Certains joueurs ne sont pas fait pour perdurer à travers les époques, que ce soit par leur nom, leur histoire, leur talent ou encore leurs prouesses. Pourtant ces joueurs là ont fait beaucoup, voire plus que certaines idoles d’aujourd’hui. C’est le cas de Hristo Stoïchkov. Véritable légende du FC Barcelone, du football bulgare mais surtout du football des années 90 de manière générale, Stoïchkov a marqué toute une génération qui se souviendra toujours d’un talent technique pur, mais aussi d’un caractère parfois explosif.
La Bulgarie, une terre que l’on ne pourrait qualifier de football, tant les résultats internationaux n’ont jamais réellement impressionné, et tant les individualités n’ont jamais vraiment marqué le football européen. Mais comme dans chaque nation où l’on pratique ce sport, il existe des exceptions. Hristo Stoïchkov en était une. Ce qu’a réussi à faire Stoïchkov pour le football bulgare est exceptionnel. En plus de les représenter à travers ses prouesses en club, il a aussi donné à sa sélection la plus grande exposition de son histoire, à la Coupe du Monde 1994. Le Bulgare a fait rêver toute une génération grâce à un pied gauche hors du commun grâce auquel il parvenait parfois à maitriser des gestes d’une facilité déconcertante. Mais il a aussi marqué l’histoire du sport à cause d’un caractère bien trempé et parfois limite.
Des débuts fracassants
Quand on commence dans un pays où le football n’est pas la première des préoccupations, il faut d’abord y faire ses preuves avant d’aller fanfaronner ailleurs. Et ça, Stoïchkov le comprend bien. A 18 ans, il intègre l’équipe du CSKA Sofia en tant que milieu offensif, parfois ailier.
Très rapidement, son talent éclate aux yeux de tous. Avec une technique largement au-dessus de la moyenne, Stoïchkov montre au pays le grand joueur qu’il aspire à être. Au fur et à mesure des années, il fait ses preuves et rafle cinq championnats consécutifs avec le CSKA. L’équipe possédait à l’époque une équipe pleine de talents individuels tel que Kostadinov, Ivanov ou encore Penev. Des premières années réussies donc. Mais Stoïchkov veut marquer un grand coup avant de se voir proposer des contrats dans de grosses écuries. Lors de sa dernière saison à Sofia, le Bulgare marque pas moins de 38 buts, obtenant sa première distinction individuelle : le Soulier d’Or.
Évidemment, ce talent brut est extrêmement courtisé. Mais c’est finalement le Barça de Johann Cruyff qui parvient à l’attirer dans ses filets. Plus tard, Stoïchkov racontera qu’il aurait pu partir avant, mais qu’il devait parfaire sa formation à Sofia avant cela. Belle preuve de maturité.
« Lors de la saison 1989/90, j’ai remporté le Soulier d’Or Européen (ex aequo avec Hugo Sánchez) et quelques clubs sont venus frapper à ma porte. Quelques temps auparavant déjà, d’autres équipes s’étaient renseignées à mon sujet. Lesquelles ? Je ne dirai le nom que de la première : le Panathinaikos, qui était une des plus grandes équipes d’Europe à la fin des années 1980. On m’a proposé beaucoup d’argent mais j’étais jeune, un peu plus de la vingtaine, et je pensais que rester en Bulgarie me permettrait de grandir. Il faut rappeler que le CSKA était une équipe militaire, où la discipline primait et au sein de laquelle évoluaient de grands joueurs. »
Une adaptation réussie
Au FC Barcelone du début des années 1990, on est à la recherche d’une première coupe aux grandes oreilles après trois sacres en C2 et on voit en Stoïchkov une chance d’y parvenir. Pour parvenir à s’imposer sous Cruyff, il faut s’adapter à un nouveau style de football, plus réfléchi, plus malin. Et pour y parvenir, le technicien néerlandais a une méthode bien à lui : il va titiller ses rêves.
« Je dois beaucoup à Johan Cruyff, qui a toujours cru en moi. Il a misé sur moi et je me souviens qu’à mon arrivée à Barcelone, il m’avait dit : «Écoute-moi bien, je travaillerai avec toi jusqu’à ce que tu remportes le Ballon d’Or.» À cette époque, j’étais presque inconnu et le fait que Cruyff me dise ça, ça représentait beaucoup pour moi. Par la suite, à de nombreuses reprises, il me disait des choses pour me titiller et ça me donnait encore plus envie de sortir sur le terrain pour gagner. Il savait nous motiver et il a beaucoup fait pour ma famille. Je lui dois beaucoup.«
Très rapidement, Stoïchkov se fait une place au sein du vestiaire avec qui il noue des liens particuliers. Au milieu de noms tels que Koeman, Guardiola ou encore Laudrup, le Bulgare trouve à Barcelone une famille. Et c’est ausssi ce qui, selon lui, permet à l’équipe de si bien tourner.
