Le milieu des années 80 voit l’Italie devenir la référence en matière de football. Le championnat, alors à 18 équipes, composé des meilleurs joueurs au monde, est plus compétitif que jamais et l’Europe ne tarde pas à tomber sous la domination des clubs italiens. Les équipes font rêver : du Milan de Sacchi à l’Inter de Trapattoni en passant par le Napoli porté par Maradona, sans oublier la Juve que ne va pas tarder à rejoindre un certain Roberto Baggio, s’arrachent les Scudetti et semblent former un quatuor infernal. Pourtant à la fin de ces années 80, une équipe inattendue va jouer les troubles fêtes en Italie et en Europe. Cette équipe, c’est la Sampdoria ; et si beaucoup ignorent ou ne se souviennent plus du passé glorieux des Blucerchiati, il est temps de leur rappeler que la fin des années 80 et le début des années 90 marquent un temps où la « Samp » a écrit les plus belles pages de son histoire.
Avant de conquérir le monde, sois maître en ton pays
Le titre obtenu par la Sampdoria lors de la saison 1990/1991 peut paraître surprenant pour tout amateur de foot avisé, notamment lorsque l’on a conscience des forces présentes dans le championnat dans ces années dorées pour le football italien. Cependant ce succès de la Sampdoria n’est pas tant à prendre comme un cas inopiné, car le club enchaîne les victoires en Coupe depuis quelques années déjà. En l’espace de cinq ans, le club génois remporte trois Coupes d’Italie en 1985, en 1988 et en 1989. Ces victoires en Coppa permettent aux hommes de Vujadin Boskov (entraineur du club arrivé en 1986) de goûter à une Coupe d’Europe, la Coupe des Coupes (C2), aujourd’hui disparue, qui réunissait les vainqueurs des Coupes de chaque pays européen. L’année 1990 est sans conteste le point de départ de l’ascension du club génois, car la Sampdoria remporte sa première Coupe d’Europe, cette fameuse C2. Déjà, l’équipe est portée par sa jeune et prometteuse attaque composée du duo Mancini/Vialli. Certes, ce n’est pas encore la Ligue des Champions, mais c’est une première pour le club que de s’imposer en Europe, et les espoirs d’un futur glorieux prennent forme. Une nouvelle saison peut alors commencer.
Fort désireuse de s’imposer davantage, l’équipe se renforce au mercato avec l’acquisition du soviétique Alexeï Mikhaïlitchenko et de l’attaquant Marco Branca pour faire souffler ceux qu’on surnomme « i gemelli del gol » (les jumeaux du but), la paire Vialli-Mancini. L’équipe est alors composée de talents, mêlant jeunesse et joueurs d’expérience. Ils ne le savent sans doute pas encore, mais ces joueurs incarneront la génération dorée de la Sampdoria : Mancini, Vialli, Vierchowod, Pagliuca… ces grands noms qui deviendront des légendes du club marqueront l’Histoire du foot italien. La saison est donc prête à débuter. La Doria commence bien son championnat : trois victoires et trois matches nuls (dont un contre la Juve) lors des six premiers matches. Si la saison débute correctement, le déclic a lieu à la 7ème journée lors de la première victoire significative sur l’ogre milanais. Cette victoire 1-0 contre les hommes de Sacchi permet à la Sampdoria de prendre la tête du classement. Elle ne s’arrêtera plus.
