Il aimait qualifier l’OM de “cap des tempêtes”. Par son tempérament méditerranéen et sa gouaille, peut-être plus que tout autre, Mario Zatelli a symbolisé le club phocéen. Même si l’OM de Tapie a fini par faire de l’ombre à sa légende. Attaquant de génie, puis entraîneur charismatique, il a fait de ce club le fil rouge de sa vie.
Mario Zatelli est né à Sétif, en Algérie alors française, le 21 décembre 1912. Comme de nombreux pieds-noirs, il est d’origine italienne, son père étant un cafetier romain exilé. Il portera d’ailleurs toute sa vie la double nationalité, même s’il ne jouera jamais en Italie. Certains diront en riant qu’un Italien d’Algérie ne pouvait que finir à Marseille.
Ses parents migrent ensuite vers le Maroc où le jeune Mario découvre le football et entame sa carrière à l’US Marocaine de Casablanca comme, plus tard, son futur coéquipier Larbi Benbarek.
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Une Coupe de France gagnée avec 40 de fièvre
En 1935, Charles Elkabbach (le père du journaliste Jean-Pierre Elkabbach), patron d’une entreprise d’import-export et dirigeant de l’OM, repère sur place ce jeune attaquant qu’il conseille aux dirigeants de recruter sans attendre. Pourtant, au club, tout le monde n’est pas forcément convaincu du potentiel du jeune avant-centre. Mais il tape dans un œil, et le bon. « L’entraîneur, Joseph Eisenhoffer, avait fini par convaincre les sceptiques que j’étais un remiseur, qu’il fallait me faire confiance ».
Avec treize buts la première saison, il finit par valider sa place. La saison suivante, il alignera vingt-huit buts pour mourir à un seul pion du titre de meilleur buteur mais suffisant pour amener le titre de champion à l’OM.
Lors de la saison 1937-38, sa troisième, l’OM atteint la finale de la Coupe de France. Problème, le matin de la finale, Zatelli se lève avec une fièvre de cheval et n’est pas en état de jouer. C’est mal connaître son capitaine Jean Bastien qui imposera la présence de Zatelli sur le terrain par ces mots: “Il crèvera peut-être s’il le faut, mais même à l’agonie, on ne se passe pas du maillot de l’OM.” Zatelli est donc aligné et à l’origine de deux buts dans le temps réglementaire. Mais la finale va en prolongation. Zatelli est au bord de l’évanouissement, mais Jean Bastien insiste et l’OM remporte la coupe avec un but d’Aznar en prolongation. Le grand Mario vivra la fête post-finale dans son lit… veillé par Jean Bastien.
Ses exploits phocéens lui vaudront un transfert au Racing de Paris à l’été 1938 pour 380 000 francs (une somme énorme pour l’époque) et une place dans le groupe des sélectionnés pour le mondial 1938 même s’il n’entrera jamais sur le terrain. “A l’époque, quand tu étais marseillais, tu n’avais pas de grandes chances de jouer. Nous étions trois marseillais originaire d’Afrique du nord et quand nous arrivions, certains lançaient: Tiens, voilà le gourbi!”
Son passage dans la capitale ne dure qu’une saison au cours de laquelle il connaît sa seule sélection chez les Bleus en janvier 1939, lors d’un amical gagné 4-0 contre la Pologne au cours duquel il inscrit un but. Une blessure au genou puis la guerre pollueront sa fin de carrière même s’il reviendra à l’OM pour accrocher un deuxième titre de champion en 1948 avant de mettre le cap sur le Var où il finira en division d’honneur à l’âge de 39 ans. Il enclenche alors la transition vers le métier d’entraîneur en passant ses diplômes. Il termine sa formation sur un clin d’œil du destin avec une question orale tirée au sort pour son diplôme sur… le jeu de l’avant-centre.
Après quelques missions dans des clubs amateurs, il signe à l’OGC Nice en 1951 alors que les Aiglons sont tenants du titre. Co-entraîneur avec Numa Andoire, il emmènera les rouges et noirs jusqu’au doublé en 1952 et y restera jusqu’en 1953.
De Forbach au doublé 1972
Après un passage d’une saison à Hussein Dey en Algérie, il signe ensuite au FC Nancy où malgré de faibles moyens, il accrochera une remontée en D1 et une finale de Coupe de France en 1962 perdue contre toute attente face à des Stéphanois déjà condamnés à la descente. Il revient enfin à l’OM, où il serait, de son propre aveu, “revenu entraîner même les pupilles”, en 1964.
A l’époque, le club phocéen se morfond, alternant entre première et deuxième division. Mario Zatelli aura d’ailleurs le triste privilège d’être l’entraîneur en ce jour d’infamie de 1965 où seulement 454 spectateurs garnissaient les tribunes du Vélodrome face à Forbach.
A la fin de la saison, la situation n’est guère reluisante. L’OM s’est péniblement maintenu en D2, et les caisses sont vides. Un jour de juillet, alors que Zatelli dirige une pénible séance d’entraînement au stade Vélodrome, un homme se présente à lui: “Bonjour, je suis Marcel Leclerc, et il se pourrait que je reprenne l’OM.” Puis l’homme lui demande de quoi il a besoin pour démarrer la saison. Zatelli lui exprime ses besoins sans trop y croire. “On nous en avait tellement promis…” Et pourtant, excepté un exil au stade de l’Huveaune pour échapper au loyer excessif du Vélodrome, les promesses sont tenues. Et, en fin de saison 1966, c’est un OM conquérant que Zatelli fait remonter en D1 avant d’être… débarqué par Marcel Leclerc.
Mais c’est pour mieux revenir deux ans plus tard en novembre 1968 et conduire à la Coupe de France 1969 et accompagner les grands débuts européens du club. Il couve aussi les débuts d’une paire d’attaquants que certains considèrent encore aujourd’hui comme la plus grande de l’histoire du club : le buteur yougoslave Josip Skoblar et l’ailier suédois Roger Magnusson. « J’ai eu la chance d’avoir Mario pour entraîneur : il aimait et comprenait les attaquants, même quand ils avaient un caractère difficile comme moi. Il avait trente ans d’avance » dira Skoblar à la mort de Zatelli. Pourtant, il quitte une nouvelle fois le club à l’hiver 1970 à la demande du président, même si son passage sur le banc pour la première partie de la saison lui permet de revendiquer le titre de champion de France 1970-71.
Paradoxalement, c’est son plus court passage au club qui sera le plus fructueux. Rappelé en mars 1972, il glanera en trois mois le premier doublé de l’histoire phocéenne. Il raccroche alors définitivement et devient un spectateur et commentateur avisé de la vie du club dont il ne rate presque aucun match à domicile jusqu’à sa mort en 2004. A son décès, un sondage publié dans le journal La Provence propose que le stade Vélodrome prenne le nom de Mario Zatelli, mais sans succès.
Au final, entraîneur et joueur, Mario Zatelli aura effectué en tout cinq passages à l’OM (record à battre). Si les victoires des années 1980 et 1990 auront forcément éclipsé en partie son prestige, il n’en reste pas moins l’un des personnages les plus illustres de l’histoire de l’OM.
Sources :
- Dossier diaspora italienne, Mario Zatelli Calciomio
- Mario Zatelli: spécialiste des volées La Provence
- Fiche de Mario Zatelli mondefootball.fr
- Fiche de Mario Zatelli Fédération française de football
- Mario Zatelli, entraîneur de légende Site officiel de l’Olympique de Marseille
- Cent ans d’OM – Pierre Echinard et Alain Pécheral, Editions européennes de Marseille Provence