Avec ses trente-deux titres de champion et ses treize coupes, Colo-Colo est le club le plus titré du Chili. Il est aussi parvenu à remporter la Copa Libertadores, permettant d’inscrire le pays sur les tablettes de la plus grande compétition continentale.
Le club de Colo-Colo a été fondé par plusieurs joueurs issus de l’équipe du Deportes Magallanes. En désaccord avec les dirigeants pour des questions de passage au professionnalisme, l’international chilien David Arellano et d’autres coéquipiers décident de se retirer du club.
Ils pensent tout d’abord à rejoindre une autre équipe, avant de décider d’en fonder une nouvelle. Le Colo-Colo Football Club naît le 19 avril 1925. Arellano en devient le premier capitaine.
Le nom est choisi par Luis Contreras. Colocolo est un chef de guerre du peuple des Mapuches, ayant combattu les Espagnols au XVIe siècle. Il est un symbole de sagesse et de courage au Chili. C’est son visage que l’on retrouve sur l’écusson de l’équipe.
Le choix des couleurs est, lui, effectué par Juan Quiñones : un maillot blanc, symbole de pureté, un short noir, symbole de détermination, des chaussettes noires à rayures blanches et des chaussures noires à rayures rouges.
Un deuil marquant dans l’histoire du club
Fort de son expérience internationale avec le Chili, Arellano, meilleur buteur de la Copa America 1926, organise des tournées à travers le continent américain, mais aussi en Europe. Colo-Colo est ainsi la première équipe chilienne à jouer sur le vieux continent.
Le destin du club change le 3 mai 1927. Le lendemain d’un coup reçu lors d’un match amical face à la Real Unión Deportiva de Valladolid, le capitaine du Cacique décède d’une péritonite traumatique. En hommage, une bande noire est depuis brodée sur le maillot, juste au-dessus de l’écusson. Le stade, inauguré des décennies plus tard, prend aussi le nom d’Estadio Monumental David Arellano.
Colo-Colo participe à la première saison du championnat professionnel chilien en 1933. Il ne connaîtra d’ailleurs jamais la relégation depuis. Parmi les autres clubs fondateurs, on retrouve le Deportes Magallanes, le Santiago Badminton, l’Unión Española, l’Audax Italiano, le Santiago Morning, le Club de Deportes Green Cross, et le Santiago National.
À égalité de points avec le Deportes Magallanes, un barrage est organisé pour désigner le vainqueur du premier championnat de l’histoire du pays. Colo-Colo s’incline 2 buts à 1. Il doit finalement attendre 1937 pour ravir son premier titre, avec un parcours presque parfait (neuf victoires et trois nuls).
Franz Platko, le stratège
Le deuxième championnat est remporté deux ans plus tard, en 1939, sous la direction de Franz Platko. L’entraîneur hongrois arrive au Chili après avoir notamment entrainé Mulhouse, Roubaix ou Barcelone. Il révolutionne le jeu des Albos avec l’intronisation du « WM » (un 3-2-2-3) et la mise en place d’un défenseur central chargé de coller l’avant-centre rival, schéma inédit pour l’époque. Un nouveau titre est glané en 1941 et Platko est appelé pour diriger la sélection nationale du pays.
Il quitte Colo-Colo en 1944 et la même année, la politique du club change. On procède à une chilénisation de l’équipe. Plusieurs joueurs étrangers sont limogés et les dirigeants décident de miser uniquement sur des joueurs du pays. Un changement qui n’empêche pas le club d’être titré cette année-là.
En 1947, le club est de nouveau champion et décide l’année suivante d’organiser une grande compétition en Amérique du Sud : le championnat sud-américain des clubs champions, précurseur de la future Copa Libertadores. Les Chiliens invitent les Argentins de River Plate, les Boliviens de Litoral, les Équatoriens d’Emelec, les Péruviens du Deportivo Municipal, les Uruguayens du Nacional et les Brésiliens de Vasco de Gama. Ces derniers remportent d’ailleurs la compétition.
Platko est de retour en 1953. Le club attire aussi les frères Ted et Jorge Robledo, en provenance de Newcastle United. Jorge vient alors de terminer meilleur buteur du championnat anglais en 1952. Le titre est de nouveau remporté par le Cacique. Robledo remportera aussi le championnat 1956 sous les ordres de l’Uruguayen Enrique Fernández, entraîneur déjà titré avec Barcelone et le Real Madrid.
