La saison 2021-2022 est marquée par le retour au premier plan d’un club historique du football belge. Troisième club le plus titré du pays, il était perdu dans les divisions inférieures depuis près de 50 ans, avant un retour tonitruant.
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Quarante huit ans que l’Union attendait un retour dans l’élite ! Après une saison de D1B pleine, la Royale Union Saint-Gilloise a accédé, au terme de l’année 2020-2021, à la D1A, la première division belge. Et c’est avec la manière qu’elle a remporté le titre, avec 18 points d’avance sur le second, Seraing. Mais alors que les « Jaunes et bleus » s’attendaient à viser le maintien, le début de saison a été bien meilleur qu’attendu.
C’est finalement un titre de champion d’automne, en novembre 2021, que s’est attribué le club de la banlieue sud de Bruxelles, à la surprise générale, avec pas moins de sept points d’avance sur le Royal Antwerp. À la trêve hivernale, après 21 matchs, son avance est toujours la même sur les Flamands et la Royale Union est même la meilleure attaque (50 buts marqués) et la meilleure défense (20 buts encaissés) du plat pays.
Mais si le club surprend cette année, il n’est pas un inconnu du championnat belge. Il en est même l’un des plus grands clubs de son histoire par son palmarès. Avec 11 titres de champion, il est le troisième plus titré du pays, derrière Anderlecht (34) et le Club Bruges (17). Mais tous ses titres ont eu lieu avant la Seconde Guerre mondiale, le dernier remontant à 1935.
Une domination sans partage avant la Grande Guerre
Ce riche passé commence le 1er novembre 1897 avec un groupe de jeunes qui décide de créer une équipe dans la commune de Saint-Gilles, située au sud de la capitale. Le matricule « 10 » lui est plus tard attribué (ordre de création des clubs belges, le matricule 1 étant le Royal Antwerp, fondé en 1880). Si l’équipe débute tout d’abord en noir et blanc, après un prêt d’équipement du Racing de Bruxelles, les « Apaches » adoptent assez rapidement le jaune et le bleu, les couleurs de leur commune. Ils débutent en deuxième division de la série du Brabant avant d’accéder rapidement à l’élite nationale, après de la saison 1900-1901.
Rapidement, les Saint-Gillois s’illustrent et obtiennent leur premier titre en 1904. Le 1er mai de cette même année, un match est organisé entre la France et la Belgique. C’est la première confrontation officielle de l’histoire entre ces deux nations. Elle se solde sur le score de 3-3. Parmi les onze titulaires de la Belgique, on retrouve six joueurs de l’Union : Edgard Poelmans, Guillaume Van Den Eynde, Maurice Tobias, Alexandre Wigand, Pierre-Joseph Destrebecq et Charles Vanderstappen. Vingt jours plus tard, la FIFA est créée et un match de gala est organisé le 25 mai entre la France et l’Union Saint-Gilloise, championne de Belgique. Les Belges remportent ce match 3 buts à 1.
Sur leur lancée, l’Union remporte les trois championnats suivants. Entre 1904 et le premier conflit mondial, ils en remportent sept sur onze et réalisent le premier doublé coupe/championnat en 1913. Au cours de cette période, un joueur émerge, Louis Van Hege qui joue à l’Union de 1907 à 1910. Lors d’un match entre le club belge et le Milan Football and Cricket Club (futur AC Milan), il est repéré par Piero Pirelli, le président lombard, qui le veut à tout prix et finit par rejoindre l’Italie. Le Pallido Saettante (l’éclair pâle) devient alors l’une des légendes du club italien avec près de 97 buts en 88 rencontres, dont un quintuplé face à la Juventus, lors d’une victoire 8-1 en 1912, la pire défaite à l’extérieur des Bianconeri.
