Véritable baroudeur des championnats français, Fabrice Abriel représente l’archétype du joueur apprécié partout où il est passé : humble, travailleur et performant. Retour sur une carrière au plus haut niveau dans l’Hexagone, racontée par un homme qui n’a jamais rien laissé au hasard.
Tu es né à Suresnes, as grandi en Île-de-France, est formé au PSG… Avant même d’évoquer d’autres sujets, on se dit que le Paris Saint-Germain est forcément ton club de cœur ?
Et pourtant non. Quand on est débutant, quand on est enfant, on prend le football comme un jeu donc on a pas forcément des ambitions ou des projets. Comme j’habitais à cinq minutes du Camp des Loges, j’ai postulé pour entrer dans ce club en 1989, donc pour mes 10 ans. Du coup, lorsque l’on porte le maillot du Paris Saint-Germain, surtout chez les jeunes, on voit beaucoup d’attentes et on sent que c’est déjà un club important en Île-de-France comme en France chez les jeunes. On commence alors à bien l’aimer et puis j’y suis resté quand même jusqu’en 2001, donc quasiment douze ans de ma vie.
Tu effectues tes débuts chez les professionnels en 2000, lors d’une saison réussie pour le PSG. A l’époque, l’entraîneur, Philippe Bergeroo, fait beaucoup confiance aux jeunes. Comment se passent tes premiers mois dans le monde pro ?
Quand j’ai commencé en pro, j’avais déjà intégré le groupe sans avoir le contrat. Parfois, ils forment des passerelles entre les jeunes et les professionnels et j’ai été appelé pour la première fois sous le retour de Denis Troch et Arthur Jorge, donc il me semble que c’est en 1998-99. Et c’est vrai qu’à l’époque, effectivement, on commençait à voir beaucoup de jeunes intégrer l’équipe première.
La saison suivante, par contre, c’est beaucoup plus compliqué avec l’arrivée de Luis Fernandez, non ?
Ce n’est pas que c’est compliqué, c’est qu’un jeune joueur a besoin de continuer sa formation même en professionnel. Il y a deux projets de jeu que les clubs ont : un projet de formation, comme on peut le voir à Nantes ou à Auxerre, à l’époque, aujourd’hui à Nice où beaucoup de jeunes joueurs font partie intégrante de l’équipe première, et il y a un projet de compétition, comme le Paris Saint-Germain, comme beaucoup de grands clubs, qui se doivent de gagner toutes les compétitions, donc tous les matchs. Donc pour faire de la formation, il faut du temps, et Luis Fernandez quand il est arrivé, c’était plutôt dans une situation d’urgence, en cours d’année. Il fallait absolument continuer à être qualifié en Ligue des Champions, donc on visait le podium et on essayait de gagner des titres, parce que le club avait beaucoup investi avec le retour de Nicolas Anelka, et par la suite Ronaldinho, Gabi Heinze, etc. Ce n’était pas le club qui me correspondait à ce moment-là pour continuer à progresser, à évoluer.
Tu arrives donc en prêt au Servette FC, en Suisse, où tu es entraîné par Lucien Favre. Comment ça se passe de l’autre côté des Alpes ?
Être en Suisse à 19-20 ans, c’est une première expérience : première expérience en dehors de mon club formateur, première expérience sociale à l’étranger. J’ai la chance de rejoindre Genève, qui est une des villes francophones suisses et le club y est dirigé par Lucien Favre, qu’on a vu évoluer au Borussia Dortmund et à Nice. Il m’a beaucoup appris aussi et j’ai la chance, surtout, de gagner mon premier titre, la coupe de Suisse tout en finissant deuxième du championnat. C’était assez enrichissant sur le plan personnel et puis sur le plan footballistique aussi donc clairement une bonne chose d’être prêté à ce moment-là.
Favre prônait-il déjà le même football qu’aujourd’hui ?
Toujours pareil. Avec un jeu au sol, avec des sorties de balles, avec son 3-4-3 et ses trois défenseurs. Il utilisait déjà beaucoup la vidéo, ligne par ligne et avait des idées bien précises sur son football. Quand il arrive à Nice, je n’étais pas du tout surpris par son modèle de jeu.
A ton retour de Suisse, le PSG décide de t’envoyer à Amiens. Pourquoi à ce moment-là de ta carrière ? Pourquoi Amiens ?
J’avais fini le 18 juin la saison il me semble donc plus tardivement que Paris. Et nous (le PSG, ndlr) on était qualifiés pour la Coupe Intertoto avec Luis Fernandez. Il m’a rappelé pour que je fasse le début de saison avec eux, notamment ces matchs-là, qu’on a gagné. Juste avant de reprendre le championnat, fin juillet – début août, je rejoins le club d’Amiens. C’est Denis Troch le coach, l’entraîneur qui m’a fait monter des jeunes avec les pros quand il était au Paris Saint-Germain, deux ou trois ans avant. Amiens venait de faire une finale de Coupe de France contre Strasbourg (victoire des Alsaciens, 5-4 aux penalties, ndlr) et venait de monter en Ligue 2. On s’était parlé avec Denis Troch, on voulait retravailler ensemble dans le futur et lorsque l’occasion s’est présentée, on a sauté sur l’occasion.
C’est compliqué de devoir rebondir en seconde division après avoir fait ses débuts en L1, qui plus est au PSG ?
Oui, c’est la sensation qu’on a. Souvent, les joueurs du PSG, c’est un peu une problématique qu’ils rencontrent : on a toujours peur de quitter le confort de Paris et la notoriété, le fait de jouer avec des stars, d’être toujours sur le devant de la scène… Mais il faut savoir qu’un jeune joueur, pour progresser, il a besoin de jouer, de temps de jeu, parce que c’est comme ça qu’on apprend. On progresse en faisant des bons matchs, en faisant des mauvais matchs, en rectifiant, et surtout, en ayant la possibilité de re-refaire. Du coup, c’était facile, parce qu’il m’a tout de suite installé dans le 11 titulaire, et derrière, j’ai fait, je crois, 37 matchs cette saison-là.
A l’issue du prêt, tu fais le choix de rester à Amiens malgré d’autres propositions. Pourquoi ?
Oui j’avais d’autres propositions, mais j’avais bien aimé la simplicité du club et surtout la bonne ambiance avec les joueurs, alors j’ai préféré m’inscrire dans la durée avec eux, sur trois ans. Et au final, j’ai pu faire plus de cent matchs de Ligue 2 et prendre du plaisir, marquer des buts, faire des passes décisives, être dans les équipes-types… Me montrer un peu. Je savais qu’il fallait être patient, et construire sa carrière en passant des paliers, mais tranquillement, sans se précipiter.
Deuxième saison à Amiens et tu es élu dans l’équipe-type de L2. Malgré tout, tu décides de signer à Guingamp, qui est aussi en L2, plutôt que dans un club de L1. De l’extérieur on peut trouver étonnant ou du moins à contre courant des pratiques habituelles.
Je ne saute pas le pas parce qu’il n’y a pas de projet concret qui va me permettre de pouvoir continuer à progresser. Pour moi un projet c’est d’abord un projet de jeu mais aussi le discours de l’entraîneur et le contrat. J’avais déjà un très beau contrat à Amiens, et, en fait, le fait d’aller à Guingamp… Ils venaient de descendre de Ligue 1, donc je savais que l’ambition était de jouer le haut de tableau de Ligue 2, et pourquoi pas remonter dans la foulée, faire l’ascenseur. C’était déjà un projet où on fait face à une pression différente puisque c’était Noël le Graët qui était président. Il avait mis beaucoup de moyens, et j’en faisais partie d’ailleurs, pour remonter. Donc, pour moi, c’était bien de jouer les premiers rôles parce que c’est vrai que jouer le maintien, ou jouer le milieu de tableau, c’est une pression différente que de jouer la montée. Jouer pour gagner tous les matchs, c’est différent et j’avais besoin de le vivre à l’échelon inférieur avant de pouvoir continuer à évoluer en Ligue 1.
