Bien loin des premiers rôles depuis plusieurs saisons, l’Udinese actuelle semble très éloigné de cette époque pas si lointaine, celle où le club frioulan se hissait sur le podium de Serie A. Retour sur une saison exceptionnelle pour les Zebrette.
Si l’Udinese n’a jamais été l’un des ténors du championnat italien, le club a réussi quelques belles saisons au cours de son histoire. Comme lors de l’édition 1997/98 où avec Zaccheroni aux commandes et un flamboyant duo d’attaque emmené par Amoroso et Bierhoff, ils terminent troisièmes de Serie A. Une performance rééditée quatorze ans plus tard par la bande à Guidolin.
Après une saison précédente, remarquable et remarquée, ponctuée par une brillante quatrième place au classement général de Serie A et un nouveau titre de capocannoniere pour Antonio Di Natale, les joueurs de l’Udinese attirent sur eux toutes les convoitises. Basé sur la post-formation et la valorisation des meilleurs éléments pour remplir les caisses, le modèle économique et sportif du club ne permet pas de retenir les phénomènes dénichés au quatre coins du du globe grâce à un réseau de scouts très bien structuré quand ils brillent ensuite dans le Nord-Est de la Péninsule. À cette époque, l’Udinese est obligée de se démarquer pour lutter face aux cadors italiens aux moyens financiers plus importants. La post-formation n’est pas encore devenue un business plan à l’échelle continentale et les Bianconeri sont alors l’une des rares formations à avoir cette politique de recrutement pour doper ses finances.
Parmi les joueurs à avoir récemment et brillamment porté les couleurs de l’Udinese, nous pouvons citer Allan (Naples), Rodrigo De Paul (Atlético de Madrid), Bruno Fernandes (Manchester United), Luis Muriel et Juan Musso (Atalanta). Ainsi lors du mercato estival de 2011, les Frioulans reçoivent plusieurs offres juteuses et ne peuvent pas résister aux assauts des grosses cylindrées transalpines et européennes.
Directeur sportif de 2010 à 2013, Fabrizio Larini confirme cette thèse : « Dès qu’un gros club se positionne sur un joueur, on ne peut pas suivre. » Ils voient donc de nombreux joueurs dont la valeur marchande a explosé quitter l’effectif pour la saison à venir. Alexis Sánchez part au FC Barcelone pour 37,5M€ bonus inclus, Gökhan Inler rejoint Naples contre 8,8M€, Simone Pepe va à la Juventus par l’intermédiaire d’un prêt payant de 2,5M€ avec option d’achat de 7,5M€, Cristián Zapata file à Villarreal dans une transaction estimée à 9M€.
Au total, la comptabilité récupère 65M€, le tout avec de fortes plus-values à chaque fois. Par exemple, Alexis n’avait coûté que 1,3M$ quand il avait été repéré au Chili à l’âge de 17 ans. D’ailleurs, le club figure parmi Pour compenser cette vague de départ, l’Udinese peut s’appuyer sur un effectif pléthorique de quatre-vingt-quinze professionnels sous contrat au début de la saison 2011/12. Et le club continue de flairer des bons coups. L’objectif est toujours d’attirer de jeunes talents à un moindre coût pour les revendre beaucoup plus chers en cas de succès sur les pelouses italiennes.
Cette saison, Roberto Pereyra arrive en provenance de River Plate pour 2M€. Piotr Zieliński est également recruté au Zagłębie Lubin contre une indemnité de transfert de … 100 000€. Quelques saisons plus tard, les deux joueurs partiront respectivement à la Juventus et au Napoli pour un montant de 15M€ chacun. Le groupe dirigé par Francesco Guidolin est assez étoffé avec pas moins de vingt-sept joueurs utilisés et se compose de Handanovič et Padelli dans les buts. Benatia, Coda, Danilo, Domizzi, Ekstrand en défense. Abdi, Armero, K. Asamoah, Badu, Basta, G. Fernandes, Isla, Pasquale, Pazienza, Pereyra, Pinzi au milieu. Et Barreto, Di Natale, Fabbrini, Floro Flores et Torje en attaque. Parmi ses joueurs, plusieurs vont ensuite quitter le Frioul pour briller sous d’autres cieux comme Handanovič à l’Internazionale, Benatia à la Roma ou au Bayern, Basta à la Lazio, K. Asamoah à la Juventus … L’équipe évolue principalement dans un 3-5-1-1 hérité de la saison passée pour permettre à Di Natale de briller.
