En ces temps où le football se meurt, faute de match, il est important de se souvenir de certains moments extra sportifs qui ont aussi marqué ce sport, même s’il l’a endeuillé pour de mauvaises raisons. C’est pourquoi il faut aussi se rappeler de cet événement tragique qui a causé la mort de deux personnes du staff de l’équipe du Togo, en 2010, lors de la Coupe d’Afrique des Nations, en espérant que ce genre de chose n’arrive plus jamais.
8 janvier 2010, les Eperviers, surnom de l’équipe togolaise menée par son capitaine, attaquant de Manchester City, Emmanuel Adebayor, se dirige tout droit vers l’Angola pour y disputer la CAN. Pour ce faire, la sélection menée à l’époque par Hubert Velud se déplace en bus, car leur stage d’avant compétition se déroulait à Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville, à seulement 1h30 de l’Angola. Mais arrivés à l’enclave de Cabinda, province angolaise meurtrie par un conflit séparatiste, le bus togolais se fait attaquer. Plus tard, l’attentat sera revendiqué par Front de libération de l’enclave de Cabinda, groupe séparatiste agissant depuis l’indépendance de l’Angola, en 1975.
« Nous étions dans le bus, on a traversé la frontière, on était fatigués… Et puis une roquette est tombée sur le bus de bagages, qui était derrière. Tout le monde a pensé que c’était une petite crevaison. Mais avec l’attaque de mitraillettes qui a suivi, on s’est rendu compte qu’on était comme dans un film. » a déclaré Adebayor quelques années après.
Les hommes armés ont continué de mitrailler pendant près de 30 minutes le car togolais, avant de partir, faisant au passage deux morts et plusieurs blessés. Abalo Amélété, l’entraineur adjoint, et Stanislas Ocloo, le chef de presse de la délégation, périrent sous les balles des ravisseurs, tandis que le défenseur Serge Akakpo et le gardien Kodjovi Obilale furent grièvement blessés. Un événement tragique qui laissera des traces indélébiles dans le football africain ainsi que dans le sport togolais. Mais, alors que l’on aurait pu penser que la CAF soutiendrait la sélection, il s’est passé totalement l’inverse, ce qui a fait traîner un immense sentiment d’injustice chez les Eperviers.
Un manque d’humanité cuisant
Alors que les évènements sont rapportés à la Confédération Africaine de Football, le doute est présent dans la tête des dirigeants, notamment du président, Issa Hayatou, qui refusera de s’exprimer. La CAF ne soutiendra finalement pas la sélection togolaise en affirmant que les Eperviers auraient du prendre l’avion s’ils avaient voulu éviter ce drame.
« Nous avions demandé à toutes les délégations de nous dire comment et quand elles viendraient, ainsi que les numéros de passeport des joueurs, a expliqué Virgilio Santos, du comité local d’organisation. Le Togo est la seule équipe qui ne nous a pas répondu et il n’avait pas notifié au Cocan qu’il viendrait par la route. »
Adebayor a alors été scandalisé par les propos de l’organisation africaine, qui reprochait à une équipe de faire un trajet de seulement quelques kilomètres en avion. Cette réponse de la CAF provoque la fureur au Togo. Malgré l’erreur de la sélection togolaise, c’est un argument impossible à entendre après un tel carnage.
Suite à cet incident, la sélection réfléchit à continuer ou non la CAN, qui allait tout de même se jouer. Si l’avis général était tout d’abord de rentrer au pays pour se recueillir, il a rapidement changé pour honorer les mémoires des disparus sur le terrain : « Alors à la fin de la journée, j’ai dit : « Quel hommage peut-on rendre à nos deux confrères qui nous ont quittés ? Jouer pour eux ! Défendre les couleurs de la nation ! » On a donc tous décidé de faire une bonne CAN pour eux. » a affirmé Adebayor. Mais le gouvernement du Togo n’est pas de cet avis et insiste pour ramener les Eperviers au pays afin d’assurer leur sécurité et éviter un autre drame. Une décision que n’appréciera pas Issa Hayatou, qui, malgré ce qu’il s’est passé, reste dans le camps de l’Angola, pays organisateur de la compétition. Ce moment tragique a eu des conséquences dramatiques pour les joueurs et tout le Togo, dépassant largement le cadre sportif.
Des retombées inattendues
Ce refus de participer à la CAN provoquera une décision importante de la part d’Hayatou : le Togo ne pourra pas participer aux éliminatoires de la CAN 2012 et 2013. En mai 2010, sous la pression de la FIFA, la CAF reviendra finalement sur sa décision. Même si la finalité est dans le bon sens pour la sélection togolaise, Adebayor n’apprécie pas le traitement réservé pour son pays, qui, selon lui, est trop petit pour qu’on s’y intéresse : « Si Drogba ou [le bus de] la Côte d’Ivoire avait été victime d’une fusillade pendant 20 minutes, je pense que la CAN aurait été annulée. Mais comme c’est le Togo, Hayatou s’en fout carrément. Il a dit : la CAN va continuer. Et c’est tout ! ». Une déclaration lourde de sens qui démontre parfois toutes les inégalités qui existent encore en Afrique, que ce soit sur le plan sportif ou non.
Cet évènement tragique marquera la mémoire de tout le peuple togolais et de son porte parole à l’international, Emmanuel Adebayor, qui quittera la sélection, avant d’y revenir un an plus tard, pour continuer à porter fièrement les couleurs de son pays. Les Eperviers se remettront peu à peu de cet évènement, en se qualifiant même pour leur premier quart de finale de CAN, en 2013, comme un symbole d’un pays qui se relève, peu importe ce qu’il lui arrive.
Crédit photos : Iconsport
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