Il y a des équipes qui marquent la décennie d’une compétition, d’un championnat, d’un pays. Les années 2000 sont celles de l’Olympique Lyonnais. De 2002 à 2008, les Gones vont rafler pas moins de sept titres consécutifs en Ligue 1, un record toujours en vigueur aujourd’hui. Mais si l’OL a dominé la France du foot, il lui manque une épopée européenne. Par trois fois, les Lyonnais voient leur parcours en Ligue des Champions stoppé en quarts de finale. Et par trois fois, ils peuvent nourrir d’immenses regrets. Entre défaite face au futur champion, erreur d’arbitrage, et exploit manqué, retour sur trois matchs qui auraient pu faire basculer encore plus l’histoire de l’Olympique Lyonnais.
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L’histoire est un éternel recommencement. C’est ce qu’un supporter Lyonnais peut penser au début des années 2000. Depuis l’arrivée de Jean-Michel Aulas à la présidence du club, les Gones ne cachent pas leurs ambitions, autant au niveau national qu’européen. La progression est lente et les Lyonnais restent abonnés à la Coupe UEFA. Mais avec le nouveau format de la Ligue des Champions et le passage à 32 équipes, une chance s’offre aux Gones d’enfin accrocher une place dans la plus prestigieuse des compétitions. Malgré l’arrivée de recrues stars dont le Brésilien Sonny Anderson, l’OL s’incline en barrage de la Ligue des Champions lors de la saison 1999-2000 face au NK Maribor.
Mais ces défaites ont le mérite de donner de l’expérience à un club ambitieux, et dès la saison suivante, les Gones décrochent enfin leur place en Ligue des Champions. Si le format de la compétition, alors encore décliné en deux phases de poules, ne permet pas à l’Olympique Lyonnais d’accrocher les quarts de finale, le club de Jean-Michel Aulas se forge quelques succès de prestige qui le font entrer dans la cour des grands, dont une victoire éclatante contre le Bayern Munich, sur un score fleuve de trois à zéro avec un doublé du jeune Sidney Govou, emblème du Lyon des années 2000. A noter également un succès deux buts à un sur la pelouse de l’Inter Milan, après un match aller spectaculaire conclut par un score de trois buts partout. C’est à partir de la saison 2003-2004 que la coupe aux grandes oreilles évolue, avec la disparition des deuxièmes phases de poules pour laisser place aux huitièmes de finale. Dominateur en championnat, Lyon se qualifie sans souci pour chaque campagne de Ligue des Champions, mais laissera passer sa chance par trois fois en quart de finale…
Olympique Lyonnais – FC Porto (0-2 / 2-2) : le duel des outsiders
Les émotions sont fortes du côté de la cité du Rhône lors de la campagne de Ligue des Champions 2003-2004. En phase de poules, l’OL crée la sensation en s’imposant de nouveau face au Bayern Munich, à l’Olympiastadion, avec un coup franc exceptionnel de l’artilleur Juninho, qui enverra Oliver Kahn la tête la première sur son poteau. Mais l’OL rame sur les pelouses d’Anderlecht et du Celtic, et doit attendre la 86ème minute de son dernier match de poule pour se qualifier, grâce encore une fois à Juninho, sur penalty (score final : 3-2). En huitièmes de finale, Lyon se défait difficilement de la Real Sociedad après deux victoires sur le score de un à zéro. Se dresse alors un nouvel obstacle, le FC Porto, d’un certain José Mourinho. Outsider de la compétition, les Dragões sortent d’une grosse performance en ayant éliminé Manchester United. On assiste donc ici à la rencontre entre les deux outsiders de la compétition, même si Porto profite d’une plus grande expérience à ce niveau que Lyon, qui dispute ici son premier quart de finale de Ligue des Champions. Les Gones se présentent à l’Estádio do Dragão avec ses recrues phares de l’été précédent : l’ancien attaquant du Bayern Munich Elber, mais aussi Florent Malouda et Michael Essien.
Malgré une rencontre équilibrée, les Lyonnais sont incapables de trouver la faille d’une équipe portugaise solide et sûre de sa force. Dans ses rangs, le gardien et légende du club Vitor Baia, le protégé de Mourinho Maniche ou encore le grand Deco. C’est ce dernier qui ouvre d’ailleurs la marque juste avant la mi-temps. Beaucoup plus réalistes, les Portugais scorent une deuxième fois, par l’intermédiaire de Ricardo Carvalho, qui marque là son premier but en Ligue des Champions. Lyon le sait, il est condamné à l’exploit pour une qualification historique dans le dernier carré de la compétition. Au match retour, les Lyonnais sont cueillis à froid par un but de Maniche. Si Luyindula égalise quelques minutes plus tard, Lyon ne parvient pas à prendre les devants. Edmilson, Juninho, Elber, Dhorasoo, aucun ne trouvera la faille face à un Vitor Baia impérial. Maniche, encore lui, vient doucher les espoirs Lyonnais dès le début de la seconde période. Elber égalise tout de même en fin de match mais c’est insuffisant, l’OL est éliminé. Maigre lot de consolation, ils pourront se dire qu’ils ont été éliminés par les futurs vainqueurs de la compétition, un Porto fort en goût au sommet de son art.