L’installation dans son antre mythique
Après la guerre, Louis Van Hege revient dans son premier club, entre 1919 et 1924. L’année de son retour, le club prend place au stade du Parc Duden dans la commune de Forrest. Comme son nom l’indique, le stade est situé le long d’un parc, classé comme réserve naturelle et faisant partie des « dotations royales ». Il est renommé « stade Joseph Marien » plus tard. Pouvant actuellement accueillir 9000 personnes, dans quatre tribunes, mais une seule couverte, il est encore à l’heure actuelle un véritable monument bruxellois. Avec sa façade Art déco, il est classé au patrimoine de la capitale belge. Sa localisation l’empêche toutefois aujourd’hui d’être agrandi.
De nombreux Saint-Gillois participent à l’obtention du seul titre de l’histoire des Diables Rouges. En 1920, les Jeux Olympiques sont organisés à Anvers. Après avoir battu l’Espagne en quarts (3-1), puis les Pays-Bas en demi (3-0), ils s’imposent en finale face à la Tchécoslovaquie sur le score de 2-0 après la disqualification de ces derniers. Mécontents des décisions arbitrales, leurs adversaires quittent le terrain à la 39e minute. Dans leur onze titulaire, on retrouve cinq « jaunes et bleus » : Louis Van Hege, Oscar Verbeeck, Joseph Much, Émile Hanse et Robert Coppée. Georges Hebdin, sur le banc, participe aussi à la fête.
Après un titre en 1923, la Royale Union Saint-Gilloise marque à tout jamais l’histoire du pays au cours des années 1930. En 1933, le club est entraîné par l’anglais Charles Griffiths, premier entraîneur à temps-plein du Bayern Munich en 1911. Le 8 janvier 1933, la Royale Union affronte Lierse et réalise un match nul (2-2). C’est le premier match d’une très longue série. L’Union reste invaincu durant 60 rencontres. Ce record, toujours inégalé en Belgique, lui vaut le surnom d’Union 60. C’est son rival, le Daring Club de Bruxelles qui met fin à la série le 10 février 1935 (0-2). L’Union est finalement titré entre 1933 et 1935 et son rival l’est en 1936 et 1937.
Cette rivalité a été incarnée dans une pièce de théâtre à succès de 1938, Bossemans et Coppenolle, évoquant la rivalité autour d’une intrigue amoureuse et sportive entre des supporters des deux clubs. Aujourd’hui, celle-ci existe toujours, avec le Racing White Daring Molenbeek (RWDM), héritier du Daring, dans le derby de la Zwanze (l’humour bruxellois).
Le déclin d’après-guerre
Après son triplé historique, la Royale Union ne remporte plus aucun trophée majeur. Son déclin commence à partir de la Seconde Guerre mondiale, alors que l’équipe d’Anderlecht commence à dominer le pays. En 1948-1949, le club est relégué une première fois. Il revient deux ans plus tard après avoir remporté le championnat de D1 (deuxième division).
Il se stabilise alors quelques années dans le premier échelon national. Il participe à la Coupe des villes de foires (ancêtre de l’actuelle Ligue Europa). Cette compétition est créée pour promouvoir les villes de foires internationales. Anderlecht est contacté pour représenter Bruxelles mais les Mauves refusent. L’Union prend donc place dans la compétition. Au total, elle y participera à cinq reprises entre 1958 et 1965. Lors de l’édition 1958-1960, elle atteint les demi-finales après avoir battu une équipe de Leipzig puis la Roma. Elle s’incline finalement face à Birmingham (2-4, 2-4).
Au cours des années 1960, des difficultés apparaissent et le club n’est pas loin de fusionner avec le Daring, son ennemi, mais la situation est évitée de justesse. Le Premier ministre du pays, Paul Vanden Boeynants, ancien joueur du club, utilise même ses propres fonds pour aider les Saint-Gillois. Finalement, après quelques descentes et remontée, le club descend définitivement en 1973 et oscille alors entre la deuxième et la quatrième division.