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Le parcours
Si l’Udinese a effectué un superbe parcours en Serie A, les Zebrette n’ont pas brillé dans les autres compétitions disputées cette saison. Peut-être est-ce la raison de leur réussite en championnat ? Sûrement. L’effectif ne leur permettait sans doute pas d’être performant sur plusieurs tableaux.
En Coppa Italia, le Chievo les élimine à la Dacia Arena dès les huitièmes de finale de la compétition. Mais la principale déception est européenne avec cet échec (prévisible) en barrage de Champion’s League contre Arsenal. Reversés en Europa League, les Frioulans parviennent à sortir de leur groupe de qualif composé de l’Atlético de Madrid, du Celtic et de Rennes. Mais après avoir passé l’obstacle grec du PAOK, ils échouent également en huitièmes de finale face à Alkmaar. Sur la lancée de leur précédent exercice (quatrième), l’Udinese poursuit sur sa lancée et réussit un très bon début de championnat avec une série de sept rencontres sans défaite (quatre victoires et trois nuls) et un seul but concédé face au Milan. Immédiatement sur le podium, l’Udinese décroche même la place de leader pour la première fois depuis onze ans au soir de la J7 après le nul obtenu à Bergame contre l’Atalanta.
Malgré un premier revers subi contre Naples, les joueurs ne connaissent pas de perte de régime et continuent de jouer les troubles fêtes dans les hautes sphères du championnat. À la trêve, l’équipe de Guidolin surprend avec cette inattendue troisième position à seulement trois points du leader juventino. Lors de la phase retour, l’Udinese marque un peu le pas et concèdent des défaites « logiques » contre la Fiorentina ou le Milan et d’autres plus surprenantes contre des équipes modestes telles que Novara ou Sienne. Hors du podium, ils restent néanmoins en embuscade et signent une fin de saison en boulet de canon avec quatre victoires lors des quatre derniers matchs. Cette belle série leur permet de remonter sur le podium et d’accrocher cette magnifique troisième place.
Si toute l’équipe mérite des louanges pour cette performance, le capitaine, Antonio Di Natale, a encore été l’atout offensif numéro un du club. Le napolitain se hisse à la troisième marche du classement des meilleurs buteurs de la saison (ex-æquo avec Edinson Cavani) derrière Diego Milito et Zlatan Ibrahimović. Capocannoniere les deux saisons précédentes, Di Natale doit céder sa couronne au géant suédois.
Au club depuis 2004, Totò a trouvé à Udine un endroit propice à son épanouissement personnel et professionnel comme il l’indique : « Dans le Frioul, j’ai trouvé ma maison et je n’ai jamais pensé quitter l’équipe, la ville et la famille Pozzo qui m’a adopté comme fils. » Souvent annoncé dans des clubs plus huppés, il a pourtant toujours décliné les offres pour favoriser l’Udinese. Il enchaîne : « Quand la Juventus m’a contacté, j’ai dit au président que je voulais rester et c’est ainsi que nous avons décidé que je resterais à vie. » Toujours inspiré et clinique, l’âge ne semble pas abîmer le talent du meilleur buteur du club déjà trente-cinq ans au compteur. Penaltys, coups-francs, buts de renard des surfaces ou acrobatiques, petits lobs subtils ou frappes lourdes et précises, feintes de corps ou même de la tête du haut de ses 170 centimètres, la palette de finisseur de Di Natale est aussi variée qu’efficace. Et si le N°10 a encore produit un exercice de haute volée, il le doit en partie à un homme : Francesco Guidolin.
