Tous les ans, lorsque la conclusion de notre chère Ligue des Champions approche, on
s’amuse, non sans mélancolie, à énumérer les plus belles finales de l’histoire de cette
compétition. Que ce soit au pub entre amis, ou sur les plateaux télés entre consultants,
certains moments nous ont unanimement marqués. Outre le chef-d’œuvre de Zizou face
au Bayer Leverkusen ou la victoire arrachée par Ole Gunnar Solskjaer dans les arrêts de
jeu face au Bayern Munich, on aime à se rappeler l’exploit de Liverpool face à l’immense
Milan AC. Rappelez-vous, ce 25 mai 2005 à Istanbul, les Reds signaient une performance
qui, jusqu’à récemment, aurait mérité le titre de meilleure « remontada » de l’histoire de la
compétition ! Ce match au scénario improbable était à l’image de la saison du club,
soldée sur un titre de champion d’Europe mais aussi sur une décevante cinquième place
au championnat d’Angleterre. La simple présence de cette équipe en finale constitue un
exploit en soi, tant son parcours a été émaillé d’obstacles.
Un peuple en quête d’ambition
En ce début de saison 2004/2005, la sérénité n’est pas de mise du côté rouge de la Mersey. Le
dernier championnat s’est soldé par une quatrième place sans saveur, à 30 points des
« Invincibles » d’Arsenal, dirigés par Arsène Wenger. Steven Gerrard, jeune capitaine, frustré
par l’écart entre son équipe et ses concurrents, songe même à rejoindre Chelsea. Le club
londonien, racheté par Roman Abramovitch en 2003, garantirait plus de titres au capitaine des
Reds. Ces envies de départ sont atténuées par l’arrivée d’un nouvel entraîneur. Rafael Benítez
a la lourde tâche de faire oublier Gérard Houllier. Le Français a tout de même mené l’équipe à
un quintuplé spectaculaire en 2001 ( Coupe de l’UEFA, FA Cup, League Cup, Charity Shield et
Supercoupe d’Europe ) mais le CV de l’Espagnol est impressionnant. En effet, il a remporté
deux titres de Liga et une coupe de L’UEFA en trois saisons à la tête de Valence. Pour cette
année de transition, l’objectif du club semble clair : se qualifier pour la prochaine Ligue des
Champions pour rester un club attractif et permettre au nouvel entraîneur de construire une
équipe compétitive pour les années à venir. Pour couronner le tout, le ballon d’or 2001, Michael
Owen décide que son avenir s’inscrit au Real Madrid. En bref, les fans sont loin d’imaginer la
suite des événements et se préparent à une nouvelle saison sans gloire. Deux Espagnols
inconnus en Angleterre viennent renforcer les rangs : Luis García et Xabi Alonso. Si un an plus
tard, les compatriotes feront partie des chouchous d’Anfield, ces recrutements ont d’abord fait
se lever plus d’un sourcil outre-manche.
Des débuts mitigés
La quatrième place obtenue l’année précédente n’étant pas directement qualificative pour la
phase de poule, Liverpool doit passer par un match de barrage. La victoire du match aller par
deux buts à zéro va suffire à qualifier les Reds malgré une défaite à domicile 1 à 0. Ce résultat
moyen face au Graz AK, bien inférieur sur le papier, n’est pas prometteur. Surtout que le tirage
au sort dévoile la venue du finaliste de la dernière Ligue des Champions à Anfield, le 15
septembre 2004. L’AS Monaco, sous les ordres de Didier Deschamps, vient de perdre Jérôme
Rothen, Ludovic Giuly ou encore Fernando Morientes lors du mercato. Sans ses cadres, le club
monégasque est moins fringant malgré la présence dès le coup d’envoi des jeunes Evra et
Maicon, qui remporteront cette compétition plus tard avec respectivement Manchester United et
l’Inter Milan. Ce soir-là, Liverpool est supérieur. Djibril Cissé, fraîchement débarqué avec le titre de meilleur buteur du championnat de France, remporte son duel avec Flavio Roma et ouvre la marque dès la 21ème minute. Les pensionnaires de Ligue 1 ne se procurent pas d’occasion nette et Milan Baros fait preuve d’une patience déroutante face au gardien pour inscrire un deuxième but un brin humiliant pour ses adversaires. Le score en reste là et Liverpool prend les trois premiers points mis en jeu.
