Souvent réputé pour sa culture de l’exigence et son côté familial, le Bayern Munich est aussi connu pour défrayer la chronique. Auréolé de titres nationaux et européens, le DeustcheMeister a connu des péripéties en interne qui feraient envier certains clubs connus en la matière en Europe. Derrière une image d’institution forte, le FCB n’a pas échappé aux turbulences médiatiques propres aux plus grands clubs européens à l’image du Paris Saint-Germain ou du Real Madrid. Une chose qui peut paraitre banale dans un club qui a connu une constellation de stars, mais que l’on oublie souvent dans l’imaginaire collectif. Retour sur la naissance du « FC Hollywood » et de la face cachée du Bayern Munich.
Durant les années 1990, le FC Bayern n’écrase plus le football allemand comme il a pu le faire durant la décennie précédente. Le BVB Dortmund domine la Bundesliga et fait également très bonne figure dans les compétitions européennes. Il sera d’ailleurs le seul club allemand qui va remporter la Ligue des Champions au cours de cette décennie. Pour retrouver son lustre d’antan et concurrencer le club de la Ruhr, l’équipe dirigeante du Bayern Munich, avec à sa tête un certain Uli Hoeness, décide de bâtir une dream team. Nous sommes alors quelques temps après les Jeux olympiques de Barcelone en 1992 où la Dream Team USA a ébloui le tournoi de basket-ball.
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Ainsi durant cette période, plusieurs grandes stars sont recrutées. On peut citer par exemple Lothar Matthaus, Stefan Effenberg ou encore Jean-Pierre Papin. Le casting côté entraineurs n’est pas non plus sobre. Le club bavarois parvient par exemple à attirer deux fois Giovanni Trapattoni ainsi qu’Otto Rehhagel, entraineur référence dans le football allemand à cette époque. Les personnalités dans la direction du club bavarois sont aussi au rendez-vous et dignes d’un grand film hollywoodien : Franz Beckenbauer, Karl-Heinz Rummenigge, Uli Hoeness pour ne citer qu’eux. Le casting est XXL et le film des années 1990 que nous prépare ce Bayern ne va pas décevoir les médias outre-rhin.
La naissance du FC Hollywood débute sous l’ère Otto Rehaggel. Après un premier passage décevant de Giovanni Trapattoni lors de la saison 1994/1995, le Bayern décide de faire appel à l’entraineur qui était à la mode en Bundesliga. Le technicien du Werder Brême avait remporté la Coupe des Coupes, deux Bundesliga ainsi que deux coupes d’Allemagne. Malgré ce palmarès impressionnant, le futur champion d’Europe avec la Grèce est véritablement une erreur de casting. Habitué à former des grands joueurs en devenir à Brême, l’entraineur allemand se retrouve face à un vestiaire de stars à l’ego démesuré. Lors de son premier entrainement avec le Bayern, Otto Rehhagel ne fait qu’enguirlander ses joueurs en utilisant… un mégaphone. Une méthode qui ne peut durer et ce malgré une qualification pour la finale de la Coupe UEFA en 1996. Malheureusement, l’ancien entraineur du Werder est licencié quelques jours avant la finale. Franz Beckenbauer prend l’intérim et soulèvera le trophée européen face aux Girondins de Bordeaux.
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Le passage d’Otto Rehaggel sur le banc du FC Bayern Munich marque véritablement la naissance du « FC Hollywood ». En plus des tensions entre l’entraineur et les joueurs, des disputes éclatent aussi entre les stars bavaroises. C’est le début de la fameuse idylle entre Lothar Matthaus ou Jurgen Klinsmann. Les deux grands joueurs de la sélection allemande ne peuvent pas se voir. Matthaus est souvent au centre des sales histoires du vestiaire bavarois. Il connait notamment une autre histoire d’amour avec Stefan Effenberg. Ces derniers ont d’ailleurs été ensemble sur le plateau d’une télévision allemande pour tenter de se réconcilier… un échec. Et il ne faut pas non plus évoquer le traitement réservé à l’ancien interiste dans l’autobiographie de son coéquipier du Bayern. Ainsi la saison 1995/1996 inaugure officiellement le période dite « FC Hollywood ».
L’ère Trapattoni, l’implosion de l’institution bavaroise
Après l’échec Otto Rehaggel, la direction munichoise décide de taper gros en rappelant Giovanni Trapattoni sur le banc pour la saison suivante. Choix judicieux et risqué puisque la première expérience au Bayern de l’ancien entraineur de la Juventus fut un échec total. Une saison terminée à la sixième place du championnat allemand avec à la clé une élimination précoce de la DFB Pokal contre une équipe de division inférieure. Ajouté à cela les problèmes de communication avec les joueurs qui n’ont rien arrangé à la situation sportive.
Un risque, surtout que le FC Hollywood est apparu entre temps. Néanmoins il faut dire qu’à cette époque, les entraineurs italiens étaient considérés comme ce qui se faisait de mieux en Europe. La Serie A, à travers les performances de ses clubs dans les coupes d’Europe, faisait figure de modèle rêvé. En rappelant Giovanni Trapattoni, Uli Hoeness souhaitait faire du Bayern une grande écurie européenne à l’instar des plus grands clubs italiens. C’est d’ailleurs le technicien italien qui a introduit l’interdiction à la presse d’assister aux entrainements quotidiens. Une chose qui se faisait en Italie mais pas en Allemagne dans les années 1990.
