Il fut un temps, le Parc des Princes accueillait le tournoi de Paris. Créé par le Racing et reprit par d’autres clubs de la région, il était un moment fort du football français. Deux à trois jours d’été où le gratin mondial se défiait devant les supporters.
Juin… Le championnat est terminé, les finales de coupes déjà disputées et la saison touche à sa fin. Aujourd’hui, dans la sphère du football de club, le sixième mois de l’année ne laisse que peu de place au ballon rond. À l’instar de juillet, les joueurs sont en vacances, ou à disposition de leurs sélections nationales. Les dirigeants sont au téléphone et tentent de débaucher une pépite du championnat voisin, tout en veillant à vendre ses indésirables au plus offrant.
La vie des spectateurs, elle, est bien moins excitante. Certains se remettent de l’euphorie du titre, en savourant des vacances bien méritées. D’autres font une coupure, après que leur club favori ait passé une énième saison à se battre pour le maintien. Côté terrain, il n’y a que quelques matchs de préparation à se mettre sous la dent. Un club de la région ou un tournoi organisé par un sponsor à l’autre bout du monde. Mais, il fut un temps où la trêve estivale laissait place à une institution attendue de tous : le tournoi de Paris.
La contribution originelle du Racing
En 1957, les Ciels et Blancs du Racing Club de Paris (RC Paris) honorent le 25ème anniversaire de leur statut professionnel. En guise de fête, le club d’André Dehaye offre un spectacle de choix à ses supporters. À cette époque, peu d’entre eux ont déjà vu des écuries extra-européennes de leurs propres yeux. Le club a alors l’idée d’organiser un tournoi. Quatre équipes concourantes et la capitale tricolore devient, le temps de la compétition, celle du football. Le tournoi de Paris est né.
Trois jours où la pelouse du Parc des Princes accueille les cadors du ballon. Un plateau rêvé, et dès la première édition, relevé. Les 11, 12 et 14 juin, le Racing souffle ses bougies et les convives sont de taille : le Real Madrid, tout juste champion d’Espagne et d’Europe, les Allemands de Rot-Weiß Essen, au premier plan outre Rhin et Vasco de Gama, plusieurs fois champion de Rio et référence mondiale, termine le carré.
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L’affiche inaugurale oppose Vasco de Gama au Racing Club de Paris, aujourd’hui répondant au nom de Racing Club de France. Le mastodonte brésilien ne laisse que peu d’espoir aux Franciliens : 2 buts à 1. Les Brésiliens se hissent en finale. Paris perd, mais la fête perdure, et dans la joie. L’autre rencontre, Essen – Madrid, est à sens unique : 5 buts merengues à rien. Les locaux s’imposent contre les Allemands et obtiennent la 3ème place en guise de lot de consolation.
Les deux favoris se disputent alors le trophée. Si le Racing n’est pas un prétendant, les Parisiens sont malgré tout venus en nombre. 30 000 spectateurs jonchent les tribunes du Parc des Princes, pour une affiche historique. Les tuniques noires de l’ogre sudam’ contre la Maison-Blanche. Di Stéfano ouvre très vite le score, mais les merengues ne font pas le poids. Dans un match fou, Vascão prend le dessus. Ils l’emportent 4 à 3, le but de Kopa ne suffisant pas. Vasco de Gama est le premier champion du tournoi de Paris tandis que le Racing fait de son anniversaire un évènement historique, la fête est grandiose.
« La meilleure équipe d’Europe face à la meilleure équipe d’Amérique du Sud »
Dans les faits, la finale oppose le champion d’Europe, le Real Madrid, au champion de Rio (de facto du Brésil). Pour la première fois de l’histoire, une rencontre impliquant « la meilleure équipe d’Europe et la meilleure équipe d’Amérique du Sud » est évoquée. Sur le papier, ça fait rêver, et ça donne des idées. Ce soir-là, le propriétaire et habitant du Parc des Princes est conquis, un certain Jacques Goddet. Le visionnaire journaliste sportif a déjà créé le journal L’Équipe et est directeur du Tour de France. Lui vient alors l’idée de créer une coupe comprenant ces clubs aux continents différents.
