Depuis environ dix ans, la Ligue des Champions est dominée par les clubs espagnols. Dix ans de lutte continuelle entre le Real Madrid, le FC Barcelone qui se partagent le trophée, sans oublier les parcours de l’Atletico Madrid, qui n’a pas à rougir de ses deux finales perdues en 2014 et en 2016. Toutefois, au milieu de cette hégémonie espagnole, certaines équipes réussissent à se démarquer et, contre toute attente, à outrepasser cette domination. Qu’elles soient un exploit, un coup de maître ou encore une désillusion de la part du favori, ces performances demeurent encore aujourd’hui comme des matches inoubliables, tant la surprise était de taille. Ce fut le cas de l’édition 2012/2013, lors du match aller entre le Borussia Dortmund et le Real Madrid, en demi-finale. Cette rencontre est restée dans les mémoires, et en particulier la prouesse de patron de l’attaquant du Borussia, Robert Lewandowski.
Nous sommes le 24 avril 2013, demi-finale aller de la Ligue des Champions. Le Borussia Dortmund, champion d’Allemagne en titre, accueille le Real Madrid grand favori de la compétition. Les Madrilènes ont l’expérience des grands rendez-vous et enchainent les demi-finales depuis que José Mourinho entraine la Maison Blanche. Cependant, le club ne parvient plus à retourner en finale. Les Madrilènes s’impatientent de cette disette et espèrent bien que cette année sera la bonne pour y parvenir. Néanmoins, la tâche n’est pas aisée car en face d’eux se dresse le Borussia Dortmund et son légendaire mur jaune. Le stade est au complet, les supporters ont tous répondu présent et les soldats de Jurgen Klopp sont motivés comme ils ne l’ont jamais été. Dortmund est un « miraculé » de la compétition, puisque l’équipe s’est qualifiée de justesse en quart de finale contre Malaga. Mené 2-1 à domicile, le Borussia se qualifie grâce à deux buts marqués dans le temps additionnel, entravant ainsi tout espoir pour l’Espagne d’être représentée par trois équipes en demi-finale.
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Et le monde apprit à connaître Robert Lewandowski
La nuit tombe sur le Signal Iduna Park, dans la Ruhr. Le mur jaune se hisse, l’ambiance est à son comble, les supporters chantent sans jamais s’arrêter, on ne s’entend plus. Le spectacle peut commencer. D’entrée de jeu, Dortmund met la pression sur le Real. Reus accélère et sa vivacité déjoue la défense adverse. Sa frappe est repoussée par le gardien Diego Lopez et la balle atterrit dans les pieds de Lewandowski, qui la récupère, tel un renard des surfaces. Il est, toutefois, très vite rattrapé par la défense madrilène et sa frappe est contrée. Avec cette première frayeur, les Merengues sont prévenus. Dortmund continue d’attaquer et, à peine quelques instants plus tard, à la 8ème minute, ces efforts portent leurs fruits. Lewandowski récupère un centre venu du côté gauche et ouvre le score. Pepe, au marquage, ne peut couper la trajectoire du ballon ni retenir Lewandowski et ce dernier en profite pour se jeter et marquer le premier but de son équipe.
Le Real est sonné, mais le match est encore long et les Madrilènes partent à l’offensive. Le coup franc lointain de Ronaldo repoussé par Weidenfeller fait tressaillir Klopp. Puis les deux occasions de Xabi Alonso repoussées coup sur coup par le gardien et par la défense allemande illustrent le sursaut d’orgueil des joueurs du Real. La mi-temps approche, et la perte de balle de Hummels à l’entrée de la surface de réparation permet à Higuain d’offrir le but de l’égalisation à Cristiano Ronaldo à la 40ème minute. Lorsque la pause est sifflée, les deux équipes sont alors dos à dos, mais on sent que le match peut basculer d’un côté comme de l’autre.
Le retour des vestiaires marque le réveil de « Lewy ». Dortmund entame cette seconde mi-temps comme elle l’avait fait 45 minutes plus tôt. L’attaque est de mise, et cette solution paye. Nous sommes à la 50ème minute, la frappe de Reus est récupérée dans les pieds de Lewandowski. A la limite du hors-jeu, et peu inquiété par Varane, celui-ci marque un but « à la Inzaghi » et permet à son équipe de mener au score. La défense du Real est furieuse, croyant que l’attaquant était hors-jeu, celle-ci s’est fait surprendre et, déstabilisée par le positionnement de l’attaquant, elle ne peut empêcher la réalisation.
