« Lucho González, c’est un joueur de classe mondiale. On voit rarement des joueurs de ce calibre en ligue 1 », déclarait Didier Deschamps en 2011 à l’annonce du transfert de l’argentin à Marseille. Passé par l’OM, Porto et international Albicéleste, « El Comandante » a su enflammer les cœurs de milliers de supporters bleus et blancs, repoussant les frontières de l’esthétisme balle au pied, saison après saison.
Luis Oscar González, dit « Lucho », est né le 19 janvier 1980 dans le quartier de Caballito à Buenos Aires. Au sein même d’une des zones les plus pauvres d’Argentine, c’est avec un ballon rond que le jeune garçon s’échappe. Son refuge ? Los potreros : des aires de jeux dans les bidonvilles argentins, où la terre battue jonche le sol et les débris façonnent les cages. Sur les traces d’un jeune Diego Armando Maradona, Lucho González effectue là-bas ses premières touches de balle.
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A l’âge de 14 ans, son aisance technique lui ouvre les portes du Club Atlético Huracán : une institution au cœur de Caballito, qui vit aussi évoluer el flaco, Javier Pastore. Au centre de formation, la science du milieu argentin tape dans l’œil d’Oswaldo Piazza, l’entraineur de l’équipe première, ex-joueur de l’ASSE et artisan majeur de « l’épopée des Verts » en 1976. Alors numéro 8 sur le terrain, le jeune Luis épate par son pied droit, son tempérament et se voit rapidement confier les clefs du jeu de l’équipe première. Au sortir de 3 saisons pleines sous les couleurs d’El Globo (12 buts et 22 passes décisives en 109 matchs), les observateurs du monde entier lorgnent désormais sur l’espoir argentin.
Rebondir après l’échec
Son agent, l’iconique Omar Da Fonseca, lui propose alors un essai en France, à la Berichonne de Châteauroux. Malgré des prestations remarquées chez le pensionnaire de ligue 2, le transfert n’aura pas lieu. Le président Castelroussin, en proie à un manque de liquidités refuse d’investir les quelques 50 000 euros demandés par l’entourage du jeune joueur, qui voit son rêve européen tomber en lambeaux. « Il ne voulait pas rentrer en Argentine et pleurait à l’idée de quitter la France », se rappelle son agent, aujourd’hui consultant pour la chaîne Bein Sport.
De retour en Amérique du Sud, la chance va de nouveau frapper à la porte du joueur. Quelques semaines après l’échec européen, le président de River Plate, José Maria Aguilar, montre son intérêt pour le joyau argentin. Lucho, supporter affiché des Millonarios, rejoint le club de Buenos Aires à l’été 2002. Sous les ordres de Manuel Pellegrini, le numéro 8 prend alors une toute autre dimension.
Positionné relayeur dans un système à 2 milieux, Lucho fait étalage de sa classe et remporte deux championnats d’Argentine consécutifs en 2002 et 2003. Des performances de haut niveau, qui n’échappent pas à un certain Marcelo Bielsa, alors sélectionneur argentin. Le 31 janvier 2003, Lucho González inaugure la tunique Albicéleste contre le Honduras. Titulaire au milieu du fidèle 3-4-3 d’el loco, le jeune joueur s’illustre en inscrivant son premier but et offrant une passe décisive à son compatriote Diego Milito. Fin du match : Argentine 3, Honduras 1 : « Le jeune Lucho González a imposé son autorité », titre le lendemain InfoBae, quotidien argentin.
A Seulement 23 ans, l’enfant de Caballito vient marquer les esprits par une intelligence de jeu et un esthétisme hors du commun : deux qualités qui lui permettent de rapidement retrouver l’Europe. Après le traumatisme de Châteauroux, Lucho repart à la conquête du vieux continent. 3 ans après un retour aux terres sur la pointe des pieds, le joueur revient par la grande porte.
