Principale enceinte sportive marseillaise depuis sa création, le stade Vélodrome a évidemment vu les plus belles et les plus sombres heures de l’Olympique de Marseille. Cependant, il a aussi accueilli deux Coupes du monde, autant d’Euros, vu passer Giuseppe Meazza, Pelé, Johan Cruyff, Platini, Maradona (comme sélectionneur), Zidane ainsi que bien d’autres, mais aussi assisté à la naissance du mouvement ultra en France ainsi qu’à l’un des plus beaux buts de l’histoire du foot.
“Marseille a besoin de son stade et d’un palais des sports.” C’est en substance la demande formulée en 1930 par Gabriel Valérian, adjoint aux sports, au maire de la ville Georges Ribot. Le projet va mettre du temps à être définitivement accepté. Il prévoit un stade d’environ 30 000 places et un palais des sports de 15 000 attenant. Faute de crédits, le projet de palais des sports sera abandonné (ironie du sort, Marseille en construira finalement un dans les années 1980, peu ou prou sur le site prévu dans le projet de Valérian).
Le projet est celui d’un stade omnisports, et non d’un stade tourné uniquement vers le football. A l’époque, l’Olympique de Marseille évolue au stade de l’Huveaune, dont il est propriétaire, et n’a aucune intention de déménager durablement. C’est d’ailleurs le côté omnisport qui poussera la ville à donner les noms des tribunes latérales respectivement à un coureur de demi-fond, Jean Bouin, et à un coureur cycliste, Gustave Ganay. Le stade est donc équipé, outre d’un terrain gazonné pouvant servir au football et au rugby, d’une piste cendrée d’athlétisme, qui ne sera que très peu utilisée passée la Seconde Guerre mondiale ainsi que d’une piste de cyclisme, qui lui donnera son nom.
La première pierre est posée en 1935 et le stade inauguré en 1937, en présence du secrétaire d’Etat Léo Lagrange, avec une réunion omnisports clôturée par une victoire de l’OM en amical face aux Italiens du Torino. En plus, la France s’est vue confier en 1936 l’organisation de la troisième Coupe du monde de football devant avoir lieu deux ans plus tard.
La première version du stade vélodrome, inaugurée en 1937, avec sa piste d’athlétisme et celle de cyclisme
Le Vélodrome en accueillera deux matchs, voyant tous deux l’Italie de Silvio Piola et Giuseppe Meazza gagner 2-1. Face à la Norvège en huitièmes de finale (la compétition s’est disputée sans phase de poule) et surtout en demi-finale face au Brésil de Leonidas da Silva mis au repos en prévision d’une finale considérée comme acquise.
Après-guerre, l’OM finit par s’installer.
Puis vient la guerre. Sous l’Occupation, le stade servira de dépôt de matériel allemand (les soldats de la Wehrmacht abimeront notamment la pelouse en roulant dessus avec des engins à chenilles), et parfois encore pour jouer au football. Certains militaires allemands se mêlant parfois aux rares joueurs de l’OM encore présents. A la Libération, des militaires américains offriront même à la population phocéenne un match exhibition de base-ball. Match qui demeure d’ailleurs à ce jour le dernier de cette discipline disputé dans le stade.
Dans les années 1950, le stade garde encore sa dimension omnisport même si l’OM y joue de plus en plus souvent et commence clairement à se tailler la part du lion dans les évènements. En 1952, par exemple, le football dépasse les vingts évènements sur l’année dans le stade. L’autre occupant régulier de l’enceinte étant le Marseille rugby XIII fondé par Paul Ricard, qui réalisera de belles affluences dans les années 50. Les réunions cyclistes perdureront également quelques temps, avec même l’organisation des championnats du monde sur piste 1972 et des arrivées du tour de France. Mais elle déclineront progressivement dans les années 70.
Pourtant, à cette époque-là, les résultats de l’OM ne sont pas enthousiasmants. Malgré les exploits de Gunnar Andersson (toujours recordman du nombre de buts sous le maillot ciel et blanc aujourd’hui) en attaque jusqu’en 1958, l’OM s’enfonce petit à petit. A la mort de son buteur, c’est encore pire. Le club chute en D2 une première fois en 1959, remonte en 1962… pour redescendre aussitôt en 1963.
