Club formateur par excellence, le HAC a produit quelques grands noms du foot hexagonal au cours de son passé. Absent de la Ligue 1 depuis 2009, le club doyen continue de sortir des jeunes de qualité mais lors des trois dernières saisons, plusieurs d’entre eux ont quitté trop rapidement et surtout librement la porte Océane. Retour sur le parcours de cinq anciens hacmen qui ont été formé au club et qui ont brillé à Jules Deschaseaux.
Gardien titulaire depuis la blessure de Matthieu Gorgelin en 2021 et auteur de neuf clean sheets, Yahia Fofana vient de s’engager librement avec Angers après seulement une petite saison dans la peau du numéro 1. Arrivé en 2015 en Seine-Maritime, l’international espoir français rejoint donc la liste des joueurs partis gratuitement lors de ces trois dernières années comme Harold Moukoudi en 2019 (Saint-Étienne), Pape Gueye (Marseille) et Loïc Badé (Lens) en 2020 et donc Yahia Fofana en 2022. Un problème récurrent pour le club Ciel & Marine. Quand on voit combien Lens a vendu Badé à Rennes à l’issue de la saison 2020/21 (20M€), le club perd de belles indemnités de transfert. D’autant que Vincent Volpe ne semble plus enclin à investir sur le marché des transferts comme l’indique l’absence de signature lors du mercato estival 2021/22 et la promotion de plusieurs joueurs issus du centre de formation et de la réserve dans l’effectif de Paul Le Guen (Abdoullah Ba, Josué Casimir, Ylan Gomes, Elies Mahmoud, Amir Richardson, Arouna Sangaté, Isaak Touré, Abdelwahed Wahib). Un manque à gagner qui ne bénéficie donc pas pour renforcer l’effectif dans l’optique d’un retour dans l’élite dont il est absent depuis treize ans. Cette traversée du désert dans l’antichambre de la Ligue 1 est certainement un handicap pour conserver ces jeunes talents plus longtemps. Rapidement sollicités, ils préfèrent opter pour un club plus huppé plutôt que rester dans leur club formateur. En fin de contrat à l’issue de la saison 2007/08, Guillaume Hoarau avait reversé la totalité de sa prime à la signature d’un montant de 500 000€ pour permettre à son équipe d’empocher quelque chose. Un geste d’une élégance rare. Par le passé, les joueurs formés au club restaient plusieurs saisons à Deschaseaux avant d’attirer l’attention des grands clubs français et de continuer leur progression. Souvent même jusqu’à l’Équipe de France. Pour Le Corner, nous revenons sur cinq joueurs passés par la Cavée verte et qui ont ensuite performé en France et/ou à l’étranger au cours de leur carrière.
Vikash Dhorasoo (1983/98)
Originaire de l’île Maurice, Vikash naît en 1973 à quelques kilomètres du Havre dans la ville de Harfleur. Quelques années avant sa naissance, son père Manduth part de l’île baignée par l’Océan Indien pour travailler aux chantiers navals du port normand. À l’instar d’autres joueurs formés sous les couleurs du club doyen (Djibril et Souleymane Diawara ou Édouard Mendy), Dhorasoo habite sur les hauteurs du Havre à Caucriauville. Il apprend le foot dans la rue comme il le raconte dans les Inrockuptibles : « Sur le terrain de gravier, j’enchaîne les feintes de corps. J’évite les merdes de chiens, le bac à sable, le tourniquet et les racines des arbres qui éclatent le sol. Je continue à dribbler des Blancs, des Noirs, des Arabes, des grands, des petits, même quelques filles parfois. » Le gamin est bon « mais le club du quartier, le Havre Caucriauville Sportif, ne veut pas de moi. Je suis trop petit, paraît-il. Peut-être trop indien aussi. Alors je continue à jouer devant ma tour sous l’oeil de nos seuls spectateurs, un couple de vieux scotchés au rebord de la fenêtre. Ils aiment nous voir courir, crier, vivre. » Finalement, en 1980, le père de son copain Fabian décide de lui faire signer une licence. Il a 7 ans, participe à des tournois interclubs et à la coupe nationale poussin. Repéré par le HAC, il signe sa première licence avec le club doyen trois ans plus tard. Il se révèle aux yeux du grand public de Deschaseaux lors des levers de rideau organisés avant les matchs de l’équipe première. De 1983 à 1993, Dhorasoo effectue toute sa formation à la Cavée verte avant d’intégrer logiquement les pros à 20 ans. À l’issue de la saison 1993/94, il compte sept apparitions sous le maillot Ciel & Marine. Dès l’exercice suivante, Vikash gagne ses galons de titulaire. Très vite, malgré son petit gabarit (1m68 pour 63 kg), le milieu offensif séduit grâce à sa belle vision du jeu, ses passes précises et sa technique soyeuse. Ses nombreuses accélérations balle au pied le rendent insaisissables pour ses adversaires. En dépit des 20 réalisations d’Alain Caveglia, second meilleur buteur entre les champions de France Loko (22) et Ouédec (18), Le Havre échoue dans le ventre mou du classement.
