Au moment de nommer le plus grand attaquant de l’histoire de l’Olympique Lyonnais, de nombreuses légendes viennent immédiatement en tête. Karim Benzema, Sonny Anderson, Alexandre Lacazette… Mais s’il s’agissait plutôt de Fleury Di Nallo ? L’un des joueurs français les plus doués des années 1960 est tout simplement le meilleur buteur de l’histoire de l’OL, avec 222 réalisations en 494 matchs. Retour sur la carrière de celui dont la classe et le formidable talent lui valurent le surnom de « Petit Prince de Gerland ».
L’image est entrée dans la légende du football français et de la Ve République. 21 mai 1967, finale de la Coupe de France opposant l’Olympique Lyonnais au FC Sochaux. Après un dégagement rhodanien, le ballon monte haut et atterrit au milieu de la tribune présidentielle… dans les bras du général Charles de Gaulle. Tradition oblige, le président de la République assiste en effet à l’apothéose de la plus ancienne compétition de football hexagonale. Comme un vrai joueur de champ, il se lève alors et réalise une emblématique rentrée de touche pour renvoyer la balle sur le terrain. « Je dois vraiment tout faire moi-même dans ce pays », lance-t-il pour la postérité.
Quelques minutes plus tard, ce même héros de la Seconde guerre mondiale et de la résistance française remet la Coupe Charles-Simon à Fleury Di Nallo. Capitaine de l’OL, ce dernier a inscrit le but libérateur en fin de match pour offrir le titre aux siens (3-1). Aux côtés de la haute stature du général, aussi grand que lui est petit, il peut laisser éclater sa joie.
Cette finale de la Coupe 1967 est historique à plus d’un titre. Il s’agit déjà de la cinquantième de l’histoire de la compétition, créée en 1917. C’est aussi la dernière qui se joue dans l’ancien Parc des Princes, avant la construction de l’actuelle enceinte du PSG. C’est également le premier titre de Di Nallo en tant que capitaine de son club de cœur, où il évolue depuis l’âge de 17 ans.
Enfin, c’est la première et dernière fois que la règle du tirage au sort est utilisée pour départager deux équipes dos à dos. Car l’OL ne doit en fait sa qualification pour la finale qu’à… une pièce de 5 francs tombée du bon côté. Après trois demi-finales infructueuses (3-3, 1-1, 1-1), Angoulême et Lyon sont en effet toujours dos à dos. Ce sont alors aux capitaines des deux formations de tirer à pile ou face pour obtenir leur ticket parisien. Le sort sourit à l’OL… et à Di Nallo, dont le choix a permis d’envoyer les Lyonnais en finale.
Heureux sur le coup, la carrière de Fleury Di Nallo ne doit par contre rien à la chance. D’origine italienne mais né dans la capitale des Gaules le 20 avril 1943, c’est un Lyonnais pure souche. Sa taille modeste (1m 67) ne l’empêche pas d’être le meilleur sur le terrain, ni d’attirer les recruteurs, et il intègre vite les rangs de l’OL. Parcourant les équipes de jeunes, il participe en 1960 à une opposition entre l’équipe amateur et l’équipe pro du club. Di Nallo comprend immédiatement que c’est la chance de sa vie. Il ne la laisse pas passer.
« Petit, viens là ! Samedi, tu joueras avec les pros. […] Tu vas être titulaire, à Reims, en Division 1 », Fleury Di Nallo se souvient des propos de Gaby Robert, entraîneur de l’OL en 1960, lui apprenant son intégration dans l’équipe première.
Le Lyonnais n’est alors encore qu’un gamin prometteur. Il deviendra vite le meilleur joueur de son équipe, son plus grand talent, son joyau, avant d’en porter le brassard. Ce n’est qu’en 1974, après 14 saisons au club, qu’il en partira avec le statut d’éternelle légende.
À l’OL, Fleury Di Nallo devient « le Petit Prince de Gerland »
Dès ses premières années, Fleury Di Nallo se singularise par son impressionnante efficacité face au but. Après une première année de rodage, il devient titulaire dès la saison 1961-1962, à 18 ans, durant laquelle il inscrit 20 buts. L’année d’après, il en marque 17, puis 15 lors de chacune des trois saisons suivantes. En 1966-1967, il trouve les filets à 20 reprises. Puis, en 1967-1968, il est l’auteur de 29 réalisations toutes compétitions confondues. C’est la plus prolifique saison de sa carrière.