La décennie suivante, il lancera la Coupe intercontinentale, qui oppose les champions d’Europe à ceux de la Copa Libertadores. Elle s’étendra plus tard sur la totalité du globe pour devenir la Coupe du monde des clubs de la FIFA. Le Racing n’y a jamais participé, mais le Racing peut se targuer d’en être l’un des précurseurs.
La fête finie, tout le monde y prend goût. Le Parc est bondé et le Racing empoche 16 millions de francs grâce à l’organisation de ce premier tournoi de Paris. Car oui, celui-ci aura une seconde édition. Il deviendra même un évènement annuel.
En 1958, les Ciels et Blancs s’imposent enfin. L’année suivante aussi. Ces deux trophées sont les derniers. Les supporters présents au Parc durant les différentes éditions peuvent notamment admirer Garrincha, ou encore le Milan AC de Cesare Maldini. Au début des années 1960, le Santos du roi Pelé remporte également le tournoi, par deux fois. Le (déjà) champion du monde s’amuse et empile les buts. Il s’impose même en finale contre un certain Eusebio. D’autres grands noms suivent : Botafogo, Anderlecht, Prague et Belgrade. Tous inscrivent leur nom au palmarès du tournoi de Paris.
En 1964, le RC Paris sombre. Le club galère en D2 et la majorité de ses meilleurs joueurs décide de partir. Deux ans plus tard, le tournoi vit sa dernière édition. Le Racing a tenté de fusionner avec l’US Sedan-Torcy et participe sous le nom Racing Club Paris-Sedan. Une dernière finale et puis s’en va. Paradoxalement, le tournoi créé pour fêter les 25 ans du statut professionnel disparait en même temps que ledit statut. Le Racing redevient amateur, le tournoi de Paris est enterré.
Un tournoi relancé par le Paris Football Club
En 1973, dans un Parc des Princes flambant neuf, le Paris Football Club remet le couvert. Le board veut relancer le tournoi de Paris dans une capitale où le football ne vit pas ses meilleurs jours. Le Racing arpente les bas-fonds des catégories inférieures, le Stade Français n’est plus, tandis que le Red Star est relégué. Seul point positif, le jeune Paris Saint-Germain est promu… en D2.
Un Paris FC moyen, qui porte seul la ville lumière, relance la machine. Objectif : le beau jeu, un stade plein et des revenus pour la recherche du cancer. Sûr d’eux, les dirigeants racontent vouloir « des formations aux styles opposés ». Exit les écuries brésiliennes d’antan, tous les invités sont européens. Un Feyenoord Rotterdam vieillissant, mais qui a tout gagné. Un jeune Bayern qui domine l’Allemagne et qui s’apprête à remporter trois Coupes des clubs champions consécutives. Et l’Olympique de Marseille, qui perd de sa grandeur, après son doublé l’année précédente. Trois noms européens, débauchées « pour leur jeu ».
Le tournoi revient le 5 juin et, contrairement aux autres éditions, ce n’est pas l’hôte qui engage. Le match d’entrée oppose l’OM à Rotterdam. Une première mi-temps triste dans un stade festif. La seconde période le leur rend bien avec 5 buts. Les Olympiens s’inclinent sur le score de 3-2. Dans l’autre match, le PFC est corrigé en prime time. Gerd Müller et Franz Beckenbauer sont présents, le Bayern ne fait qu’une bouché du club parisien : 4-0.
Avant la finale, le succès financier est déjà assuré. 52 000 tickets vendus, les caisses de l’association sont pleines. L’évènement est une réussite, mais pas d’un point de vue footballistique, la finale étant jugée ennuyante.