Le club des records
En 1963, le club remporte son neuvième championnat (le huitième a été obtenu en 1960). C’est une année record pour Colo-Colo. En 34 matchs, ils parviennent à inscrire 103 buts dont 37 pour le seul Luis Hernán Álvarez, deux records depuis inégalés au Chili. C’est aussi au cours de cette saison que le club décide d’arrêter se politique de joueurs 100 % chiliens.
Inconstant dans ses succès depuis le début de son histoire, Colo-Colo connaît un creux à la fin des années 1960 où l’Universidad Católica et l’Universidad de Chile dominent le pays. Cette dernière est la principale rivale de Colo-Colo. Ils s’affrontent au cours d’un match appelé Superclásico. La « U » est, comme son nom l’indique, plutôt une équipe soutenue par les étudiants et les intellectuels alors que Colo-Colo se présente comme le club du peuple.
Les Albos sont de retour au sommet de leur championnat en 1970 et 1972. L’année suivante, ils réalisent un grand parcours en Copa Libertadores. Après avoir dominé leur poule du premier tour, le club remporte aussi la poule du second. Il parvient à se défaire des Paraguayens du Cerro Porteño, mais surtout de Botafogo avec pour principal fait d’arme, une victoire 2 buts à 1 au Maracanã.
Le club atteint donc la finale. C’est une première pour un club chilien. Colo-Colo est opposé à l’Independiente. Après un nul 1-1 en Argentine, puis un 0-0 au Chili, ils s’inclinent aux prolongations dans un match de barrage 2-1. Carlos Caszely, unique buteur du Cacique lors de ce dernier, termine meilleur buteur de la compétition.
Une histoire ambiguë sous Pinochet
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L’année 1973 est aussi celle de l’arrivée au pouvoir du dictateur Augusto Pinochet. Son règne durera jusqu’en 1990. Les clubs rivaux du Cacique l’accusent souvent d’être lié au régime.
En 1976, des élections doivent être organisées à Colo-Colo. L’opposant politique Tucapel Jiménez est pressenti pour les remporter. Pinochet décide alors de les annuler et nomme lui-même les nouveaux membres. Il place des employés de la Banco Hipotecario de Chile, dont il est proche, au pouvoir. Mais c’est un désastre économique pour le club.
Parmi les farouches opposants à la dictature, on retrouve Carlos Caszely qui est retourné au club après un passage à Levante et à l’Espanyol Barcelone. Proche des idées de Salvador Allende, renversé lors du coup d’état de 1973, le footballeur a toujours refusé de serrer la main de Pinochet. Sa mère en a d’ailleurs fait les frais. Elle a été arrêtée et torturée par la dictature. Durant cette époque, c’est lui qui porte Colo-Colo vers les titres de champion en 1979, 1981 et 1983 malgré les problèmes économiques. Après son départ du club, le Cacique remportera également les championnats 1986 et 1989.
Le meilleur buteur du club sera également présent pour se mobiliser contre son maintien au pouvoir. En 1988, un référendum est organisé par la dictature. Il doit déterminer si Pinochet peut rester en place jusqu’en 1997. Le Général veut utiliser Colo-Colo, club le plus populaire du pays pour faire passer le « oui ». Il annonce qu’il débloquera 300 millions de pesos pour terminer la construction de l’Estadio Monumental si une réponse favorable l’emporte. Caszely appelle alors à voter « non » et apparaît d’ailleurs dans un clip aux côtés de sa mère pour défendre sa position. C’est celle-ci qui l’emportera.
Cette utilisation de Colo-Colo par le pouvoir a toujours été reprochée par les clubs rivaux alors même que Colo-Colo n’avait pas besoin de cet argent. Ils en avaient déjà récolté assez avec la vente d’Hugo Rubio à Bologne. La présence de Pinochet dans la liste des présidents d’honneur du club depuis le milieu des années 1980 est aussi utilisée par les détracteurs. Mais après un long combat des supporters, son nom a finalement été retiré des listes en 2015.