La saison 1995/96 se conclue dans la même zone pour le club normand. Dhorasoo, lui, est considéré comme l’un des grands espoirs du football français. Amputé de son goleador parti à Lyon, le HAC conserve néanmoins son ticket parmi l’élite au terme de 59e édition du championnat. Sollicité par l’Atlético de Madrid, son président Jean-Pierre Hureau s’oppose au départ de son N°10. D’autres clubs français et étrangers sont à l’affût du bon coup. La Corogne et plusieurs clubs anglais tentent également de le signer. Nommé capitaine par Denis Troch à seulement 24 ans, il réalise une superbe saison 1997/98 où il s’impose comme l’un des meilleurs meneurs de jeu de Ligue 1. « Ma mission est de donner de bons ballons aux attaquants, d’être dans tous les coups. » déclare Vikash. Récipendiaire de l’Étoile d’or France Football récompensant le meilleur joueur de l’année, il rejoint l’Olympique Lyonnais à l’été 1998 club avec lequel il s’est engagé dès janvier 1998 contre un chèque de vingt-huit millions de francs et un prêt de six mois pour terminer la saison au Havre. Dans le Rhône, Vikash poursuit son ascension, s’impose comme un élément majeur de l’effectif lyonnais et inaugure son palmarès avec une coupe de la Ligue et deux titres de champions de France. Après un intermède bordelais lors de la saison 2001/02 à la suite de tensions avec son coach et certains cadres olympiens, il revient à Lyon et montre l’étendue de son talent à un poste plus reculé de milieu défensif pendant deux ans. En 2003/04, il est récompensé d’une seconde Étoile d’or France Football. À la fin de son contrat, et en désaccord avec Paul Le Guen, il s’engage en faveur du Milan. L’expérience italienne tourne au fiasco avec un temps de jeu très restreint. Au bout d’un an, il rentre en France à Paris. Dans la capitale, il gagne la coupe de France 2006 contre l’OM avec notamment un superbe but décisif à la clé. La suite est moins glorieuse avec un licenciement pour avoir critiqué publiquement Guy Lacombe. En janvier 2008, il met un terme à sa carrière après une brève tentative à Livourne.
Ibrahim Ba (1991/96)
Fils de Ibrahim Ba senior, ancien international sénégalais et joueur du HAC de 1977 à 1982, Ibou ne connaît pas la trajectoire traditionnelle d’un jeune footballeur. Si le jeune joueur débute à Abbeville et joue pour plusieurs équipes parisiennes dans son enfance, il n’intègre pas de centre de formation avant de débuter en pro. Comme son père avant lui, il décide de rejoindre Le Havre pour faire ses premiers pas en Division 1. En janvier 1992, Ba participe à son premier match contre Sochaux à seulement 18 ans. Lors des saisons 1992/93 et 1993/94, son temps de jeu augmente progressivement avec respectivement dix et quatorze matchs disputés. Son premier but intervient au Vélodrome contre le récent champion d’Europe 93 : l’OM. En 1994/95, ses qualités techniques, de dribbles et de percussion lui valent d’être dans le onze titulaire du regretté Guy David. Et même si son physique semble assez frêle avec son mètre quatre-vingt pour soixante-dix kilos, il dégage une sensation de puissance et de vitesse qui lui permettent de faire la différence sur son flanc droit où Ibou donne le tournis à ses adversaires. L’année suivante, il confirme ses belles prédispositions et les espoirs placés sur lui en produisant de bonnes prestations et devient l’un des espoirs les plus en vue de l’Hexagone. À 22 ans et avec déjà 140 matchs au compteur, Ibou possède un sérieux bagage. Il est temps pour lui de partir vers de nouveaux horizons. En contact très avancé avec le FC Nantes, Ibou s’engage finalement avec Bordeaux pour 6MF