Une régularité qui lui vaut de devenir rapidement le chouchou adulé des supporters lyonnais. Le surnom de « Petit Prince de Gerland » lui va comme un gant. Toutefois, l’équipe des Gones ne fait pas partie, à l’époque, des cadors du championnat de première division, qu’elle termine souvent dans la deuxième partie de tableau. Le palmarès du club est même totalement vierge. C’est alors en Coupe de France que l’OL se fait sa place dans le paysage footballistique tricolore.
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Lyon devient même, dans les années 1960, un spécialiste de l’épreuve. En 1963, il atteint la finale face à Monaco, qui se solde par un nul 0-0. Pour la belle, l’entraîneur des Gones décide de laisser Di Nallo sur le banc, et son équipe s’incline 0-2… En 1964, c’est la bonne. De nouveau en finale, c’est Bordeaux qui se présente devant les coéquipiers de Di Nallo, cette fois-ci titulaire. Mais le grand homme de ce match est l’autre fer de lance de l’attaque rhodanienne, Nestor Combin. L’avant-centre franco-argentin inscrit un doublé et offre ainsi le premier titre de l’histoire de l’OL (2-0).
C’est évidemment aussi le premier trophée de la carrière du Petit Prince de Gerland. En 1967, ce dernier a donc enfilé le brassard de capitaine pour soulever sa deuxième Coupe de France face à Sochaux (3-1). Puis, au début des années 1970, il forme un nouveau trio offensif remarquable avec Serge Chiesa et Bernard Lacombe. Grâce à cette triplette, les Lyonnais jouent enfin les premiers rôles en championnat. Puis, s’ils atteignent encore la finale de la Coupe en 1971, c’est en 1973 qu’ils la remportent de nouveau, au nez et à la barbe de Nantes (2-1). Di Nallo et Lacombe, auteur du but vainqueur, sont portés en triomphe. Ce sont les derniers moments de gloire vécus par le capitaine des Gones avec son club de toujours.
Di Nallo face à Pelé, une affiche marquante pour une carrière en équipe de France bien (trop) modeste
Nouvelle coqueluche du football français, Fleury Di Nallo n’a pas 20 ans lorsqu’il débute avec les Bleus. Face à la Hongrie, en amical, il se paie même le luxe d’inscrire un doublé pour sa première sélection, même s’il ne peut empêcher la défaite 3-2.
Appelé à une longue et belle carrière en équipe de France, il fête sa deuxième cape quelques mois plus tard, au cours d’un match de prestige face au Brésil de Pelé. C’est la première fois que les Français rencontrent les Brésiliens sur leur sol. À la recherche de leur glorieux passé de 1958, ils tiennent alors la dragée haute aux Auriverde. Et à la 82e minute, Di Nallo égalise même pour les siens à 2-2, en reprenant un centre bien placé aux six mètres ! Cependant, le Roi Pelé est au-dessus de tout le monde et marque deux minutes après le but du 3-2, s’offrant au passage un magnifique triplé.
« C’était la grande équipe du Brésil, double championne du monde. J’étais un gamin et c’était mon deuxième match avec l’équipe de France. Ils nous ont fait souffrir, c’est évident. On avait tenu tête quand même. C’est un bon souvenir parce que j’ai une photo où je sors du terrain avec Pelé. » Fleury Di Nallo, en 2022
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La photo représentant Pelé et Di Nallo sortir côte à côte à Colombes est célèbre. Elle donne au Petit Prince de Gerland des allures d’héritier vers un avenir bleu auréolé de gloire. Il n’en sera bizarrement rien. La carrière internationale du Lyonnais est en effet remplie d’énormes trous d’air et de périodes d’absence. À tel point qu’en 1971 face à la Hongrie, encore, pour son dernier match frappé du coq, il ne fête que sa dixième sélection…
Certes, le nombre de rencontres était bien moindre à l’époque par rapport à aujourd’hui. Di Nallo a aussi peut-être payé le fait d’évoluer dans une équipe moyenne du championnat de France. Malgré son talent et son profil technique, il ne participe même pas à la Coupe du monde 1966, non retenu dans le groupe bleu. Il ne rate finalement pas grand-chose puisque les tricolores sont piteusement éliminés au premier tour de la World Cup anglaise.
