La saison 2006-2007 est historique pour la Sicile. Pour la première fois depuis la création de la Série A, trois clubs siciliens prennent part au championnat ; le FC Messina Peloro, l’U.S. Città di Palermo et le néo-promu Calcio Catania. Cette saison aurait pu être un point de départ pour le football sicilien, historiquement peu représenté en Serie A. Or, 15 ans plus tard, lors de la saison 2021-2022, ces trois clubs militaient en Serie C et ont depuis tous été sujets à de gros problèmes tant financiers que de gestion.
Certes, Palerme a, au terme de cette saison 2021-2022, gagné sa promotion en Serie B pour la première fois depuis la perte du statut professionnel du club en 2019. Alors que cette promotion ravit les fans de football, elle entraine également un constat : le football sicilien peine à se faire une place permanente dans la cour des grands clubs de l’élite italienne. Un manque de ressources et une gestion sportive et économique douteuse ont rendu vains les efforts opérés au début du millénaire, replongeant le football sicilien dans les abysses qu’il avait tant peiné à quitter.
Associazione Calcio Riunite Messina
Après quarante ans de galère – qui auront vu le club connaitre deux faillites et tout autant de dissolutions et de fusions avec d’autres clubs – c’est en 2003, grâce au rachat du club par Pietro Franza, et après deux saisons dans l’antichambre de la Serie A, que le FC Messina Peloro réussit l’exploit de retrouver la première division. Lors de cette première saison en Serie A, en 2004-2005, Messina connait ses heures de gloire, avec notamment deux victoires historiques contre les clubs de Milan, dont une victoire contre les Rossoneri à San Siro (1-2). Le club sicilien conclura cette saison au septième rang, à seulement cinq points de la sixième place, synonyme de qualification en Coupe UEFA. Pour la première fois de l’histoire, des joueurs du club seront sélectionné avec l’équipe nationale italienne ; Alessandro Parisi en 2004 – 1 sélection – et Carmine Coppola en 2005 – 2 sélections.
Les saisons suivantes seront plus compliquées pour le club. Il est d’abord sauvé in extremis en 2005-2006 grâce au déclassement de la Juventus à la suite du scandale du Calciopoli.
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La saison 2006-2007 était la troisième consécutive en Serie A pour le FC Messina Peloro. Mais, dans la continuité du 18e rang de la saison précédente, le club finit cette saison à la vingtième et dernière place, synonyme de relégation, après trois années dans l’élite.
En juillet 2008, après une anonyme 13ème place en Serie B, le président Pietro Franza annonce ne pas avoir trouvé de repreneurs pouvant investir. Il abandonne ainsi la présidence du club et ne l’inscrira pas pour le championnat de la saison suivante. Le club est alors relégué administrativement en Serie D. En novembre de cette même année, la Cour de Messine déclare la faillite du club. L’entité sportive est rachetée aux enchères par la société Associazione Calcio Rinascita Messina, fondé par Alfredo Di Lullo, qui rachète le matricule du FC Messina Peloro.
En 2017, l’histoire se répète. Après neuf saisons entre troisième et quatrième division, l’AC Rinascita Messina est exclu de la Lega Pro et est inscrite en Serie D, sauvée à nouveau in-extremis par le rachat de Pietro Sciotto. En somme, de la dernière participation du club en Serie A à aujourd’hui, ce sont vingt-et-un entraîneurs et huit présidents qui se sont succédés.
Au terme de la saison 2020-2021, l’ACR Messina est promu en Serie C juste devant son voisin, le FC Messina, et obtient sa permanence dans la troisième division italienne la saison suivante grâce à un treizième rang final. Mais, jusqu’au 22 juin dernier, rien n’était acquis. Le président Sciotto devait donner des garanties à la Ligue pour permettre l’inscription du club pour la saison 2022-2023. Après avoir tenté de vendre, voire même de donner le club, il réussira à apporter lui-même les garanties, à commencer par une caution à hauteur de 350 000 euros. Le club est donc sauvé, et peut donc participer régulièrement au prochain championnat de Serie C, avec pour but de donner de la longévité à un projet qui en manque cruellement.
