La Coupe du Monde 2002, reste à bien des égards, une des éditions les plus controversées. La raison ? La performance de la Corée du Sud, pays organisateur avec le Japon, qui termine à la quatrième place. Un exploit pour le peuple coréen, une indignation pour l’Italie et l’Espagne, tous deux éliminés par cette dernière. Rétrospective sur l’étonnant parcours de la Corée du Sud où controverse et suspicions vont de pair…
Nous sommes le 31 mai 2002, la première Coupe du Monde organisée en Asie vient tout juste d’ouvrir ses portes. Le Japon et la Corée du Sud se partagent l’édition. Accueillir la plus belle des compétitions internationales est une formidable opportunité pour ces deux pays qui investissent de plus en plus dans le football. Le Japon disputera un huitième de finale contre la Turquie, un évènement pour le peuple nippon car lors de l’édition précédente, en 1998, l’équipe avait terminé dernière de son groupe avec aucun point. Mais la surprise de ce tournoi nous vient tout droit de Séoul.
L’outsider devient leader de son groupe
Le Pays du matin calme va bousculer la hiérarchie sur ses terres. L’équipe coréenne est dans le groupe des Etats-Unis, du Portugal et de la Pologne. Malgré son statut d’outsider, elle réussit à obtenir la première place de son groupe, avec trois points d’avance sur les Américains. Une prouesse pour l’équipe coachée par Guus Hiddink, auparavant décrié par la presse pour ses choix tactiques. Tout compte fait, c’est par le biais de cette compétition que l’entraîneur néerlandais va devenir un véritable héros national. Grâce à un jeu plus créatif et des efforts davantage réfléchis, les Coréens s’imposent 2-0 contre la Pologne, tiennent en échec les Etats-Unis 1-1 et s’imposent par la plus petite des marges contre le Portugal, 1-0. Après six participations à la Coupe du Monde, la Corée du Sud se qualifie enfin en huitième de finale.
Corée du Sud-Italie, un exploit controversé
La Corée du Sud doit faire face à l’Italie, grande favorite pour remporter la coupe avec le Brésil. La Squadra Azzurra peut compter sur sa défense de fer : une triplette Cannavaro – Maldini – Nesta. Ajoutez à cela une attaque composée de Del Piero, Totti, Inzaghi et Vieri, rien que ça. Entraînée par l’immense Giovanni Trapattoni, la Nazionale vient tout juste de terminer deuxième du groupe G (Mexique, Croatie, Equateur, Italie). Malheureusement, lors de cette phase de groupe, Nesta se blesse contre la Croatie et Cannavaro écope d’un carton rouge qui l’empêche de jouer ce huitième de finale.
Pour la Squadra, le match est bien mal engagé. Dès la 4ème minute, un penalty est octroyé aux Coréens de la part de l’arbitre Byron Moreno. Buffon évite la catastrophe en stoppant le ballon. La Corée, inférieure sur le papier, se bat malgré tout avec ses armes. Mais à la 18ème minute, Vieri envoie le ballon au fond des filets d’une tête dévastatrice. Pour autant, l’équipe Coréenne ne s’avoue pas vaincue et arrive à se procurer quelques occasions. Peu à peu, le match arrive bientôt à son terme, la Squadra mène toujours 1-0 dans un match poussif. Mais à la 88ème minute, c’est la douche froide : Seol égalise. Une minute plus tard, c’est Vieri qui loupe le coche en ratant le cadre face au but vide. Nous sommes à la 90ème minute, l’arbitre siffle la fin du temps réglementaire, synonyme de prolongations. L’équipe qui inscrira le but en or sera qualifiée en quart de finale. C’est au cours de cette demi-heure que va se produire un scénario rocambolesque. A la 102ème minute, l’Italie se retrouve privée de Totti, la faute à un carton jaune pour simulation alors qu’il vient tout juste de se faire faucher dans la surface. Pire encore, sept minutes plus tard, c’est Tommasi qui voit son but refusé pour un hors-jeux tout à fait inexistant ! Les Italiens ont le sentiment que leurs efforts ne seront pas récompensés. De l’autre côté, la Corée du Sud y croit dur comme fer, en témoigne l’ambiance du Daejeon World Cup Stadium. Finalement, le Coréen Hwan, du bout de son crâne, délivre le stade en offrant le but de la qualification à la 117ème minute. Pour les Italiens, c’est un scandale. Trapattoni et ses joueurs sont écœurés. Certains protesteront contre l’arbitre mais Byron Moreno restera fidèle à son arbitrage et ne bronchera pas. L’eau bénite, déposée furtivement par Giovanni Trapattoni sur la pelouse n’aura pas eu d’effet. L’Italie est éliminée.