comme il l’explique pour le site Girondins4ever : « Je devais avoir un rendez-vous avec les dirigeants de Nantes. Je m’en rappelle encore, j’étais en voiture et j’allais du Havre à Paris, et je reçois un coup de fil. C’était Rolland Courbis qui me disait qu’il savait très bien ce qui se passait, que j’allais vers Nantes. Nantes venait de gagner le championnat et il m’explique que là-bas j’allais être un joueur parmi tant d’autres. Il me disait qu’à Bordeaux, il voulait refaire une équipe et il voulait que je sois quelqu’un d’important pour l’équipe et c’est ce qui m’a fait changer d’avis. C’est pour ça que je suis allé là-bas. » En Gironde, il s’inscrit dans la continuité de ses performances havraises mais gagne en notoriété dans un club plus huppé et médiatisé que le HAC. Avec ses cheveux peroxydés, il ne passe pas inaperçu. D’ailleurs, le sélectionneur Aimé Jacquet le remarque et en janvier 1997, il obtient sa première cape contre le Portugal. Décisif, Ba inscrit un but après une action en solitaire où il élimine Fernando Couto avant de tromper Vítor Baía. Auteur d’une saison remarquée avec six buts et trois passes décisives à la clé, Ibou est très demandé.
Annoncé au FC Barcelone, il prend finalement la direction de l’AC Milan contre 45 millions de francs. En Italie, la concurrence est encore plus accrue qu’en Gironde. Si la saison de Ba est relativement réussie d’un point de vue statistique avec un but et quatorze passes décisives en quarante matchs toutes compétitions confondues, le classement final des Rossoneri (10e à trente points du leader et champion Juventino) est décevant. Dans le groupe des 28 sélectionnés pour la Coupe du Monde 98, Ibou manque la compétition comme Anelka, Djetou, Laigle, Lamouchi et Letizi. L’ancien havrais raconte : « Avant de quitter Bordeaux pour aller au Milan AC, j’avais parlé avec l’entraîneur de l’équipe nationale à l’époque (Aimé Jacquet, ndlr). La discussion était claire, il y a eu une demande et une réponse qui a été faite. Je lui ai dit que j’avais la possibilité de partir à l’étranger et il m’a dit que « moi, ce qui m’intéresse, c’est que tu puisses jouer. Donc si tu joues, il n’y a pas de problème ». Après, il y a eu des choix et ça fait partie de la vie. » Néanmoins, cette décision va affecter la suite de sa carrière. Son temps de jeu s’amenuise avec Milan. En 1999, il part à Pérouse pour tenter de se relancer. Sans succès. Toujours sous contrat avec le Diavolo, il ne joue quasiment plus lors de la saison 2000/01. L’année suivante, il revient en France pour donner un second souffle à sa carrière. Diminué par une blessure au tendon rotulien, son prêt marseillais vire à la catastrophe et il retourne dès la trêve hivernale en Lombardie. Laissé libre par Milan, il rejoint l’Angleterre et Bolton. Sous le maillot des Wanderers, Ba ne parvient pas à retrouver la forme. Au bout d’un an, l’ex-international français découvre un nouveau championnat avec une expérience en Turquie avec le club de Rizespor. Mais encore une fois, la réussite n’est pas au rendez-vous. Il rebondit en Suède, à Djurgårdens où il prend part à la victoire en championnat et en coupe des Blåränderna. Cependant, Ibou Ba n’est pas conservé dans l’effectif à l’issue de la saison. De retour en Italie, il s’entraîne un temps avec Varese qui évolue en Serie C2 mais contre toute attente, le Français signe un contrat d’un an avec … Milan. Toutefois, il ne dispute pas une seule minute lors de cette saison 2007/08 et au terme de l’exercice, il annonce à 35 ans mettre un terme à sa carrière pour endosser la casquette de recruteur en Afrique pour le club lombard.