Messine reste aujourd’hui la troisième équipe sicilienne avec le plus de participations à la première division italienne – toute nomination comprise – avec dix participations, derrière Catania et ses dix-sept participations.
Calcio Catania
Après 22 ans d’absence, le Calcio Catania fait son retour dans l’élite italienne pour la saison 2006-2007. Il accède à la Serie A pour la dixième fois depuis la création du club, en 1929. Depuis lors, il alterne les bons, et les mauvais résultats, mais le XXe siècle du Calcio Catania se résume davantage entre la Serie B et C, plutôt qu’en A, dans laquelle il ne fait que quelques éparses apparitions. Mise à part les six saisons consécutives disputées entre 1960 et 1966, c’est bel et bien au XXIe siècle que s’écrit la plus belle page du football catanais.
De 2007 à 2011, le club évolue dans le ventre mou du classement, oscillant entre la treizième (2007, 2010, 2011), la quinzième (2009) et la dix-septième (2008) place. Pas grand-chose à tirer de ces premières saisons du retour, à part la forte connotation argentine de l’effectif – treize joueurs argentin en 2010-2011 – ainsi que son coach, Diego Simeone, qui en est à sa première expérience en Europe. Il entraine les Etnei durant 6 mois, pour un bilan de 7 victoires, 3 nuls, 8 défaites et les conduisant à une bonne treizième place.
La saison suivante (2012-2013) marque le début de la progression du club, avec une onzième place en Serie A, un Vincenzo Montella pratiquant un jeu attractif, Francesco Lodi possédant l’une des plus belles pattes gauches du championnat – 9 buts et 7 passes décisives au terme de la saison – et la révélation du Papù Gomez alors âgé de 23 ans – 4 buts et 5 passes décisives – il Calcio Catania progresse indéniablement.
Pourtant, le départ de Montella à la fin de la saison, remplacé par l’anonyme Rolando Maran – aujourd’hui habitué des bancs de Serie A – couplé au départ du directeur sportif Pietro Lo Monaco, notamment responsable de la vente de Jorge Martinez à la Juventus pour quelques 12 millions d’Euros, peuvent laisser croire à une pause dans la progression.
Que cela ne tienne, la saison suivante est la meilleure de l’histoire du club. En effet, le président Pulvirenti ne base pas son projet sur la longévité de ses entraineurs. Outre Pasquale Marina, l’homme ayant fait monter le club en Serie A, nul n’a duré plus d’une saison sur le banc sicilien : qu’ils se nomment Baldini, Zenga, Mihajlović, Giampaolo ou Simeone, tous n’auront duré qu’une saison, au mieux. Depuis 2004, ce sont onze coachs qui se sont succédés sur le banc rossoazzurro.
Vincenzo Montella n’aura donc pas échappé à la règle, a priori pour le mieux ; un début de saison canon, avec huit victoires lors des douze premiers matchs à domicile, permet au club de sécuriser le maintien onze journée avant le terme du championnat. Mieux ; le club se retrouve même en première partie de classement et peut même se mettre à rêver d’Europe. Malheureusement, une série de cinq matchs sans victoire entre le 30 mars et le 28 avril 2013 compliqueront la tâche. Gli Elefanti concluent finalement la saison à une historique huitième position, devant notamment l’Inter et à seulement dix points de la zone Europe. Les 56 points engrangés marquent, encore aujourd’hui, le record du club en Serie A.
En inadéquation avec son modèle, le président Pulvirenti confirme Maran sur son banc pour la saison suivante. Modèle payant ? Non. Il Calcio Catania sera relégué au terme de la saison 2013-2014, conclue à une terne dix-huitième position. Le club fait son retour en Serie B, huit ans après sa promotion. C’est là, le début de l’enfer pour le club catanais. En mal de résultat, le club est en danger de relégation en Serie C. Mais, le 23 juin 2015, ce sont sept dirigeants du club, dont le président, le directeur général et le directeur sportif qui sont arrêtés par la police.