L’avènement d’El Comandante
A l’été 2004, le F.C Porto fait ses adieux à Deco, parti faire les beaux jours du FC Barcelone. Pour le remplacer, Lucho González fait partie des têtes d’affiche. D’abord courtisé par le FC Séville et la Réal Sociedad, c’est en territoire lusophone que le milieu argentin dépose ses valises. Recruté à prix d’or par les Dragões (11 millions d’euros), Lucho évoluera aux cotés de Pepe, Quaresma et autres Lisandro Lopez pour sa première saison en Europe.
Un premier exercice dans lequel le jeune joueur de 24 ans impose son style et sa classe dans un championnat qui lui colle à merveille. Il conclut l’exercice meilleur buteur de l’équipe, avec 10 réalisations, et remporte la Liga NOS pour la première fois. Devenu chouchou à l’Estádio do Dragão, il hérite rapidement du brassard de capitaine et du surnom d’El Comandante, en vertu de sa ressemblance, plus ou moins frappante, avec Che Guevara. Sur le terrain, Lucho prend, match après match, une autre dimension.
Son association avec Lisandro Lopez fait des merveilles, et le milieu gagne en altruisme. Après 2 saisons au-delà des 10 buts en Liga Portugaise, Lucho se lance dans la production du caviar. Le capitaine enchaine les passes décisives pour son compère argentin. Courtisé en Angleterre et en Espagne, le joueur se voit placé sur un piédestal par son club. Contrat revu à la hausse, brassard de capitaine et participation régulière à l’Europe : Lucho est dans un fauteuil. Au terme de la saison 2007-08, lui et Lisandro Lopez sont impliqués dans 47 buts de leur équipe : un duo magique qui marche sur les défenses et un club de Porto qui retrouve son hégémonie au Portugal.
Cette saison-là, Lucho impressionne, tant en championnat qu’en Europe. A l’occasion de la phase de groupe de la LDC, il met l’Olympique de Marseille à ses pieds. Le club marseillais, vaincu au Portugal, en fait sa cible prioritaire dès l’été suivant.
Un commandant en terre Phocéenne
Après 4 saisons au Portugal, le natif de Buenos Aires prend la direction du Sud de la France. La signature de « la priorité des priorités » de Didier Deschamps est actée contre un chèque à hauteur de 18 millions d’euros : Lucho devenant le transfert le plus cher de l’histoire de l’OM. A Marseille, ce personnage au style rebelle : doté de cheveux mi-longs et dizaines de tatouages, arrive en Messie : la culture argentine étant adulée en territoire Phocéen. Comme bon nombre de ses compères, citons Marcelo Bielsa, Gabi Heinze ou plus récemment Jorge Sampaoli : ce sont grinta et passion qui animent ces personnages souvent hauts en couleur. Un trait de caractère passionné, auquel s’identifient bon nombre de supporters marseillais. En Provence, El Comandante est à la maison.
Aidé dans son intégration par son compatriote Gabi Heinze, l’argentin réalise un bon début de saison. Une dynamique néanmoins stoppée par une blessure à la clavicule qui l’éloigne des terrains plusieurs semaines. Il faut attendre le mois de décembre pour prendre la pleine mesure du talent de l’Argentin. Au cœur d’une année 2009-2010 hyper prolifique pour le club olympien, le meneur de jeu régale.
Les plus nostalgiques se rappelleront cette louche millimétrée pour servir Charles Kaboré contre Copenhague, ces trois passes décisives dans le derby de la Cote d’Azur, ou ce but inscrit au Parc dans le Clasico remporté 3-0. Une panoplie complète pour un joueur capable de marquer, éliminer, ou servir dans les petits espaces. Un numéro 8 moderne, présent à la récupération, dans l’entre-jeu et dans la surface. L’argentin réalise une grande saison sur la Canebière et un évènement va plonger la ville dans l’amour le plus total pour son joyau.