Deux semaines plus tard, rendez-vous à Athènes pour affronter l’Olympiakos dans le bouillant
Karaiskakis Stadium. Les fumigènes sont de sortie et le ciel grec se pare d’un nuage rouge et
blanc. Ce soir-là, l’équipe à domicile est survoltée et domine le match de la tête et des épaules.
Liverpool s’incline 1 à 0 mais s’en sort bien car les montants de Jerzy Dudek ont tremblé à deux
reprises. Ce détail semble d’abord anecdotique mais, lors du match retour entre ces deux
équipes, il sera déterminant. Le 23 novembre, Liverpool arrive en position de force au stade
Louis II pour affronter Monaco. Grâce aux quatre points pris face au Deportivo La Corogne (0-0
à l’aller puis 0-1 en Espagne), les hommes de Benitez seraient qualifiés en cas de victoire. Mais
rien ne va se passer comme prévu. Luis García s’écroule dans les toutes premières minutes en
se tenant la cuisse droite. Son remplaçant, Josemi, sera lui-même remplacé, blessé à son tour,
une petite heure plus tard. La recrue monégasque, Javier Saviola, profite finalement d’un
contrôle de la main involontaire pour ouvrir le score en début de seconde période. Le score ne
bougera plus. Liverpool se retrouve alors dos au mur alors qu’il ne reste plus qu’une
rencontre à disputer, face à l’Olympiakos. La situation est simple : Il faut battre les Grecs sur le
score de 1 à 0 ou par deux buts d’écart en cas de but de ces derniers.
En route pour Istanbul
La tension est à son comble en ce 8 décembre 2004. Alors que Liverpool domine les premiers
instants, Rivaldo s’amène le ballon entouré de quatre défenseurs. Le Brésilien régale les
supporters mais pas Jamie Carragher, le défenseur qui se voit contraint de lui faire un croche-pied
pour l’arrêter. Le gaucher se charge lui-même du coup-franc et ouvre la marque. Les Reds
rentrent au vestiaire à la mi-temps avec l’obligation de marquer trois buts en deuxième période.
Ça ne vous rappelle rien ? Rafael Benitez remplace alors l’arrière gauche Djimi Traoré par
Florent Sinama-Pongolle. Ce choix clairement offensif va vite payer. Le nouvel entrant reprend
victorieusement un centre de Harry Kewell pour égaliser dès la 47ème minute. Les Anglais
continuent à pousser sans réussite jusqu’à l’entrée du jeune Neil Mellor à la 78ème minute. A la
suite d’un cafouillage, ce dernier va redonner de l’espoir à tout un stade seulement trois minutes
après son entrée. Quelques instants plus tard, Steven Gerrard reprend une remise de Mellor et
envoie un missile au fond des buts de près de 30 mètres. Nikopolidis est impuissant, au grand
bonheur de Martin Tyler et Andy Gray, commentateurs du soir. Liverpool tient bon jusqu’au
coup de sifflet final et se qualifie pour les huitièmes de finale au terme d’un match qui marquera
à jamais les supporters présents ce soir là à Anfield.
Le Bayer Leverkusen attend les Anglais de pied ferme en huitièmes de finale mais ne sera pas
de poids face à une équipe qui place désormais cette compétition en priorité, les résultats en
championnat étant décevants. Luis García revient de blessure et inscrit trois buts en deux
matchs. Liverpool remporte les deux matchs sur le score de 3 à 1 et emmagasine de la
confiance avant de défier la Juventus de Turin de Fabio Capello. Les Turinois ont éliminé le
Real Madrid au tour précédent et Gianluigi Buffon n’a été battu que deux fois depuis le début de
la compétition. Ce 5 avril, presque 20 ans jour pour jour après la catastrophe Heysel, est aussi
un jour de recueillement. Après une minute de silence lourde émotionnellement et la
présentation d’une bannière à l’honneur des 39 victimes, le coup d’envoi est donné dans une
ambiance particulière. Vingt-cinq minutes plus tard, les Reds mènent déjà 2 à 0 après un but de
Hyypiä sur corner et une fantastique reprise de Luis García qui mystifie le gardien du pied
gauche. Fabio Cannavaro, futur ballon d’or, réduit la marque à la 63ème minute en profitant d’une
grosse erreur de main de l’inexpérimenté Scott Carson remplaçant de Jerzy Dudek, blessé.