On parlait d’une proposition de l’OGC Nice à l’époque, non ?
J’avais Nice, Metz, et Caen, trois clubs qui étaient remontés de Ligue 2 en Ligue 1, mais aussi des offres à l’étranger et Lens aussi était venu. Quelques club s’intéressaient à moi, mais bon, j’étais encore jeune donc j’avais le temps. Et il faut savoir aussi une chose : la différence entre aujourd’hui et “avant” c’est que les matchs étaient moins télévisés. Aujourd’hui, on voit tous les matchs de Ligue 2 mais là, on ne voyait que l’affiche. Mon objectif c’était de passer les paliers en France et d’aller le plus haut possible, c’est-à-dire jusqu’au titre de champion de France. Il y a plus de médias aujourd’hui, donc tous les joueurs sont référencés avec toutes les applications, les statistiques… Aujourd’hui, c’est vrai qu’on voit moins un joueur prendre son temps pour monter en première division puisqu’il est tout de suite repéré. Il y a moins de construction de plan de carrière, ça va beaucoup plus vite.
Comme tu l’as dit, tu rejoins un club qui joue le haut de tableau en Ligue 2 en arrivant à Guingamp. Malgré tout, tu ne réussis pas à remonter en Ligue 1. C’est une déception à l’époque ?
Oui, c’était un challenge mais on apprend aussi beaucoup. On apprend que pour monter, il ne suffit pas de mettre uniquement les moyens financiers, il faut aussi créer une cohésion de groupe, une synergie entre les joueurs. Ajouter les meilleurs joueurs sans qu’ils aient une alchimie entre eux, une harmonie, au final, ça ne fait pas de toi les plus forts. Et il y avait des équipes qui avaient moins de budget mais avec aussi un supplément d’âme, on va dire, mais un talent équivalent et qui ont réussi à grimper à l’étage. Donc c’était un bon apprentissage sur le fait que les moyens, au final, ce ne sont que des outils, ça vous facilite les choses, mais au final, tout le reste est à construire.
Il n’y avait pas cette alchimie à l’époque, à l’EAG ?
On a eu du mal à créer du jeu… On n’est pas passé loin de la montée la première année, mais on avait pas gagné un match à l’extérieur, et ça veut dire que, quelque-part, on manquait de savoir-faire et de caractère. Et ça alors qu’on avait quasiment – sur 19 matchs à domicile – 15 victoires ! On n’avait perdu qu’un match et on avait fait trois nuls. Quand tu as des stats comme ça, ça veut dire qu’à domicile tu as beaucoup de confiance et qu’à l’extérieur, tu manques cruellement de caractère.
La suite de ta carrière t’emmène à Lorient, avec Christian Gourcuff. Comment se déroule ta signature ?
Christian Gourcuff voulait que je vienne à Lorient déjà 5 ou 6 ans auparavant, quand j’étais au Paris Saint-Germain. J’avais fait un match amical contre Lorient avec le PSG. On était près d’Orléans, en préparation, l’année de la Ligue des Champions (pour la saison 1999-2000, ndlr). J’avais fait un bon match contre eux, et ils voulaient absolument que je vienne, mais le PSG ne m’a pas laissé partir lors de l’été. Lorsque Christian Gourcuff est remonté avec Lorient en 2006, il m’a tout de suite appelé, il était intéressé pour que je vienne. Et, forcément, lorsque vous avez l’entraîneur qui vous veut absolument, vous savez que vous avez quasiment les cartes en main. Ca veut dire que vous allez commencer la saison, qu’il va s’appuyer sur vous et qu’ensuite les performances décideront. Donc pour apprendre en Ligue 1, pour recommencer en Ligue 1 même, ce qui était bien, c’était de monter avec un club de Ligue 2 pour qui on avait joué. On a tous un peu vécu la même chose l’année d’avant, en termes d’égos ça se déroule mieux et tu sais que les efforts, tu dois les faire ensemble. Le projet de jeu de Christian Gourcuff, qui était un 4-4-2 avec un jeu assez fluide et une intelligence collective, m’avait beaucoup plu. Comme il a vu que je comprenais bien tout ce qu’il demandait, on a pas eu tant de discussions mais ça a été très fluide pendant trois ans.
Le fait d’être élu deux fois Merlu d’Or (joueur préféré des supporters lorientais), ça a vraiment compté pour toi ?
Bien sûr, ça reflète un petit peu le retour de l’investissement sur le terrain. On a bien senti que je donnais tout pour ce club, que j’avais de la qualité et que je m’étais inscrit dans la durée, surtout pour la régularité par rapport à mes performances. Je crois vraiment que c’est ce qu’un sportif de haut niveau doit rechercher : être bon tout le temps et le plus longtemps possible. Donc le fait d’être élu Merlu d’or, j’avais fait aussi la Licorne à Amiens, ça veut dire que les supporters apprécient votre jeu et votre investissement pour l’équipe, ça ne peut que compter.
C’est la période où vous vous sentiez le plus épanoui dans votre carrière ?
C’est une période où j’arrive, vous avez pu le voir, un peu à maturité de jeu, déjà, et de vie. Je me suis marié à Amiens, j’ai eu mon fils qui est né à Amiens et ma fille à Lorient, donc j’arrive avec deux enfants, j’ai déjà fait 5, 6 ou 7 ans de pro, en ayant vécu plein de choses, déjà, et beaucoup de temps de jeu, surtout. Oui, clairement, j’arrive à maturité, je me sens bien dans mon jeu, et puis on va dire que le projet de jeu de Christian Gourcuff collait bien à ce que j’aime dans le football. Donc, du coup, c’est l’histoire d’une rencontre.
Il manquait quelque-chose à Lorient selon vous pour passer un cap et arriver à faire, comme on le voit aujourd’hui avec Reims, Montpellier, des équipes qui ont moins de budget et qui arrivent à accrocher ou truster des places proches de l’Europe ? Ou ce n’était pas possible et il y avait vraiment un obstacle qui était trop grand à sauter pour le club ?
Ouais, c’était trop grand et on le voit encore aujourd’hui : le club n’a pas encore l’étoffe de s’inscrire dans le haut du classement. Il y a deux choses pour expliquer ça : à Lorient on a des spectateurs, on a pas des supporters. On a des spectateurs, dans le sens qu’ils sont très… comment dire … (il hésite) Très connaisseurs du beau jeu ! Ils applaudissent sur des actions où dans d’autres stades, on n’applaudirait pas. Ils ont été éduqués avec le jeu de Christian Gourcuff en fait. Et à un moment, on a besoin, pour passer des paliers, du « 12ème homme », d’une ferveur et même d’une passion débordante qui permette aux joueurs, à l’équipe, de sentir qu’aujourd’hui on se doit d’être dans le dépassement de soi. Être dans le dépassement de soi, c’est pas forcément naturel, un sportif n’est pas toujours capable d’aller dans cette zone « irréelle ». Le public vous aide aussi et vous fait sentir qu’on joue le haut de tableau. Voilà, il y a aussi ce côté passionnant ! Et puis il y a l’histoire du club… Quand vous prenez Reims, vous prenez une histoire et même si ça fait longtemps, ils sont capables, aujourd’hui, de bien travailler et de s’appuyer sur des choses qu’ils ont déjà réalisées. Pour Montpellier aussi, ils ont été champions de France en 2012, donc ils ont vécu, il n’y a pas si longtemps que ça, un titre majeur. Lorient, en Ligue 1, est encore un club qui a peut-être 10-12 ans d’histoire il me semble. Ils ont une formation aussi, qui marche bien, ils s’appuient aussi là-dessus. Je ne les vois pas, demain, changer leur modèle économique et acheter des joueurs, payer beaucoup de joueurs très cher parce que ce n’est tout simplement pas viable pour Lorient. Voilà, c’est tout un contexte. Et je pense que, pour aller là-haut, vous le voyez quand on a les statistiques, quand on regarde un peu ce qui est travaillé dans l’économie du sport, on voit bien que les équipes qui ont le plus gros budget se retrouvent souvent en haut du classement à la fin.
