S’il y a un hymne qui chante l’histoire de sa ville, c’est bien celui du Benevento. Intitulé « Strega Vincerai » (Sorcière tu vaincras) ce dernier nous invite, le temps d’un instant, à en découvrir plus sur ce symbole magique si particulier à la ville et au club. Terre du sud de l’Italie, la cité est essentiellement connue pour être une antre aux sorcières. Sa position stratégique, sa rivière Sabato, son mystique noyer ainsi que les invasions successives de la région ont consolidé un mythe devenu aujourd’hui indissociable à son histoire.
Une terre de sorcellerie
Des mythes aux origines lointaines
Connue sous le nom de Malevento au IVe siècle avant notre ère, la cité devint une colonie romaine suite aux deux guerres Samnites. Persuadés que son nom porterait malheur à l’empire en pleine expansion, les occupants rebaptisèrent la ville Benevento en -286, nom pouvant être traduit littéralement par « Bon vent ». Devenue une des villes les plus florissante et prospère du Sud de l’empire, son nouveau nom semble lui porter bonne fortune. Malheureusement, dès 410 successivement Wisigoths, Vandales, Goths, Byzantins, Ostrogoths s’approprient la ville si convoitée. Néanmoins, en 571, les Lombards y consolident leur colonie.
Si, sous l’invasion romaine, les croyances, pratiques et coutumes locales sont respectées, de nouveaux rites naissent de la fusion avec ceux des Lombards. Le culte d’Isis, déesse funéraire égyptienne est vite remplacé par vénérations mystiques et cérémonies prenant vie autour du noyer de la cité. Selon la légende, des peaux de chèvres et de serpents étaient suspendues à l’arbre par les soldats lombards, qui les dévoraient dans le but de posséder les pouvoirs de l’animal.
Dès le VIIe siècle ces pratiques mystiques sont réprimées par la religion chrétienne. L’évêque Barbatus – devenu Saint Barbat – serait même allé jusqu’à déraciner le noyer, qui selon certains mythes, aurait repoussé plus grand et plus fort que jamais.
L’antre des sorcières, istoria di questa cità
Si les fondements historiques de la légende des sorcières du Benevento sont probablement nés de l’invasion Lombarde, cette dernière ne prend officiellement forme qu’au XIIIe siècle – période où la « chasse à la sorcière » est lancée. En effet, de nombreux récits révèlent que ces dernières émergeaient de la rivière Sabato, se rassemblaient autour du noyer en présence du Diable et pratiquaient magie noire, sacrifices sataniques et rites blasphémateurs. La plus connue d’entre elle, Janara – dont le nom dérive très certainement de celui de la déesse de la procréation et de la chasse Diane – a marqué l’histoire de la ville. Solitaire et vindicative, cette dernière est le symbole même d’une époque de persécution systémique de la gente féminine – perçue par l’imaginaire collectif comme étant un être maléfique aux attributs diaboliques. En effet, la légende raconte qu’elles utilisaient leur cheveux à des fins médicinales ou pour fabriquer des potions d’amour.
Un lien incertain avec le fascisme
Faisant des recherches sur la Janara, je ne pus m’empêcher de faire un certain lien avec la Befana – sorcière typique du folklore italien liée à l’Epiphanie. Si fondamentalement aucune corrélation absolue ne peut être faite, l’apparition de l’Associazione Calcio Benevento – ancien nom du Benevento Calcio – en 1929 et l’institution par le régime fasciste de célébrations autour de la « Befana fasciste » en 1928 peuvent être liées. En effet, le pays étant en guerre, le régime avait pour volonté de faire naître un sentiment de joie, de magie et d’évasion. Ainsi, cette dernière distribuait aux enfants les plus pauvres des cadeaux et des bonbons la nuit du 6 janvier. Si, dans certaines régions, son importance était relative, cette figure de « gentille sorcière » semble dans les années 30 s’être répandue dans toute la péninsule italienne. Et si, depuis le Moyen-Âge, Benevento est avant tout connu pour être terre de sorcellerie, l’adoption officielle du symbole de la sorcière par l’équipe italienne lors de sa création en 1929 a peut être – dans une certaine mesure – été poussée par cette « dédiabolisation » des sorcières en Italie. Il s’agit peut être là de corrélations hasardeuses mais la proximité des deux événements ont suscité ma curiosité.
Diabolisées et marginalisées par l’Eglise, les sorcières du Benevento ont survécu à travers les âges aux persécutions. Et comme nous l’indique l’hymne, la sorcière a vaincu. Ainsi, bien que la chasse aux sorcières ait pris fin au 17ème siècle, leur légende est devenue éternelle. Le symbole de la sorcière enfourchant son balais ainsi que l’hymne du Benevento Calcio nous rappellent bien qu’il s’agit de « l’histoire de cette ville ».
