Après la finale européenne de Bastia en 1978, il faut attendre treize ans pour voir à nouveau un club français atteindre une finale de Coupe d’Europe. Au cours des années 1980, Monaco, Nantes et surtout Bordeaux, dominent la scène nationale. Si les Girondins atteignent les demi-finales de la C1 en 1985, il faut néanmoins attendre la décennie suivante pour voir enfin les clubs français jouer dans la cour des grands. En effet, la décennie 1990 marque incontestablement l’apogée du football français (7 finales disputées par 4 clubs dans trois compétitions différentes). Le premier club à atteindre une finale européenne durant cette décennie est l’Olympique de Marseille, qui domine le championnat de France durant cinq années, de 1989 à 1993. Si l’OM dispute trois finales européennes dans les années 1990, nous allons ici nous arrêter sur ses performances en C1, compétition dans laquelle le club performe puisqu’il atteint deux fois la finale. Voici la première partie d’un article qui nous emmènera de 1990 à 1993.
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« Maintenant je sais comment on gagne une Coupe d’Europe ! »
Champion de France pour la cinquième fois en 1989 et vainqueur d’une dixième Coupe de France, l’Olympique de Marseille, dirigé depuis 1986 par Bernard Tapie, dispute logiquement la Coupe des clubs champions 1989-1990. Le club phocéen a alors peu de références dans cette compétition mais s’est néanmoins fait la main en Coupe des Coupes, tombant en demi-finale face à l’Ajax Amsterdam en 1988. Deux ans plus tard, l’OM se hisse à nouveau en demi-finale, atteignant pour la première fois ce niveau de compétition en C1.
Après s’être défait en seizièmes de finale du populaire club danois de Brøndby, les Marseillais se sont frottés aux Grecs de l’AEK Athènes – un match qui marqua les supporters marseillais lorsqu’ils virent leurs homologues débarquer torses nus du côté de la Provence ; c’est d’ailleurs cette rencontre décisive qui inspirera Depé, le célèbre supporter de l’OM, fondateur des Marseille Trop Puissant et connu pour se tenir torse nu derrière le mégaphone des South Winners puis des MTP, lors de tous les matchs de l’OM. Pour les quarts de finale, l’OM échappe aux gros poissons et vient à bout des Bulgares du CSKA Sofia, remportant les deux matchs.
Seulement, en demies, l’OM se frotte cette fois-ci à un gros morceau : le Benfica Lisbonne, deux fois vainqueurs de la compétition dans les années 1960, vingt-huit fois champion du Portugal et sorti vainqueurs des six premiers matchs du tournoi. Face au grand club lisboète, se dresse un onze phocéen dont l’ossature est bien connue pour être celle du grand OM du début des années 1990 : Amoros, Sauzée, Mauzer, Di Meco en défense, Deschamps, Germain, Tigana, complétée des deux artistes Waddle et Francescoli et du serial buteur Jean-Pierre Papin. Seul hic, Gaëtan Huard s’étant blessé en quarts de finale, c’est le vétéran Castaneda qui occupe les cages.
Si Benfica ouvre la marque au Vélodrome, c’est bien l’OM qui domine cette demie et remporte le match 2-1, score qui peut laisser des regrets tant les Marseillais ont prouvé leur valeur au plus haut niveau européen. Le tristement célèbre match retour se dispute au mythique Estàdio da Luz de Lisbonne, où plus de 100 000 spectateurs se pressent en ce mercredi 18 avril 1990. Les Marseillais, fatigués par le match au sommet face à Bordeaux le week-end précédant, abordent cette rencontre prudemment, un nul suffit. Ce 0-0 synonyme de première finale tient jusqu’à la 83ème minute lorsque Valdo tire un corner, repris de la main par l’Angolais Vata Matanu Garcia. Le but est accordé par l’arbitre belge malgré les contestations des joueurs marseillais et Benfica se qualifie pour sa septième finale européenne. La colère en France et à Marseille est grande, la presse titrant sur le « vol » subit par le club provençal. Dans les travées de l’Estàdio da Luz, Bernard Tapie, le président de l’OM, crie au complot et prononce cette célèbre phrase :« Maintenant je sais comment on gagne une Coupe d’Europe! ». C’est sur cette triste note que s’achève ce qui est alors, jusqu’à présent, le plus beau parcours de l’Olympique de Marseille en Coupe d’Europe. Tout le monde au club et dans la ville a soif de retrouver rapidement ces grandes soirées du mercredi. De plus, un goût de revanche anime tout Marseille après la célèbre main de Vata.
Les larmes de Basile
A nouveau champion de France en 1990 après un duel à couteaux tirés face aux rivaux Bordelais, l’OM retrouve dès la saison suivante la C1. Facile vainqueur du Dinamo Tirana pour leur entrée en lice, les Marseillais doivent ensuite se déplacer en Pologne pour y affronter le Lech Poznan et ce sont les Polonais qui remportent le match aller 3-2. Au Vélodrome, l’OM mystifie 6 à 1 le club des chemins de fer de l’ex république socialiste. En quarts se dresse un adversaire on-ne-plus redoutable : le double tenant du titre, l’AC Milan.
A San Siro, une mésentente entre Casoni et Mozer permet à Gullit d’ouvrir la marque. L’OM égalise grâce à son superbe trio Pelé-Waddle-Papin qui se joue de la défense milanaise. Le parcage marseillais exulte, nous sommes à la 28ème minute, plus aucun but ne sera marqué malgré une grosse occasion de Pelé suite à une erreur de la défense milanaise. Olmeta réalise quant à lui une parade en deux temps, suite à un dangereux coup-franc. Le nouvel entraîneur Raymond Goethals a installé une solide défense avec toujours Amoros et Di Meco sur les côtés et un redoutable trio Mozer-Boli-Casoni pour cadenasser le tout.