Rétrospectivement aussi, même si vous n’étiez plus là à ce moment-là, on se dit que le départ de Christian Gourcuff a fait beaucoup de mal au club, non ?
Le départ de Christian Gourcuff est conditionné par un changement de contexte avec l’arrivée de Loïc Féry. C’est un ancien trader de la City qui a une vision financière et économique de l’entreprise qu’est un club de football. Il a certainement oublié à ce moment-là que l’humain faisait partie de ses actifs au niveau comptable. Forcément, quand on raisonne économique avant sportif, on loupe quelques informations et on déséquilibre un petit peu son équipe. L’exemple, c’est le départ de Lemina, qui n’a fait que 6 mois, ou de Guendouzi. Beaucoup de joueurs avaient commencé avec les pros et n’ont jamais fait deux ou trois ans au club. Nous, à l’époque, on faisait plusieurs saisons avant d’être vendu. Un Kevin Gameiro, quand il est venu, il a fait ses trois ans. Il y a Laurent Koscielny qui a fait un an, qui est parti à Arsenal mais c’est parce que c’était une offre qui ne se refuse pas. Sinon, Lorient a toujours su garder ses joueurs quelques temps : Gignac, Amalfitano ou d’autres joueurs comme Morel, Jallet ou Ciany… On a tous fait trois ans, quasiment !
Avec Lorient, vous étiez un joueur majeur d’une équipe de milieu de tableau. Rejoindre l’OM, c’était la suite logique de votre planification de carrière ?
Pour moi c’était surtout retrouver la Ligue des Champions, que j’avais quitté avec le Paris-Saint-Germain. Parce que je pense qu’en termes de qualité de jeu, j’étais arrivé à un aboutissement avec Lorient : on avait un super jeu donc c’était difficile de faire mieux. En termes de temps de jeu aussi, pareil, j’ai quasiment joué toutes les minutes à tous les matchs, donc pour moi, le projet suivant devait continuer à m’apprendre mon football et me mettre en danger. C’était surtout ça, sortir de ma zone de confort, aller dans une équipe qui joue la Ligue des Champions, avec beaucoup de concurrence, et qui, à la fin, était capable de remporter des titres. Et comme je n’avais pas Lyon à cette époque… Bordeaux, que j’avais eu six mois avant, n’était pas revenu, donc Marseille c’était le seul club qui jouait la Ligue des Champions et qui était capable de m’apporter ce que je souhaitais.
On aurait pu penser, à l’époque, que c’était le moment parfait pour partir vers les clubs étrangers qui étaient intéressés, non ?
Je voulais vraiment arriver au bout de ce championnat de France que j’aime beaucoup et qui est, pour moi, très varié et très complet. En Ligue 1, le dernier peut gagner contre le premier, d’une journée sur l’autre, on a des équipes qui jouent en bloc bas défensivement, qui ont une possession de balle comme le PSG ou encore des jeux de transitions. Donc c’est vachement enrichissant, pour un joueur, de pouvoir vivre tous les week-end un scénario différent. Le championnat allemand, on y mise beaucoup sur la transition, c’est-à-dire que c’est de l’attaque-défense. L’Angleterre, pareil, beaucoup d’efforts physiques, beaucoup d’engagement notamment sur le plan des courses. Le championnat italien est beaucoup plus tactique et le championnat espagnol, beaucoup plus technique. Du coup je trouve que dans le championnat français, on est trop souvent en train de regarder ailleurs et de se dire : « ouais mais on n’arrive pas sur les finales européennes« . On regarde toujours ce qu’il se passe ailleurs, mais je trouve que le championnat de France est bien varié !
En tant que joueur formé au PSG, c’est toujours compliqué de signer à Marseille ? Quel fut l’accueil des supporters de l’OM ? Des supporters du PSG t’en ont voulu ?
Non, moi je raisonne simplement avec le cerveau, c’est à dire que j’avais besoin d’un projet de haut niveau et le PSG à cette époque là ne jouait pas le haut niveau. Ils étaient en train de se reconstruire, ils avaient même failli descendre avec Paul Le Guen, c’était très compliqué. Du coup, j’ai raisonné sur le plan sportif, uniquement sur le plan sportif et pas sur le plan émotionnel ou personnel. C’était vraiment sur le plan sportif qu’était ma priorité : quel était le projet qui pouvait m’apporter une évolution, une progression ? Forcément, je l’avais ciblé et j’y ai été tardivement, le 18 juillet je crois. Donc ça a pris un peu de temps, mais au final, je ne regrette pas parce que j’ai pu accéder à ce que je voulais. Non, vraiment, j’ai été super bien accueilli et tout le monde m’a souhaité la bienvenue. En fait, je crois que c’est le fait d’être passé par Amiens, Guingamp, Lorient pendant quelques années qui a fait qu’ils ne m’avaient pas identifié comme un joueur du Paris Saint-Germain. Ils savaient que j’étais formé au PSG mais ils ne m’avaient pas identifié comme tel vu que je n’avais pas joué plusieurs « classicos » contre l’OM. J’arrive aussi en même temps que Gabi Heinze et Édouard Cissé qui, eux deux par contre, étaient plus ciblés Parisiens, ce qui fait que, moi, médiatiquement, je suis passé un petit peu entre les gouttes.
Grosse concurrence au milieu avec Cheyrou, Edouard Cissé, Mbia, Lucho Gonzalez … Comment on l’aborde quand on est Fabrice Abriel ?
Une énorme concurrence même ! Mais je savais que pour gagner le titre, ce n’était pas possible de jouer tous les matchs. Il fallait avoir une profondeur de banc, il faut avoir de la qualité sur tous les postes mais aussi sur le banc. Donc, moi en tout cas, j’étais préparé à ça, et c’est surtout pour ça que je suis venu. Si j’avais voulu continuer à jouer toutes les minutes, je serais resté à Lorient, il me restait même trois ans de contrat. Non, j’ai voulu me mettre en danger, j’avais besoin aussi de me confronter aux autres. Et l’année d’avant, j’avais marqué au Vélodrome, on avait gagné 3-2 avec Lorient, j’avais marqué aussi à Lyon, j’avais marqué à Lille… Je me sentais super bien, en fait. J’avais marqué contre Monaco, j’avais marqué contre tous les gros. Donc tout le monde me connaissait et je crois que même les joueurs avaient envie de me voir évoluer dans un club plus haut, pour voir si j’avais toujours le même niveau. Sur ma première saison à Marseille, j’ai joué, de mémoire, 52 matchs sur les 55. Je ne suis pas titulaire indiscutable mais pas trop discutable non plus. (Fabrice Abriel jouera 47 matchs officiels avec l’OM en 2009-2010, ndlr).
