Le 10 juillet 1960 est une date importante dans l’histoire du foot. Elle marque la première finale de la Coupe d’Europe des nations, plus communément appelée Euro, et la victoire de l’URSS. Mais la compétition a mis de nombreuses années à voir le jour. Dans une Europe en pleine reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, le football va être un vecteur d’évolution.
Il y a des noms qui marquent l’histoire. En football, ils sont nombreux à laisser leurs empreintes sur le sport roi. Une longue liste dont fait partie Henri Delaunay. S’il meurt en 1955, il est l’un des grands artisans de la création de la Coupe d’Europe des nations, dont la première édition se déroule en 1960 en France. Mais la création d’une telle compétition tient également du succès d’autres événements, comme la Coupe Mitropa ou la Coupe Internationale.
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Deux coupes aux prémices de l’Euro
Au début du XXe siècle, quelques compétitions continentales voient le jour. La plus ancienne encore en activité est la Copa America, créée en 1916, et qui se joue tous les deux, trois ou quatre ans en Amérique du Sud. L’idée d’une telle compétition en Europe naît dans les années 1920 dans les pensées d’un homme, Henri Delaunay. Mais le projet ne reçoit que très peu de soutien et c’est avec l’aide d’un autre grand nom de l’histoire du football, Jules Rimet, qu’une grande compétition va être créée : la Coupe du Monde. En Europe, il faut se tourner vers l’Est pour trouver trace de compétitions internationales. En 1927, la Coupe Mitropa est créée. Elle voit s’affronter des clubs autrichiens, hongrois, tchécoslovaques et yougoslaves, mais ces derniers seront remplacés deux ans plus tard par les clubs italiens. La même année 1927, la Coupe Internationale voit également le jour. Cette compétition voit s’opposer les sélections italiennes, suisses, autrichiennes, hongroises et tchécoslovaques. Si la première semble être l’ancêtre de la Ligue des Champions, la seconde ressemble à l’Euro. Ces compétitions ont pour but de mondialiser davantage le football pour en faire le sport numéro un dans le monde. Cette idée, et par là la création de ces deux compétitions vient d’un homme, un visionnaire ayant contribué à l’âge d’or de l’Autriche : Hugo Weisl. Au début des années 1910, il souhaite déjà professionnaliser le football dans son pays mais également sur le vieux continent. Joueur, arbitre puis dirigeant, c’est en tant que sélectionneur qu’Hugo Weisl laisse sa plus grosse empreinte. L’Autriche est l’une des nations phares du football européen dans les années 1930 et remporte la Coupe Internationale en 1932 face à un autre géant, l’Italie du mythique Vittorio Pozzo. Avec ces compétitions et la création de la Coupe du Monde en 1930, le football entre dans une nouvelle ère.
La reconstruction européenne
Si le projet d’Henri Delaunay n’a pas l’ampleur escompté dans les années 1920, l’idée resurgit après la Seconde Guerre mondiale. L’Europe est en pleine reconstruction et le football va fortement y participer. Si la FIFA veut garder la mainmise sur les compétitions internationales, les fédérations continentales vont être autorisées à partir de 1953. L’année d’après, l’UEFA voit donc le jour, un grand pas dans la construction du football européen tel que nous le connaissons. Et le sport va prendre de plus en plus de place dans la vie des fans et des médias. Grâce aux nombreux progrès techniques, comme l’éclairage dans les stades, mais aussi à la volonté de voir davantage de matchs, la Coupe des clubs champions, désormais Ligue des Champions, voit le jour en 1955. Une compétition qui fait la part belle aux clubs d’Europe de l’Ouest, alors bien en avance sur le continent. L’Europe reste divisée quant aux rencontres entre certains clubs et certaines sélections. La Guerre froide fait rage, et de nombreux pays occidentaux refusent de rencontrer l’URSS ou la Yougoslavie. Henri Delaunay va tout de même relancer l’idée d’une Coupe d’Europe des nations. Mais ce dernier décède en 1955, et c’est alors son fils, Pierre Delaunay, qui va reprendre le flambeau pour porter ce projet, avec l’aide des fédérations d’Europe de l’Est. Si ces clubs ne peuvent rivaliser avec ceux de l’Ouest, les sélections semblent beaucoup mieux armées pour s’imposer au niveau continental. Pierre Delaunay va faire face aux représentants des fédérations Anglaises et Italiennes, qui sont contre ce projet, jugeant que le calendrier est déjà trop lourd et relevant un côté commercial à l’organisation d’une telle compétition. Mais l’idée va de plus en plus séduire, et le succès de la Coupe des clubs champions est un argument de poids. C’est finalement en 1958 que le couperet tombe : la Coupe d’Europe des nations est créée. Le trophée est baptisé Henri Delaunay.
