Le Paris Saint-Germain fêtera ses 50 années d’existence lors de cette saison 2019-2020. Dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien le 9 juillet dernier, Leonardo, le nouveau directeur sportif du PSG, a rappelé que le club commence à avoir de la bouteille ainsi qu’une histoire ancienne et ce malgré les récentes grandes évolutions qu’il a connu : « on parle beaucoup de l’arrivée du Qatar mais ce n’est pas le début de l’histoire. Le club va avoir 50 ans ! ». Alors, retour sur ce début d’histoire, 50 ans en arrière, lorsque le football à Paris se porte au plus mal et que l’idée d’y créer une nouvelle place forte germe à la Fédération Française de Football.
À la fin des années 1960, le football de haut niveau dans la région parisienne connaît une crise inédite : le Racing Club de Paris abandonne son statut professionnel en 1966, de même pour le Stade Français en 1968. Le Red Star quant à lui fait l’ascenseur entre la première et la deuxième division sans jamais retrouver sa superbe d’avant-guerre. Cette situation est perçue comme une anomalie par la FFF lorsqu’elle compare Paris aux autres grandes capitales européennes. En 1969, la Fédération va alors mettre en place un groupe d’étude au sein de son conseil fédéral afin de créer un nouveau club permettant à la capitale de redevenir une place forte du football français. La mission est principalement confiée à deux hommes : Guy Crescent, président de la société de transport Calberson et Pierre-Etienne Guyot, vice-président du Racing Club de Paris. Dans la foulée, un sondage publié dans la presse demande aux Franciliens s’ils veulent d’un grand club à Paris, la réaction est unanime : 66 000 personnes répondent favorablement. L’engouement est total.
La fondation d’un club à Paris se réalise très rapidement : dès juillet 1969, le Paris Football Club est créé. Il s’agit cependant d’une association purement administrative, c’est-à-dire qu’il reste à trouver un stade, des joueurs, bref toute une structure sportive. A la fin de l’année 1969, Guy Crescent sillonne l’Europe afin de connaître le fonctionnement des grands clubs du continent. Il rencontre alors les dirigeants de six d’entre eux : Chelsea, Arsenal, Anderlecht, Cologne, Hambourg et le Real Madrid. Le président de ce dernier, le mythique Santiago Bernabeu, séduit l’actionnaire parisien par le système des socios (un principe d’associés qui versent de l’argent au club, leur permettant de participer activement à la vie de celui-ci) tandis que les clubs londoniens inspirent Crescent par leur modernité : Chelsea et Arsenal commençaient déjà à s’intéresser au merchandising et à la modernisation des stades.
Au retour de Guy Crescent, début 1970, Pierre-Etienne Guyot a contacté son ami Maurice Siegel, patron d’Europe 1, afin d’obtenir un créneau sur la station pour démarcher des donateurs : ils deviennent des « associés », les socios à la parisienne en somme. Cet appel à souscription a lieu le dimanche 1er février 1970 et est animé par Pierre Bellemare, de retour sur Europe 1 après dix ans d’absence. L’animateur vedette soutient personnellement le projet. Cette émission est cruciale pour l’avenir du club parisien : si les dons représentent un échec, le projet tombe à l’eau. 85 points de souscription sont alors dispersés dans Paris, tenus par une centaine de bénévoles dont plusieurs artistes parmi lesquels : Enrico Macias, Mireille Mathieu ou Annie Cordy.
À 9h00, Pierre Bellemare prend la parole : « Chers amis, nous allons faire appel à vous une nouvelle fois. Si le peuple de Paris ne se penche pas sur le drame qui le guette… Imaginez le train de péniches remontant la Seine et portant la terre rouge du Parc des Princes vers son dernier cercueil. La mort d’un grand lieu… La disparition du patrimoine national… Nous possédons la solution et c’est Monsieur Guy Crescent qui va maintenant prendre la parole ». Le dirigeant parisien explique le système d’associés permettant à la capitale de se créner un nouveau grand club et que pour en être, le don minimum est de 25 francs. Après quatre heures d’antenne, 17 400 personnes ont souscrit et promis 842 000 francs, soit environ 50 francs par associé. L’opération radiophonique est un succès, Guy Crescent peut remercier les auditeurs et Pierre Bellemare : le grand club parisien va voir le jour.
Le Paris FC doit maintenant s’occuper du côté sportif : les dirigeants parisiens souhaitent démarrer en D1, or le règlement interdit l’arrivée d’un nouveau club de suite en première division. Il faut donc passer par la D2 avant de rejoindre l’élite. La deuxième division est alors en pleine réforme : désormais nommée « Championnat national », elle comprend 48 clubs répartis en 3 groupes de 16. La FFF doit communiquer fin mai les participants à l’édition 1970-1971 de ce Championnat national. Pour ce qui est du stade, le PFC ne peut jouer au Parc des Princes, celui-ci étant en travaux jusqu’en 1972. L’objectif est donc de monter en D1 à la réouverture du Parc : deux ans seulement après la création du club et alors que celui-ci ne possède encore aucune structure sportive… L’ambition a toujours été présente dans le club parisien !
Les dirigeants du Paris Football Club prennent la décision d’inscrire le club au Championnat national malgré les déficits sportifs pour l’heure mais la solution est trouvée : il faut fusionner avec un club existant afin de garder le côté administratif du PFC et ainsi se procurer l’aspect sportif via le club qui accepte de fusionner. Premièrement, en mai 1970, le Paris FC se tourne vers Sedan qui a déjà collaboré avec le RC Paris en 1966. Sedan refuse, c’est un échec pour le PFC qui voit 300 de ses associés demander un remboursement de leur don. Un mois plus tard, Henri Patrelle, le président du Stade Sangermanois tout juste promu en D2, voit d’un bon œil une fusion avec le nouveau club parisien. Le 4 juin, l’assemblée générale de la section football du club de Saint-Germain-en-Laye vote à l’unanimité pour la fusion : 85 voix pour et seulement une contre.