Il est difficile de parler de l’OM pendant cette période sans évoquer l’un des plus beaux matchs de l’histoire de la Ligue 1, ce 5-5 contre l’OL, où vous êtes titulaire.
Sur ces dix dernières saisons il a été élu match de la décennie ! On va dire que c’est plutôt un match pour les supporters, sur le plan émotionnel, pour le scénario, avec beaucoup d’imprévus et un rapport fort entre les supporters qui peuvent se chambrer quand on est menés et quand on mène. Pour ça, c’est sûr que c’était pas mal. Mais nous, sur le terrain, on joue un match et on a l’impression qu’on ne peut pas le perdre, ça c’est une évidence, on se sentait tellement fort offensivement qu’on avait ce ressenti. Et, au final, ce qui nous fait revenir à la réalité, c’est le discours du coach, de Didier Deschamps, qui nous dit : « Mais, on peut pas faire le match qu’on a fait défensivement, c’est limite une faute professionnelle« . Imaginez que pour ramener un point, il faut, à chaque fois, marquer 5 buts, vous réalisez ? Normalement, un ou deux buts ça suffit à l’extérieur et puis on ferme. Et là, on était parti sur 5-5 ! C’est beaucoup d’énergie pour un point. Donc ouais, Deschamps a bien gueulé. Mais après, dans la zone mixte, quand on arrive avec les journalistes, ils étaient tous heureux. Je pense que ça a un petit peu atténué tout ça et, de toute façon, on est passé à autre chose derrière, parce que c’était un mois où on avait enchaîné tous les trois jours, il me semble, avec la Ligue des Champions, notamment.
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Quand tu es sur le terrain et que tu égalises dans le temps additionnel, tu as l’impression de participer à un match qui est historique ?
Non, on est à la fois énervé et soulagé de ne pas avoir perdu ce match. C’est surtout ça : à 4-3, on le tenait. A 3-2, 4-2, on tenait le match. Et puis, à un moment donné, on ne sait pas ce qu’il se passe et on perd le fil. Il y a des matchs, comme ça, où on perd le fil. On essaye de toujours maîtriser les choses, les évènements, les phases de jeu, le ballon. Il y a des matchs où c’est comme ça… Il faut les vivre comme ils sont, comme ils se présentent. Et puis, derrière, il y a quasiment rien à retenir de ce match sur le plan footballistique.
Il devait être bizarre à analyser, dans les jours qui ont suivi…
Je dirais même qu’on ne l’a pas analysé du tout, c’est clair. Ça a fait beaucoup de bruits dans la presse, tout le monde était heureux, tout le monde était content, tout le monde était satisfait, d’avoir un match avec beaucoup de buts. Nous, sur le plan comptable, on prend un point à l’extérieur, bon, c’est pas trop mal quand c’est à Lyon… Mais ce qui est énervant pour le coach, c’est surtout de mener 4-2 à 20 minutes de la fin et de quasiment être perdant dans les arrêts de jeu. Dans les arrêts de jeu, je peux vous dire que ça faisait la gueule sur le banc (rires)… Je ne me souviens pas de tous les messages, mais ça a fait beaucoup de bruits. Après, on est des sportifs de haut niveau, c’est-à-dire qu’on ne reste pas longtemps sur un match et on est obligé de switcher émotionnellement sur le prochain. Forcément, quand on joue tous les trois jours, il faut se replonger. Moi, c’est un mois de novembre où je crois que je suis joueur du mois à la Ligue parce que j’avais fait trois passes décisives dans ce match-là, j’avais marqué, il me semble, contre Nancy et j’avais fait doublé à Zurich en Ligue des Champions… C’était un mois plutôt pas mal, avec une passe décisive dans le Classico, Octobre-novembre, c’était quasiment mon plafond.
Le titre, c’est le plus grand accomplissement de ta carrière ?
On va dire que le titre de champion de France récompense un savoir-faire de dix mois, c’est différent d’une Coupe de France ou d’une Coupe de la Ligue, où on commence en janvier ou d’une Coupe de la Ligue où tu vas faire quatre matchs pour arriver à un titre. Là, c’est vraiment un marathon, c’est long, c’est beaucoup d’entraînements, des matchs pas toujours simples, des périodes où on passe par des moments compliqués puis des moments de joie et puis après, c’est de nouveau compliqué… Et à un moment donné, on ne sait pas ce qu’il se passe, on finit et on est premier. On est champion alors que ce n’était pas prévu ! Le scénario du match, le jour où on est champion, c’est contre Rennes et si Bordeaux ne fait pas match nul ou ne perd pas, on n’est pas encore sacré. C’est à dire qu’on n’était pas préparé nous, on a fait ce qu’on avait à faire, et puis la bonne nouvelle arrive à la 95ème. Cinq minutes après le match c’est le feu d’artifice ! C’était tellement improbable, en février on s’était même parlé, entre nous, pour se dire qu’il fallait arrêter de parler du titre tellement on faisait n’importe quoi en match…
En plus, Bordeaux possédait quand même une sacrée avance à la mi-saison avant de craquer totalement en deuxième partie.
12 points ! Ils avaient 12 points. Ils ont complètement lâché, on ne sait pas ce qu’ils ont fait. Ils ont complètement lâché car on les a joués en finale de la Coupe de la Ligue, ils avaient la tête à l’envers. Je sais que quatre jours après, ils jouaient un quart de finale de Ligue des Champions contre Lyon, ils l’ont perdu aussi. Ils ont perdu le fil, et ensuite, nous n’étions jamais très loin d’eux, parce qu’on avait toujours un ou deux matchs de retard. Eux, ils avaient un match de retard, nous on en avait deux. Au final, quand on a gagné notre match de retard, on est passé devant et on est resté en tête jusqu’à la fin. Mais c’était comme si on sortait du tunnel et qu’on voyait la lumière. A un moment donné, quand on voyait la lumière, c’était quasiment terminé. On avait la tête dans le guidon pendant longtemps. Je me souviens, c’était une saison, avant 2010 et donc avant la Coupe du Monde, on jouait tous les trois jours pendant deux mois, c’était non-stop… On n’avait même pas le temps de regarder ce qu’on avait fait, ou les résumés… Rien. On a enchaîné, après on a fait la finale de Coupe de la Ligue, je crois que c’était fin mars, ou en avril, je sais qu’on était aussi en quarts de finale de l’Europa Ligue contre Benfica. On jouait beaucoup de matchs, et beaucoup de compétitions différentes. C’était fou…
C’est aussi cette saison que tu découvres la Ligue des Champions !
Je n’y avais pas participé au PSG parce que j’étais sur le banc, mais j’avais déjà préparé les matchs, quoi, j’avais déjà vu la Ligue des Champions. Donc, j’étais préparé, si vous voulez, à l’organisation que demande un tel match, avec la concentration, avec l’investissement, l’engagement… Après, quand on se retrouve titulaire, ça reste du football déjà, par contre le niveau est clairement plus élevé. C’est surtout le niveau de technique et de concentration, nécessaire, qui est très élevé : tout le monde joue et fait ce qu’il doit faire. Voilà, comparé à en amateur ou en jeunes, parfois vous demandez le ballon dans une zone, elle arrive derrière, vous demandez sur le pied gauche, elle vous arrive en l’air… Alors qu’en Ligue des Champions, vous la demandez à un endroit et elle arrive de-suite, parfois même si vous ne l’aviez pas demandé ! (rires)
Tu joues moins pendant ta deuxième saison là-bas, comment l’expliquer ?