Le procureur de la ville de Catane tonnera : « Antonino Pulvirenti a confirmé avoir acheté les résultats des matchs de son club à partir de la rencontre Varese – Catane et qu’il a payé 100 000 euros par match “. Au total, ce sont cinq matchs que le président catanais a acheté. Trente ans après le Totonero, dix ans après Calciopoli, c’est un nouveau scandale qui secoue le football italien. Catania est donc relégué administrativement en Serie C et se voit également infligé dix points de pénalité pour la saison 2015-2016.
Ce n’est pourtant pas la première fois que le club de Catania se trouve au milieu d’un scandale de matchs truqués. Lors de la saison 1954-1955 déjà, l’équipe se vit exclue de la Serie A pour un même chef d’accusation. Le président d’alors avait versé un million et demi de lires italiennes – environ mille euros – pour acheter des matchs contre le Genoa et l’Atalanta.
Après près de sept saisons en Serie C, le club est officiellement mis en faillite par le Tribunal de Catane, le 22 décembre 2021. Le club était en proie à de grandes dettes et une déconfiture à hauteur de 53.9 millions d’euros. Le 18 juin, date butoir pour les manifestations d’intérêts, cinq offres sont parvenues à la commune de Catane. Celle-ci, via un communiqué daté du 24 juin 2022, annonce la vente de la filiale sportive du Catania Calcio S.p.A. au Pelligra Group, compagnie de construction australienne propriété de Ross Pelligra, entrepreneur australien d’origine sicilienne. En attendant l’aval de la FIGC, les nouveaux dirigeants ont désormais jusqu’au 13 juillet – aujourd’hui à la parution de l’article – pour constituer l’entreprise, inscrire l’équipe en Serie D et communiquer le nouveau nom du club.
Palermo Football Club
Le Palermo Football Club , plus connu sous son ancienne dénomination de l’US Città Palermo, est le plus grand club sicilien en termes de participation à la Serie A, avec ses 29 participations. Le XXe siècle du Palermo est fait de hauts et de bas. Des hauts ; comme en témoignent les deux finales de Coupe d’Italie, obtenues sous la présidence de Renzo Barbera, alors que le club milite en Serie B (défaite en 1974 contre Bologne et en 1979 contre la Juventus). Mais, surtout, de bas… très bas. Comme lors de la faillite, la troisième de l’histoire du club après 1927 et 1941, déclarée le 18 septembre 1986 par le Tribunal de Palerme, dix jours après la radiation du club du championnat italien pour cause de dettes à hauteur de 500 000 lires italiennes.
Cette faillite donne naissance, sous la présidence de Salvino Laugumina, à l’Unione Sportiva Palermo, qui voit le jour le 7 janvier 1987, en Serie C. La fin du siècle n’est marquée que par des allers-retours du club entre deuxième et troisième division italienne.
Palermo connait, comme Catania, un XXIe siècle historique pour le club. L’équipe remonte en Serie A pour la saison 2004/2005 et réalise de suite le meilleur championnat de son histoire. Avec des joueurs comme Grosso, Barzagli, Zaccardo, Barone ou encore Luca Toni, le club réalise une saison à 53 points et une sixième position synonyme de qualification à la Coupe UEFA, la première compétition européenne de l’histoire du club.
L’année suivante, malgré la vente de Luca Toni au Bayern, le club se classe initialement huitième. Mais, suite au déclassement de la Juventus et aux autres pénalités de points dues au Calciopoli, le club se voit reclassé cinquième, et se qualifie ainsi en Coupe UEFA pour la seconde fois consécutive. En Europe, les Rosaneri échouent en huitième de finale, contre Schalke 04. En fin de saison, le club voit quatre de ses joueurs être sacrés champions du monde avec l’équipe d’Italie.
La saison 2006-2007 est à nouveau historique pour le club. Malgré la vente de Fabio Grosso à l’Inter, l’équipe se classe à nouveau cinquième de Serie A, avec une marque historique de 58 points, se qualifiant ainsi pour une troisième compétition européenne de suite.
Les saisons suivantes voient les explosions de Salvatore Sirigu, Edinson Cavani, Javier Pastore, Marco Amelia, Simon Kjaer ou encore Fabricio Miccoli. Palermo finit ainsi la saison 2009-2010 à un autre cinquième rang, n’échouant qu’à deux petits points d’une historique qualification en Ligue des Champions, le rêve de son président Zamparini. La finale de la Coupe d’Italie la saison suivante marque la fin d’une ère, la fin du haut, le plus haut de l’histoire palermitaine.