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Pour autant, à l’heure de tirer son bilan en équipe de France, Fleury Di Nallo propose encore une fois des statistiques impressionnantes. En 10 matchs, il claque 8 buts, preuve d’un savoir-faire rare devant les cages. C’est finalement après le Mondial 1966 qu’il accumule le plus de capes. Il marque un doublé en Pologne lors d’une belle victoire française 4-1, comptant pour les éliminatoires de l’Euro 1968. Toutefois, les Bleus ne verront pas le championnat d’Europe en Italie, après un nul à domicile (1-1), puis une lourde défaite (5-1) à Belgrade face à la Yougoslavie. Un seul buteur français lors de ces deux matchs en forme de naufrage… Fleury Di Nallo.
Entre exploits européens et fin de carrière, le tournant de 1969 pour le Petit Prince de Gerland
Les années lyonnaises de Fleury Di Nallo sont aussi marquées par des parcours honorables et de véritables exploits en coupe d’Europe. Il mène l’attaque rhodanienne avec Nestor Combin quand, en 1963-1964, l’OL dispute la Coupe des Vainqueurs de Coupe. Après un premier tour remporté face aux Danois d’Odense, les Gones se défont en huitième de finale de l’Olympiakos, grâce à un beau succès 4-1 à l’aller à Gerland. En quart de finale, c’est une montagne qui se dresse face à eux : le Hambourg SV d’Uwe Seeler. Ils réussissent alors l’exploit de revenir d’Allemagne avec un nul 1-1. Au retour, Nestor Combin sort l’artillerie lourde. Il claque un doublé qualifiant Lyon pour les demies, avant de se prendre un rouge pour avoir mis un coup de poing à un adversaire.
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Les Lyonnais disputent alors la première demi-finale de coupe d’Europe de leur histoire. Contre le Sporting Portugal, ils ne cèdent qu’après un match d’appui faisant suite aux deux nuls (0-0 puis 1-1). Défaits 1-0 à Madrid, ils laissent les Portugais aller remporter la compétition. Di Nallo a inscrit deux buts durant cette campagne européenne.
En 1967-1968, il sera cette fois le principal artisan d’une nouvelle remarquable épopée dans le marasme français de l’époque. Vainqueur de la coupe nationale 1967, Lyon dispute de nouveau la Coupe des Coupes. Le premier tour, face aux Luxembourgeois de Bonnevoie, est une formalité (5-1 sur les deux matchs). Mais en huitième, c’est un nouveau gros morceau qui se présente face aux Lyonnais : Tottenham.
Le match aller, à Gerland, est irrespirable, bouillant, violent. France Football, pour relater la partie, parle même de « cauchemar ». Au milieu de tout cela, un peu de football malgré tout. Et un joueur, insaisissable, auteur du seul but de la partie : Fleury Di Nallo. Lyon l’emporte 1-0.
Le retour, à White Hart Lane, est épique. Dans les gradins, les supporters anglais font un boucan du diable. Sur le rectangle vert, c’est un pur combat. L’Anglais Jimmy Greaves croit offrir la qualification aux siens grâce à un doublé en première période. La seconde, complètement folle, voit Di Nallo réduire le score à la 54e. Quarante secondes plus tard, les Anglais reprennent 2 buts d’avance avant que les Français ne réduisent de nouveau la marque deux minutes après (3-2). À vingt minutes du terme, les Spurs mettent de nouveau un pied en quart de finale (4-2). Mais un ultime but lyonnais est synonyme d’extraordinaire exploit (défaite 4-3). Grâce aux buts à l’extérieur, la bande à Di Nallo se qualifie pour les quarts.