Le renouveau sous la houlette de Tony Bloom
Depuis quelques années, le club est sur une pente ascendante, notamment depuis son rachat en 2018. Tony Bloom, propriétaire du club de Brighton décide d’investir dans le club belge. L’année suivante, l’Union atteint les demi-finales de la coupe de Belgique après avoir éliminé Anderlecht (3-0) et Genk (2-2, 4-3 tab). L’Union s’incline finalement face à Malines, une autre équipe de D1B, futur vainqueur de la compétition.
En 2020, le club fait confiance à l’entraîneur Felice Mazzù, limogé par Genk, pour mener les « Jaunes et Bleus » vers la D1A. C’est chose faite, et avec la manière. Prolongé il peut s’appuyer au cours de la saison actuelle sur un effectif proche de celui de l’an passé. Lors du premier match de la saison face à Anderlecht (3-1), les onze joueurs titulaires étaient déjà au club l’année dernière.
Malgré l’un des plus petits budgets de la Ligue, les promus réalisent une saison formidable. Avec presque 2,5 buts marqués par matchs, ils dominent offensivement la Ligue. Deux des trois joueurs les plus décisifs du championnat sont unionistes : le Belge Dante Vanzeir a inscrit 12 buts et réalisé 8 passes décisive et l’Allemand Deniz Undav est meilleur buteur du championnat avec 18 buts et 9 passes (à la 22e journée du championnat). Avant la trêve hivernale, seul le Club Bruges et La Gantoise sont parvenus à garder leurs cages inviolées face à l’Union.
Si aucun nom ne crève l’écran sur le papier, les Saint-Gillois peuvent s’appuyer sur un effectif complet. Six joueurs ont déjà connu des sélections nationales : le gardien Anthony Moris (44 avec le Luxembourg), le capitaine Teddy Teuma (19 avec Malte), Loïc Lapoussin (8 avec Madagascar), Kaoru Mitoma (1 avec le Japon), ou récemment Dante Vanzeir, qui a joué son premier match avec les Diables Rouges face au Pays-de-Galles. Plusieurs joueurs ont également connu le championnat de France : Lapoussin avec le Red Star, Teuma également avec l’Etoile Rouge et avec Boulogne, Ismaël Kandouss avec Dunkerque et enfin l’expérimenté Damien Marcq, avec Boulogne, Caen, Dijon et Sedan.
Même s’il sera dur de tenir jusqu’aux play-offs et jusqu’à la fin de saison, l’Union n’en demeure pas moins ambitieuse et s’est renforcée au mercato hivernal. Brighton, l’autre club du propriétaire, a de nouveau aidé son petit frère. Après le prêt de l’international japonais Mitoma l’été dernier, c’est le Polonais Kacper Kozlowski (6 sélections) qui a rejoint la métropole bruxelloise. Le Japonais Koki Machida et l’Espagnol Cameron Puertas, tenteront également de participer à la dynamique actuelle de leur nouveau club afin de viser les sommets.
Si remporter un titre en étant promu est un exploit que peu ont réalisé, il reste encore quelques mois aux Saint-Gillois pour écrire l’histoire et prolonger l’héritage de leurs glorieux ainés qui, il y a bien longtemps, ont régné sur la Belgique.
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Sources :
- Site officiel du club
- ARENDT Olivier, « FIFA: une histoire qui commence par un match de gala France-Union Saint-Gilloise », rtbf.be, 28 mai 2015.
- CODEFY Quentin, « L’Union Saint-Gilloise, étonnant leader de Première division belge, fait sensation », lequipe.fr, 3 décembre 2021.
- LIBOIS Erik, « L’Union Saint-Gilloise était l’Anderlecht de l’avant-Guerre », rtbf.be, 12 mars 2021.
- ROUQUET Sylvain, « JO 1920 : L’or pour Louis Van Hege, le Belge de l’Union devenu serial buteur de l’AC Milan », rtbf.be, 3 septembre 2020.
- STOOBANTS Jean-Pierre, « Football : l’Union Saint-Gilloise, le club qui sauve l’honneur du championnat belge », lemonde.fr, 10 janvier 2022.
Crédits photo : Icon Sport