Oui je joue moins parce que Didier Deschamps avait la volonté d’installer Lucho. Et je crois qu’on avait recruté Alou Diarra, donc la deuxième année était moins… Je ne sais pas, il y avait aussi eu des guerres de clans avec José Anigo, tout ça, il s’est passé plein de petites choses comme ça qui ont fait que j’ai moins joué. Mais ça reste quand même une époque où on gagne encore une Coupe de la Ligue, on gagne le Trophée des Champions : ça reste une saison importante ! Après, une fois qu’on a gagné les titres, il fallait reprendre du plaisir, repartir dans un club encore plus sain… Parce que, dans les grands clubs, les relations humaines ne sont pas faciles. Il y a beaucoup de choses qui se passent, donc je voulais retrouver un club un peu plus familial, un peu plus sain, et j’ai signé à Nice.
Pourquoi avoir choisi Nice à ce moment de votre carrière, alors que le club t’avais déjà fait plusieurs propositions ?
Déjà parce que c’était la Côte d’Azur, donc en termes de déménagement, je n’étais pas trop loin. Le Sud aussi, par rapport au climat, le soleil, la qualité de vie, pour mes enfants, c’était bien aussi. Moi, j’avais 32 ans et ils me proposaient un contrat de trois ans, ce qui m’amenait vers mes 35 ans. Pour ma dernière année, je ne perdais pas d’argent car j’avais bien négocié avec Marseille pour partir. Le projet de Nice, qui était de retrouver la coupe d’Europe, m’intéressait aussi, avec un changement de président, Jean-Pierre Rivière, et un projet de jeu ambitieux. L’idée c’était de faire partie de ce projet, c’est pour ça qu’ils sont venus me chercher. Il y avait beaucoup de choses réunies, mais c’est vrai que le club était en mutation. Il fallait changer beaucoup de choses, et quand vous changez beaucoup de choses d’un coup, forcément, ça fait du bruit. Il fallait être patient aussi. Au final, la deuxième année, on a réussi à se qualifier pour les tours préliminaires de la Ligue Europa, puis après, Nice a réussi à se qualifier pour les tours préliminaires de la Ligue des Champions, faire la Ligue Europa plusieurs fois… Voilà, ça serait bien qu’ils gagnent un titre maintenant. Une coupe, ça serait bien, c’est la prochaine étape pour eux.
Sur tes trois saisons à Nice, tu as tout connu : une première saison en deuxième moitié de tableau, une deuxième ou vous finissez 4e à trois points du podium, et une dernière ou vous finissez 17e, en assurant le maintien à la 36ème journée… Comment expliquer une telle inconstance pour cette équipe d’une saison à l’autre ?
Notre projet c’était l’intégration des jeunes, donc forcément, ils sont instables dans la performance. Lancer des jeunes, c’est une chose, mais avoir des résultats sur le long terme, c’en est une autre. C’est pour ça que je disais tout à l’heure qu’entre un projet de formation et un projet de compétition, c’est deux choses particulières. Le projet de formation demande du temps, c’est pour ça que la troisième année, avec Bosetti, Neal Maupay, Koziello, Cardinal, on a eu des résultats cycliques. Au final, c’était très formateur, ce qui fait que deux ans après, avec l’arrivée de Lucien Favre, puis de Claude Puel avec Hatem Ben Arfa, le club a réussi à arriver dans les trois premiers, à une place historique.
C’était nécessaire quelque part, pour le projet, d’avoir cette saison difficile ?
Oui, il fallait passer par là parce que les jeunes apprenaient par le jeu. On s’est sauvé, mais on s’est sauvé tranquillement… Enfin, « tranquillement », c’est vrai qu’il y a eu des moments de tension, parce que beaucoup de jeunes jouaient, et notamment les enfants de Claude Puel. C’est surtout ça qui avait ajouté une tension au manque de résultats. Mais sinon, nous, à l’intérieur, on le vivait bien parce qu’il traitait ses enfants comme il traitait les autres jeunes. Ça nous semblait totalement naturel… Mais pour les supporters, qui mettent des fois une pression sur le club, ils voulaient voir autre chose. On prenait sur nous, on protégeait tous les jeunes joueurs, y compris Grégoire et Paulin. Et on essayait de faire le maximum pour avoir des résultats, peu importe ce qu’il se passait car la seule façon d’éteindre le feu, c’était d’avoir des résultats.
C’était aussi ton rôle de protéger ces jeunes, en tant que vétéran de l’équipe à ce moment-là ?
Oui, avec Bodmer, Digard, Ospina, on était un petit peu la « colonne vertébrale » de cette équipe. Il y avait Dario Cvitanich, aussi, qui avait 28-29 ans. Moi, j’ai vu beaucoup de joueurs comme Nampalys Mendy, Valentin Eysseric, Kolodziejczak… C’étaient des jeunes joueurs jeunes qui avaient besoin de nous. Ils avaient besoin du coach mais ils avaient aussi besoin de nous sur le terrain. Quand vous êtes à côté des joueurs qui ont envie de vous transmettre et de vous apprendre le métier, vous accélérez votre formation.
Tu pars ensuite à Valenciennes. A ce moment-là, il n’y avait pas d’opportunité pour partir vers une destination plus “exotique” ?
Ce n’est pas très intéressant l’exotisme. Moi, je suis quelqu’un d’assez « travailleur », on va dire. J’ai eu la Tunisie qui est venue, un peu, le Moyen-Orient, la MLS… La MLS, c’est intéressant pour Zlatan, pour Thierry Henry, parce que tout autour du football, il y a ce qui est sponsoring, partenariats, business… David Beckham c’est bien pour lui ! (il sourit) Mais pour des joueurs comme moi, qui n’ont pas joué en Angleterre, qui ne sont pas identifiés comme « internationaux », « Coupe du monde », c’est pas intéressant. La seule chose pour laquelle c’est tentant, c’est pour que les enfants apprennent l’Anglais ! C’est tout. Sur le plan financier, c’est pas du tout intéressant, surtout à New York, vous gagnez pas d’argent parce qu’il y a un salary-cap, c’est plafonné. C’est une aventure humaine, c’est tout. Et moi, dans l’idée de signer à Valenciennes où j’ai signé pour 3 ans, donc jusqu’à mes 38 ans, c’était surtout pour entamer une reconversion.
Tu savais déjà que ça serait ton dernier club ?
Oui. Déjà, à Nice, j’allais arrêter. J’ai pris le temps de la réflexion et au bout d’un mois, ma mère et ma femme m’ont dit que je tournais en rond, qu’il fallait que je bouge ! (rires) Je crois qu’elles ne voulaient pas me voir à la maison !
On en parle assez peu mais tu as aussi eu une expérience avec l’équipe de France. Mais pas celle qu’on connaît le plus, avec l’Equipe de France militaire.
Après Valenciennes, quand j’ai arrêté, la sélection militaire m’avait appelé parce qu’ils préparaient la Coupe du Monde et les Jeux Mondiaux militaires (l’équivalent des Jeux militaires, ndlr). Il y avait une aventure humaine, on partait en Corée du Sud puis à Oman. Il y avait une qualification, donc j’ai commencé en tant que joueur, puis j’ai fini en tant que sélectionneur, tout en continuant à passer mes diplômes. Lors de ma dernière année à Valenciennes, je m’étais inscrit directement aux diplômes mais maintenant, je suis plutôt de l’autre côté.
Si on revient sur l’ensemble de ta carrière, tu as pu évoluer avec plusieurs noms connus : Heinze, Arteta, Lucho Gonzalez, Nicolas Anelka, avec qui vous êtes proches je crois, Ronaldinho… Quel est le coéquipier qui t’as le plus impressionné ?
