Le Paris Saint-Germain a vécu les douze jours les plus intenses de son histoire du 12 au 23 août dernier. « Intense » est le mot le plus juste : qui se fait vivement sentir, qui dépasse la mesure habituelle. En effet, dans le cadre de la Ligue des Champions, le PSG n’a pas ressemblé à ce qu’il est d’habitude. Les joueurs et les supporters ont traversé quelque chose qu’ils n’avaient jamais vécu ensemble. Alors que nous sommes déjà à l’heure de la reprise pour Paris, revenons sur l’intensité fulgurante mais éternelle de la plus belle page de l’histoire du club rouge et bleu.
Rarement un film m’a fait autant sourire et pleurer que Le fabuleux destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet. Ce condensé d’émotions en seulement deux heures est semblable à ce que l’aventure du PSG au Final 8 de la Ligue des Champions 2020 a procuré aux Parisiens : multiple, rapide, lumineuse, perpétuelle. Cette fois, le premier rôle ne revient pas à Audrey Tautou mais à Neymar et la bande originale n’est pas signée par Yann Tiersen mais par El Dipy et son titre Par-Tusa. Le résultat est le même : c’est une comptine de ce qui est déjà, un autre été.
Les sentiments traversés lors de ces douze jours s’assimilent à ce que l’historien Theodore Zeldin nomme les «passions»¹. Des états intenses et irraisonnés nous ont dominés. On a été anxieux devant l’Atalanta. En colère contre ce match que Paris dominait mais n’arrivait pas à gagner. On a été hypocrite en se disant que l’histoire se répétait, que c’était foutu et que de toute façon ce club n’y arriverait jamais. Puis on a explosé de joie devant les buts de Marquinhos et Choupo-Moting dans le temps additionnel offrant la victoire au PSG. Alors, on a été orgueilleux. Contre Leipzig, les joueurs ont été intelligents. On a eu beaucoup de goût à voir Neymar au sommet de son art. On a aimé ces joueurs du Paris Saint-Germain comme jamais. On a finalement été ambitieux en se disant que c’était possible. La finale face au Bayern nous a démontré qu’il était encore peut-être trop tôt, que finaliste est notre place mais vainqueur pas encore. Zeldin ne parle pas de la frustration, de la tristesse ou de la défaite. En revanche, il parle de l’espoir, du bonheur, du confort et du roi…
Il faut retenir le positif de ce Final 8 et délaisser le peu de négatif. Leonardo l’a répété : si on enlève Messi et Ronaldo, le PSG a les deux meilleurs joueurs du monde avec Neymar et Mbappé. Mourinho l’a dit : c’est une anomalie que Paris ne soit pas allé plus tôt en finale de C1 avec les joueurs passés par ce club depuis l’arrivée de QSI. Profitons de cet événement enfin venu. Sans l’ombre d’un doute, il en entraînera d’autres. Le Paris Saint-Germain, pour la saison de ses 50 ans, est allé pour la première fois en finale de la Ligue des Champions. Il faut, pour les Parisiens, le répéter. C’est ce sentiment de fierté couplé aux récentes désillusions qui doit l’emporter. Peu importe les adversaires, peu importe le format de la compétition, peu importe les huis-clos : le PSG, ce même club luttant il y a peu pour une place européenne ou même pour sa place en L1 est aujourd’hui finaliste de la Ligue des Champions. Il le sera de nouveau et désormais visera la victoire. Cet espoir et cette passion optimiste doivent être cultivés par les Parisiens. Il faut compter cet été, encore et encore.
Aujourd’hui, on a toujours du mal à redescendre des étoiles de la Ligue des Champions. Pourtant, c’est la reprise. Pour les joueurs et le football mais aussi pour nous. Nous devons reprendre le chemin du travail ou des cours ainsi que le quotidien footballistique revenu à la normale. Il m’est cependant impossible de penser à la reprise du championnat. Il y eu trop peu de temps entre Lisbonne et Lens. Comment passer de ce qui nous est arrivé de plus dingue, imprévisible et surmené dans notre histoire de supporter à un train-train saturé par le coronavirus, les reports de matchs, les huis-clos et toutes les polémiques concernant l’arrêt de la Ligue 1 ? On préfère revisionner les images de ce Final 8. Les dribbles de Neymar, ses arrivées à l’Estadio da Luz avec ses lunettes de soleil, sa coupe moicano et sa grosse enceinte, le déferlement brésilien sur les réseaux sociaux pour soutenir l’enfant du pays et #LeCheminDuRoi, les hurlements de Di María, Verratti et Kurzawa en tribunes face à l’Atalanta, la rage de Tuchel blessé et assis sur sa glacière, Marquinhos qui s’élève dans le ciel pour marquer face à Leipzig, l’arrivée des joueurs à l’hôtel après la qualification en finale et nous surtout devant ces trois matches, dans les bars ou ailleurs, seul ou avec nos amis, notre famille. Nous, qui sommes le Paris Saint-Germain. On préfère ressasser les émotions de cet été, ces moments où nous avions « le sentiment étrange d’être en harmonie avec nous-mêmes, tout était parfait en ces instants, la douceur de la lumière, ce petit parfum dans l’air, la rumeur tranquille de la ville. Alors nous inspirons profondément« ² et revivons cela. Nous pensons à Neymar, à Angel Di María, à Leonardo, à Presnel Kimpembe, à Thiago Silva, à Leandro Paredes, à Juan Bernat, à nos amis et collègues supporters, à nos pères et même à Kingsley Coman et Manuel Neuer. Et nous sourions.
La vie que menait un supporter du Paris Saint-Germain depuis plusieurs années a changé lors de ce mois d’août, comme celle d’Amélie Poulain a changé…en août également. Les années précédentes, le mercato et la reprise signifiaient quelque chose de nouveau, une volonté de repartir de l’avant pour soigner les blessures de la saison précédente. Aujourd’hui, nous n’avons plus grand chose à soigner. Nous sommes forts du confort d’un effectif aux cadres conservés pour la saison arrivante et de la position de finaliste de la Ligue des Champions. Nos sourires spontanés quand on évoque le Final 8 ont remplacé le doute et la honte. C’est vrai, tout cela appartient au passé et nous n’avons pas gagné la compétition. Mais nous avons gagné de l’optimisme, de l’expérience dans la joie et des crampes aux zygomatiques.
¹ ZELDIN Theodore (trad. DELANOE Nelcya et DROSSO Férial), Histoire des passions françaises, en 5 tomes, Editions du Seuil, 1981
² Citation tirée du film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, réalisé par Jean-Pierre Jeunet et sorti en 2001
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