« Je me souviens du jour où Cruyff n’a pas pu voyager à Bilbao car il avait été opéré du coeur un peu avant. L’effectif voulait lui offrir la victoire et nous nous étions imposés 0-6 à San Mamés. Ce jour-là, j’avais marqué un de mes plus beaux buts sous le maillot blaugrana. »
Son passage au FC Barcelone est rempli de succès. Il remporte quatre championnats consécutifs dès son arrivée (portant son palmarès à neuf championnats d’affilée). Mais Stoïchkov remporte surtout la Coupe des Clubs Champions en 1992. Jusqu’en 1995, soit pendant cinq saisons, le Bulgare marque 108 buts en 212 matches, ce qui représente un superbe rendement.
La consécration bulgare
Comme tout se passe bien avec le Barça, Stoïchkov joue la tête libérée avec sa sélection. Il qualifie la Bulgarie pour la Coupe du Monde 1994, aux dépens de la France. Lors de cette Coupe du monde aux Etats-Unis, personne ne voit la Bulgarie faire un beau parcours. Après avoir éliminé l’Argentine en phase de groupe, la Bulgarie remporte le huitième de finale face au Mexique (1-1, 3-1 aux tirs au but). Elle enchaîne ensuite en quart de finale face à l’Allemagne (2-1). Elle s’arrête finalement face à l’Italie en demi-finale (défaite 2-1).
Stoïchkov marque 6 buts lors de la compétition, devenant le meilleur buteur de l’édition avec Oleg Salenko. Une consécration pour le Bulgare qui permet à la Bulgarie de passer sous la lumière des projecteurs. C’est d’ailleurs grâce à cette Coupe du monde exceptionnelle, ajoutée au championnat remporté avec le Barça, que Stoïchkov obtient cette année-là la récompense ultime pour un footballeur, promise par Cruyff en personne : le Ballon d’Or.
La part sombre de Stoïchkov
En lisant le récit de son histoire footballistique, on peut avoir une image enjolivée de la personne qu’était réellement Stoïchkov. S’il avait le surnom de « démon bulgare », c’est qu’il avait une part sombre qui aurait pu lui coûter cher. Très rapidement, lors de sa première saison avec Sofia, il démontre son caractère de cochon. À seulement 18 ans, lors d’une finale contre le Levski Sofia, il fait dégénérer la finale en bagarre. Ce qui lui vaut une suspension à vie. Celle-ci sera très rapidement revue à la baisse dans un contexte de désorganisation des régimes communistes. Un premier épisode qui démontre bien le caractère du personnage.
Certain de ses capacités, Stoïchkov n’avait pas apprécié le fait de ne pas avoir remporté le Ballon d’Or 1992 au profit de Marco Van Basten. En 1994, l’année de son épopée en Coupe du Monde, durant laquelle il enchaînat verres de champagnes et cigarettes, il était sûr de remporter le Graal. C’est pourquoi, à quinze jours des résultats, quand on lui posait la question sur son sentiment avant le verdict, il se plaisait à répondre : « Qui d’autre que moi ?« . Une phrase qui aujourd’hui ferait la une de la presse afin de critiquer l’ego mal placé du joueur en question.
Stoïchkov pouvait aussi se montrer violent lorsqu’il avait un coup de chaud. Ce fut le cas lors d’un Clàsico face au Real Madrid durant la saison 1990/91. Enervé après avoir été taclé sèchement, Stoïchkov a longuement discuté avec l’arbitre avant de lui écraser le pied violemment, contrarié par ce qu’il venait d’entendre. Ajoutez à cela de nombreuses blessures infligées lors de ses matches, comme lorsqu’il a brisé la jambe d’un adversaire lors d’un match amical avec DC United.
C’est ce qui est fascinant chez Stoïchkov car malgré un caractère assez dur, sur et hors du terrain, il parvenait tout de même à attirer vers lui un regard positif lorsqu’il avait un ballon dans les pieds. Véritable talent brut, le Bulgare a su s’imposer presque partout où il est passé, raflant au passage la Coupe des clubs champions et le Ballon d’Or, deux distinctions qui en font un joueur d’exception. Si son début de carrière à Sofia puis ensuite au Barça était fabuleux, son passage à Parme et son retour à Barcelone un an après n’auront pas été les meilleurs années sur le plan purement sportif. Il terminera sa carrière dans des clubs d’Arabie Saoudite, au Japon ou encore aux Etats-Unis avant de raccrocher les crampons en 2003, année durant laquelle il aura brisé la jambe d’un adversaire. De quoi marquer les esprits avant son départ.
Crédits photos : Icon Sport