Lassana Diarra (2002/05)
Natif de Belleville, un quartier populaire du XXe arrondissement de la capitale française, Lass’ fait ses premiers pas de footballeur au centre sportif de la rue Julien-Lacroix. Son premier club est le Paris FC. Puis, il est repéré par Guy Hillion qui l’emmène à Nantes. Après un an, les Canaris le jugent trop petit pour continuer. Diarra rebondit au Mans mais là encore, ça tourne court. Après des incompréhensions entre le club et lui, Lassana part en cours d’année et rentre à Paris. Il abandonne même le foot de 15 à 17 ans pensant que sa carrière est finie avant d’avoir commencé. Il rejoue brièvement en faveur du Red Star et à la suite des conseils de sa famille, il décide de rejoindre le HAC pour tenter de devenir professionnel. Johann Louvel, directeur du centre de formation Ciel & Marine, se souvient : « Lassana est arrivé chez nous à l’âge de 17 ans après deux échecs à Nantes et au Mans. Il est arrivé animé d’un sentiment de revanche et a tout mis en œuvre pour ne pas laisser passer sa chance et devenir joueur professionnel. Il y avait beaucoup de détermination dans tout ce qu’il mettait en œuvre. Le moindre jeu, le moindre exercice était pour lui un challenge à relever et à remporter. C’était à l’époque, et il l’est toujours aujourd’hui, un compétiteur hors norme. À la différence des beaucoup de jeunes qui souhaitent réussir dans le football, lui a TOUT mis en œuvre pour y parvenir. Il avait la détermination, le sérieux, l’hygiène de vie et une force mentale extraordinaire. » Un an seulement après son arrivée aux abords de l’estuaire de la Seine, le discret milieu de terrain défensif de 19 ans est lancé dans le grand bain lors de la saison 2004/05. Sa vivacité, ses capacités physiques et ses jaillissements pour intercepter les ballons éclatent aux yeux du grand public. Diarra sort du lot en dépit d’une année cauchemardesque pour le club doyen qui lutte pour ne pas descendre en National. Auteur de vingt-neuf matchs, Lassana est sélectionné avec l’Équipe de France Espoirs pour le Tournoi de Toulon.
Déjà sur les tablettes de plusieurs grosses écuries européennes, ses prestations avec le maillot bleu finissent de convaincre le scout Gwyn Williams et José Mourinho. Le manager portugais voit en lui le successeur de Claude Makélélé sous contrat avec les Blues et alors âgé de 32 ans. Après un essai concluant, les Londoniens le recrutent pour 1M£. Englué en Ligue 2, le HAC ne fait pas le poids face à la perspective de rejoindre l’Angleterre et Chelsea. Encore très jeune, Diarra ne joue pas beaucoup avec seulement sept matchs au compteur à la fin de la saison 2005/06 mais il apprend auprès de Claude Makélélé comme il le déclare plus tard dans le journal As : « J’ai passé beaucoup de temps avec lui à Chelsea et en équipe nationale et j’ai beaucoup appris. Chaque jour, il m’expliquait des choses. Si j’en suis arrivé là, c’est certainement grâce à mon travail, mais il m’a aidé à m’améliorer, tant dans ma façon de penser que dans mon jeu. ». Il glane la FA Cup 2006 et le titre de meilleur jeune du club de la saison. Handicapé par de multiples blessures au sein du secteur défensif de Chelsea, le Special One titularise Diarra au poste de latéral droit à plusieurs reprises lors de la saison 2006/07. Tâche parfaitement remplie par le Français. Cependant, impatient d’avoir plus de temps de jeu, il décide de rejoindre Arsenal le dernier jour du mercato estival de 2007. Chez les Gunners, l’incompréhension avec Arsène Wenger apparaît vite au grand jour. Si le coach alsacien vante sa polyvalence, il ne l’utilise qu’avec parcimonie. Après seulement treize matchs en cinq mois, Lassana est déjà sur le départ et il rejoint la côte sud anglaise et Portsmouth. La victoire de la FA Cup 2008 ne lui fait pas regretter son choix. Mais moins d’un an après sa signature avec Pompey, il quitte le Royaume-Uni pour une autre monarchie européenne. Direction Madrid et le Real contre une indemnité de 20M€.