Et c’est dans le contexte terrible qu’aura lieu une date à marquer d’une pierre noire dans l’histoire du stade : la plus faible affluence de son histoire avec seulement 454 spectateurs payants pour la venue de l’US Forbach en championnat de deuxième division le 23 avril 1965. Ironie du sort, ce sera la meilleure performance de l’OM en championnat cette saison-là avec une victoire 3-0. Les gens qui, dans les années suivantes, prétendront y avoir assisté seront suffisamment nombreux pour remplir au moins deux fois le Vélodrome actuel.
A la fin de cette saison 1964-1965, un homme décide alors de racheter l’OM. Il s’appelle Marcel Leclerc et est le fondateur de Télémagazine, premier périodique du genre dans l’Hexagone, et du mensuel footballistique But. Problème, le stade Vélodrome, devenu le fief de l’OM à temps plein, appartient à la ville de Marseille qui exige un loyer important pour son utilisation.
Refusant de céder aux exigences de la municipalité, Marcel Leclerc fait remettre en état à la hâte le stade de l’Huveaune (les derniers coups de pinceaux seront donnés dans la nuit précédant le premier match de championnat) pour une migration d’un an au cours de laquelle le club retrouvera la première division… et le Vélodrome suite à de nouvelles discussions avec le maire Gaston Defferre. Vélodrome qui sera bientôt amputé de sa piste d’athlétisme, inutilisée depuis fort longtemps.
L’ivresse des premières soirées européennes
S’en suit alors une période de félicité sportive qui verra l’OM gagner des titres (Coupe de France 1969, championnat 1971 et doublé en 1972) et surtout connaître ses premières participations à la coupe d’Europe. Le Vélodrome connaît donc ses premières soirées européennes, exception faite de deux premiers tours sur invitation en Coupe des villes de foires 1962-1963 et 1968-1969.
En 1969, c’est donc en frais vainqueur de la Coupe de France que Marseille accueille les Tchécoslovaques du Dukla Prague pour son premier match européen dans une épreuve sur qualification, en l’occurrence la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, pour une victoire 2-0. En 1970, une nouvelle invitation en Coupe des villes de foire face aux Tchécoslovaques du Sparta Trnava offrira au Vélodrome la première séance de tirs au but de l’histoire des coupes d’Europe, et à l’OM le triste privilège de la première élimination de cette manière.
Mais c’est en 1971 que le stade Vélodrome va enfin connaître sa première affiche européenne de légende. Tout juste auréolé de son premier titre de champion attendu depuis 23 ans, le club s’attaque avec gourmandise à sa première campagne en Coupe d’Europe des clubs champions. Après avoir sorti les Polonais de Gornik Zabrze en seizièmes, les Phocéens se voient offrir en huitièmes de finale le monstre amstellodamois : l’Ajax de Cruyff, Neeskens et consorts, tenant du titre. Malgré l’ouverture du score de Gress, les Marseillais doivent ensuite subir la loi de leur invités avec un but de Keizer et un autre de l’incontournable Cruyff. Malgré ces affiches de gala, l’OM a du mal sur le plan européen et ne passe jamais plus d’un tour de coupe d’Europe dans les seventies. Mais le rendez-vous est pris. L’après Marcel Leclerc verra le club descendre lentement mais sûrement de son piédestal, jusqu’à retourner en D2 au début des années 1980.
Lors de la saison 1982-1983, le stade Vélodrome doit connaître une rénovation conséquente en vue de l’organisation de l’Euro 1984 qui oblige l’OM, toujours en deuxième division, à un nouveau déménagement temporaire au stade de l’Huveaune. Rénovation au cours de laquelle la piste cycliste va être très largement rognée, et donc rendue inutilisable, pour poser de nouvelles tribunes.
Ecoutez : Partie d’histoire #2 – France-Portugal 1984
Le Vélodrome, pionnier du foot business et du mouvement ultra en France
Cet Euro voit deux matchs se jouer à Marseille. Un match de poules entre l’Espagne et le Portugal conclut sur le score de un partout. Et surtout la légendaire demi-finale entre la France et le Portugal qui voit, dans une ambiance surchauffée, Tigana s’arracher au bout de la prolongation pour offrir à Platini le but qui qualifie la France pour sa première finale dans une compétition internationale.
Les Bleus, commandés par Platini, entrent sur le terrain du Vélodrome pour la demi-finale de l’Euro 1984 contre le Portugal
Après cet Euro, le Vélodrome retrouve son quotidien rythmé par les performances de l’OM, toujours en deuxième division. Pourtant, en ce début de saison 1984-85, dans le quart de virage entre la tribune Jean Bouin et le virage nord, un groupe de jeunes supporters posent des banderoles aux couleurs de l’OM, coordonnent des chants et des animations et utilisent des fumigènes. Ces hurluberlus, aux yeux du reste du stade, ne font pourtant qu’importer une pratique venue d’Italie appelée le supportérisme ultra. Pour la première fois en France, des associations se structurent pour l’animation d’une tribune.
