en 2021. Son délégué général Thierry Frémaux et son président Pierre Lescure ont tous deux une relation particulière avec le football, en plus du cinéma. Le premier est un grand supporter de l’Olympique Lyonnais, tandis que le second est l’ancien directeur du diffuseur historique de la Ligue 1, Canal +, et étroitement lié au Paris Saint-Germain lorsque le club était sous la tutelle de la chaîne cryptée. Ainsi, l’état-major du plus grand festival de cinéma au monde est passionné de football… mais ce n’est pas le seul lien qu’entretient la Croisette avec le ballon rond.
Si le Festival de Cannes n’a pu se tenir en 2020, l’édition de 2019 donnait la part belle au football en sélectionnant le documentaire d’Asif Kapadia consacré à Diego Maradona. Le cinéaste britannique a des talents pour le biopic puisqu’il a déjà réalisé deux films inspirés des vies de Ayrton Senna et de Amy Winehouse. Pour celui sur le footballeur argentin, Kapadia choisit de se concentrer sur la période napolitaine du joueur, de 1984 à 1991. Il s’agit autant d’illustrer la partie footballistique que privée de l’homme durant ces années.
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Maradona fidèle à sa réputation extravagante jusqu’à Cannes
Diego Maradona était alors attendu sur la Croisette en 2019. Pourtant, des ennuis de santé privent la star de la montée des marches. Asif Kapadia justifie l’absence de la star de son film : « Il n’est pas en forme. Cela fait un moment qu’il souffre d’une blessure à une épaule. Il doit se faire opérer. La saison avec son club (Dorados de Sinaloa, au Mexique) vient de se terminer. Son équipe n’a pas réussi à monter en première division. Je pense qu’il n’est pas très heureux de ça. J’ai longtemps espéré qu’il soit là mais maintenant je ne pense pas que ce soit possible. Malheureusement. On a fait tout ce qu’on a pu».
Cependant, quelques jours après la présentation du film à Cannes, Diego s’est exprimé sur ce dernier, enfin uniquement sur son affiche qui comprend un sous-titre : « Rebelle. Héros. Tricheur. Dieu. ». S’il ne trouve rien à redire à trois de ces mots, le quatrième le gène au point de boycotter le film : «Je n’aime pas ce titre, et si je n’aime pas le titre, je n’aimerai pas le film ». En effet, le terme d’escroc n’est pas digéré par Maradona qui aurait préféré que le film ne retienne que l’aspect footballistique de cette partie de sa vie : « Je joue au football et je gagne ma vie derrière un ballon. Je n’ai jamais escroqué personne. S’ils veulent mettre ça pour attirer le public, je pense qu’ils font une erreur ».
En 2019, Maradona n’était donc pas présent pour soutenir le film de Kapadia. Cependant, El Diez avait déjà monté les marches, en 2008, en compagnie d’Emir Kusturica. Pendant deux ans, le réalisateur serbe a suivi l’ancien footballeur et en a réalisé un documentaire très fort sur la personnalité la plus singulière du football. Habitué aux stars, le tapis rouge a vu un dieu en 2008. Avant de monter les 22 marches, Kusturica et Maradona s’échangent quelques passes, la foule est en délire. Même Spike Lee, le président du jury en 2021, est refoulé par la sécurité quand il tente d’approcher l’Argentin. Diego fait quelques jongles en haut des marches avant de rentrer dans la salle qui lui réserve vingt minutes de standing ovation en chantant « Olé olé olé Diego, Diego ».
Le lendemain, au photocall, Maradona fait le show. Il jongle, échange quelques passes avec Kusturica, maintient le ballon au sommet de sa tête pendant de longues secondes, le tout perché sur le pupitre. La Croisette se souvient du passage du plus grand footballeur de tous les temps comme quelque chose d’hors-norme.
Quand la sélection officielle pense au football
En 2016, alors que l’Euro se déroule en France quelques semaines après le Festival de Cannes, celui-ci programme Coup de tête, de Jean-Jacques Annaud et sorti en 1979 pour une séance spéciale dans le cadre du «Cinéma de la plage». Ce long-métrage dans lequel Patrick Dewaere incarne un footballeur du village de Trincamp est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs films français sur le football. En 2006, le film documentaire de Douglas Gordon et Philippe Parreno sur Zinédine Zidane est sélectionné hors-compétition. Nommé Zidane, un portrait du XXIe siècle, ce film suit le joueur du Real Madrid lors d’un match à Bernabeu face à Villarreal à l’aide de dix-sept caméras. Lors de cette même édition du festival, la Palme d’or revient à Ken Loach pour Le vent se lève. Le cinéaste anglais est passionné de football et a combiné football et cinéma pour revenir à Cannes, en 2009.
Eric Bishop est un postier à Manchester, ses séparations jamais digérées et ses enfants qui lui en font voir de toutes les couleurs le mènent à la dépression. Une chose le sauve de ses pensées suicidaires : sa passion du football qu’il partage avec ses collègues. La dépression donne des hallucinations à Eric, il entretient alors une relation avec un autre Eric, son idole : Cantona. Cette histoire est celle de Looking for Eric, de Ken Loach, sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 2009.
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C’est alors que un an après avoir vu Diego Maradona, la Croisette accueille un autre génie du football reconverti dans le cinéma : Eric Cantona. Ayant une filmographie déjà intéressante, le King de Manchester présente en 2009 à Cannes un film en compagnie de l’un des maîtres actuels du septième art.
Le Festival de Cannes n’a donc pas sélectionné beaucoup de films sur le football dans son histoire. C’est en réalité surtout un manque d’offre qui provoque cela. Nul doute que lorsqu’un bon film sur le football destiné aux salles est proposé, Thierry Frémaux ne passe pas à côté et l’invite sur la Croisette où se côtoient des passionnés de cinéma, mais aussi de ballon rond. Le 11 juillet dernier, au soir de la finale de l’Euro 2020 entre l’Angleterre et l’Italie, le supporter de la Roma Nanni Moretti et l’Anglais féru de football Tim Roth étaient tous deux à Cannes, malheureusement conviés ce soir-là à présenter leurs films. On les imagine facilement la tête ailleurs…
Sources :
- FREMAUX Thierry, Sélection officielle, Grasset, 2017
- CORGE Anouk, Pas de Festival de Cannes pour Diego Maradona, 19 mai 2019, L’Equipe
- FESTOR Gilles, Festival de Cannes : Maradona déconseille au public d’aller voir le documentaire sur sa vie, 22 mai 2019, Le Figaro