Le 29 juin 2017, s’éteignait Louis Nicollin président du Montpellier Hérault Sporting Club. Personnage pittoresque du football professionnel français, passionné de sport, collectionneur impénitent de maillots, le volcanique président héraultais a laissé une trace indélébile dans l’histoire de la Ligue 1.
« Pedretti a tout commandé sur le terrain. Mais celui-là, quand il va venir à Montpellier, on va s’en occuper. Ce type est une petite tarlouze ! » Cette phrase prononcée au micro après un Auxerre-Montpellier en septembre 2009 demeure l’un des moments médiatiques les plus célèbres de la vie de Louis Nicollin. Evidemment, elle va déclencher un tollé et valoir une volée de bois vert médiatique à son auteur. Mais la suite de l’histoire montre aussi la capacité de contrition ainsi que celle d’autodérision du personnage. Désireux de se racheter, Louis Nicollin tournera dans un clip visant à lutter contre l’homophobie dans les stades de football en disant « Laissez tomber l’homophobie, c’est pour les petites tarlouzes. » Clip qui lui vaudra d’ailleurs un prix décerné par des associations de lutte contre l’homophobie. L’excès et la générosité. La bêtise et la contrition. Tout Louis Nicollin ou presque dans cette histoire. « Quand il était allé trop loin et qu’il se retrouvait seul, il se sentait tout mal », témoignera Pierre Mosca, entraîneur Montpelliérain entre 1987 et 1989.
De cancre à roi de la Paillade
Louis Nicollin n’était pourtant pas destiné à devenir le roi de l’Hérault. Né dans la Drôme et ayant grandi dans le Rhône, le jeune Louis supporte l’Olympique Lyonnais dans son enfance. Passionné de football, il passe ses dimanches dans les tribunes de Gerland. Bien plus assidu en tribune qu’en classe, il se fait renvoyer de chez les jésuites en quatrième et se retrouve élève dans un cours privé où il ratera trois fois son bac. Au désespoir de son père Marcel, qui rêve de le voir reprendre l’entreprise familiale de collecte de déchets. Dès lors, Louis apprend la vie « à la dure » en se levant, lors d’un emploi d’été dans l’entreprise de son père, à quatre heures du matin pour aller ramasser les ordures.
Mais c’est un inattendu un coup de pouce paternel qui va changer son destin. En 1967, son père l’envoie à Montpellier pour développer les affaires de l’entreprise. Il y restera jusqu’à sa mort cinquante ans plus tard. En 1969, âgé de seulement vingt-deux ans, il crée la formation sportive de nettoiement, une équipe de football corpo pour ses salariés. A l’époque, le football dans le Languedoc Roussillon s’incarne dans le Nîmes Olympique de Kader Firoud, ou même dans le FC Sète ou l’Olympique d’Alès. Sète et Alès qui vont d’ailleurs être ses deux principales sources de recrutement puisqu’avoir une double licence compétition/corpo est autorisée à l’époque.
Le duo avec Georges Frêche et le monde professionnel
C’est pourtant la fusion, en pleine saison (!), avec le club de quartier de la Paillade qui va faire entrer Louis Nicollin dans le football de compétition en 1974. Le premier exploit de son Montpellier Paillade Sport Club (MPSC) étant le maintien en DH alors que le club avait quatorze points de retard sur le premier non relégable en novembre (avec une victoire à deux points seulement). Avec de nombreux renforts, notamment d’anciens lyonnais, le MPSC atteint la D3 en 1976.
En 1977, deux évènements vont changer la vie de Louis Nicollin et de son club. D’abord, Marcel Nicollin décède, propulsant de fait son fils aux commandes de l’entreprise familiale. Puis un jeune professeur d’histoire du droit de la faculté de Montpellier est élu maire de la ville, quatre ans après avoir été élu député. Son nom : Georges Frêche. Entre le jeune président amateur de punchlines, qui rêve de football professionnel, et le jeune élu – pas le dernier pour les bons mots non plus – qui rêve de voir sa ville briller, l’entente comme larrons en foire ira de soi. Condition indispensable à une époque où monter en professionnel imposait à un club d’avoir la caution financière de sa commune.
Nanti de ce précieux soutien, le MPSC (qui deviendra le MHSC au début des années 90) accède à la D2 en 1978 et une première fois à la D1 avant de redescendre puis d’y revenir de manière stable en 1987.
Soucieux de bâtir un modèle pérenne, il sera l’un des premiers présidents français à investir en masse dans un centre de formation performant. Mais il ne se refusera pas un petit coup de cœur de temps en temps sur le recrutement. C’est ainsi que Roger Milla, Carlos Valderamma, Eric Cantona ou Stéphane Paille porteront le maillot montpelliérain.
LIRE AUSSI – Roger Milla, le Makossa éternel
En 1990, à l’issue d’une finale face au Matra Racing, le MHSC remporte son premier titre majeur, la Coupe de France. Coupe qui vaudra d’ailleurs aux pailladins un ticket pour la coupe des coupes où ils ne tomberont que face au futur vainqueur, Manchester United.