C’est alors de nouveau Hambourg qui se place sur sa route. L’aller, en Allemagne, est un calvaire (0-2). Mais au retour, Di Nallo lui-même sonne la révolte des siens. Le capitaine et Petit Prince de Gerland inscrit un premier, puis un deuxième but libérateur à la 90e, pour arracher un match d’appui. Se déroulant à Hambourg, il ne laisse malheureusement pas de place à l’exploit (0-2), et Lyon est éliminé sans avoir démérité.
Ce sont là les derniers faits d’armes continentaux de Di Nallo et des Lyonnais dans les années 1960. Cette décennie se termine ensuite dans la tristesse et la douleur pour l’attaquant. En 1969, il est victime d’une grave blessure, avec une fracture tibia-péroné. Ce coup d’arrêt marque un tournant dans sa carrière. S’il revient et inscrit de nouveau 28 buts en 1970-71, le Petit Prince de Gerland ne retrouvera jamais son meilleur niveau.
« J’étais en pleine forme, j’avais 25 ans, j’allais rentrer dans mes meilleures années. Ça m’a coupé en deux. J’ai refait de très bons matchs après cette blessure, mais je ne suis jamais revenu à mon niveau d’avant. Même maintenant, ma jambe gauche est beaucoup plus faible que l’autre. Ça se voit à l’œil nu. », Fleury Di Nallo, en 2020.
1974 sonne comme le chant du départ pour l’idole du Stade Gerland. En milieu de saison, sur un coup de tête, il quitte en effet Lyon direction le Red Star. Son objectif : retrouver son ancien coéquipier Nestor Combin qui y évolue. Di Nallo signe pour trois ans, mais l’aventure tourne court. L’équipe audonienne est reléguée en Division 2 à la fin de la saison. En 13 matchs, celui qui sera aussi surnommé « La Fleur » marque à cinq reprises. Son dernier but en D1, il l’inscrit… contre l’OL, à Gerland, devant le public pour lequel il est une icône. Tout un symbole.
Refusant d’évoluer en D2, Di Nallo quitte alors le club. Sa dernière expérience de joueur, c’est à Montpellier qu’il va la vivre. Le club ne joue encore pourtant qu’en division d’honneur… Mais le Lyonnais ne résiste pas à l’appel du pied de son ami Loulou Nicollin. Il est alors l’un des rares pros à faire le grand saut de la D1 à la DH. 26 matchs et 23 buts plus tard, il permet de faire monter le club de la Paillade en Division 3. Il raccroche définitivement les crampons en 1977, à 34 ans, après 265 buts inscrits.
En 2022, So Foot classe Fleury Di Nallo à la 35e place des meilleurs joueurs de l’histoire du championnat de France. Ce classement témoigne bien du talent rare de cet attaquant français racé et terriblement efficace des années 1960. Meilleur buteur de l’OL avec 222 réalisations, il mérite bien son surnom de « Petit Prince de Gerland ».
Sources :
- Fiche de Fleury Di Nallo, ffr.fr ;
- « On te présente toute l’histoire de Fleury Di Nallo, l’ancien joueur de l’Olympique Lyonnais », thefootballmarket.com ;
- Maxime Lelay, « « Un but de 40 mètres », « Un phénomène »… Après la mort de Pelé, les souvenirs de Fleury Di Nallo », ouest-france.fr ;
- Section « Fleury Di Nallo » sur la page consacrée aux joueurs emblématiques de l’OL, ol.fr ;
- « Fleury Di Nallo : aux origines du Petit Prince de Gerland » et autres articles sur la série consacrée à Fleury Di Nallo, ol.fr ;
- Clémentine Rebillat, « Entre les présidents de la République et la Coupe de France, une longue tradition », parismatch.com ;
- Pierre-Marie Descamps et Jacques Hennaux, sous la direction de Gérard Ejnès, 50 ans de Coupes d’Europe, L’Équipe ;
- Pierre-Marie Descamps et Jacques Hennaux, sous la direction de Gérard Ejnès, L’Équipe de France de football – La belle histoire, L’Équipe ;
- Pierre-Marie Descamps et Yannick Lebourg, sous la direction de Gérard Ejnès, Coupe de France – La folle épopée, L’Équipe.
Crédits Photos : Icon Sport