Dragan Stojkovic, joueur légendaire de Yougoslavie, est encore aujourd’hui reconnu comme l’un des footballeurs les plus talentueux de l’histoire, malheureusement rarement jugé à sa juste valeur. Que ce soit dans le club de sa ville natale, à l’Etoile Rouge de Belgrade, à l’OM ou même au Japon, cet Ultimo Diez est devenu légendaire et a marqué l’histoire partout où il est passé. Récit d’une carrière sans comparaison d’un joueur qui restera à jamais au Panthéon de son pays et du football européen.
Stojkovic, né à Nis – aujourd’hui en Serbie, à l’époque en Yougoslavie – va très rapidement se démarquer et dévoiler son talent aux yeux de ses proches et de tout son quartier. Surnommé Piksi en référence au personnage de Pixie, Dixie et Mr Jinks, il se met vite au football et s’entraîne dans une province de Nis, où il grandit et développe son jeu. Dès l’âge de 15 ans, il est repéré et testé par le Radnicki Nis, club de sa ville natale, qu’il rejoint pour la saison 1981-1982, à l’âge de 16 ans, et est directement intégré dans l’équipe senior. Sa carrière commence donc très jeune, et le reste appartient à l’histoire. Son entraîneur de l’époque voit en lui un milieu offensif de talent, parfois placé en numéro 9, et voit juste : son talent explose aux yeux de l’Europe entière. Il ne remporte malheureusement aucun titre avec son premier club dans lequel il reste cinq saisons, mais aura contribué à l’une des plus belles périodes de l’histoire du club. S’il ne marque pas énormément de buts là-bas, il parvient, malgré de nombreuses blessures, à se donner un nom et à impression un autre grand club de Yougoslavie : l’Etoile Rouge. Transféré à l’été 1986, Stojkovic laisse au Radnicki Nis un héritage de virtuosité et de technique sans pareil, lui qui est, aux yeux du monde, l’un des futurs grands joueurs de l’histoire. Il a notamment permis, lors de sa dernière saison jugée comme sa meilleure, au Radnicki Nis de remonter en première division du championnat yougoslave.
L’Etoile Rouge, l’apogée du talent de Piksi
L’Etoile Rouge est un succès total pour Piksi, puisqu’il y devient un joueur légendaire et adoré des Delije du club. Alors qu’il vient d’arriver en 1986, le joueur s’impose immédiatement dans le XI de départ du club, lui qui est incontestablement l’un des joueurs les plus talentueux du moment. Alors que la dernière journée de la saison précédente avait supposément amené des affaires de corruption, plusieurs clubs, dont le Partizan, se sont vu infliger une sanction de -6 points pour le championnat de cette année. Ainsi, l’Etoile se hissa à la deuxième place du championnat, derrière le FK Vardar Skopje. Finalement, la décision de la sanction de la Cour suprême fut annulée et le Partizan se vit remettre ses six points, hissant le club à la première place et lui offrant le titre. Officiellement, l’Etoile Rouge a fini à la cinquième position cette saison-ci. L’année suivante, lors de la saison 1987-1988, Stojkovic explose. Il fait une saison monumentale pendant laquelle son talent est totalement dévoilée, ce qui lui permet de hisser l’Etoile Rouge sur la première marche du podium à la fin de la saison, à un tout petit point du Partizan. Jusqu’ici, le Partizan dominait totalement le championnat yougoslave, jonglant de la première à la deuxième place. Le dernier titre de l’Etoile Rouge remontait à 1984, et Stojkovic est jugé comme le principal protagoniste du retour au premier plan du club, ainsi qualifié en Coupe d’Europe des clubs champions – actuelle Ligue des Champions. La saison suivante est de nouveau de bonne facture pour le club, qui termine deuxième du championnat et qui voit son aventure en Europe se termine au deuxième tour, aux tirs au but, contre le vainqueur de la compétition : l’AC Milan. C’est toutefois l’année suivante, la dernière de Piksi à l’Etoile Rouge, qui sera considérée comme sa plus complète. A la fin de l’année (civile) 1989, Piksi est élu joueur Yougoslave de l’année, pour la deuxième année consécutive. Il est notamment récompensé pour son début de saison tonitruant, au cours duquel il s’impose comme l’homme à tout faire de l’Etoile Rouge. Dribbles, agilité, rapidité, bon placement et jeu long inégalé, Stojkovic atteint la perfection cette saison. Portant son équipe sur les épaules, il la mène à la victoire en finale de la Coupe de Yougoslavie contre le Hajduk Split après un match de haut niveau. Quelques jours plus tard, l’Etoile Rouge est sacrée en championnat, réalisant un doublé historique. Moins gêné par les blessures qu’au Radnicki, Stojkovic a pu montrer son talent infini à l’Etoile Rouge, permettant à son club de se hisser au premier plan national et de monter en puissance. Il est nommé « Etoile de l’Etoile Rouge » à la fin de sa carrière, titre que seuls cinq joueurs se sont vus attribués et récompensant les joueurs légendaires du club. A l’été 1990, après la Coupe du Monde où il a pu s’illustrer lors des phases finales, il est transféré à l’Olympique de Marseille et devient le deuxième joueur le plus cher du monde, juste derrière Maradona.