Duel de voisins, aux jeux semblables. Résultat : un but partout. Le Feyenoord écarte le Bayern aux tirs au but. La finale fait tâche et le board en est conscient : « il s’agissait de deux équipes pratiquant, à quelques variantes près, le même football. D’où une certaine monotonie, dans la mesure où elles ne sont pas décidées à livrer toutes les facettes de leur talent ». Revanchards, les dirigeants veulent se racheter. France Football annonce que des équipes de premier plan seront présentes l’année suivante, « comme l’Ajax ou Santos, pour offrir un grand spectacle ». À l’instar du Racing quelques années plus tôt, le Paris FC est relégué, les finances ne suivent plus et le tournoi est une nouvelle fois abandonné.
Paris Saint-Germain, pour rêver plus grand
L’un est relégué, l’autre est promu. Le Paris Saint-Germain est promu en première division au cours de l’été 1974. Ils font l’ascension avec des caisses criant famine. Daniel Hechter, président du club, décide de relancer le tournoi de Paris.
La bonne cause de 1973 est écartée. Ici, le but est de remplir le Parc des Princes et le compte en banque du PSG par extension. Les équipes sud-américains font leur retour au travers de Fluminense. L’équipe brésilienne complète le tableau en compagnie deValence et du Sporting Portugal.
« Je peux avoir Cruyff, ça t’intéresse ? »
Le tournoi renaît. Just Fontaine, entraîneur du club parisien, reçoit un appel quelques jours avant cette nouvelle édition. « Je peux avoir Cruyff, ça t’intéresse ? ». Daniel Hechter est à l’autre bout du fil. L’histoire est surréaliste. Lors d’un cocktail organisé par Adidas, le président rencontre son idole, Johan Cruyff. Le hollandais admirait le couturier, qui, très vite, lui demande de renforcer son PSG. « Il en a fait son affaire », raconte Hechter, « tout était moins compliqué à l’époque. Je n’avais pas payé pour qu’il vienne, je l’ai juste habillé pour le remercier, car c’était mon métier ». Le temps de deux matchs, le Hollandais Volant troque sa tunique blaugrana pour le maillot RTL. Le club de la capitale fait les choses en grand en appelant également la légende yougoslave Dragan Džajić.
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Face au Sporting, tous les regards se tournent vers l’éphémère star oranje du PSG. Tout juste revenu d’une baisse de forme, et sans entrainement, le triple ballon d’or fait le spectacle. Il efface Fontaine, place ses coéquipiers et descend même chercher les ballons. Portés par le néerlandais, les parisiens l’emporte 3-1. En finale, il n’en est pas de même. 24 heures après sa performance, le corps de Cruyff ne tient plus. Hors de forme, sa prestation est même huée par les travées du Parc. Les hommes de Fontaine plient en fin de match, 1-0 pour Valence.
Paris perd la finale, mais Paris gagne bien plus. Même si aucune de ses deux stars d’un week-end n’a marqué, le PSG l’a fait. Ils ont ramené Cruyff sous les yeux des fans et relancé le tournoi de la capitale. Cruyff rentre en Catalogne, la parenthèse enchantée prend fin. Néanmoins, le promu a réussi son coup.
Le Paris Saint-Germain reprend le flambeau et est bien décidé à faire de cette compétition un évènement international. L’année suivante, la traditionnelle équipe brésilienne est présente : Fluminense, encore une fois. Mais à cela s’ajoute la sélection olympique brésilienne. Ces jeunes de moins de 23 ans venus préparer les JO de 1976. Et enfin, une sélection étoilée, constituée d’Européens. Un peu comme ce qu’on peut voir lors d’un All-Star Game, les meilleurs joueurs du Vieux continent sont présents. Anglais, Néerlandais, Israéliens, Yougoslaves et même… Carlos Bianchi. La légende du Stade de Reims est pour l’occasion qualifiée d’européenne. Une édition de haut niveau où Paris finit bon dernier, tandis que le Flu d’Alberto Carlos l’emporte en finale.
