Parmi les clubs ayant marqué le football de leur empreinte, le Real Madrid est assurément la tête de gondole de l’histoire de ce sport. Vainqueur de la Ligue des champions à 13 reprises, le club de la capitale espagnole a commencé à bâtir sa légende européenne dès la création de la compétition en 1955, lorsqu’elle se nommait encore « Coupe des clubs champions ». Certains joueurs comme Alfredo Di Stéfano ou Raymond Kopa voient leur nom revenir très souvent lorsqu’on évoque cette période faste des Merengues. Pourtant, Francisco « Paco » Gento démontre par des records invraisemblables avec la Maison Blanche qu’il a sa place au premier plan parmi des légendes du club de l’époque.
Il n’est jamais cité en premier lorsqu’on évoque le règne absolu du Real Madrid en Espagne comme en Europe dans les années 50/60. Il était pourtant tout aussi important que ses coéquipiers de son époque. Paco Gento n’a pas une place immense dans les mémoires des amateurs de fooball car d’autres joueurs exceptionnels comme Di Stéfano, Puskas ou encore Kopa lui volaient la vedette, à juste titre lorsqu’on voit les statistiques de chacun. S’il ne collectionne pas les records individuels, il possède cependant des records collectifs tout bonnement exceptionnels et encore inégalés. Pour la faire courte, Paco Gento est le recordman de victoires en Coupe des clubs champions (6), en championnat d’Espagne (12) et celui qui a passé le plus de saisons sous les couleurs madrilènes (18). Une carrière pleine de réussite sur le plan collectif, un aspect beaucoup trop négligé dans un sport dans lequel il prime énormément. Gento n’avait cependant prévu aucun avenir dans le football. Déscolarisé dès ses 14 ans afin d’aider sa famille à survivre à cause de difficultés financières, il pratique à côté le football mais aussi l’athlétisme, ce qui fait de lui un joueur très rapide. C’est cette particularité qui lui permettra finalement d’être repéré lors d’un match régional , dans lequel il inscrira 9 buts, par le Racing Santander. Il joue sa toute première saison en première division espagnole en 1952/53 et marque tout de suite les esprits puisqu’il signe la saison suivante dans le club dans lequel il forgera sa légende.
Un athlète hors-norme
L’athlétisme pratiqué le long de sa jeunesse a été l’élément déterminant pour réaliser sa carrière phénoménale. Très réputé pour sa vitesse incroyable, Paco Gento a notamment été flashé à 11,7 secondes au 100 mètres, ballon au pied, ce qui est encore aujourd’hui une performance assez exceptionnelle. Ce genre de coup d’éclat lui a d’ailleurs valu le surnom de « boule de feu », un surnom plus qu’explicite pour démontrer la vitesse du joueur. Evoluant au poste d’ailier gauche à Madrid, Gento fait très vite grande impression grâce à ses nombreux débordements, malgré des débuts difficiles, ce qui en fait un indéboulonnable dans l’attaque madrilène. Il le dit lui-même, son rôle n’était pas bien compliqué : « Je cours, je cours, je cours sur l’aile et d’un seul coup, je centre en retrait« . Ses quelques lacunes techniques seront très rapidement comblées par la présence de l’Argentin Héctor Rial, avec qui il progressera énormément, notamment sur ses courses et ses déplacements.
« Parfois, j’étais désolé pour les défenseurs qui me prenaient au marquage. J’avais pour habitude de dire que c’était facile pour moi. Je n’ai jamais eu l’impression de faire un mauvais match.«
Grâce à sa précision sur les centres qu’il multipliait aussi grâce à ses débordements, Gento est devenu un maitre dans l’art de distiller des passes décisives, même s’il parvenait à se muer en buteur lorsque l’occasion se présentait (182 buts en 618 matches). Son corps d’athlète lui permettait de réaliser de grandes performances, et ce sur la durée. Joueur du Real Madrid de 1953 à 1971, Gento a l’un des palmarès les plus fournis de l’histoire. Comme dit auparavant, il a remporté 6 Coupe des clubs champions, 12 championnats d’Espagne, 2 Coupe d’Espagne, 2 Coupe Latine et 1 Coupe Intercontinentale. Même la presse Catalane a reconnu l’importance de Gento au sein du Real Madrid de l’époque :
« Paco Gento incarne la vieille garde, les temps glorieux, l’étincelle qui jaillissait des pieds de Rial ou de Di Stefano, peut-on lire dans La Vanguardia. Le Real Madrid de cette époque pratiquait un football d’une perfection jamais atteinte jusque-là. Avec les années, Gento a peut-être perdu un peu de ses facultés prodigieuses. Ses courses sont plus lentes, ses trajectoires plus prévisibles et ses coups de génie plus intermittents, mais sa présence sur le terrain reste une source de motivation et d’inspiration inégalée pour tous ses coéquipiers« .
Une dernière preuve de la longévité impressionnante de Gento et de son importance dans l’effectif madrilène, celui-ci a été rappelé par le Real Madrid pour disputer la finale de Coupe des Coupes en 1971, alors qu’il avait mis un terme à sa carrière un an auparavant. Son come-back n’aura pas la fin heureuse espérée puisque ce seront les Anglais de Chelsea qui remporteront le trophée (1-1 puis 2-1 pour les Blues). Malgré cette finale perdue, Gento aura tout de même glané 23 trophées avec la Casa Blanca, ce qui en fait l’homme le plus titré avec le club madrilène et le place ainsi tout en haut de la liste des légendes du club malgré l’ombre que lui font d’autres joueurs dans l’imaginaire collectif.
Légende d’un club, pas d’une sélection
Hauteur de grandes performances qui lui ont permis de rentrer dans le cercle très fermé des légendes madrilènes, Paco Gento n’a vraiment pas marqué les esprits en sélection. Même s’il a longtemps gardé le titre de joueur le plus capé avec la Roja (43 sélections), Gento n’a pas le même rendement qu’en club avec seulement 6 buts inscrits sous les couleurs de son pays. Mais le pire dans sa carrière internationale, c’est que Gento n’a pas pu participer aux grandes heures qui ont pourtant eu lieu pendant qu’il jouait encore. Même s’il a pu participer à deux Coupe du Monde (1962,1966), il n’a pas eu l’opportunité de jouer ce qui s’appelait à l’époque le Championnat d’Europe des Nations, en 1964, sur les terres espagnoles, malgré un but marqué pendant les qualifications. Malheureusement pour lui, cette année là l’Espagne remportera la compétition européenne, sans l’ailier gauche pourtant incontournable du Real Madrid.
Après sa carrière de joueur, la « boule de feu » entamera une modeste carrière d’entraineur durant laquelle il officiera sur les bancs de Castilla, Palencia, Grenade avant de reprendre l’équipe de jeunes du Real Madrid, tout un symbole. Après avoir succédé à Di Stefano en tant que capitaine durant les années 60, le fameux numéro 11 succèdera à nouveau à son ancien coéquipier en 2016 en tant que président d’honneur de l’entité madrilène. Avec 600 matches répartis sur 18 saisons, Paco Gento est certainement la personne qui représente le mieux l’histoire très riche du Real Madrid.
Sources :
Paco Gento, ou le plus grand gagnant de l’histoire du Real Madrid
Paco Gento, le vent à travers la montagne
Crédit photos : IconSport