Le 17 juin 1994, au Pontiac Silverdome de Detroit, les USA lancent leur Coupe du Monde face à la Suisse. Les Américains comptent montrer au monde que le football peut avoir sa place chez la première puissance mondiale de l’époque. Entre soft power, rêve américain, engouement phénoménal et résultats honorables, retour sur le parcours des Etats-Unis lors de l’édition 1994 de la Coupe du Monde de football.
Initialement, trois pays se sont proposés pour accueillir cette quinzième édition de la Coupe du Monde : le Brésil, les Etats-Unis et le Maroc. Le premier a vite été abandonné par la FIFA compte tenu de la situation économico-sociale et footballistique déplorable.
Le Maroc présente une candidature solide menée par M. Abdelatif Semlali, ministre marocain de la jeunesse et des sports. Le manque d’infrastructures joue en sa défaveur. Le Maroc récolte tout de même sept voix.
Les Etats-Unis surfent sur les très bons résultats sportifs des sélections nationales de football. Vainqueures en 1991 de la Coupe du Monde féminine, les Américaines dominent le football féminin. Les Américains, eux, ont fini deuxièmes de la Gold Cup 1993. Ayant de très bonnes infrastructures grâce au football américain, les Etats-Unis récoltent dix voix. Les USA sont donc pays hôte de la Coupe du Monde 1994.
Le « soccer » au pays du football américain
Après avoir échoué face au Mexique pour accueillir la Coupe du Monde 1986, les Etats-Unis sont enfin organisateurs du tournoi. Cela s’inscrit dans une envie de participer aux premiers rôles dans le sport le plus populaire du monde.
Seulement, depuis 1984 et la faillite de la North American Soccer League (NASL), les USA n’ont plus de championnat professionnel. C’est un retour en arrière pour un pays qui souhaite s’intégrer dans le paysage mondial comme un pays de football. La FIFA espère pourtant implanter durablement le football dans le pays.
Depuis 1991, et la chute de l’URSS, les Etats-Unis sont la seule grande puissance mondiale. Le football étant le sport le plus populaire du monde, il parait alors logique que les Américains s’intéressent à ce sport.
Une des conditions spécifiques pour obtenir l’organisation de ce tournoi était de relancer un championnat professionnel américain. En 1996, soit deux ans après la Coupe du Monde, la Major League Soccer (MLS) émerge. Les Etats-Unis espèrent attirer comme à l’époque de nombreux joueurs de renom. Dans les années 70-80 Pelé, Beckenbauer, Muller, Cruyff ou Eusebio avaient grandement participé à la démocratisation du football aux USA.
Une Coupe du Monde très ouverte
24 équipes vont s’affronter aux Etats-Unis du 17 juin au 17 juillet 1994, pour le titre de Champion du Monde. Celui-ci est remis en jeu par l’Allemagne, la RFA étant vainqueure en 1990.
De nombreuses grosses nations sont absentes de ce tournoi : la France, l’Angleterre, l’Uruguay ou encore l’ancienne Tchécoslovaquie. Le Brésil, l’Argentine, la Belgique et l’Italie sont bien présents. Quatre pays participent pour la première fois à la Coupe du Monde : la Russie, remplaçant l’URSS ; la Grèce, le Nigeria et l’Arabie Saoudite.
Les nations sont réparties en six groupes de quatre équipes. Les deux premiers de chaque groupe et les quatre meilleurs troisièmes sont qualifiés pour les huitièmes de finales. Nouveauté de cette Coupe du Monde 1994, une victoire rapporte trois points contre deux les précédentes éditions.
Les Etats-Unis héritent d’un groupe abordable et équilibré, malgré le fait qu’ils ne font pas partis des favoris. Etant hôte du tournoi, les Américains sont dans le chapeau un et le groupe A. La Colombie, la Roumanie et la Suisse complètent ce groupe, la première faisant office de favori.
La sélection américaine est menée par le Serbe Bora Milutinović. Celui-ci est d’ailleurs le seul entraineur à avoir dirigé cinq équipes différentes en Coupe du Monde : le Mexique en 1986, le Costa Rica en 1990, les Etats-Unis en 1994, le Nigeria en 1998 et la Chine en 2002.
Basant son dispositif sur un solide 5-3-2, il peut compter sur Tony Meola, gardien de but et capitaine de 25 ans. Les membres importants de cette équipe évoluent pour la plupart à l’étranger. Comme expliqué auparavant, il n’y a plus de championnat professionnel aux Etats-Unis depuis 1984.
Les défenseurs Paul Caligiuri, évoluant à Fribourg et Alexi Lalas évoluant à Padoue, mènent l’arrière garde américaine. Au milieu de terrain on retrouve notamment les deux natifs d’Uruguay : Fernando Clavijo qui en 1994 ne pratique plus le soccer mais le futsal, et Tab Ramos qui évolue au Bétis Séville. Earnie Stewart qui joue à Willem II mène le front de l’attaque de cette sélection des Etats-Unis.
Une première rencontre historique
Le match d’ouverture ne concerne pas les Etats-Unis mais l’Allemagne, tenante du titre. La compétition se lance pour les Américains le 18 juin. Ils affrontent la sélection suisse de Stéphane Chapuisat, au Pontiac Silverdome de Detroit.
