Il ne fait aucun doute que le Brésil est bien le temple du futebol. La plupart des match entre les clubs du pays sont des affiches mythiques remplies d’histoire. La rivalité entre Flamengo et Fluminense, le Fla-Flu, est peut être la plus passionnante de toutes. Les supporters des deux clubs de Rio de Janeiro sont animés par une passion sans limite et un amour du maillot irréprochable. Prenant place au Maracanã, stade légendaire, cette rivalité a tout pour déchainer les foules et perdurer pendant des décennies encore. 

Un match de légende

En 1995, Flamengo fête son centenaire et s’offre une vraie armada pour remporter un titre. Romario signe en provenance de Barcelone pour mener le Mengão aux sommets. D’autres grands noms rejoignent le club pour être sous les ordres de Vanderlei Luxemburgo, lui aussi nouvel arrivant. Flamengo a en ligne de mire le championnat Carioca. Particularité du Brésil,un championnat pour chaque état, parfois plus relevé et plus prestigieux, est disputé, en addition au championnat national. Le championnat de l’Etat de Rio de Janeiro est composé de Flamengo et Fluminense donc, mais aussi d’équipes comme Botafogo ou bien Vasco de Gama. 

Avant la dernière journée, deux équipes sont au coude à coude pour le titre. Elles vont d’ailleurs s’affronter lors du dernier match, pour un Fla-Flu d’anthologie. Flamengo a besoin d’un match nul, tandis que Fluminense doit battre son grand rival pour s’adjuger le trophée. Devant 120 000 spectateurs Leonardo et Renato Gaúcho, ex-joueur très apprécié du Flamengo, marquent un but chacun et permettent à Fluminense de croire au titre. Après la pause, les joueurs du Fla égalisent par l’intermédiaire de Romário et Fabinho, prenant ainsi l’avantage dans la quête du titre. Réduit à 9 contre 10, le Flu semble abattu mais le miracle va se produire. A cinq minute du terme, Renato Gaúcho dévie du ventre une frappe ratée d’un coéquipier et marque le but du 3-2. Fluminense tient bon et contre toute attente remporte la compétition. Le titre c’est bien, mais gâcher la fête du grand rival, c’est encore mieux. Ce match à la dramaturgie folle est considéré par beaucoup comme le plus grand Fla-Flu de l’histoire. 

La joie du héros de tout un club.

Une rivalité fraternelle

Comme beaucoup de rivalité dans le monde du sport, celle-ci prend racine dans une vieille dispute. En 1911, le Fluminense Football Club remporte le Carioca mais une querelle éclate entre les membres du club. Neuf titulaires décident de partir pour le club d’aviron voisin et d’y créer une section football, le Clube de Regatas do Flamengo. Dès lors, la rivalité entre les deux est écrite. La première confrontation a lieu en 1912, entre les favoris du Flamengo, ayant changé de club, et les ex-remplaçants du Fluminense, restés fidèles à leurs couleurs. Déjà 800 spectateurs s’étaient déplacés, un chiffre bien loin de l’affluence actuelle. A la surprise générale, les verts grenats et blancs battent les rouges et noirs sur le score de 3-2. 

Les oppositions entre les deux équipes se sont poursuivies, jusqu’en 1925, lorsque Mário Filho, journaliste de l’époque, à trouvé le surnom Fla-Flu. Lors de cette année, l’Etat de Rio participe à une compétition inter-état en engageant seulement des joueurs de Flamengo et du Fluminense. Il s’agit alors d’un rare moment de cohabitation entre les rivaux, mais le surnom de ce match était ainsi tout trouvé. 

En 1941, un match particulier a contribué à écrire la légende de ce match : le Fla-Flu da Lagoa, soit le Fla-Flu du lac. Fluminense devait faire match nul face à son rival pour gagner le Carioca, l’inverse du célèbre match de 1995. Alors que le score était de 2-2, les joueurs tricolores ont su jouer avec leur environnement. En effet, le stade de Gavea était situé juste à côté d’un lac. Ceux-ci ont donc dégagé leurs ballons dans l’eau dès qu’ils le pouvaient afin de gagner le plus de temps possible. Flamengo a dépêché sa section aviron pour aller chercher les ballons plus rapidement, l’arbitre a fait en sorte d’arrêter sa montre à chaque fois, mais même si le match s’est poursuivi jusqu’à ce qu’il fasse noir, Fluminense a remporté son championnat. 

La passion avant tout

Le Clássico das Multidões, ou Classique des Foules dans la langue de Molière c’est avant tout un stade, le Maracanã. Enceinte mythique de la Seleçao, le Maracanã devient plusieurs fois dans l’année le théâtre d’une ambiance folle, où supporters rubro-negros et tricolores viennent faire la fête pour encourager leur équipe. La rivalité est moins haineuse envers l’adversaire que certains autres derbys du pays, mais elle revêt un côté plus traditionnel, plus romantique. Ce derby est ainsi plutôt celui de la fête, même si au final, seul la victoire sur l’adversaire ne compte. 