Le 5 mai 2010, l’OM reçoit le Stade Rennais, objectif : Le titre de champion de France. A la 77ème minute, il entérine la victoire des siens d’une frappe pied gauche à l’entrée de la surface. Le stade prend feu, le Vieux-Port aussi : l’OM est champion de France pour la première fois depuis 1993 et c’est en partie grâce à Lucho González. Cette saison-là, l’argentin fait carton plein : champion de France, meilleur passeur du championnat et vainqueur de la Coupe de la ligue. Aux cotés d’Heinze, Niang, Mandanda ou Valbuena, il est de ces acteurs qui ont replacé Marseille au centre de la carte le temps d’une saison. Placé au rang d’idole après une saison, le joueur devient un élément marketing incontournable dans la cité Phocéenne. Il s’adjuge même le record de maillots vendus à l’été 2010 sur la France entière, avec près de 200 000 exemplaires écoulés.
Fin de parcours contrasté
En Provence, la saison post-titre signe la fin des festivités. Plombée par le départ du capitaine Mamadou Niang, l’équipe entrainée par Didier Deschamps passe l’exercice en phase de rodage. Malgré une deuxième victoire d’affilée en coupe de la ligue, l’impact de Lucho González au milieu s’amenuit. Une saison passée sous courant alternatif, pendant laquelle il marquera tout de même 8 fois, plaçant le club à la seconde place en fin d’exercice. Ce classement permet au club olympien d’accrocher la ligue des champions, mais l’esprit d’El Comandante semble déjà loin. Le milieu semble plomber par le départ de son ami Gabriel Heinze à la Roma.
De moins en moins tranchant dans le jeu, il subit les foudres et critiques des supporters et de la presse française. Au soir de la 6ème journée de ligue 1, l’OM est lanterne rouge et les guignols de l’info en profitent pour caricaturer le milieu argentin. « Savez-vous combien fait Lucho aux 100 mètres ? » se demandent les satiristes, en raison de sa condition physique. Le climat tourne à l’orage et le joueur, victime d’un cambriolage musclé en mars 2011, se voit ailleurs.
Il quitte Marseille à l’hiver 2011, après 87 matchs disputés sous le maillot olympien. A 32 ans, Lucho González rentre là où il s’est révélé, rapatrié par son ancien club : Porto. Des 18 millions d’euros investis par le board marseillais, pas un denier ne sera récupéré. L’OM qui n’avait pas fini de payer le transfert, accepte de rompre le contrat du joueur, qui s’engage gratuitement avec les Dragão. Chez le champion portugais, Lucho retrouve des couleurs et signe deux saisons pleines, avant de dire adieu au football européen. Après un court passage à Al-Rayyan au Qatar, le meneur de jeu rentre au pays et retrouve la ferveur argentine au River Plate. A 35 ans, le joueur continue de remplir son armoire à trophées, en glanant une Copa Libertadores avant de s’engager pour un dernier challenge avec l’Atletico Paranaense, en série A brésilienne.
Le 14 mars 2021, après 5 saisons passées au Brésil, Luis Oscar González, dit « Lucho », raccroche les crampons. 22 années au plus haut niveau, auréolées par 29 titres, qui hissent le meneur de jeu parmi les Argentins les plus titrés de l’histoire. Une carrière écrite à l’encre bleue et blanche, pour celui qui a vécu les ambiances endiablées du Dragão, du Vélodrome ou encore du Stadio Monumental de Buenos Aires. Celui qui porta les couleurs de l’Albicéleste à 43 reprises a toujours priorisé une certaine forme d’esthétisme sur le vert gazon. Un maestro faisant du football un spectacle à chacune de ses apparitions sur scène.
Sources :
- Conmebol Sudamericana, « ¡Gracias por todo, Comandante! Lucho González como você nunca viu« , 3 novembre 2021
- « LA HISTÓRICA MARCA QUE ALCANZÓ LUCHO GONZÁLEZ », El Gráfico, 20 novembre 2021
- « Se retiró « Lucho » González, el segundo futbolista argentino más ganador de la historia », Télam, 28 mai 2021
- Johan Tabau, « Quand Chateauroux a snobé Lucho González« , France Football, 11 juin 2015
Crédits photos : Icon Sport