Les années Tapie, l’âge d’or du Vélodrome
Ce Commando Ultra, qui prendra provisoirement le nom d’Ultras Marseille sera rejoint ensuite par tout un ensemble d’autres groupes : les Yankees et les South Winners en 1987, les Fanatics en 1988, les Dodger’s en 1992 et le Marseille Trop Puissant, ou MTP, en 1994. Preuve de l’importance que ces associations prendront ensuite dans l’histoire du stade, Patrice de Peretti, fondateur et capo du MTP verra son nom donné au virage nord après son décès en 2000.
Surtout, après être remonté en D1, l’OM est racheté par Bernard Tapie qui décide de faire entrer de plain pied le club, et donc le Vélodrome, dans l’ère du football business et du sport spectacle : feux d’artifices après les matchs, utilisation de la chanson Jump de Van Halen à l’entrée des joueurs, ouverture d’un restaurant, appelé le Maracana, dans le stade…
Couplé à la montée en puissance des animations des groupes ultras et aux résultats en progression exponentielle de l’OM, le stade Vélodrome devient le lieu où il faut être vu, et pas seulement pour les Marseillais. Par ailleurs, le retour des compétitions européennes va offrir de nouvelles soirées enflammées à l’enceinte phocéenne. Mais s’il faut n’en retenir qu’une de cette période, ce ne peut être que celle du 20 mars 1991.
La stade vélodrome, pionnier du mouvement ultra en France
Ce soir-là, l’OM, après avoir échoué en demi-finale la saison précédente, reçoit le grand AC Milan d’Arrigo Sacchi, double tenant du titre, en quart de finale retour de C1 après un nul 1-1 prometteur à l’aller. Le stade est ouvert dès l’après-midi et rempli comme un œuf au moins une heure avant le coup d’envoi. L’OM tient tête au grand Milan et le fait tomber sur un but de Waddle à la 75ème minute. Mais c’est le stade lui-même qui va être le héros de la fin de l’histoire lorsqu’un pylône d’éclairage tombe en panne à la toute fin du match. Croyant pouvoir faire annuler le résultat, les joueurs milanais refusent de reprendre le jeu et sont déclarés vaincus sur tapis vert.
Les grandes soirées européennes continueront ensuite avec en point d’orgue le retour triomphal des joueurs marseillais le 27 mai 1993 au lendemain de leur triomphe européen. Mais l’affaire OM-VA vient ensuite mettre un terme brutal à cette période de félicité.
Un stade ouvert aux quatre vents
Durant cette période, c’est pourtant un autre évènement qui va changer la vie du stade : en 1992, la France est sélectionnée par la FIFA pour accueillir la seizième Coupe du monde, prévue en 1998. Pour accueillir l’évènement, Marseille doit agrandir et rénover complètement son stade. Seule la façade de la tribune Jean Bouin est conservée.
La configuration du stade est complètement modifiée avec une forme très évasée qui laisse passer le vent et empêche toute résonance acoustique des chants de supporters. Malgré les critiques, ce stade demeure le nouveau Vélodrome. Seul gain, la capacité totale du stade, qui avait déjà été augmentée avec la rénovation de 1984, passe à 60 000 spectateurs.
Par ailleurs, étant donné qu’il n’est plus possible de déménager au stade de l’Huveaune, dont la mise aux normes demanderait trop de travaux, l’OM devra jouer pendant les travaux dans un stade en chantier. En février 1996, avant un match de championnat contre Mulhouse, des gloires olympiennes de toutes les époques viennent poser leur empreinte de pied dans des dalles en ciment aujourd’hui exposées au stade.
1998: des débuts triomphaux des Bleus à un but de légende
Et le 4 décembre 1997, c’est un stade Vélodrome presque entièrement rénové qui accueille le tirage au sort du mondial avec un match Europe (emmenée par Zidane)-Reste du monde (emmené par Ronaldo).
Le mondial 1998 pour Marseille s’ouvre le 12 juin avec l’entrée en lice des Bleus face à l’Afrique du Sud qui voit une victoire 3-0 des hommes de Jacquet, première marche vers leur sacre. Mais c’est un autre épisode de ce mondial qui va rester dans les mémoires.