La marée humaine de torcedores du Flamengo, après le second sacre en Copa Libertadores

Marcelin Chamoin supporter de Flamengo et rédacteur pour Lucarne Opposée, a eu la chance de vivre un quart de finale de Copa Sudamericana en 2017 entre les deux équipes Carioca : 

“Flamengo avait besoin d’un match nul pour se qualifier et après dix minutes de jeu, il y avait déjà 1-1, je me suis dit que ça allait être un match incroyable. Fluminense mène 3-1 en début de seconde période, Vinícius Jr entre en jeu et Flamengo réduit l’écart avant l’égalisation à la 84e minute de Willian Arão. J’avais déjà vu le match aller au Maracanã, mais l’ambiance ce soir là était dingue, j’avais une place en quart de virage mais ils avaient ouvert l’accès à la tribune Nord qui était du coup blindée. Pouvoir vivre un Fla-Flu au Maracanã, dans une compétition continentale, était fou et le match a dépassé mes espérances” 

C’est d’ailleurs lors d’un Fla-Flu que le record d’affluence d’un match de football a été battu officiellement. En 1963, pour une rencontre décisive, 194 603 spectateurs se sont massés dans les travées du Maracanã, une folie pure. Les Fla-Flu ont à plusieurs reprises dépassé les 150 000 spectateurs, mais ils étaient en réalité bien plus, car seuls les billets vendus étaient comptabilisés, et on se doute que certains s’arrangeaient pour entrer sans payer. 

Le stade Maracanã plein à craquer.

Comme tout bon derby, il existe une vraie opposition de classe entre les supporters. Associés à l’élite après leurs créations, un des deux club va se distinguer en faisant le choix de s’ouvrir aux classes populaires, présentes en masse au Brésil. “Au début, les deux clubs représentent les riches, ce n’est que dans les années 1930 que Flamengo ouvre son équipe aux pauvres et aux noirs et se distingue nettement de Fluminense” explique Marcelin. A la suite de ce virage pris, le Mengão va énormément gagner en popularité, pour devenir aujourd’hui le « O mais querido do Brasil », le club le plus aimé du Brésil. Avec près de 40 millions de fans, il est même un des clubs les plus supporté dans le monde entier. Les supporters des équipes adverses aiment dire que si vous voyez un homme se faire arrêter par la police, il porte forcément un maillot du Flamengo. 

« L’ironie c’est qu’aujourd’hui Flamengo est le club le plus puissant financièrement du Brésil alors que Fluminense est régulièrement en difficulté financière », rappelle Marcelin. 

Cette popularité s’explique aussi par un autre phénomène. Pendant que le Brésil ne gagnait plus, contrairement à son habitude, le Flamengo de la fin des années 70 au début des années 80 va tout rafler et acquérir à sa cause des fans du pays tout entier. Grâce notamment au Pelé blanc et meilleur buteur de l’histoire des Fla-Flu, Zico, les rubro-negros remporteront neuf titres. Parmis eux une Copa Libertadores, événement assez rare pour un club brésilien à l’époque, et surtout, la Coupe Intercontinentale, en infligeant une défaite 3 à 0 au grand Liverpool. Flamengo s’est ainsi attiré toute la lumière, et a profité de l’émergence de la télévision pour que des générations entières se mettent à les supporter. 

Zico face aux Reds.

L’heure du bilan

En tout, pas moins de 425 Fla-Flu ont été disputé dans la ville de Rio de Janeiro. C’est le Fla qui s’en sort le mieux avec 155 victoires, pour 138 match nuls et enfin 132 défaites au profit du Flu. Les statistiques sont tout de même plutôt serrées, preuve que la rivalité sportive entre les deux n’a jamais cessée. Cependant si le Fla gagne plus de match, c’est souvent Fluminense qui remporte les derbys les plus importants. Les tricolores ont remporté le match de 1995, comme déjà évoqué, mais aussi le Fla-Flu célébrant le centenaire de cette rivalité, disputé en 2012, dans un autre stade que le Maracanã, celui-ci étant en rénovation pour accueillir le Mondial 2014. 

Flamengo devance encore Fluminense lorsqu’on ouvre l’armoire à trophée. Le Mengão a remporté 35 fois le championnat Carioca, contre 31 titres pour son rival. A cela il faut ajouter 6 Brasileirão, le championnat national, soit deux de plus que Fluminense, et 2 Copa Libertadores, dont la dernière gagnée en 2019. 

Le Fla-Flu fait parti de ces affiches auxquelles on se promet d’assister un jour. Aux côtés des Boca-River, Celtic-Rangers et autres rencontres passionnantes, Flamengo et Fluminense ne font certainement pas tâches. Situé à Rio de Janeiro, la ville du football par excellence, le Classico le plus romantique d’Amérique du Sud a encore beaucoup à nous offrir. 

Crédit photos : Icon Sport

Sources :

Garra Football, Fla-Flu : histoire du Clássico das Multidões

La Grinta, Ils se détestent : Fluminense – Flamengo

Lucarne Opposée, Carioca 95 : le Fla-Flu dans tous ses états