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La suite du championnat est intense, marquée par la lutte entre les deux clubs de Milan et les deux de Gênes. Finalement, c’est bien la Sampdoria qui parvient à se détacher et à imposer sa loi. L’équipe réalise l’une de ses performances les plus abouties de son histoire. Au total, les hommes de Boskov remporteront vingt matches et se montreront invaincus contre les gros clubs de leur temps. Le Milan, l’Inter, Naples, la Juve, la Roma… tous y passent et la Samp ne trépasse pas. Le Napoli est terrassé deux fois sur le score de 4-1, le Milan est incapable de marquer un but à la solide défense génoise. La Juve non plus ne trouvera pas la solution et s’inclinera lors de la phase retour (malgré un match nul en début de saison). La double confrontation contre l’autre grand rival et champion d’Italie en titre, l’Inter, restera inoubliable pour les supporters de la Doria. A Gênes, lors de la quatorzième journée, la Sampdoria s’impose 3-1. Début mai, elle est leader avec trois points d’avance sur l’Inter quand il faut se déplacer à Milan. Le match pour le titre est tendu, l’Inter rentre mieux dans la partie et se procure quelques belles occasions, mais dans les buts Pagliuca ne laisse rien passer. Peu avant la demi-heure de jeu, Roberto Mancini et Giuseppe Bergomi sont tous les deux expulsés. À la 60e minute de jeu, à dix contre dix, la Sampdoria ouvre le score grâce à Dessena d’une frappe au ras du poteau de Walter Zenga. Le match s’emballe : l’Inter doit à tout prix réagir. Elle le fait en obtenant un penalty, mais Pagliuca repousse la tentative de Matthäus, ballon d’or 1990. À un quart d’heure de la fin, Gianluca Vialli marque le deuxième but et entérine la victoire de son équipe, qui peut aussi remercier son gardien, auteur d’un match héroïque conclu par 14 arrêts. A trois journées de la fin, cette victoire offre symboliquement le Scudetto au club. Il sera officiellement acquis lors de la 33e journée, le 19 mai 1991, avec une victoire 3-0 face à Lecce. Le club peut fêter le premier titre de champion de son histoire après un parcours sans faute ou presque, avec la meilleure attaque du championnat et Vialli capocannoniere, c’est-à-dire meilleur buteur du championnat, qui en est le principal artisan avec ses 19 buts. Ce titre, Boskov s’en souviendra, car il le qualifiera comme le plus beau titre de sa vie. Son 4-4-2, les tifosi ne l’oublieront pas non plus.
A la conquête du Graal européen
La Sampdoria est désormais maîtresse en Italie, elle doit désormais se frotter au gratin européen. Lors de la saison 1991-1992, elle participe pour la première fois à la Coupe des clubs champions (aujourd’hui Ligue des Champions). Sur la lancée de sa saison précédente, la Samp s’impose en août en Supercoupe d’Italie contre la Roma. L’équipe est plus que jamais sur le toit de l’Italie et peut entamer sa nouvelle saison de la meilleure des manières. Dans cet ancien format de la Coupe d’Europe (dont on rappellera que seuls les champions en titre nationaux se qualifiaient), les soldats de Boskov remportent tout d’abord leurs deux tours à élimination directe contre Rosenborg et Budapest Honvéd. Ces deux tours passés permettent alors de se qualifier pour les phases de poules dans lesquelles les huit dernières équipes sont divisées en deux groupes de quatre. Le premier de chaque poule se qualifie pour la finale. La Samp hérite du tenant du titre l’Etoile Rouge de Belgrade, d’Anderlecht et du Panathinaïkos. Les Italiens finissent premiers de leur groupe après une campagne mouvementée et une qualification arrachée lors d’un avant dernier match compliqué à Belgrade.
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Qualifiés pour la finale à Wembley, les Blucerchiati retrouvent le Barça de Cruyff et du football total. Le match est animé et les occasions sont multiples. Le Barça commence fort et met Gianluca Pagliuca à contribution : Michael Laudrup est un danger permanent et Hristo Stoichkov trouve le poteau en seconde période. Les joueurs de la Doria ne se laissent pas impressionner puisque Lombardo oblige le gardien barcelonais Andoni Zubizarreta à s’employer. Cependant, les plus belles occasions de la Samp sont pour Gianluca Vialli qui échoue trois fois face à Zubizarreta. Malgré les occasions, les buts ne fleurissent pas et les deux équipes vont devoir jouer les prolongations. Le match est stressant. Finalement, c’est Barcelone qui ouvre le score à la 111e minute sur un puissant coup-franc de Ronald Koeman. Pagliuca est battu, la Sampdoria ne reviendra pas, ni ne s’en remettra par la suite. Elle est passée juste à côté du trophée qui aurait pu représenter le plus beau titre de son histoire. La coupe aux grandes oreilles aurait pu constituer un achèvement pour les hommes de Boskov après tout ce qu’ils avaient accompli depuis quelques années.
Cette défaite marque la fin d’un cycle, d’une génération dorée pour la Sampdoria qui ne retrouvera jamais une telle splendeur en Série A ni en Europe. L’année 1992 est celle de toutes les émotions pour le club, des cris de joie en passant par les larmes des espoirs brisés des rêves de Champions. La perte de l’Europe accompagne une terne sixième place en championnat et conduit aux départs de Boskov et de Vialli pour la Juve. Le cycle illustre de la Samp s’est arrêté en cette soirée du 20 mai 1992 à Londres. Si celui-ci fut court, cette Sampdoria fut belle et des millions d’Italiens se seront épris de son charme.