Byron Moreno, justicier devenu hors la loi
Intéressons-nous quelques instants à ce Byron Moreno. Appelé « El justiciero », il arbitrera deux mois plus tard un match du championnat équatorien, à savoir l’opposition entre La Liga Deportiva Universitaria de Quito et le Barcelona Sporting Club. A la fin du temps réglementaire, le Barcelona Sporting Club mène trois buts à deux. La victoire lui semble donc promise. Mais voilà que Byron Moreno décide d’ajouter treize minutes de temps additionnel ! La Liga Deportiva Universitaria de Quito en profite donc pour égaliser et marquer le but de la victoire. A la fin du match, l’arbitre est conspué et doit sortir sous escorte policière. Les soupçons sont nombreux. On présume en effet que l’arbitre a favorisé la victoire de Quito pour mettre en lumière sa candidature au conseil municipal de la ville. Byron Moreno sera suspendu vingt matchs par sa fédération. Mais ce dernier n’a pas fini de faire parler de lui. En septembre 2010, on le retrouve à l’aéroport de New York avec six kilos de cocaïne ! Personnage à la trajectoire sulfureuse, il sera condamné à deux ans et demi de prison. Mais revenons au Mondial 2002. Un quart de finale attend les Coréens…
Corée du Sud-Espagne, une victoire contestée
Le 22 juin 2002, à 15h30, le Gwangju World Cup Stadium grouille. C’est sous un grand soleil que la Corée du Sud retrouve la Roja. Fière de sa qualification au tour précèdent contre l’Irlande, l’Espagne entend bien remporter ce match. De beaux noms figurent dans cette équipe. Raúl et Morientes, coéquipiers au Real Madrid, symbolisent à eux deux une attaque de feu. Cette rencontre est arbitrée par l’égyptien, Gamal Al-Ghandour. Dès le coup d’envoi, le match est âpre et les contacts sont rudes. Les deux équipes rentrent au vestiaire sur le score de 0-0. La Corée ne s’est pas procurée d’occasion tandis que les Espagnols n’ont pas réussi à concrétiser leurs actions dangereuses. Pour l’instant, pas grand-chose à se mettre sous la dent mais c’est après la pause qu’une polémique éclate. A la 48ème minute, l’Espagne se voit refuser un but pourtant valable pour un prétendu hors-jeu. Un peu plus tard, c’est la Corée du Sud qui va s’offrir sa première occasion. Néanmoins, lorsque l’arbitre siffle la fin du match, les équipes sont toujours à égalité. Adeptes des prolongations, les Coréens vont donc de nouveau tenter de l’emporter de cette façon. La prolongation débute sur les chapeaux de roues. Joaquín centre pour Morientes et pousse le ballon au fond des filets ! C’est la délivrance pour les joueurs espagnols. Mais l’arbitre assistant vient tout juste de lever son drapeau justifiant une sortie de balle. Le ballon n’est pourtant pas sorti, cela devient presque grotesque. A la 110ème minute, le ridicule atteint son paroxysme quand un hors-jeu est signalé alors que Morientes filait au but. Révolté, il contestera la décision de l’arbitre mais ne récoltera qu’un carton jaune pour protestation…
Sur le banc espagnol, la tension est à son comble. Les remplaçants, tous debout, sentent que le match est en train de leur échapper. Cette prolongation est irrespirable. La séance de tirs aux buts la sera tout autant. Chaque équipe transforme ses tirs jusqu’à ce que Joaquín s’élance. Le portier Coréen repousse le ballon. Sidéré, l’espagnol reste stoïque. La foule elle, est en délire. Hong inscrira ensuite le but de la victoire. Après l’Italie en huitième, l’Espagne est éliminée à son tour.