Après ce bon résultat obtenu en Italie, les Marseillais sont virtuellement qualifiés pour une seconde demi-finale d’affilée. C’est un réel test pour le club provençal qui a l’occasion de prouver qu’il peut faire partie de la cour des grands en éliminant un club déjà vainqueur de six coupes d’Europe. Et force est de constater que le vice-champion d’Italie ne fait pas le poids face au talent et à la discipline des Olympiens. A la 75ème minute, le chouchou du Vélodrome, Chris Waddle, reprend de volée un ballon venu de la gauche, le plaçant dans le petit filet opposé, hors de portée de Rossi. Sur cette action, c’est à nouveau le trio Pelé-Papin-Waddle que l’on retrouve aux manettes. L’exploit est alors très proche mais ce match, pour entrer dans la légende, prit un autre chemin. En effet, alors qu’il reste une poignée de minutes à jouer, un des quatre pilonnes d’éclairage du stade Vélodrome tombe en panne. Le match est interrompu le temps de redémarrer l’éclairage. Une fois celui-ci revenu, l’arbitre invite les 22 acteurs à reprendre le jeu. Or, les Milanais, quasiment éliminés, prétextent une trop faible visibilité et décident de ne pas reprendre le jeu. Bo Karlsonn, arbitre suédois, met alors un terme au match. Si l’OM avait bien remporté le match et obtenu sa qualification sur le terrain, l’UEFA n’en décida pas moins de punir les Milanais pour leur comportement : une victoire sur tapis vert fut accordée à l’OM alors que les Italiens comptaient pouvoir rejouer le match.
Avec cette double confrontation, l’Olympique de Marseille prend une autre dimension. Le club s’apprête à disputer une troisième demie-finale de Coupe d’Europe en quatre ans. Pour cette demi-finale, les Bleus et Blancs se déplacent en URSS pour y affronter le Spartak Moscou, tombeur au tour précédent du Real Madrid, après avoir éliminé en huitièmes le Napoli. L’OM prend l’avantage dès le match aller en allant s’imposer 3 à 1 à Moscou. Au retour, les hommes de Raymond Goethals remporte le match 2-1 et qualifient ainsi le club pour sa première finale de Coupe d’Europe. L’Olympique de Marseille devient alors le quatrième club français à réaliser cette performance, le troisième pour ce qui est de la C1.
Le 29 mai 1991 à Bari, se dispute alors la centième finale de Coupe d’Europe. L’adversaire de l’OM compte à son actif une finale de Coupe de l’UEFA, en 1979, mais n’avait jamais atteint un tel niveau en C1. L’Etoile Rouge est le club le plus titré du championnat yougoslave où évoluaient le Hajduk Split, le Dynamo Zagreb ou encore le Partizan Belgrade, il compte dans ses rangs une bonne partie de l’équipe yougoslave, quart de finaliste de la Coupe du monde 1990 et favorite de l’Euro 1992. Cette équipe talentueuse et offensive (19 buts inscrits en huit matchs) aborde cette finale prudemment, consciente de la force de l’équipe marseillaise.
« En étudiant le jeu de l’OM, j’avais réalisé qu’on ne pouvait pas battre Marseille, sauf s’ils commettaient une erreur. J’ai donc dis à mes joueurs de se montrer patients et d’essayer d’atteindre les tirs au but. » Ljupko Petrovic, entraîneur de l’Etoile Rouge
Le coach yougoslave fait donc travailler ses joueurs en conséquence : il leur fait travailler l’exercice particulier des tirs au but la veille de la finale, exercice auquel les yougoslaves étaient habitués. Si la tactique yougoslave consistant à cadenasser le match fonctionne, l‘OM aura tout de même eu quelques occasions : Papin d’un tir croisé et Pelé de la tête, manquent de peu le cadre en première mi-temps, de même que Waddle, qui eut par deux fois l’occasion d’ouvrir la marque de la tête en deuxième mi-temps. La suite est tristement connue des supporters marseillais, elle est traumatisante pour les dizaines de milliers d’entre-eux qui avaient fait le déplacement dans le Sud de l’Italie. C’est aux tirs au but que se termine cette finale, comme le souhaitaient les yougoslaves. Ce sont eux qui tirent les premiers et font donc la course en tête. Malheureusement, Manuel Amoros, le talentueux latéral français et premier tireur olympien, manque son tir, facilement capté par le gardien.
Tous les autres tirs sont marqués mais l’Etoile Rouge, adroite dans l’exercice ne manque sa chance de devenir championne d’Europe pour la première fois de son histoire, marquant par la même occasion l’une des dernières joies du football yougolsave. C’est aussi une revanche symbolique sur le quart de finale perdu aux tirs au but face à l’Argentine, moins d’un an plus tôt, déjà en Italie. L’image que l’on retient souvent de ce match, ce sont les larmes de Basile Boli, abattu après cette finale que beaucoup voyait déjà remportée par l’Olympique de Marseille.
Sources :
- https://www.ohaime-passion.com/
- « Vata 1990, la main du diable », Les Cahiers du Football.
- « OM-Milan 1991 – L’arbitre se souvient : «Je ne savais pas si le résultat serait entériné» », L’Equipe.
- « Poussières d’étoiles rouges de Belgrade », SoFoot.
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