Malgré la très forte exigence entourant la Casa Bianca, Lass’ séduit les fans notamment pour sa capacité à jouer simple et grâce à son alternance entre jeu court et jeu long. Il gagne aisément sa place dans l’équipe. Pendant trois saisons, Madrid subit la domination catalane en Liga avant de ramener le titre dans la capitale espagnole à l’issue de la saison 2011/12. Diarra doit faire face à la concurrence pour jouer mais il obtient néanmoins un temps de jeu satisfaisant lors de son séjour ibérique. Suivi par plusieurs clubs européens, il accepte la proposition mirobolante venant de Russie et s’engage en faveur de Makhatchkala où un milliardaire vient de racheter le club. Guus Hiddink, Samuel Eto’o ou encore Roberto Carlos succombent également aux sirènes du Daghestan. Mais le projet tombe à l’eau au bout d’un an. Annoncé de retour en France, Lassana reste en Russie et rejoint le Lokomotiv Moscou. Après des débuts remarqués, le Français rentre dans le rang et entre surtout en conflit avec les cheminots au sujet d’une réduction de salaire dans son contrat. Licencié en 2014 après avoir refusé de s’entraîner, il est même condamné, à posteriori, en 2016 par le Tribunal arbitral du sport à payer une amende de 10M€ et à une suspension de quinze mois de la pratique du football pour rupture de contrat. Entre temps, et après avoir purgé sa suspension, l’OM le relance à l’été 2015. Auteur d’une saison 2015/16 époustouflante, il est nommé dans l’équipe de la saison de L1 et hérite du brassard de capitaine à la suite du départ de Steve Mandanda pour Crystal Palace en juillet 2016. Encore une fois, Diarra va s’illustrer de façon négative. Ses performances deviennent quelconques au point de perdre son brassard en faveur de Bafé Gomis. Les négociations pour une prolongation de contrat seraient au cœur de cette baisse de rendement. En avril 2017, il part aux Émirats pour une pige de quelques mois avant de créer à nouveau la polémique quand il s’engage en faveur du PSG en janvier 2018. Après un an et demi dans sa ville natale, Diarra et le PSG mettent mutuellement un terme au contrat du joueur et ce dernier annonce dans la foulée sa retraite sportive à l’âge de 33 ans.
Steve Mandanda (2000/08)
Arrivé à la Cavée verte dès l’âge de 15 ans, Steve Mandanda débarque en provenance du club voisin d’Evreux. Originaire de la République Démocratique du Congo où il voit le jour en 1985, Steve arrive en France à deux ans. Avant de mettre les gants de foot, il porte ceux de boxe pendant deux ans. Régulièrement surclassé au sein du club ébroïcien, il rejoint le centre de formation havrais en 2000. « Steve est arrivé très jeune au HAC, et s’est rapidement imposé comme un vrai leader. » déclare Johann Louvel, le directeur du centre de formation du HAC. Il enchaîne : « Il dégageait une sérénité et un charisme impressionnants. C’était la ‘force tranquille’ du groupe. Il ne faisait jamais de bruit, ne plaçait jamais un mot plus haut que l’autre. Son exemplarité faisait de lui un joueur respecté de tout le groupe. » En dépit de son jeune âge, il prend part à la Coupe Gambardella 2000/01 puis devient rapidement le titulaire de l’équipe réserve qui évolue en CFA 2. Michel Courel, entraîneur des gardiens du centre de formation raconte : « Steve Mandanda est arrivé chez nous avec un gros potentiel et d’énormes qualités. Il n’a pas fallu très longtemps pour se rendre compte que nous avions un diamant brut dans les mains. Je garde le souvenir d’un joueur très déterminé, concentré sur son objectif. Aujourd’hui, avec le recul, je me considère comme un entraîneur privilégié, d’avoir eu la chance de travailler avec deux gardiens exceptionnels : Steve et Carlos Kameni (ancien international camerounais). » En 2004, Mandanda intègre le groupe pro et débute en Coupe de France contre Quevilly. Mais son match est raté. Cependant, il s’accroche et redouble d’efforts. Doublure de Blondel après le départ à la retraite de Vendel à l’été 2005, Steve bénéficie des prestations moyenne du titulaire pour devenir le numéro un au cours de la saison. À pas encore 20 ans, il s’impose comme l’un des meilleurs espoirs français du poste. Pendant deux saisons, Mandanda démontre de belles prédispositions et tape dans l’œil des recruteurs. Parti faire un essai à Birmingham, il rentre au Havre sans avoir convaincu les dirigeants d’Aston Villa.