Le plus impressionnant, ça reste Nicolas Anelka. Je trouve que c’est un joueur, en termes de qualités, qui est complet pour un avant-centre. Il va vite, il a les deux pieds, il a la frappe de loin, il sait dribbler, il a le jeu de tête, il sait jouer dos au jeu, plus bas, à deux attaquants… C’est un joueur qui a toutes les qualités, et quand il jouait avec nous – quand je dis qu’il jouait avec nous, c’est qu’il était surclassé à chaque fois – avec les U17 nationaux ou avec la N2, il n’avait strictement rien à faire avec nous, ça se voyait. Il y avait trop de différences. Après il y a eu Jay-Jay Okocha, des joueurs que j’aime beaucoup comme Ali Benarbia, comme Gabi Heinze, Arteta dans un autre registre, Dalmat, Ronaldinho avec une technique pure, Hatem Ben Arfa… Plein de joueurs, mais au final, le plus complet, c’était Anelka. On va me dire : « Oui, Hatem… », mais Hatem, il a des défauts, il ne sait pas très bien défendre, il est un peu irrégulier mais il a un niveau de technique que Nicolas Anelka n’a pas, par exemple. Pareil pour Okocha, joueur complet mais qui ne va pas super vite non plus sans ballon, ce n’est pas un joueur qui déborde dans les espaces mais qui demande dans les pieds. Gabi Heinze n’a pas de pied droit, enfin, quand on compare avec son niveau de pied gauche. Arteta, c’est un très bon joueur, mais comme Verratti, il ne marque pas beaucoup de buts. On peut toujours dire beaucoup de choses sur le plan sportif, sur les joueurs, sur les hommes mais je ne vois pas beaucoup de choses à dire sur Nicolas. C’est peut-être aussi parce que je suis son ami…
En général, quand on pose cette question à des anciens coéquipiers de Ronaldinho, c’est son nom qui revient à chaque fois !
Oui, parce que Ronaldinho était, en terme technique pure, l’un des plus forts au monde ! Après, Ronaldinho, j’ai joué contre lui quand il était au Milan, c’est un joueur qui est capable de disparaître du match ! Comme Hatem. Autant, le Ronaldinho de Barcelone, c’est le numéro 1 mondial, autant, le Ronaldinho à Paris lors de son arrivée, voire à Milan… Je ne parle même pas de Flamengo parce que je pense que ce n’était même pas du football, il avait disparu.
Tu as connu Pochettino au PSG, en tant que joueur. Selon toi il peut réussir à Paris, là où beaucoup ont déçus ?
Je crois que pour réussir à Paris, il ne faut pas être tout seul. Il faut que ça vienne aussi des joueurs, du directeur sportif, du président, du propriétaire : il faut que tout le monde soit aligné dans le même intérêt. Si le staff est fort et que, les « responsables techniques », Leonardo, Nasser, l’émir, sont alignés alors le Paris Saint-Germain sera très fort, et l’entraîneur réussira ! Mais si, à un moment donné, vous voulez que Neymar réussisse plus qu’un autre ou inversement, vous n’êtes pas dans le projet de tout le monde, vous êtes dans le projet d’une personne. Il faut bien comprendre que c’est un tout. Après, est-ce que Pochettino est capable de fédérer, ou est-ce qu’il a posé ses conditions ? C’est quelqu’un qui connaît le Paris Saint-Germain, qui, à Tottenham, a eu à faire à des gros transferts. Ce n’est pas quelqu’un qui a peur de prendre des décisions, ou d’afficher sa personnalité, de protéger son projet de jeu et son collectif. Mais quand vous arrivez dans un contexte et que vous voyez que ce que vous voulez mettre en place n’est pas relayé, votre personnalité disparaît. C’est pour ça que Carlo Ancelotti est parti, il n’a même pas essayé de lutter contre quoi que ce soit. Et pourtant, c’est Carlo Ancelotti….
Tu parles du métier comme le font les passionnés, c’était une volonté immédiate, dès la fin de ta carrière, de passer les diplômes d’entraîneur ?
Oui, parce que quand j’ai parlé à Christian Gourcuff en 2015, donc quasiment ma dernière année à Nice, il m’avait posé la question. Il m’a dit : « qu’est-ce que tu veux faire après ? » et je lui ai répondu : « J’ai encore envie de jouer », parce que sur le plan personnel, je faisais une bonne saison, je me sentais hyper bien et j’étais même devenu capitaine. Le fait qu’il me pose la question m’a fait réfléchir. Je lui ai dit : « Mais pourquoi vous me dîtes ça ? ». Il m’a répondu : « Parce que t’as la sensibilité, tu devrais regarder ça ». Moi, je n’y connaissais rien. Je me suis dit que je jouerai encore un an avant de voir et quand j’ai arrêté, la première année, je me suis mis au diplôme du BEF, pour entraîner le plus haut niveau régional, la R1. J’ai trouvé ça intéressant, dans le sens de l’apprentissage scolaire du football : décrypter les phases de jeux, les différents procédés, structurer l’entraînement… Nous, les anciens joueurs, on a une grosse connaissance du jeu, parce qu’on a évolué au plus haut niveau mais pour transmettre, il faut avoir une lecture scolaire, comme un prof. C’est ce côté-là qui m’a plu. Ensuite, quand vous mettez vos idées sur le terrain et que vous voyez que ça marche, vous prenez du plaisir et que vous vous dîtes : « Ok, donc là je suis compris ». Et au fur et à mesure, j’ai continué. La première année, je passais mon BEF à côté de Valenciennes dans un petit club, en sénior PH, et on est monté. La deuxième année, je suis parti en région parisienne, pour monter un niveau et voir si j’arrivais à continuer à transmettre et à impacter sur l’équipe et on montera aussi avec les Gobelins. Donc ça veut dire qu’en deux ans, je fais deux montées coup sur coup. Je me dis à ce moment-là que je suis certainement fait pour ça. Après, pour aller au prochain diplôme, il fallait revenir dans une structure professionnelle, c’est pour ça que je suis reparti à Amiens, au centre de formation. Il ne me reste que le graal à passer, l’UEFA pro, qui me permettrait d’entraîner les professionnels dans le monde entier. C’est aussi ça, mon objectif : aller au bout des diplômes. C’est pour ça que je suis resté en France, pour avoir une vraie connaissance du football français.
Du coup, c’était la suite logique de prendre le poste d’entraîneur adjoint pour l’équipe féminine de Fleury ?