Un potentiel phénoménal jamais révélé ?
S’il s’est illustré à l’Etoile Rouge comme un joueur hors du commun, la suite de sa carrière ne sera malheureusement pas à la hauteur de son talent, noyé par les blessures et les conflits de son pays natal. Lorsqu’il rejoint l’OM, la malédiction commence : alors qu’il a été opéré pendant l’été à cause d’une blessure après la Coupe du Monde, il fait une rechute contre Metz, dès le deuxième match de la compétition, et s’effondre complètement. Cette saison, il ne joue qu’onze matchs de championnats, et ne s’illustre pas particulièrement. A la fin de cette même saison, alors qu’il revient une nouvelle fois de blessure, il rentre en cours de match de finale de la Coupe des clubs champions contre… l’Etoile Rouge, club qu’il a remis au sommet. Le match va jusqu’aux tirs au but et Stojkovic, maître dans l’art des penaltys, refuse de tirer contre son ancien club. L’OM finit par craquer et manque un tir, laissant filer le trophée par la même occasion. Triste ironie pour Piksi qui a à tout jamais marqué l’histoire du club de Belgrade. Le début de la saison suivante est du même acabit : il se blesse et ne joue jamais. L’OM décide de le rentabiliser un minimum en le prêtant à l’Hellas Vérone, où il a l’occasion de jouer une vingtaine de matchs et de jouer un peu. A son retour à l’OM pour la saison 1992-1993, rien ne change et son potentiel se retrouve noyé par les blessures et des joueurs plus constants que lui. Il n’est même pas compris dans le groupe marseillais champion d’Europe, et la saison suivante sera semblable. Avec seulement 37 matchs joué en quatre ans sous les couleurs de l’OM, Stojkovic et son immense talent sont tombés dans l’oubli. A la suite de son triste passage à l’OM, l’Etoile de l’Etoile Rouge s’en va au Japon, au Nagoya Grampus, dont il marque inévitablement l’histoire et devient l’une des icônes, lui qui a mis en lumière un championnat très peu médiatisé.
En parallèle à tout cela, la carrière de Piksi est également ruinée par les conflits qui ont lieu en Yougoslavie : de plus en plus de territoires demandent leur indépendance et cela a une conséquence footballistique désastreuse. En plus de perdre de nombreux joueurs, l’équipe est exclue de l’Euro 1992 pour lequel elle s’était qualifiée sans aucune difficulté. En plein milieu d’un conflit qui le dépasse et qui va bien au-delà du cadre footballistique, Dragan Stojkovic n’a aucun moyen de s’imposer en tant que figure du football slave, lui qui enchaîne les blessures. Lors de sa dernière compétition internationale, la Coupe du Monde 1998 organisée par la France, il marque contre l’Allemagne en phase de groupes avant de se faire éliminer par les Pays-Bas de Dennis Bergkamp.
Dans l’ombre de joueurs plus réguliers et moins soumis aux blessures, Dragan Stojkovic n’a jamais pu exploiter tout le talent qui lui a été donné. Son passage à l’OM l’ayant malheureusement pratiquement plongé dans l’oubli, il n’a pas pu se dévoiler comme l’Europe l’attendait, et c’est son passage à l’Etoile Rouge et en sélection qui reste dans l’histoire. Bien qu’ayant été sujet à des injustices qu’il n’avait pas la capacité de gérer, Stojkovic a fait parler le terrain à plusieurs reprises et a su mener ses équipes quand elles avaient besoin d’un leader. Capitaine de sa sélection et numéro 10 d’excellence, Piksi mérite sa place au Panthéon des plus grands talents du football. Pour tous les amateurs de ballon, c’est un regret de ne pas l’avoir vu s’illustrer plus longtemps.