Le Mister
En poste depuis 2010, le Vénitien effectue son deuxième passage sur le banc du Friuli après une première expérience lors de la saison 1998/99 quand il succède à Zaccheroni. Qualifié pour la Coupe de l’UEFA, Pozzo le remercie au tout début de l’exercice suivant. Pas rancunier, Guidolin accepte à nouveau le challenge frioulan plus de dix ans plus tard. Et pour son retour, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Dernier au bout de six journées de championnat avec déjà quatre défaites consécutives, le technicien de Castelfranco Veneto tatônne. Il multiplie les schémas tactiques, ne parvient pas à trouver la bonne formule.
Du 3-4-3 au 4-3-1-2, du 3-5-2 au 3-4-2-1, tout y passe. Mais à force de chercher, Francesco va enfin trouver la bonne formule. Il a bien compris que la réussite passe par Di Natale. Il compose alors un système pour le faire briller et donne une grande liberté d’action aux joueurs de couloirs qui ont une activité incessante afin d’alimenter l’attaquant.
Si, au début de sa carrière d’entraîneur, l’ancien joueur de Verona est un fervent adepte du 4-4-2 à la sauce Sacchi, il ne peut adapter ce schéma à cet effectif. Guidolin s’adapte donc aux qualités de ses joueurs et impose un 3-5-1-1 avec Alexis Sanchez qui tourne autour du capitaine. L’équipe réalise alors une remontée fantastique passant de la dernière position à la quatrième avec une qualification pour les barrages de la Champion’s League et un record de points en Serie A pour l’Udinese (66 contre 64 en 1997/98 avec Zaccheroni). Dans la lignée de cette saison, Guidolin confirme lors du championnat suivant avec cette magnifique troisième place en dépit des départs majeurs. Son équipe se distingue par sa solidité avec seulement trente-cinq buts encaissés, la troisième meilleure défense de Serie A, par sa qualité de jeu notamment sur les côtés et aussi par le talent de son capitaine : Antonio Di Natale. En février 2012, Guidolin est récompensé avec l’obtention de la « Panchina d’oro » (le banc en or en VF) comme Ancelotti, Capello, Lippi ou … Zaccheroni avec l’Udinese 1996/97 avant lui.
L’intéresse déclare : « J’ai chassé la Panchina d’oro pendant de nombreuses années, je pense que je mérite ce prix. » Francesco Guidolin poursuit l’aventure encore deux saisons supplémentaires (cinquième et treizième) à Udine avant de quitter le banc pour un rôle de responsable technique des clubs de la famille Pozzo. À la suite de ce départ, le club traverse une instabilité chronique pendant plusieurs saisons. La direction ne parvient pas à installer un coach durablement sur le banc de la Dacia Arena. Dix techniciens (Stramaccioni, Colantuono, De Canio, Iachini, Delneri, Oddo, Tudor, Velásquez, Nicola, Gotti) se succèdent en six ans alors que Guidolin était resté quatre ans en poste, la relégation en Serie B est évitée de justesse à plusieurs reprises. Alors qu’il n’était que l’adjoint de Igor Tudor et peu intéressé par le poste sur le long terme, l’ex-intérimaire Luca Gotti parvient à tirer son épingle du jeu sans réussir néanmoins à guider l’équipe dans la première partie de tableau de Serie A.
Auteurs d’une saison inoubliable comme celle de 1997/98, les joueurs de l’Udinese sont parvenus à lutter et à finir devant des équipes mieux armées sportivement et financièrement telles que la Lazio, le Napoli, l’Inter ou encore la Roma. Depuis, le club a plus souvent connu le spectre de la relégation que l’ivresse des sommets. La Serie B a été envisagée à plusieurs reprises, bien loin de la Champion’s League ou même d’une qualification européenne. Pourtant, l’époque dorée sous Guidolin ne semble pas si lointaine mais inatteignable pour le moment.
Sources :
- L’udinese, machine à talents, Nicolas Basse, Serie A Mon Amour
- Udinese, l’éternel remodelage, Johann Crochet, Eurosport
Crédits photos : Icon Sport