De la redescente aux titres masculins et féminins
Mais l’entrée dans le football business des années 90 va faire mal au club Montpelliérain. Malgré une finale de Coupe de France en 1994 perdue face à Auxerre, le club frôle une première fois la descente en 1995 avant de tomber pour de bon à la fin de la saison 1999-2000. Même si le MHSC remonte immédiatement la saison suivante, il redescend trois ans plus tard pour cinq nouvelles saisons en ligue 2. Mais la remontée en 2008-2009 va ouvrir une période dorée. Une cinquième place en 2009-2010, une finale de Coupe de la ligue en 2011 et enfin, un titre de champion en 2012.
Oui, champion ! Cette saison qui aurait pourtant dû être celle du premier titre du PSG sous pavillon qatari. Le MHSC l’attaque d’ailleurs sans autre ambition que d’habitude : le maintien, et quelques tours de coupe pour se faire plaisir. Mais ses joueurs prennent un bon départ et tiennent le rythme, ce qui fera sortir à Loulou une des saillies dont il a le secret : « Ne nous cassez pas les couilles avec la deuxième place, la troisième place, la Ligue des champions. On est contents de finir huitièmes, point barre. Si on est champions, vous nous ferez des pipes » alors même que son équipe est toujours en tête au printemps.
La suite, ce sera une fête mémorable sur la place de la comédie. Avec un Loulou coiffé d’une crête orange et bleue, les couleurs du club. Le rêve de toute une vie est enfin exaucé…
Enfin, même s’il l’était déjà en grande partie. Parce que ses détracteurs qui ne retiennent que son côté franchouillard ont tendance à l’oublier, mais Louis Nicollin fût aussi le premier président de L1 à miser sur le football féminin. Et à donner à ses filles des moyens dignes d’une pratique quasi professionnelle, à une époque où la D1 féminine était encore totalement amateur. Et ce sont ses pailladines qui lui ont amené un premier titre de champion en 2004, qu’elles conserveront en 2005 et assortiront de trois Coupes de France entre 2006 et 2009.
Un autre aspect connu de Loulou Nicollin est aussi sa collection de maillots de joueurs. Plus de 4000 pièces stockées dans 1650 mètres carrés. Parmi ceux-ci, divers maillots de l’Equipe de France, un maillot du Brésil de Pelé, le premier maillot de Zidane au Real (porté lors d’un match amical d’avant-saison contre…Montpellier)… Une collection qui trouvera sa place dans le nouveau stade du MHSC qui remplacera la Mosson. Mais aussi des maillots d’autres sports, car Louis Nicollin ne fût pas seulement un passionné de football.
Il a ainsi investi, de diverses manières et encouragé par Georges Frêche, dans tous les clubs professionnels de l’agglomération Montpelliéraine : Handball, Basketball, Rugby… Le Montpellier Volleyball est même devenu, récemment, une entité à part entière du MHSC. Il fût même un temps actionnaire majoritaire de l’AS Béziers en rugby et du Paris Basket Racing au début des années 2000. Si certaines aventures se sont mal finies, notamment dans le rugby, il fût le grand mécène du sport montpelliérain, jusqu’à son dernier souffle.
Car sa mort en 2017 fût brutale, victime d’un infarctus après un bon repas (« C’était soit ça, soit mourir dans son stade » déclarera le leader des ultras de la butte paillade dans un hommage). Le foot français pleura alors ce président unique, que l’on croyait éternel. Capable des pires emportements dans la colère ou dans la tendresse. Capable de quasiment embrasser ses joueurs sur la bouche après un but comme de leur demander d’arrêter d’applaudir l’adversaire après une défaite. « C’est impossible que je quitte la Paillade. Je quitterai ce club entre quatre planches. C’est tout. » Il a tenu parole, non sans avoir placé son fils Olivier à la tête de l’entreprise familiale et son fils Laurent à la tête du MHSC.
Symbole ultime du président « à l’ancienne », Louis Nicollin fût un bâtisseur et un amoureux du foot qui allait bien au-delà de sa caricature. Surtout, il a réussi une performance qui ne sera probablement pas égalée : être champion de France de L1 à la tête d’un club qu’il avait lui-même créé.
Sources :
- Site officiel du MHSC, «Louis Nicollin, président fondateur»
- Mathieu Faure, «Loulou, oui, c’est lui», So Foot, 29 juin 2017
- Antoine Donnarieix, «Louis la punchline», So Foot, 30 juin 2017
- Nathalie Balsan-Duverneuil,«Louis Nicollin reçoit un prix contre l’homophobie», Midi Libre, 9 mars 2012
- «La collection de Louis Nicollin bientôt dans un musée»,Sport Tricolore, 3 mars 2021
- A.- S.B., «Louis Nicollin est mort», L’Equipe, 29 juin 2017
- Eric Carpentier,« Loulou disait qu’on était ses filles»,So Foot, 30 juin 2017
Crédits photos : IconSport