Il y a deux choses qui sont importantes à savoir. La première c’est que je voulais intégrer une structure en cours d’année. Parce que j’estime que dans le football d’aujourd’hui, un coach est amené à remplacer un autre coach en cours de saison. En début de saison, c’est plus simple : vous avez le temps de faire le recrutement, de monter votre équipe, de faire un stage, une préparation… Vous avez plus de temps pour mettre en place vos idées et parfaire votre collectif. Mais il y a finalement très peu qui se retrouvent dans cette situation, seulement les grands entraîneurs qui choisissent bien leur contexte. Moi, ce que je me suis dit, c’est que j’allais vivre comme un entraîneur « normal », c’est-à-dire qui va arriver dans une situation d’urgence et qui va réussir à tout de suite faire un diagnostic, un état des lieux de la situation et à aller rapidement à l’essentiel. Donc, quand je suis arrivé à Fleury, c’est une équipe qui venait de perdre trois fois d’affilée, contre les trois plus gros du championnat et on avait une urgence : ne plus prendre de but, notamment sur coup de pieds arrêtés et remettre le tableau d’affichage en marche ! Et quand je suis arrivé, on a gagné trois fois de suite, ce qui me fait penser que l’intégration est réussie. C’est ce que je voulais : savoir si, dans les situations d’urgence, j’étais capable de relever le défi. La deuxième chose c’est qu’en féminines, pour moi, on a affaire à un public différent comme est différent un centre de formation ou une structure amateure. Ce sont des publics qui n’ont pas tous la même culture foot. Pour moi, c’était vachement enrichissant de pouvoir m’adapter à n’importe quel public. Troisième challenge, qui est vachement important, c’est le niveau. Là, c’est le plus haut niveau féminin, la D1 : c’est pour ça qu’on est sur Canal + ! Ce qui est intéressant, et c’est pour ça qu’ils m’ont pris, c’est que je parle anglais et je dois entraîner des internationales suédoises, norvégiennes, danoises, américaines… Et ça, c’est vachement enrichissant, parce que si, demain, l’entraîneur français veut évoluer, il doit être capable de parler anglais et de s’exporter, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui. On est clairement en déficit à ce niveau-là. Il y a beaucoup de challenges, pour moi, qui sont à relever. Le dernier petit challenge, dans un coin de la tête, c’est que la troisième place est qualificative pour la Ligue des Champions. Et Fleury, ça fait quatre ans qu’ils sont en D1 parce qu’ils ont racheté un club, et c’est souvent, le cas chez les féminines. Ils achètent tous un club aux alentours parce que la structure est déjà crée, et ils mettent le nom. Le challenge que j’ai aujourd’hui, c’est de toujours aller le plus haut possible, donc si je peux accrocher cette troisième place, avec l’équipe, les filles, le club, ça veut dire qu’on aura bien relevé le challenge. On pourra aller à l’étape supérieure.
Avant de prendre ce poste, tu suivais déjà de près le foot féminin ?
J’ai commenté le football féminin sur Canal+, pour la Ligue des Champions mais aussi des matchs de Lyon, Guingamp, Dijon en D1. Je m’y intéressais aussi parce qu’aujourd’hui, on côtoie le football féminin et je connaissais des joueuses comme Valérie Gauvin ou Wendy Renard. J’avais plusieurs connections, je commençais à bien comprendre ce milieu. La chance que j’ai, c’est d’avoir été dans le football masculin, le football féminin est encore en retard et comme je considère avoir été très loin dans le football masculin en termes d’expérience, j’arrive à voir où se situe le football féminin, quels sont les axes d’amélioration pour le football féminin de demain. C’est aussi pour ça qu’ils m’ont pris, pour mon expérience à ce niveau-là. Donc il faut travailler sur le recrutement, l’optimisation de la performance, la vidéo, ce qui n’est pas encore le cas. Il y a des choses différentes, mais, au final, tout le monde veut évoluer et progresser. C’est intéressant, parce que les filles sont très scolaires, elles écoutent beaucoup. Donc si vous dîtes : « on joue comme ça », elles joueront comme ça. Ce travail là est magnifique, c’est pas la PlayStation, mais presque. Donc dans mes séances d’entraînement, je dois les amener à la réflexion, à repérer les situations et avoir le comportement adapté à une situation, dont un comportement collectif pour avoir la même lecture. Et c’est vachement intéressant, on se rend pas compte comme ça. Moi, au départ, je voyais des frappes de loin, une gardienne qui n’arrive pas à sauter, le corner qui n’arrive pas dans la surface… Je me disais la même chose que les supporters : « elles n’ont pas de force ! ». Mais au final, les deux équipes n’ont pas de force ! Donc ce n’est même plus une carence, ça aurait été un défaut si elles jouaient contre des garçons, mais là ça oblige à chercher des solutions différentes.
Philippe Bergeroo t’a lancé en pro au PSG mais il a également entraîné ensuite l’équipe de France féminine : ça a été un conseiller au moment de prendre les féminines de Fleury ?
Non ! Je n’ai pas demandé à Philippe comme je n’ai pas demandé à Jessica Houara ou à Laure Boulleau qui étaient avec moi chez Canal +. J’aurais pu demander à Elisabeth Loisel, qui avait les féminines pendant 10 ans et avec qui j’étais en sélection militaire. Il y avait beaucoup d’informations mais je ne voulais pas être briefé avant. Les gens qui vous racontent leur expérience ne vous racontent que leur propre ressenti donc, dans un premier temps, je voulais voir comment moi, je pouvais faire en m’appuyant sur l’entraîneur avec qui je bosse tous les jours et qui est chez les féminines depuis longtemps. En m’appuyant aussi sur des filles que je connais et qui me donnent quelques infos en plus, avec notre préparateur athlétique… C’est un échange sain, sans a priori, sans jugement. Pour évoluer, je m’appuie souvent sur les garçons. Je me dis : « Qu’est-ce qui se passe chez les garçons ? Qu’est-ce qu’on peut améliorer ? ». Et ensuite, j’ai un prépa athlétique qui est à l’INSEP, une à la fédé, et je leur demande : « A ton avis, si je mets ça en place ? ». C’est quand j’ai le projet d’évolution qu’on se pose la question pour savoir si, là, c’est intéressant ou pas de le faire.
L’étape suivante pour toi, c’est de devenir l’entraîneur principal ? Ou ce rôle d’adjoint te convient parfaitement ?
Aujourd’hui, il me convient parce que je ne me concentre que sur le terrain, sur les séances thématiques, sur la conception. Il me reste encore une étape à franchir et c’est le diplôme pro. Une fois que j’aurai accédé à cette formation et que j’aurai eu ce diplôme, on se fixera d’autres objectifs. Mais évidemment que j’ai déjà anticipé sur la position de numéro 1, et, c’est de toute façon sur celle-là qu’on ira dans le futur, dans un, deux ou trois ans, parce que je connais déjà mon staff. Moi, je ne suis pas un numéro un directif, qui dit : « On fait comme ça ! ». Je suis plutôt avec des collaborateurs, des gens qui participent, et des spécialistes de leurs domaines. Je ne veux que des propositions argumentées. Le manager de demain a une connaissance de tout, mais par contre, il est participatif et délégatif. Je dis : « Moi, je voudrais voir mon équipe jouer comme ça, donc finalement, qu’est-ce que tu me proposes pour les mois à venir ? ». C’est un peu comme ça que je fonctionne. C’est pareil pour mes attaquants : « Qu’est-ce que vous voulez améliorer ? Qu’est-ce qu’on peut changer ? Et à l’analyse vidéo, comment on peut travailler ? ». C’est comme ça que je travaille et que je veux travailler. J’ai déjà des mecs avec qui je suis depuis 10 ans, 20 ans, même. On parle football depuis 20 ans et on sait très bien qu’à un moment donné, on se rejoindra. Ce qui est bien, c’est qu’on est complémentaire. Même avec l’entraîneur aujourd’hui, il n’y a pas de numéro 1 et de numéro 2, on ne fonctionne pas comme ça, on est vraiment un binôme. Avec le préparateur athlétique et l’entraîneur des gardiens aussi, on partage toutes les informations et on prend une décision quasiment collégiale.
Qui sont tes modèles comme entraîneurs ? Toi qui as connu Didier Deschamps, Lucien Favre, Christian Gourcuff, Claude Puel, des coachs aux idées fortes mais très différentes, lequel représente une inspiration dans ton travail aujourd’hui ?