Lors du match retour on assiste à un match défensif rythmé par très peu d’occasions. Liverpool
obtient sa qualification grâce à un match nul et vierge face à une « vieille dame » étonnamment
maladroite offensivement.
Le Chelsea de José Mourinho sera l’adversaire en demi-finale. Le jeune entraîneur vit sa
première année sur le banc londonien et a remporté le titre à la surprise générale avec le FC
Porto l’année précédente. Son équipe est en pleine forme après avoir éliminé le FC Barcelone
et Le Bayern Munich. Rien que ça. Chelsea sera d’ailleurs couronné champion d’Angleterre plus tard dans l’année. Le match aller, à Stamford Bridge, est très fermé et se solde sur le score de 0
à 0. A Anfield, Luis García ouvre le score après seulement cinq minutes de jeu. Ce but
controversé sera surnommé le « but fantôme ». Après un choc entre les compatriotes, Baros et Cech, le jeune espagnol pousse le ballon vers le but. William Gallas dégage en catastrophe sur la ligne mais l’arbitre estime qu’il est arrivé trop tard et accorde le but, dans la confusion générale. Malgré une domination nette et une énorme occasion à la fin des six minutes d’arrêts de jeu, Chelsea s’incline. Le technicien portugais, convaincu que le but n’était pas valable, déclare simplement : « La meilleure équipe a perdu ».
Une finale légendaire
Liverpool a rendez-vous avec le Milan AC en finale, le 25 mai 2005, à Istanbul. Les Reds ont fini
le championnat sur une cinquième place décevante qui ne les qualifie pas pour la prochaine
Ligue des Champions. Ils n’ont même pas été la meilleure équipe de la Mersey, les ennemis
d’Everton ayant arraché la quatrième place. Encore une fois, les Anglais font figure d’outsiders
au coup d’envoi de ce match. L’équipe italienne présente un des effectifs les plus impressionnants de sa glorieuse histoire. Des joueurs comme Kaká, Andriy Shevchenko ou même Paolo Maldini sont à leur apogée. C’est d’ailleurs ce dernier qui ouvre la marque dès la première minute de jeu en reprenant victorieusement un coup-franc signé Andrea Pirlo. Hernán Crespo enfonce le clou en fin de période avec un doublé plein de maîtrise. A la mi-temps, les Milanais pensent déjà avoir plié le match. Benitez opère un changement tactique et les supporters entonnent le mythique hymne : « You’ll Never Walk Alone » pour donner du courage à leurs joueurs. Steve Finnan est remplacé par Dietmar Hamann qui prend Kaká au marquage. Ce nouveau dispositif libère Steven Gerrard offensivement. Evidemment, c’est lui qui sonne la révolte d’une superbe tête qui laisse Dida pantois à la 54ème minute. Seulement six minutes plus tard, Xabi Alonso marque le troisième but égalisateur sur un pénalty malgré la parade initiale du gardien, récompensant la fidélité des supporters qui n’ont jamais cessé d’haranguer leur équipe. Vladimír Smicer avait auparavant réduit la marque d’une belle frappe en dehors de la surface. Les fans sont en liesse mais Milan reprend petit à petit la maîtrise des opérations et les Reds souffrent. Ils parviennent malgré tout à tenir jusqu’aux tirs au but notamment grâce à une double parade de Dudek face à Shevchenko, à bout portant. L’ultime duel de la soirée mettra en scène les mêmes protagonistes, l’Ukrainien voyant son tir au but repoussé par le portier. Liverpool s’impose 3 à 2 à la séance de pénaltys et monte sur le toit de l’Europe pour la cinquième fois de son histoire contre toute attente à la suite d’un parcours riche en rebondissements.
Cette finale restera pour beaucoup d’observateurs la plus chargée en suspense et en émotion de l’histoire de la compétition. La victoire de Liverpool constitue un énorme exploit sculpté par des coups d’éclat du capitaine Gerrard. Mais sans les noms moins clinquants de Neil Mellor ou de Florent Sinama-Pongolle lors du match décisif face à l’Olympiakos, le club aurait échoué dès les phases de poules. Avec cette victoire, les supporters des Reds espéraient à l’époque retrouver la gloire d’antan qui avait fait de leur club de cœur, l’équipe la plus titrée du royaume. Près de quinze ans plus tard, ils attendent toujours un nouveau titre majeur. L’année 2019 sera-t-elle enfin celle de la reconquête de la Premier League ?
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