Olympique Lyonnais – PSV Eindhoven (1-1 / 1-1): Nilmar s’effondre, Lyon ne s’en relèvera pas
Le sport français ne connaît que trop bien la fameuse “défaite encourageante”. Quoiqu’il en soit, l’OL continue sa progression et vise toujours les plus hauts sommets européens. La Ligue 1 est acquise à leur cause, mais Lyon en veut plus, et compte bien faire figure de favori sur la scène européenne. Pour cela, la méthode de recrutement lyonnaise est bien ficelée. Ancien joueur du club, Marcelo est chargé de faire venir des joueurs du Brésil. C’est lui qui est notamment derrière les recrutements d’Edmilson, de Caçapa ou encore de Juninho. En cet été 2004, Marcelo déniche un défenseur dont l’OL a grandement besoin, en la personne de Cris. Les différentes rencontres européennes ont montré les quelques faiblesses de l’équipe, notamment au poste d’arrière gauche. C’est ainsi que Lyon fait venir de Lille un certain Eric Abidal, formé dans la région. Arrivent aussi Frau, Nilmar et Sylvain Wiltord, libre après ses quatre saisons avec Arsenal. Lyon veut impressionner et ne va pas manquer l’occasion de le faire d’entrée de jeu. En poules, ils inscrivent pas moins de 17 buts, avec dix buteurs différents, dans un groupe constitué de Manchester United, du Fenerbahçe et du Sparta Prague.
Une domination qui se confirme en huitièmes de finale, face à une vieille connaissance, le Werder Brême. À l’aller, l’OL s’impose tranquillement au Weserstadion sur le score de trois buts à zéro. Mais sur sa pelouse de Gerland, les Gones vont faire mieux que d’assurer leur qualification puisqu’ils vont étriller leur adversaires. Sept buts à deux, un récital. Lyon fait peur et tous les yeux sont tournés vers cette équipe. Son milieu à trois composé de Juninho-Diarra-Essien ravi les nombreux supporters qui se mettent à rêver d’une grande histoire. En quart de finale se présente alors le PSV Eindhoven. Et cette rencontre a tout du match piège. La suite de l’histoire a de quoi rendre mélancolique et bien triste un fidèle des travées de Gerland. Après un début de match canon conclut par un but de Malouda, la rencontre se ferme, preuve d’une certaine tension des deux côtés. Mais ce manque de dangerosité pèsera fort dans les rangs Lyonnais, qui vont laisser les Hollandais, par l’intermédiaire de Cocu, revenir en fin de match. Tout reste à faire au Philips Stadion. Et comme à l’aller, l’OL entame de la meilleure des façons avec une réalisation de Sylvain Wiltord.
Mais comme à l’aller, ils ne se mettent pas à l’abri et Alex vient égaliser d’une volée tout en puissance. Une fin de match sans grandes envolées emmène les deux équipes en prolongations. C’est lors de celles-ci que va se jouer l’un des moments les plus marquants de l’histoire européenne de l’Olympique Lyonnais. Tout le monde a en tête cette phrase qui fait grincer des dents du côté du Rhône : “Il y avait penalty sur Nilmar”. Lancé en profondeur, l’attaquant brésilien est fauché par son compatriote et gardien de but Heurelho Gomes. Thierry Gilardi et Jean Michel Larqué peuvent s’exclamer à coup de “Oh penalty”, rien n’y fait, l’arbitre de la rencontre, Mr Nielsen, ne revient pas sur sa décision. Les images parlent d’elles-mêmes… Le scénario s’assombrit lorsque Michael Essien puis Eric Abidal manquent leurs tirs au but. L’OL est encore une fois éliminé dès les quarts de finale. Les larmes et la colère de Juninho restent encore dans toutes les mémoires. Nicolas Puydebois fait quant à lui le constat suivant : “On a peut-être loupé notre rendez-vous avec l’histoire. Ça nous aurait permis d’aller en demi de C1 et peut-être même plus loin. Cette année-là et l’année d’après à Milan, on avait l’effectif pour prétendre à quelque chose de grand et peut-être marquer l’histoire du foot français.”