Le club est relégué en Serie B lors de la saison 2012-2013. Malgré un rapide retour dans l’élite italienne entre 2014 et 2017, grâce à l’explosion de joueurs comme Franco Vasquez, Andrea Belotti et Paulo Dybala, le club est à nouveau relégué, et joue la saison 2018-2019 en Serie B. Lors de cette même saison, et à l’image du siècle précédent, Palermo vivra un autre de ses bas, très bas.
Le 13 mai 2019, le Tribunal fédéral national de la fédération italienne relègue Palerme en Serie C pour “des irrégularités de gestion” de son ancien propriétaire, Maurizio Zamparini. En appel, le club est finalement maintenu en Serie B, grâce à une injection de fond à hauteur de 2.8 millions d’euro de la part de l’entrepreneur sicilien Dario Mirri. Cette injection permet ainsi de payer les salaires des joueurs et de s’acquitter des charges sociales et fiscales.
Mais, coup de tonnerre ; le 25 juin, le club ne rend pas son dossier d’inscription pour le championnat de Serie B à temps. Même si dans la nuit, le nouveau président du club Salvatore Tuttolomondo assure que la garantie financière de 800 000 euros a bien été versée à temps, la Ligue maintient que les documents d’inscription ne lui sont pas parvenus. Alors, le conseil de la FIGC – Federazione italiana gioco calcio – décide l’exclusion du club de Serie B et la révocation de son statut professionnel, entrainant la libération immédiate de tous les joueurs. L’Union Sportiva Palermo est dissoute et reléguée en Serie D.
Le 23 juillet 2019, Dario Mirri et la société Hero Hora srl de Tony Di Piazza rachètent le titre sportif de l’US Palermo et fondent la Societa Sportiva Dilettantistica Palermo, créée et admise en Serie D. A la fin de la saison 2019-2020, le club est promu en Serie C et devient le Palermo Football Club. Il enchaine, à la fin de la saison suivante, avec une promotion en Serie B.
A la recherche d’un nouvel acheteur pour garantir la pérennité du club, plusieurs tentatives de rachat par des fonds étrangers échoueront. Notamment une promesse d’investissement de 40 millions d’euros sur quatre ans de la part d’un fonds d’investissement anglais en octobre 2021. Mais, selon Mirri, la tentative de rachat a échoué faute de liquidité. Finalement, le 4 juillet 2022 et après six mois de négociations, le club confirme la vente de 80% des parts du club au City Group. Le président Mirri reste en place, et garde les 20% restant.
En somme, ce sont cinq faillites, semées de problèmes administratifs et de gestion qui auront marqués l’histoire du club rosanero. Mais, tant sous la présidence de Renzo Barbera que de Maurizio Zamparini, Palerme aura marqué des générations, pour le meilleur et pour le pire. Des 66 entraineurs en 32 ans de présidence du regretté Zamparini, aux jeunes joueurs éclos sous sa direction, c’est tout une région qui espère le retour rapide du club en Serie A.
Sources :
– Blog Sicilia, La rinascita del Calcio Catania, cinque le proposte arrivate al Comune etneo, le 18 juin 2022.
– Calcio Catania, Catania, Il 13 luglio la costituzione della nuova società, le 8 juillet 2022.
– Eric Maggiori, Adieu Maurizio Zamparini, roi de Sicilie et collectionneur d’entraineur, So Foot, le 1er février 2022
– Giovanni Finnochiaro, Il tribunale ha dichirato il fallimento del Catania Calcio, La Sicilia, le 27 décembre 2021.
– Livio Gianotta, La storia del Calcio Catania, Tutto Calcio Catania, le 27 novembre 2014.
– Minuti di recupero, Chi è il presidente del Palermo: patrimonio, le 13 juin 2022.
– Valentin Lutz, Palerme, tout n’est plus si rose, So Foot, le 27 juin 2019.
Crédits photos : Icon Sport