Lors du quart de finale opposant les Pays Bas à l’Argentine, le score est de un partout au début des arrêts de jeu quand Frank de Boer adresse une longue passe depuis sa moitié de terrain à Dennis Bergkamp à l’entrée de la surface de réparation albiceleste. Passe sur laquelle Bergkamp réalise un contrôle orienté à plus d’un mètre du sol pour éliminer son chien de garde Roberto Ayala avant de frapper dans la lucarne opposée depuis le coin droit des six mètres. Le magicien néerlandais vient de marquer le plus beau but de ce mondial, et même l’un des plus beaux de l’histoire du football selon certains.
Après le Mondial, le stade retrouve le quotidien de l’OM mais va, dès la troisième journée de championnat le 22 août 1998, connaître le match le plus fou de son histoire. Mené 4-0 face à Montpellier à la mi-temps, l’OM renverse la vapeur en deuxième période et s’impose 5-4 dans une ambiance de folie.
Trois autres matchs entreront dans la légende du vélodrome en configuration “98”. Le 6 mai 2004, l’OM reçoit Newcastle en demi-finale retour de Coupe UEFA après un nul 0-0 à l’aller. Le stade bat à l’occasion son record d’affluence dans cette configuration. L’OM sort de plusieurs années noires et vit une mauvaise saison en championnat mais s’offre des sensations en coupe d’Europe avec un Didier Drogba qui marche sur l’eau. D’un doublé, ce dernier envoie l’OM en finale dans une atmosphère incandescente.
LIRE AUSSI – L’OM et la C3
Le deuxième a lieu le 11 février 2009. La France affronte l’Argentine, dont le sélectionneur est à l’époque Diego Maradona. Maradona que Bernard Tapie avait échoué à recruter en 1989 et qui foule enfin, vingt ans plus tard, ce qui aurait pu être son jardin. Si le score final est anecdotique (2-0 pour l’Argentine), Marseille réserve ce soir-là un accueil triomphal à celui qui aurait dû devenir l’un des siens. Et le troisième est celui du 5 mai 2010, où avec une victoire 3-1, l’OM gagne un titre de champion attendu depuis 1993. Embrasant la ville comme rarement.
L’Euro 2016: enfin la fermeture du stade
Bonheur supplémentaire, le même mois, la France est sélectionnée pour accueillir l’Euro 2016. L’accueil de cette compétition va permettre de faire une troisième rénovation conséquente qui va gommer les erreurs de la précédente en donnant un toit intégral au stade et accessoirement faire passer sa capacité à 67 000 places. L’une des premières grosses ambiances de cette nouvelle configuration étant le OM-PSG de la saison 2014-2015 avec un tifo monstrueux sur l’ensemble du stade qui fait le bonheur des collectionneurs d’images.
Lors de l’Euro 2016, l’affiche majeure de la compétition au Vélodrome est la demi-finale entre la France et l’Allemagne où, d’un doublé, Antoine Griezmann envoie la France en finale, comme en 1984, le Vélodrome est parti pour être l’avant-dernière dernière marche des Bleus vers un sacre continental. Mais las, le Portugal bisera les rêves en finale au Stade de France. Après l’Euro, le stade reprend son train-train habituel. Les dernières soirées de folies qu’il a connu furent celles de l’épopée de l’OM en Europa League 2018 où les supporters s’illustrèrent à nouveau par leurs chants et leurs créations visuelles impressionnantes.
Aujourd’hui, le Vélodrome, comme tous les autres stades, est vide depuis un an. Il sert de vaccinodrome en attendant de redevenir le chaudron des belles soirées phocéennes. Stade mythique du football français et même européen, son histoire a forcément épousé en priorité celle de l’OM. Mais il s’est, par les diverses compétitions internationales accueillies, inscrit dans l’histoire globale du football et même du sport. Le dernier changement notable qu’il a subi est celui de son naming dû au partenariat avec un célèbre opérateur téléphonique.
Sources :
Histoire du stade vélodrome Site officiel de l’OM
Page Wikipedia du Stade Vélodrome
Pour les employés de l’OM, les travaux du mondial 1998 enterrent toute une époque Libération
Cent ans d’OM, le livre officiel du centenaire Pierre Echinard et Alain Pécheral, Editions européennes Marseille Provence
Il était une fois le stade Vélodrome Patrick Fancello, Michel Poggi et Marc Hodoul, Editions européennes Marseille Provence
Crédits Photo – IconSport