Pour moi, aujourd’hui, il n’y a plus de modèle écrit, on est sur des modèles réalistes. C’est-à-dire que l’on évalue selon le contexte : le groupe que vous avez, les joueurs. C’est à moi de repérer le meilleur système avec le meilleur modèle de jeu qui convient sur le moment parce que vous ne choisissez pas tous vos joueurs ! Vous arrivez toujours dans un club qui a une histoire. Le jeu réaliste, c’est s’adapter à tout ça. Bien sûr qu’une fois que vous avez convaincu, que vous avez donné le meilleur, on va vous donner la possibilité de recruter. Quand vous allez avoir la possibilité de recruter, vous allez apporter quelque chose en plus de ce qui existe déjà. On ne part jamais d’une feuille blanche. Mon projet de jeu idéal ? J’aimerai jouer comme Barcelone ! Mais est-ce que c’est possible en dehors de Barcelone ? Guardiola essaie bien avec Manchester City, mais il est dans un championnat anglais. Est-ce qu’on peut faire du Barcelone dans un championnat anglais ? La question est là. Moi, bien sûr que j’ai un projet de jeu idéal, mais si j’ai la chance un jour de pouvoir le mettre en place, je serai le plus heureux des entraîneurs. Mais c’est quasiment sûr que non. Parce qu’un Christian Gourcuff, avant de mettre en place son projet de jeu, il a fait 20 ans. Au bout de 20 ans, bien sûr que tout est calé. Wenger c’est pareil, mais faut passer 20 ans dans une structure, et des entraîneurs qui font 20 ans dans une structure aujourd’hui, je ne sais pas si ça existe. Donc je veux un jeu réaliste, qui colle aux qualités de mes joueurs ou de mes joueuses, et il sera plutôt protagoniste. On va essayer de prendre l’initiative du jeu pour aller marquer. Pas besoin de faire 50 passes si on peut y aller en deux ou trois au sol. C’est plutôt protagoniste, je ne veux pas subir, on va être acteur plutôt qu’en réaction. Je n’aime pas rester derrière, je ne connais pas ce jeu là. Il faut savoir le faire dans certains matchs mais je ne le souhaite pas.
Comment aborder des matchs contre l’OL ou le PSG féminines, qui sont des sortes d’OVNI dans ce championnat ?
Il ne faut pas dire aux filles : « Ça fait cinq matchs qu’on a le ballon mais maintenant, plus de possession et vous allez jouer toutes derrière contre le PSG ». Il ne faut pas changer leur ADN parce que vous jouez contre un gros du championnat. Alors bien sûr que l’équipe adverse est plus forte, qu’il y a des choses à savoir et évidemment qu’on aura jamais plus de possession contre le PSG que contre d’autres équipes. Mais, à la récupération du ballon, on est pas contraint de la mettre tout de suite devant, on peut la garder aussi. On peut également bien défendre mais en allant chercher haut , pas forcément dans nos 18 mètres, à la ligne médiane sans aucun problème. Et puis à chaque fois que ça rentre dans le périmètre, on peut être agressif, on peut gagner les duels. Et quand on a le ballon, on leur fait des séquences de passes, on les fait courir, parce qu’elles n’aiment pas ça. Dès qu’on peut mettre des actions vers l’avant, avec des appels, et frapper au but, et bien on frappe au but ! Je pense qu’il y a des choses à faire, à comprendre, mais vous ne pouvez pas leur lancer un message défensif et restrictif avant même de jouer. Il ne faut pas que les joueuses soient frustrées parce que quand on est sur le terrain, parfois, on se rend compte que l’adversaire est à notre portée, qu’il n’est pas dans son assiette. Et quand il n’est pas bien, il faut le bousculer mais si vous restez derrière, vous ne le bousculez jamais. Pour avoir joué le PSG avec Nice, Lorient ou d’autres clubs, j’ai toujours gagné ! Avec Marseille, on avait gagné 3-0, avec Nice, 2-1 alors qu’il y avait Zlatan… Je sais comment faire pour gagner contre ces grosses cylindrées qui, quand il y a 0-0 à l’heure de jeu, commencent à s’affoler, se couper en deux et à moins bien défendre.
Justement, à quelle point la carrière de Fabrice Abriel le joueur influe sur les conseils que Fabrice Abriel l’entraîneur peut donner ?
Les gens ne discutent même pas quand je parle. A ce point-là. Au point où, quand je dis quelque-chose, il n’y a aucune discussion, aucune hésitation. Ils savent que c’est ça. Quand je suis arrivé dans ce club, et que par exemple, après un mois on a fait trois victoires et un nul, vous croyez vraiment qu’ils vont discuter ? Personne ne discute. Quand vous venez de sortir de trois défaites, que le futur était sombre, on arrive en « allumant la lumière », avec beaucoup d’humilité… C’est ce qu’il se passe. Derrière ça, quand je parle, que je mets un plan de jeu en place et que les joueuses le réalisent parcequ’elles ont les qualité de le faire, c’est que je ne me suis pas trompé sur les possibilités, la tactique ou le plan de jeu : tout ça prend un sens et marque beaucoup les joueuses. Le fait d’avoir été joueur me permet de me projeter rapidement à leur place. Je sais ce qui est bon et ce qui n’est pas bon, ce qu’elles voient et ce qu’elles ne voient pas. Une chose qui est importante, c’est qu’il faut toujours être honnête, respecter le joueur ou la joueuse, parce que nous, on a voulu qu’on le soit aussi à notre époque. Vous ne voulez pas que vos parents ou vos profs vous mentent ? Et bien vous ne voulez pas que votre entraîneur vous trahisse, c’est la même situation. On ne peut pas plaire à tout le monde, mais ça il faut savoir l’expliquer. A ce niveau-là, c’est vachement important d’avoir été joueur.
Toi, ancien entraîneur des Gobelins, qui a été transformé en « Paris 13 Atletico », quelle est ton opinion sur le phénomène du rebranding ? C’est un mal nécessaire dans le sport d’aujourd’hui pour attirer de nouvelles personnes ?
Ils essayent de se renouveler, « Les Gobelins », ce n’est pas très attractif quand on monte chez les professionnels. Ils existaient avant le PSG, donc ils ne volent pas le nom de Paris, c’est l’un des plus anciens clubs de la région parisienne, avec le Paris FC et le Red Star. Il faut créer sa marque, on sait qu’aujourd’hui on est dans la com’ permanente. Il faut « brander » (apposer une marque, ndlr), pour pouvoir être identifié. Le plus important, c’est d’avoir ses couleurs et de se créer une histoire. Là, ils sont en N2 et le président Fréderic Pereira met beaucoup de moyens, il est assez intelligent et actif. Ce qui est important, c’est surtout de n’avoir pas que la marque, mais des structures et des infrastructures. Après, ça sera du merchandising, il y aura des produits dérivés… C’est comme ça qu’on monétise. Aujourd’hui, c’est encore un club amateur : le sponsor, c’est la marque du président. Donc il a déjà son réseau, son modèle économique, après il faut monter pour avoir – un jour je lui souhaite – des revenus comme le PSG ! Même si le PSG, ça reste le club de la capitale, ça serait super d’avoir deux ou trois clubs à Paris, comme à Milan, Londres, Madrid, Barcelone ou Séville. Toutes les grandes villes de football ont deux clubs en première division, et nous, en France, on a encore du mal.
Qui sait, c’est peut-être ça ton objectif ! Remettre, avec Fleury, deux clubs d’Ile-de-France au sommet du football français ?
Bien sûr ! Ce qui n’a jamais été fait avec les garçons peut être réalisé avec les filles ! C’est justement là où le football féminin peut rattraper le football masculin, établir de nouvelles normes.
Propos recueillis par Rémi Collenot et Thomas Rodriguez.
Crédits photos : Icon Sport