Gamal Al-Ghandour et le mystérieux Jack Warner
On ne voit pas comment les Espagnols auraient pu marquer. Comme si les Dieux du football avaient jeté leur dévolu sur la Corée du Sud dès le coup d’envoi… L’arbitre sera une nouvelle fois très critiqué.
Contrairement à Byron Moreno, Gamal Al-Ghandour racontera un an plus tard dans une interview pour une émission de télé espagnole qu’il n’y a pas eu d’erreurs d’arbitrage lors de cette rencontre. Il défendra sa prestation par une note de 8,5/10 attribuée par un observateur de la FIFA. Il mettra cependant un terme à sa carrière d’arbitre après cette Coupe du Monde.
En 2015, la Corriere dello Sport évoqua des soupçons concernant l’équité de ces deux rencontres. Selon le journal italien, l’ancien vice-président de la FIFA, Jack Warner, aurait lui-même choisi les arbitres de ces deux matchs pour favoriser l’équipe coréenne. L’affaire ne donnera pas de suite mais d’autres suspicions seront associées à ce protagoniste qui sera condamné quatre ans plus tard à verser 70 millions d’euros pour détournement de fonds avant d’être radié par la FIFA.
Un soupçon ne venant jamais seul, certains évoqueront un éventuel dopage mais aucune preuve ne permet de l’affirmer. Qualifiée en demi-finale, la Corée sera vaincue par l’Allemagne 1-0 et disputera la petite finale contre la Turquie. Malgré la défaite 3-2 face aux Turcs, l’ambiance est à la fête à Daegu. A l’issue de cette Coupe du Monde, le contrat est rempli pour Guus Hiddink et ses joueurs. Après cette campagne, quatorze des joueurs Coréens sur les vingt-trois sélectionnés changeront de club. Le bourreau de l’Italie, Hwan, qui devait rejoindre Perouse, en est finalement interdit par son président au tempérament explosif Luciano Gaucci : « Je n’ai pas l’intention de payer le salaire de celui qui a ruiné le football italien ». Hwan portera plutôt le maillot du club Japonais, Shimizu S Pulse, dans un contexte plus accueillant.
Le parcours de la Corée du Sud reste la meilleure performance d’une équipe asiatique en Coupe du Monde mais elle recèle de nombreux mystères et la FIFA emportera avec elle d’innombrables zones d’ombres. A la fin du match contre l’Espagne, un supporter coréen brandira une pancarte « U Remember England 1966 ? ». La victoire de l’Angleterre lors de la Coupe du Monde 1966 fait effectivement écho.
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Sources :
- Johann Crochet, Florent Toniutti et Yannick Merciris, « Corée du Sud – Italie 2002 », Soyez-sympas, rejouez !
- Alexandre Herbinet, « De l’erreur lors de Italie-Corée à la prison pour trafic de drogue, le destin tragique de Byron Moreno », RMC Sport
- Régis Delanoë, « Le mondial 2002 était-il vraiment si pourri que cela ? », So Foot
- Sébastien Veyrier, « FIFA : Soupçon de truquage sur le mondial 2002 en Corée du Sud », 24Matins.fr
- Didier Roustan, « C’est l’histoire 18 Juin CDM 2002 Corée du Sud-Italie », Roustan TV
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