Hymnes, symboles de son histoire
Mystérieux hymnes
Dès la création de l’Associazione Calcio Benevento (actuel Benevento Calcio), en 1929, un hymne lui était déjà consacré. Intitulée « Forza Benevento », la chanson nous entraîne au cœur de la Campanie où langues napolitaine, italienne et influences linguistiques étrangères s’entremêlent. En effet, les paroles, difficiles à comprendre pour toute personne ne parlant pas ce dialecte du sud de l’Italie (lequel exactement, je ne saurai vous répondre avec certitude), nous rappellent l’influence capitale qu’ont eu les différents occupants de la région au cours du temps.
Ainsi, dès 1929 un hymne semblait déjà être chantonné à la gloire de l’équipe italienne dans les gradins du stade Santa Maria degli Angeli (l’ancien stade de l’équipe, plus connu sous le nom de Meomartini). Il s’agit là de la seule certitude que je puisse avoir. En effet, l’auteur de la chanson ainsi que les paroles de cette dernière sont introuvables, et il semblerait que mystère soit aujourd’hui le même concernant l’hymne actuel du club.
Ainsi, tel pourrait l’être un auteur grec, l’auteur de l’hymne actuel du Benevento Strega Vincerai, nous est également inconnu. Des heures de recherches sur la toile n’ont pas suffit à en percer le mystère. Et me direz-vous, ce n’est peut être pas plus mal. Et vous avez complètement raison ! Ainsi, le caractère mystique du club et de la ville en est encore plus conservé.
Si le contexte de la date de sortie de l’hymne actuel ainsi que son auteur nous sont méconnus, l’hymne nous conte une véritable histoire d’amour entre les supporters et le club. Pas particulièrement joyeuse, la mélodie ne peut toutefois que faire naître en vous de poignantes et vives émotions.
Un premier bref moment de gloire : la montée en Serie A
Malgré tout le mystère derrière cette canzone, impossible de ne pas comprendre qu’elle n’est autre qu’un hymne à l’amour, destiné à motiver les troupes. Rebaptisé Benevento Calcio en 2005, le club âgé de 90 ans a connu succès et mésaventures, mais toujours accompagnés par ses fidèles destriers.
« Vinci, corri, lotta, suda ». Et c’est effectivement en gagnant, en courant, en luttant et en suant que le club de Serie B – depuis 2016 – surprend l’Italie entière en montant en Serie A pour la saison 2017-2018. Dès 2015, avec l’arrivée de Gaetano Auteri le club semble invincible et se propulse en Serie B. En 2016, alors même qu’ils n’avaient encore jamais joué en deuxième division, les « stregoni » (petits sorciers) – finirent la saison à la 5ème place, se qualifièrent pour les barrages et accédèrent en première division grâce à leur victoire en finale contre Carpi FC (0-0) (1-0). Au soir de la rencontre, les feux d’artifices fusent dans le ciel de la ville. L’ambiance est à la fête. Cette ascension fulgurante du club est décrite par les journalistes comme « une fable » ou encore une « stregamania ». Une mélodie est même écrite spécialement pour l’occasion par Andreas Del Grosso, qui profite de cet incroyable événement pour faire figurer dans son clip des supporters du club. Cet air gai et enjoué n’est autre que l’expression d’un soutien inconditionnel des supporters envers le club giallorosso (le rouge et le jaune étant les couleurs de l’équipe).
Malheureusement, ces « moments de gloire » dont parle l’hymne officiel ne sont pas éternels et l’exploit du club n’est qu’éphémère. En effet, le début de saison 2017-2018 est désastreux pour l’équipe qui cumule 14 défaites sur ses 14 premiers matchs. Ces tristes résultats lui font obtenir le malheureux record du plus mauvais départ d’une équipe de l’histoire de la Serie A. Malgré quelques victoires (dont les plus notables contre l’AC Milan et le Genoa), le club rouge et jaune, pourtant tout juste arrivé, est relégué en Serie B.
Durant la saison 2019-2020, le club réussit à nouveau à monter en Serie A, pour retrouver la Serie B la saison suivante.
Ainsi, le club giallorosso a connu maintes péripéties et l’histoire de la ville a indubitablement contribué à la construction de la légende du club. De son symbole à son hymne, la Squadra Giallorossa a réussi à entremêler mythes, superstitions et football. En effet, à peine prononcées, les premières paroles de l’hymne vous aspirent au cœur d’une aventure folklorique riche en couleurs et en mythes. Et c’est, en effet, tels des aèdes que les supporters chantent l’Odyssée du club italien.