Dortmund continue d’attaquer pour faire craquer les Espagnols. Cinq minutes plus tard, Lewandowski, une nouvelle fois bien placé au point de penalty, intercepte un centre fort à ras de terre tiré dans le tas par son coéquipier Schmelzer. L’attaquant polonais se retourne, se défait de Pepe, et tire de toutes ses forces à bout portant. Diego Lopez ne peut rien faire.
Le Real est presque achevé, mais Lewandowski et ses coéquipiers ne comptent pas s’arrêter là. Dortmund pousse toujours et Gundogan est tout proche de marquer un but sensationnel après s’être débarrassé de Khedira et de Sergio Ramos grâce à un sublime grand pont. Sa frappe se dirigeant vers la lucarne est finalement repoussée par Diego Lopez, auteur d’une grande envolée. C’est à la 66ème minute que les Allemands portent le coup de grâce. Reus est déstabilisé par Xabi Alonso dans la surface de réparation. Le penalty est sifflé, Lewandowski se charge de le tirer. D’un sang froid qui lui est propre, le Polonais conclut son récital offensif d’une frappe puissante, en plein centre des cages.
Malgré les multiples tentatives du Real pour revenir au score en fin de match, les Espagnols ne trouvent pas la faille et la rencontre s’achève sur le score de 4-1. Le club Castillan est tombé face au mur jaune. L’exploit est de taille tout autant qu’il est inattendu. Lewandowski a terrassé et plié en quatre le Real Madrid. Ce soir là, il entre dans le temple des grands attaquants.
Lewandowski dans la cour des grands
Une telle prestation aurait sans doute fait perdre la tête à plus d’un. Il n’en est rien chez Lewandowski, qui en véritable professionnel et d’un stoïcisme à toutes épreuves sait que le chemin est encore long : « Ce fut presque parfait. Bien sûr, je suis ravi car nous avons gagné 4-1 et ce fut une performance remarquable, mais nous ne sommes pas encore en finale. Nous avons fait un grand pas ce soir, mais nous devrons être vigilants dès la toute première minute à Madrid car ils sont encore très dangereux. […] L’ambiance a été incroyable tout au long du match. Nous avons vraiment bien joué en seconde période et le Real Madrid ne savait pas comment nous gérer. Nous avons marqué trois buts et joué incroyablement bien », déclare-t-il aux micros des journalistes après le match.
Ce quadruplé permet à Lewandowski de se faire un nom auprès des plus grands attaquants du moment et de consolider une réputation de grand buteur qu’il avait déjà acquis lors ces dernières années. Au club depuis 2010, la carrière de « Lewy » prend une toute autre ampleur grâce à cette prouesse magistrale qui n’est que le reflet et la continuité de ses performances lors des saisons précédentes. Meilleur buteur du club depuis deux ans, meilleur buteur du championnat la saison passée, footballeur polonais de l’année depuis 2011, il était inéluctable que Lewandowski allait exploser en Europe. Le Real en fait, malheureusement pour lui, les frais. Par ailleurs, « Lewy » devient le premier joueur de l’histoire à avoir signé quatre buts en demi-finale de Ligue des Champions, il obtient par la même occasion la note maximale de 10 de la part de certains grands journaux européens. Il ne fait pas de doute que le Polonais entre, grâce à cette performance, dans l’histoire. En outre, il entre dans le cercle très fermé des joueurs à avoir inscrit un quadruplé en C1.
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Toutefois, il ne faut pas résumer cette performance du Polonais à un exploit personnel. En effet, il ne faut pas omettre la supériorité collective de Dortmund face au Real Madrid. Très bien organisés dans le pressing, les Allemands ont étouffé les Espagnols dès le coup d’envoi. Grâce à une récupération très haute, ils ont pu mettre leurs éléments offensifs en valeur. Entouré de joueurs de qualité comme Reus, Gotze et Gundogan au sommet de leur niveau, Lewandowski avait tout pour briller.
Le Real ne comblera pas son retard. Malgré la victoire 2-0 au retour, les Merengues seront éliminés de la compétition. Cette défaite marque la fin de l’ère Mourinho au club. Paradoxalement, elle marque aussi le début de la domination madrilène en Europe qui va suivre pour les cinq prochaines années. Quant à la prestation de Robert Lewandowski, elle reste, à ce jour, unique. Cette performance marque le retour au premier plan du Borussia Dortmund en Europe, grâce à une génération dorée de joueurs talentueux qui forment un collectif solide. Par son coaching et son leadership, Jurgen Klopp, grand meneur d’hommes, a su transformer Lewandowski en une véritable machine de guerre.