Il ne reste pas pour autant à Jules Deschaseaux puisqu’il est prêté à Marseille pour préparer le probable départ de Carrasso en fin de saison. Ce dernier se blesse au mois d’août 2007 et le natif de Kinshasa dispute son premier match olympien contre son ancien rival du SM Caen. Crédité de plusieurs prestations solides et rassurantes, aussi bien en championnat qu’en Champion’s League, Mandanda conserve son statut de titulaire au retour de Carrasso et s’engage définitivement avec l’OM. En mai 2008, il est désigné meilleur gardien de la saison de L1. Au Vélodrome, le portier devient un élément majeur de l’équipe phocéenne. Champion de France en 2010, il hérite du brassard de capitaine après le départ de Mamadou Niang. Inspiré sur penalty et sur sa ligne, il gagne vite son surnom de « Fenomeno » donné affectueusement par les supporters marseillais. Olympien jusqu’en 2016, Steve connaît quelques bas et beaucoup de haut avec des succès en coupe de la Ligue 2010, 11 et 12, Trophée des Champions 2010, trois autres titres de meilleur gardien de l’année en 2011, 2015 et 2016 mais également trois places de dauphin de L1 2009, 2011 et 2013. Après un intermède raté à Crystal Palace en 2016/17, il revient à Marseille sous la nouvelle direction de Franck McCourt et continue d’écrire sa légende avec le maillot olympien. Recordman du nombre de matchs joués avec l’OM, il dépasse Roger Scotti (452) en octobre 2017 et le monte jusqu’à 600 (série en cours). Lors de l’épopée européenne de 2018, il dispute la première finale continentale de sa carrière et se retrouve impliqué sur l’ouverture du score de l’Atlético. Si la saison 2018/19 est très difficile pour lui et le club, ils retrouvent des couleurs sous la direction de Villas-Boas avec une nouvelle place de dauphin. La saison 2020/21 est sa dernière dans la peau d’un titulaire indiscutable. Jorge Sampaoli, arrivé en février 2021, instaure un turn-over avec Pau López qui gagne sa place à la faveur de très bons matchs dans la cage olympienne. À bientôt 37 ans, Mandanda pourrait quitter l’OM une seconde fois ou décider de prendre une retraite bien méritée.
Guillaume Hoarau (2004-08)
Comme Florent Sinama-Pongolle, Dimitri Payet ou Jean-Pascal Fontaine, Guillaume Hoarau est issu de la filière réunionnaise du HAC grâce au partenariat entre le club doyen et la JS Saint-Pierroise. Natif de Saint-Louis, le jeune garçon commence à jouer au foot en 1997 dans le club du sud de l’île et débute avec l’équipe première en 2003. Prolifique avec quinze buts en vingt-neuf matchs à son actif, il profite de la relation avec le HAC pour rejoindre la métropole au cœur de l’hiver, en janvier 2004. La transition climatique est difficile pour le jeune attaquant de presque 20 ans. D’abord aligné avec la réserve, il glane sa première titularisation en mai 2004 grâce à Jean-François Domergue. Ce n’est qu’à partir de la saison suivante que Hoarau apparaît plus régulièrement dans le groupe pro avec neuf matchs à son actif. Abonné au rôle de remplaçant (5 titularisations en 28 matchs), il est barré par le duo offensif formé par Jean-Michel Lesage et Kandia Traoré lors de la saison 2005/06. Il peine à s’imposer et il est même pris en grippe par une partie du public de Deschaseaux qui le siffle régulièrement quand il entre en jeu. Pour le relancer, les dirigeants décident de lui faire changer d’air. Prêté et titularisé à Gueugnon, il gagne en confiance comme en atteste son départ canon avec six buts en neuf matchs en 2006/07. Si les Forgerons souhaitent étendre le prêt d’un an, Jean-Marc Nobilo décide de le rapatrier en Normandie. Lesage et Traoré partis, Guillaume a désormais l’espace nécessaire pour son éclosion. Coéquipier, Jamel Aït Ben Idir nous éclaire : « Guillaume, il avait un talent fou, mais il ne se prenait jamais au sérieux. Et comme je n’étais pas le premier à faire le clown dans les vestiaires, il aimait me chercher, me chambrer. Qu’est-ce qu’il a pu me soûler ! Un super mec, vraiment. »