Ce match restera dans l’Histoire pour avoir été la première rencontre qui s’est déroulée dans un stade couvert. Situé en banlieue de Detroit, le Silverdome est utilisé à l’époque par la franchise de football américain : les Lions de Detroit.
C’est donc devant 73 000 spectateurs que les Etats-Unis affrontent la Suisse. Le match est disputé et plutôt équilibré. Georges Bregy ouvre la marque pour la Nati à la 39ème minute. Juste avant la mi-temps, à la 45ème minute, Eric Wynalda égalise pour les Etats-Unis. Le score ne bougera plus. Les USA entament le tournoi avec un match nul.
Le deuxième match de la phase de groupe voit les Américains affronter la Colombie de Carles Valderrama. Devant près de 94 000 spectateurs réunis au Rose Bowl, les Etats-Unis marquent les premiers. Andres Escobar marque contre son camp, on joue alors la 35ème minute. Au retour des vestiaires, Earnie Stewart double la mise à la 52ème minute.
Adolfo Valencia réduit le score en fin de match dans le temps additionnel. C’est trop tard, les Etats-Unis dominent la Colombie pourtant favorite du groupe, et outsider pour la victoire finale du tournoi. Après leur défaite face à la Roumanie lors du premier match, les Cafeteros quittent le Mondial 1994.
Dans un groupe largement à leur portée, les Colombiens terminent derniers. Sur fond de narcotrafic et de paris sportifs, énormément d’argent était en jeu pour de nombreux acteurs de l’économie illégale colombienne. Andres Escobar est assassiné le 2 juillet 1994 à Medellin, soit quelques jours après son retour au pays. Il était en discussion pour rejoindre l’AC Milan. Son rêve européen se stoppe brutalement, à cause d’un simple but contre son camp. Les conséquences tragiques de cette rencontre sont restées dans les mémoires colombiennes et du football mondial.
Avec quatre points en deux matchs, les Etats-Unis sont en bonne posture pour se qualifier pour les huitièmes de finale de leur Mondial. Pour le dernier match de la phase de groupe, les Américains affrontent la Roumanie de Hagi.
Toujours au Rose Bowl de Los Angeles, les USA encaissent un but tôt dans le match. A la 17ème minute, Dan Petrescu trompe Tony Meola et ouvre la marque pour les Roumains. Le score ne bougera pas.
Les Etats-Unis terminent troisièmes du groupe A devant la Colombie avec quatre points. La Suisse, termine deuxième également avec quatre points mais la large victoire contre la Roumanie 4-1, joue en leur faveur. Les partenaires de Hagi terminent premier du groupe avec six points. Les Etats-Unis se qualifient tout de même pour les huitièmes de finale en terminant dans les quatre meilleurs troisièmes. Ils affronteront le Brésil, grand favori de cette Coupe du Monde 1994.
Une élimination avec les honneurs
Le 4 juillet 1994, au Stanford Stadium, situé dans l’université du même nom, le Brésil se dresse devant les Etats-Unis. Jour d’Indépendance américaine, c’est la fête autour du stade. Feux d’artifice et drapeaux américains sont de sortis. La symbolique est énorme : les USA vont affronter le grandissime favori de cette Coupe du Monde 1994.
Bebeto, Romario, Dunga et Taffarel sont bien présents côté Seleção. Bora Milutinović a de son côté aligne un 5-4-1 mettant de côté son dispositif initial à deux attaquants. Il compte sur une défense solide en bloquant la montée des latéraux brésiliens.
Dans un match âpre et très disputé, poussés par tout un public, et tout un pays, les Etats-Unis font un match solide et sérieux. A la 72ème minute, Bebeto ouvre le score sur une percée et un caviar de Romario. La défense américaine craque.
Le score en reste là. Le Jour de l’Indépendance du pays, Etats-Unis sont éliminés de leur Mondial face aux futurs vainqueurs du tournoi. Les Américains sortent de cette Coupe du Monde avec les honneurs.
La Coupe du Monde 1994 aux Etats-Unis est une vraie réussite. Avec de très beaux et grands stades, l’affluence était très élevée tout au long du tournoi. La finale, Brésil-Italie, a attiré 94 000 spectateurs. L’affluence moyenne pour les matchs de la sélection Américaine était de 86 000 spectateurs.
La FIFA a réussi son pari, les Etats-Unis aussi. La démocratisation du football aux USA s’inscrit dans l’ouverture d’esprit américaine de l’époque, et dans une opération de séduction. La plus grande puissance du globe a accueilli la plus grande des compétitions de football. Le lancement de la MLS deux ans après confirme la volonté des autorités sportives américaines d’ancrer le football dans la cuture sport des Etats-Unis.
La Coupe du Monde 1994 a permis aux Etats-Unis et à la FIFA de démocratiser le football dans le paysage culturel américain. Ce Mondial a été le théâtre de nombreuses petites histoires et records, qui restent en mémoire encore aujourd’hui. Le parcours honorable et le superbe match face au Brésil a montré aux yeux du monde qu’il faudra compter sur la sélection Américaine dans le futur.
Sources :
- « FOOTBALL : Coupe du monde Le Maroc candidat à l’organisation pour 1994 », Le Monde, 26 mars 1988
- « LA COUPE DU MONDE DE FOOTBALL HUITIÈMES DE FINALE : Brésil-Etats-Unis (1-0) Le 4-juillet du soccer », Le Monde, 6 juillet 1994
- Site officiel de la FIFA (Fédération internationale de football association)
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