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Une première édition aux enjeux politiques
La première édition de cette nouvelle grande compétition se joue sur fond de conflits géopolitiques. Le format est différent de celui que l’on connaît aujourd’hui. De 1958 à 1960, 17 nations européennes s’affrontent, en match aller-retour, jusqu’aux quarts de finale compris. Les demi-finales et la finale se jouent dans l’un des pays faisant partie du dernier carré, en un match. Mais cette première édition ne prend pas chez tout le monde. L’Italie préfère se focaliser sur les compétitions de club, tandis que la RFA et l’Angleterre ne croient que très peu au projet et refusent d’y prendre part. Le premier match de l’histoire de la Coupe d’Europe des nations voit s’affronter l’URSS et la Hongrie le 28 septembre 1958 devant pas moins de 100 000 spectateurs, preuve de la force de cette nouvelle compétition et de l’intérêt que les pays de l’Est lui prêtent. L’URSS va se hisser jusqu’en quart de finale, où elle doit affronter l’Espagne, l’un des grands favoris. En effet, le Real Madrid domine l’Europe en glanant les cinq premières Coupes des clubs champions. Di Stéfano, Gento ou encore le barcelonais Luis Suarez… autant de grands noms qui portent la Roja. Mais le contexte géopolitique va jouer un rôle important et bouleverser la compétition. En 1960, l’Espagne est dirigée par Franco. Ce dernier est très hostile envers l’URSS, lui reprochant notamment la détention d’Espagnols depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Franco refuse alors que son pays reçoive la sélection soviétique. Une décision lourde de conséquences puisqu’elle offre la victoire sur tapis verts à l’URSS. Le dernier carré est alors composé de l’URSS, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie et la France, seul représentant de l’Ouest, et qui va être désigné pour recevoir la phase finale.
La déception Bleue et le sacre soviétique
Les Bleus, demi-finalistes du mondial 1958, font office de favoris. Mais ses deux stars, Raymond Kopa et Just Fontaine, sont blessés et manquent l’événement. En demi-finale à Marseille, les Bleus affrontent la Yougoslavie. Malgré l’absence de ses deux tauliers, l’équipe de France mène quatre buts à deux à un quart d’heure de la fin. La voie directe vers la finale ? Non, puisque les Yougoslaves vont inscrire trois buts en l’espace de quatre minutes. Grosse désillusion pour les Bleus qui voient là encore leur compétition stoppée en demi-finale. De son côté, l’URSS ne fait qu’une bouchée de la Tchecoslovaquie avec une victoire trois buts à zero. URSS – Yougoslavie, voici donc la première finale de l’histoire de la Coupe d’Europe des nations. Là encore, le contexte politique est pesant, une guerre d’idées entre Staline et Tito, ce dernier ayant rompu les relations de son pays avec l’URSS en 1948. En 1952 déjà, les deux nations s’étaient affrontées lors des Jeux Olympiques. C’est la Yougoslavie qui l’avait emporté, chose qui ne plut pas du tout à Staline. Cette finale était l’occasion d’une revanche autant au niveau sportif que politique. Pour en revenir au jeu, ce sont deux sélections aux styles biens différents. Du côté Yougoslave, c’est un jeu porté vers l’attaque tandis que les Soviétiques sont plus athlétiques et physiques, misant plus sur la discipline quand la Yougoslavie fait la part belle à l’improvisation. Une force offensive éclatante puisque ce sont ces derniers qui ouvrent le score par l’intermédiaire de Galic. Mais en face, un joueur va faire la différence, en repoussant les nombreuses attaques yougoslaves. Un homme à la casquette noire, qui lui valu le surnom d’Araignée Noire, le portier légendaire Lev Yachine. Il repousse tant bien que mal les offensives adverses et permet à sa sélection de rester dans le match. Metreveli égalise en début de seconde période jusqu’à ce que Ponedelnik ne vienne doubler la mise lors des prolongations. Un soulagement pour les joueurs soviétiques, qui soulèvent la première Coupe d’Europe des nations de l’histoire.
Il aura fallu attendre 30 ans après la Coupe du Monde, et 44 ans après la Copa America pour que l’Europe ait enfin une compétition internationale entre les sélections. Bien qu’au début certaines nations refusent de participer à la compétition, le format va s’améliorer d’édition en édition. En 1968, elle prend l’appellation de Championnat d’Europe des nations et voit l’arrivée des phases de poules. La phase finale va s’élargir à huit équipes, puis seize avec l’éclatement de l’URSS et la création de nouvelles nations qui vont adhérer à l’UEFA, à 24 à partir de l’Euro 2016 en France. Pour l’appellation Euro, elle apparaît dans les années 1980 et figure sur le logo depuis 1996.
Sources :
- Denis Menetrier, « L’Euro de football, vitrine de l’Histoire : une naissance en pleine Guerre froide », FranceInfo
- « L’Europe de l’Euro », The Conversation
- Rijsel, « Dossier : Hugo Weisl et sa « Wunderteam » », Demivolée
- Alexandre Borde, « Football : une histoire d’Euro #1960 », Le Point
Crédits Photos : IconSport