Avec une nouvelle méthode et un apprentissage rapide de la langue allemande, Giovanni Trapattoni réussit parfaitement son retour la première saison. Le Bayern retrouve les sommets de la Bundesliga en remportant le titre en 1997. Un titre qui sera malheureusement entaché par de nouvelles tensions entre Jurgen Klinsmann et Lothar Matthaus. En effet, les réjouissances ne seront que de courte durée en Bavière puisque dès la saison suivante le FC Hollywood reprend son droit. Lors de la première journée, le FCB s’incline contre l’étonnant promu Kaiserslautern qui sera champion à la fin de la saison.
Giovanni Trapattoni craque après une défaite contre Schalke 04 en conférence de presse. Il s’en prend à ses joueurs qui se « prennent pour des stars alors qu’ils sont loin d’être au niveau des grands joueurs italiens ». Un craquage monumental et célèbre qui symbolise la décennie FC Hollywood. Neuf jours après les faits, il se rend dans le bureau d’Uli Hoeness pour résilier son contrat. Ambiance… L’entraineur italien déclarera quelques temps après : « Si j’étais resté au Bayern, je serai mort ».
Aux déboires sportifs, il faut aussi évoquer ceux des dirigeants et tous les soucis en dehors du terrain. Il y a d’abord eu le divorce de Stefan Effenberg avec sa femme Martina pour la compagne de son coéquipier Stefan Kuntz. Karl-Heinze Rummenigge, après avoir dénoncé le soap opera du FC Hollywood, négociait un deal de vingt millions d’euros avec un groupe de télévision pour raconter l’ensemble des broutilles internes. Un épisode non assumé par l’ancienne gloire du Bayern, à tel point qu’il avait alors menacé d’inscrire le Bayern dans le championnat italien en guise de protestation… Pas sûr que cela aurait plus à Giovanni Trapattoni.
Ottmar Hitzfeld, la sagesse helvétique pour arrêter le cinéma
Pour mettre fin à ce bazar, la direction du Bayern décide d’appeler l’entraineur du Borussia Dortmund, un certain Ottmar Hitzfeld. Auréolé d’une Ligue des Champions remportée en 1997 avec Dortmund, l’entraineur suisse apparait comme l’homme de la situation. En recrutant le technicien du rival, le FC Bayern compte bien récupérer son hégémonie en Bundesliga mais aussi sur la scène européenne. Néanmoins le principal et premier objectif d’Ottmar Hitzfeld est de mettre fin au FC Hollywood. Si sur le plan sportif il arrive à refaire du Bayern une machine à gagner avec notamment une quatrième C1 acquise en 2001, en interne, l’entraineur suisse doit subir quotidiennement le FC Hollywood.
Une grande partie de son travail consistait ainsi à gérer les egos des stars bavaroises. Une méthode stricte qui passait notamment par l’appel de détectives privés afin de surveiller les consommations de bières des joueurs et aussi par le rappel des bases de la vie en groupe. À titre d’exemple, Ottmar Hitzfeld sanctionnera Oliver Kahn en raison d’un départ trop précipité lors de la fête de Noël organisée par le club. L’ancien sélectionneur de la Suisse déclarera quelques années plus tard : « Il fallait que je fasse un exemple pour que chacun au club sache comment se comporter. Sinon, ce club va devenir un asile de fous. »
D’autres tensions légendaires donnent lieu à des bagarres quotidiennes aux entrainements. Ce fut le cas entre Lothar Matthaus et Bixente Lizarazu en 1999. Le champion du monde français s’en était pris au Bavarois après que ce dernier ait eu un mauvais comportement avec le reste de l’effectif. L’ère Ottmar Hitzfeld fut une réussite sur le plan sportif mais le FC Hollywood persista. En 2004, l’entraineur suisse part de Bavière épuisé et refuse même un poste de sélectionneur de la Nationalmannschaft qui lui était promis. Lors d’une interview dans So Foot en 2015, il se confiera sur son expérience munichoise :
« Mario Bassler était le plus fou. Il s’est battu en discothèque. Il y a eu Effenberg qui s’est fait suspendre son permis par la police parce qu’il s’est fait arrêter alors qu’il conduisait en léger état d’ébriété. Il y a eu Elber et Pizarro qui rentraient de vacances trop tard. Et puis, il y a eu cette photo de Matthaus au ski alors qu’il était en convalescence. Pas besoin d’en dire plus, pas vrai ? ».
Après l’ère Ottmar Hitzfeld, l’esprit du FC Hollywood perdurera. En 2007, Uli Hoeness se dispute avec une partie des supporters après la mise en place des VIP à l’Allianz Arena. Lors de la saison 2008/2009, le passage de Jurgen Klinsmann sur le banc munichois tourne au fiasco alors que celui-ci voulait mettre en place une méthode américaine dans l’approche des entrainements. Sans oublier les quelques heurts entre Franck Ribéry et Arjen Robben aux entrainements.
Faisant partie intégrante de l’histoire du club, la décennie FC Hollywood du Bayern Munich a laissé une trace conséquente. Aujourd’hui encore, son ombre plane à la moindre dispute entre dirigeants. Comme ce fut le cas entre Julian Nagelsmann et Hassan Salihamdzic pas plus tard que la saison dernière.
Sources :
- Brossier Aurélien, Bagarres, ego et infédilité… comment est né le « FC Hollywood », le surnom du Bayern Munich, RMC Sport, avril 2021.
- Carmichael Charlie, « If I stay, I’ll die” : Giovanni Trapattoni and the mad Bayern Munich years, thesefootballtimes, avril 2020.
- Godon Pierre, Sexe, baston et biftons, la vie dissolue du FC Hollywood, FranceInfo sport, mars 2012.
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