Quelques semaines avant la Coupe du Monde 1978, le PSG refait le coup. En guise de préparation, les sélections néerlandaise et iranienne acceptent de participer. À l’image du mondial, les oranjes se baladent : 9 buts en 2 matchs.
Puisque le tournoi de Paris est une histoire d’anniversaire, le club maintenant dirigé par Francis Borelli remporte sa première édition en 1980, pour souffler ses dix bougies. Dans un match fou contre le Standard de Liège, Dominique Bethenay égalise pour les siens dans les dernières minutes. 4-4, Paris écrit l’histoire lors de la séance de tirs aux buts. Décomplexé, le club de la capitale s’affirme. À l’image d’un statut national grandissant, le club gagne. Il remporte plusieurs fois son tournoi dans les années qui suivent : en 1981, 1984 et 1986.
Un des matchs à retenir est, étonnamment, une défaite. Lors de la petite finale de 1987, le PSG s’incline contre Zagreb, 3-1. Ce sera la dernière défaite des rouges et bleus. Rois à domicile, ils empilent les titres au tournant des années 1990. Sept sacres au total. Lors des éditions qui leur échappent ils sont éliminés aux tirs au but. Et quand ils ne jouent pas, comme en 1990, c’est à cause des Rolling Stones, qui ont laissé la pelouse dans un état déplorable quelques semaines plus tôt.
Le baroud d’honneur
En 1993, le PSG est au sommet. Il soulève la Coupe de France, termine dauphin et se hisse même en demi-finale de la Coupe d’Europe. Pourtant, Canal + décide d’abandonner la compétition. Sous Michel Denisot, le club est considéré comme un grand d’Europe, le tournoi devient secondaire.
Anniversaire toujours, Robin Leproux et Colony Capital annoncent le retour du tournoi pour les 40 ans du club parisien. Cette édition, presque 20 ans après la dernière, n’a du tournoi de Paris que le nom. En pleine tournée estivale, le PSG enchaine les matchs amicaux et fait tourner. À cela s’ajoute le plateau : Rome, Porto et Bordeaux complètent la liste des invités. Aucun club brésilien… Et enfin, la formule. À la manière de l’Emirates Cup d’Arsenal, il n’y a ni finale ni demi. Les équipes font deux matchs, gagnent des points, puis on compte à la fin.
Paris se défait de Porto puis bute sur la Roma. 4 points à égalité avec les Girondins, les parisiens perdent leur titre au goal-average. En cadeau d’anniversaire, la direction présente le nouvel hymne du club, ainsi que Germain le lynx, nouvelle mascotte parisienne. Fauché, le club abandonne le projet quelques mois plus tard.
L’été suivant, le Paris Saint-Germain est racheté par l’émirat du Qatar, via la structure étatique Qatar Sports Investments. Un an plus tard, Nasser Al-Khelaïfi, nouveau président du PSG et homme de confiance de la famille royale, lance le « trophée de Paris ». C’est une énième formule de ce tournoi jadis tant suivi. Peu respectueux de l’histoire du club, à l’instar de la formule de l’été 2010, le trophée n’est en fait qu’un simple match amical. Un mois après l’Euro remporté par la sélection espagnole, le Parc des Princes accueille le FC Barcelone : Xavi, Messi… le stade est plein à craquer. Bien que prestigieux, cette rencontre ne peut cacher ce qu’est devenu le tournoi de Paris : l’ombre de lui-même.
Au cours des 90 minutes, le PSG ne s’incline pas. Menés de deux buts par un Barça remanié, Ibrahimovic, puis Camara, permettent à leur équipe de recoller au score. Comme souvent, c’est aux tirs au but que les rouges et bleus flanchent. Le tournoi de Paris tire une nouvelle fois sa révérence, de manière sans doute définitive.
Sources :
- The Vintage Football Club, « Le jour où… Le Paris Football Club relance le tournoi de Paris », The Vintage Football Club, 3 avril 2016
- Antoine Mestres et Gaspard Manet, « Le jour où Johan Cruyff a joué avec le PSG », So Foot, 21 mars 2020
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