Le 10 juin 1970, le protocole de fusion entre le Paris Football Club et le Stade Saint-Germanois est lancé, celle-ci devient officielle sept jours plus tard. Tous les détails du futur club sont décrits dans le protocole : le nom choisi est celui de Paris Saint-Germain Football Club et les couleurs de l’équipe sont celles du SSG c’est-à-dire le rouge, le blanc et le bleu. Le côté administratif fusionne également : le siège social du club est fixé au 183 avenue de Clichy dans le 17ème arrondissement de Paris.
Il est décidé qu’un Conseil d’Administration présidé par Pierre-Etienne Guyot, lui-même suppléé par Guy Crescent et Henri Patrelle, gère le PSG FC et se tient responsable de ses activités sportives et financières. S’il est mentionné que le Stade Sangermanois fait apport de l’ensemble de sa section football (joueurs, équipe techniques, dirigeants, terrains d’entraînement, matériels, droit de participation au Championnat National, facilités de résidence pour les futures recrues via l’aide de la Municipalité de Saint-Germain-en-Laye, etc), il est bien sûr également représenté dans ce Conseil d’Administration. Les associés ayant financièrement contribué à la création du PSG se voient attribuer un rôle puisque le Conseil est assisté de quatre commissions que composent les associés : la commission sportive, la commission des finances, la commission de la publicité et des relations publiques et la commission des associés.
Le 26 juin 1970, la première réunion du Conseil d’Administration se tient et élit sans surprise Pierre-Etienne Guyot comme premier président du Paris Saint-Germain. La première tâche du Conseil est alors de créer différents secteurs pour faciliter l’organisation des quelques 15 000 associés. 28 secteurs géographiques sont donc composés, ils regroupent les arrondissements de la capitale, sa région voisine et un secteur est dédié à la province et à l’étranger. Ces organisations sont dirigées par un chef de secteur élu par les associés et permettent à ces derniers de débattre du futur du club, de proposer leurs idées et de trouver une réponse à leurs interrogations.
Au début du mois de juillet 1970, le PSG est donc un club très structuré et prêt à devenir le grand club que l’on connaît. Pourtant, la date de fondation qui est officiellement retenue par le Paris SG est celle du 12 août 1970 : elle correspond en fait à l’acceptation du changement de nom du Paris Football Club par la préfecture de police de Paris. Une autre date est parfois mentionnée : celle du 27 août qui désigne la parution dans le Journal Officiel de la création du Paris Saint-Germain.
La première équipe du PSG est entraînée par Pierre Philippon, l’ex-entraîneur du SSG donc. Cette équipe est aussi atypique que la création de son club : composée autant d’amateurs que de professionnels, elle se voit renforcée par l’arrivée de plusieurs joueurs internationaux. Le premier d’entre eux est le défenseur et capitaine de l’Équipe de France, Jean Djorkaeff. Le père de Youri est la première star du Paris SG et cela est une surprise de le voir arriver en deuxième division dans un club inexpérimenté. Approchant la trentaine, Djorkaeff quitte l’OM avec lequel il vient de remporter la Coupe de France pour se rapprocher de sa famille en région parisienne. La trentaine passée, il sait que le plus beau de sa carrière est derrière lui et décide de s’impliquer pleinement avec le Paris Saint-Germain puisqu’il renonce même à plusieurs sélections en Équipe de France pour jouer avec le club de la capitale. D’autres joueurs expérimentés viennent compléter l’effectif hybride du PSG : Roland Mitoraj et Jean-Claude Bras tous deux internationaux ou encore le champion d’Europe portugais avec Benfica, Fernando Cruz.
Le Paris Saint-Germain joue quatre matchs amicaux avant de lancer sa saison 1970-1971 du Championnat National. D’abord à Saint-Ouen, le 1er août, une défaite 2-1 face à Quevilly qui marque donc le premier match de l’histoire du club. Suivront un match nul et deux victoires précédant le 23 août, date du premier match officiel du PSG, à Poitiers dont il ramène le nul 1-1 avec un but zlatanesque sur coup-franc de Bernard Guignedoux.
La première victoire officielle du club arrive une semaine plus tard, à Jean Bouin, face à nouveau à Quevilly (3-2) devant 3 792 spectateurs. Le PSG joue alternativement à Jean Bouin et à Saint-Germain-en-Laye et attend deux mois de compétition avant sa première défaite, à Châteauroux, le 25 octobre 1970.
La cinquantième saison du Paris Saint-Germain entamée le samedi 3 août dernier lors du Trophée des Champions face au Stade Rennais démontre le chemin parcouru par le club parisien depuis sa création et en même temps, les attentes confirmées dans ce club qui déjà, avant sa fondation, bénéficiait d’un engouement hors-norme de la part des Parisiens, des médias et des différentes personnalités liées de près ou de loin au PSG. Le Paris Saint-Germain n’a jamais su se montrer patient ou modeste, il a dès le début fait preuve d’une grande ambition comme s’il en était obligé. A croire que le jacobinisme français se traduit aussi dans le football : depuis toujours le Paris SG est attendu et scruté, aimé ou haï mais à jamais central dans l’histoire du football français.