De la 5e à la 20e journée, le Réunionnais marque seize buts en seize matchs. Pensionnaires de Ligue 2 depuis 2003, les Havrais obtiennent leur ticket pour l’élite et le titre de champion de France après une saison magistrale. Meilleur buteur du championnat avec vingt-huit buts, l’attaquant s’est déjà entendu avec le PSG dès janvier 2008 pour poursuivre sa carrière au Parc des Princes. En fin de contrat avec son club formateur, il demande aux Parisiens de finir la saison avec le HAC et décide de verser le montant de sa prime à la signature (500 000€) pour « lui avoir permis de venir en métropole et d’atteindre le niveau qui est le sien aujourd’hui. » Un geste très classe et assez rare de nos jours. Recruté pour succéder à Pedro Miguel Pauleta, le buteur de 1m92 donne satisfaction lors de sa première saison sous le maillot francilien avec vingt buts toutes compétitions confondues. Ses qualités de remise, son apport collectif, et sa technique en font un élément apprécié par son coach Paul Le Guen et ses coéquipiers. Sa grande taille est aussi précieuse sur les coups de pieds offensifs que défensifs. Handicapé par une rupture du ligament interne du genou, sa seconde saison est moins concluante. En 2010/11, Guillaume ne pâtit pas l’échec de son association avec Erding. Irrégulier dans ses stats, il parvient néanmoins à atteindre la barre des vingt buts toutes compétitions confondues. L’arrivée des Qataris fin 2011 a changé la donne avec notamment la nomination de Carlo Ancelotti et des arrivées prestigieuses comme Zlatan Ibrahimovic. À nouveau diminué par une blessure à la cheville, Hoarau doit faire à une énorme concurrence et dispute peu de rencontres mais cela ne l’empêche pas de dépasser une icône parisienne, George Weah, au classement des meilleurs buteurs du club avec 56 buts.
En janvier 2013, l’attaquant file en Chine pour signer un contrat très lucratif. L’expérience asiatique ne dure qu’un an et il revient en France à Bordeaux pour six mois. En manque de rythme à la suite de son passage à Dalian où les exigences physiques sont moindres qu’en Europe, il ne convainc pas Jean-Louis Triaud de continuer en Gironde. Libre de tout contrat, et âgé de 30 ans, le Réunionnais signe pour quatre mois à Berne. Petit à petit, il se refait une jeunesse avec les Young Boys et obtient une prolongation jusqu’en 2018. En Suisse, Hoarau redevient clinique et soigne ses stats. Dès sa première saison, il claque 17 buts en championnat et 6 en Europa League. Les années suivantes, l’efficacité et la régularité sont toujours au rendez-vous avec 18, 18, 15 et 24 buts. Il s’illustre grâce à un doublé contre la Juventus en Europe. Berne parvient même à stopper l’hégémonie du FC Bâle, champion de 2010 à 2017, en gagnant la Super League 2018 et prend la place de leader en Helvétie avec deux autres titres en 2019 et 2020. Pour son biographe local dans So Foot, Moritz Marthaler : « il est devenu le symbole du premier titre remporté par les Young Boys depuis 1986, et ça a beaucoup touché les gens dans tout le pays. » À 35 ans, il commence à montrer quelques signes de faiblesse et YB le libère en juin 2020. Le FC Sion lui offre alors l’opportunité de jouer encore quelques temps et Guillaume se montre digne de la confiance accordée avec 8 buts et 3 passes décisives. Si son temps de jeu diminue lors de la saison actuelle, le buteur a encore marqué trois fois en sept matchs et pourrait mettre un terme à sa carrière à l’été 2022. Hoarau voulait se relancer en Suisse pour rejoindre un club du top 5 européen, il a finalement réussi son pari tout en restant de l’autre côté des Alpes où il a acquis un statut de légende.
Sources :
Vikash Dhorasoo, mon enfance en Normandie de Vikash Dhorasoo pour les Inrockuptibles
Vikash Dhorasoo, Hall of Fame, hac-foot.com
InterviewG4E, Ibrahim Ba : « Bordeaux, pour moi, c’était une autre dimension, par rapport à l’histoire du club et de la ville », girondins4ever.com
Ibrahim Ba, Hall of Fame, hac-foot.com
Lassana Diarra, Hall of Fame, hac-foot.com
Des Bleus à consonnance Ciel et Marine, lehavre.fr
Guillaume Hoarau, Hall of Fame, hac-foot.com
Hoarau en raccourci de Gauthier B. pour les Cahiers du Foot
Crédit photos : Icon Sports