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Olympique Lyonnais – AC Milan (0-0 / 1-3) : Si proche et pourtant si loin
L’année d’après arrive et l’OL se présente encore une fois avec ses ambitions d’Europe et compte vite tourner la page de ce quart de finale face au PSV. Paul le Guen s’en est allé, et c’est Gérard Houllier qui prend place sur le banc des Gones. En phases de poules, Lyon retrouve le Real Madrid de Beckham, Ramos, Casillas, Raul ou encore Zidane. À Gerland, les Merengue vont se retrouver sous l’eau en encaissant trois buts en l’espace de dix minutes en première période. Juninho rate un penalty mais Lyon s’impose tranquillement par trois buts à zéro. Une nouvelle victoire de prestige à mettre au compteur du club, qui n’en finit plus de séduire l’Europe. Leader de sa poule, l’OL retrouve en huitièmes de finale… le PSV Eindhoven. Mais après une telle épopée, le club Hollandais s’est fait dépouiller : Cocu est parti, tout comme les deux Coréens Lee et Park. Pas de piège cette fois-ci pour des Gones qui s’imposent cinq à zéro sur l’ensemble des deux matchs. Mais la tâche se complique en quart de finale lorsque le tirage au sort désigne le grand Milan AC. Dida, Pirlo, Gattuso, Seedorf, Nesta, Kaka, Shevchenko… les italiens ont une pléthore de stars, tout ce beau monde étant entraîné par Carlo Ancelotti. Mais ce dernier se méfie de Lyon, qui n’est plus une surprise ni un outsider.
À Gerland, Milan vient clairement chercher le match nul, et repart avec. Aucun but ne sera marqué, et tout se jouera donc à San Siro. Les Lyonnais ne manquent pas d’ambition, à l’image de Grégory Coupet qui avouera pour Eurosport : “Oui, très honnêtement à cette époque-là, on pense qu’on peut aller au bout ». Oui, Lyon est armé pour aller au bout, avec une équipe constituée majoritairement d’internationaux. En plus de cela, il n’y a que très peu de départs lors du mercato estival, et l’OL peut donc compter sur une ossature expérimentée et qui se connaît par cœur. Suspendu à l’aller, le milieu phare de l’OL fait son retour en la personne de Juninho. Mais les Milanais retrouvent aussi un autre maître à jouer avec Inzaghi.
Et c’est lui qui ouvre le score, à la suite d’une erreur évitable de Fred, qui prend à contre pied ses coéquipiers lors d’une passe en retrait pourtant anodine. Mais les Lyonnais ne se laissent pas abattre et seulement cinq minutes plus tard, Diarra vient éteindre San Siro, en reprenant de la tête un cafouillage dans la surface. Les Gones ont déjà remonté leur retard et ce but à l’extérieur compte énormément. Fred est tout proche de donner l’avantage avant la pause mais sa tête termine sur le poteau de Dida. Lyon tient enfin son exploit, ne rompt pas, et la tension ne cesse d’augmenter. Quand survient la 88ème minute, maudite et traumatisante encore des années plus tard. Trop court, Abidal manque sa tête et laisse Shevchenko tenter sa chance. Poteau gauche. Poteau droit. Une seconde interminable avant qu’Inzaghi, encore lui, envoie le cuir au fond des filets face à une défense lyonnaise passive et désemparée.
Le sort s’acharne, et Shevchenko viendra même marquer un troisième but, synonyme de coup de massue final. Il aura manqué quelques minutes pour que l’OL réalise son plus grand exploit européen et passe enfin ce palier des quarts de finale de la Ligue des Champions. Grégory Coupet l’admet, “le plus gros regret, c’est Milan”.
Lyon aura laissé passer sa chance par trois fois. Ces défaites sont d’autant plus cruelles que l’OL était armé pour prétendre à une victoire finale dans la plus belle des compétitions. Et Milan sonne le glas d’un rêve européen encore bien trop loin pour la plus grande équipe qu’ait connu l’ère Jean-Michel Aulas. L’an 1 après Milan, l’OL se fait éliminer par un autre club Italien, l’AS Rome et les passements de jambe dévastateur de Mancini face à Réveillère. Il faudra attendre 2010 pour que Lyon goûte enfin au parfum d’une demi-finale de Ligue des Champions. Mais la marche était désormais trop haute pour les Gones qui s’inclinent face au Bayern Munich. Même chose dix ans plus tard, avec cette épopée lors du Final 8 d’une Ligue des Champions si particulière. Les années 2000 ont été marquées par la force et la toute puissance lyonnaise. Des jeunes du centre aux recrues stars, le président Aulas avait forgé une équipe taillée pour l’Europe. Une Europe imperturbable et parfois cruelle.
Sources :
- « Un jour, un quart : vs Porto en 2003-2004 », Site de l’Olympique Lyonnais
- « Un jour, un quart : vs PSV Eindhoven en 2004-2005 », Site de l’Olympique Lyonnais
- « Un jour, un quart : vs AC Milan en 2005-2006 », Site de l’Olympique Lyonnais
- Martin Mosnier, « L’OL de 2000 à 2010 : AC Milan 2006, San Siro, Inzaghi et le grand soir qui se dérobe », Eurosport.fr
- Maxime Feuillet, « Le jour où il y avait pénalty sur Nilmar », Sofoot.com
- Un MAX de FOOT, « Comment l’OL des années 2000 a effrayé l’Europe », Youtube
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