À la conquête du continent
Peu après le départ du dictateur, le club du quartier du Macul à Santiago connaît le plus grand succès de son histoire. En 1990, le Yougoslave Mirko Jozić prend les rênes de l’équipe première. Il mène son équipe au titre de champion du Chili en 1990 et 1991. C’est donc le troisième titre consécutif après celui de 1989, un exploit alors réalisé uniquement par le Deportes Magallanes lors des trois éditions inaugurales (1933 à 1935).
Mais Colo-Colo brille surtout à l’échelle continentale. Après avoir remporté sa phase de poule de Copa Libertadores, Colo-Colo élimine les Péruviens du Club Universitario de Deportes (0-0, 2-1) en huitièmes de finale, le Nacional (4-0, 0-2) en quarts et enfin Boca Juniors (0-1, 3-1) en demi.
En finale, face aux Paraguayens du Club Olimpia, ils concèdent le nul 0-0 à Asuncion avant de l’emporter 3-0 à l’Estadio Monumental David Arellano de Santiago. C’est le seul et unique sacre chilien à ce jour dans la plus grande des compétitions sud-américaines. Ce titre lui vaut le surnom d’Eterno Campeon (le champion éternel) parmi ses supporters.
La quasi-totalité des joueurs de la finale sont des internationaux. Javier Margas, Miguel Ramírez, Lizardo Garrido, Jaime Pizarro, Gabriel Mendoza, Eduardo Vilches, Rubén Espinoza, Rubén Martínez, Daniel Morón ou Luis Pérez ont tous porté le maillot de la Roja au cours de leur carrière.
Le club échoue quelques mois plus tard lors de la Coupe Intercontinentale. Ils s’inclinent 3 buts à 0 face à l’Étoile rouge de Belgrade. Mais l’année 1992 est ensuite synonyme de succès. Sous la direction du Yougoslave, Colo-Colo remporte en 1992 la Recopa Sudamericana face au vainqueur de la Copa Sudamericana, Cruzeiro (0-0, 5-4 aux tirs aux buts). Ils enchaînent ensuite avec la Copa Interamericana face aux Mexicains de Puebla (4-1, 3-1). Jozić ajoutera le championnat 1993 à son palmarès avant son départ.
À la fin de la décennie, le club remporte les titres en 1996, le championnat de clôture 1997 (il existe désormais deux championnats dans l’année) et 1998. Au niveau continental, il atteint en 1996 les demi-finales de la Supercopa Sudamericana, une compétition réservée aux anciens vainqueurs de la Copa Libertadores.
La crise puis le renouveau
Le 23 janvier 2002, le club est déclaré en faillite. Une sanction qui ne l’empêche pourtant pas d’être sacré dans le championnat de clôture 2002 avec une équipe de jeunes joueurs. Il doit donc se reconstruire. Une société, Blanco y Negro SA, reprend l’administration. Les dettes doivent être épongées grâce à des placements à la Bourse de Santiago.
C’est une réussite, la justice lève la faillite en 2006 et Colo-Colo remporte de nouveaux titres. Sous la direction de l’Argentin Claudio Borghi (champion du monde 1978 avec l’Argentine), et avec une génération dorée, Colo-Colo rafle tout : les deux championnats de 2006, les deux de 2007 et le championnat de clôture 2008. Cinq championnats en trois ans, un exploit. L’équipe compte alors dans son effectif des joueurs comme Alexis Sánchez, Arturo Vidal, Matias Fernandez ou Jorge Valdivia.
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En 2006, Colo-Colo atteint également la finale de Copa Sudamericana, la petite coupe d’Amérique du Sud. Mais elle s’incline face à Pachuca (1-1, 1-2), les Mexicains ayant été invités pour cette compétition. Le championnat de clôture 2008 est une nouvelle réussite. Lucas Barrios porte les siens avec 37 buts, et égale le record d’Alvarez datant de 1963. Colo-Colo remporte aussi le championnat de clôture l’année suivante.
Après un trou d’air de plusieurs années, le club repart vers les sommets sous les ordres d’Héctor Tapia. L’ancien lillois porte l’équipe avec des joueurs comme Justo Villar, Jaime Valdes ou Esteban Paredes, le meilleur buteur de l’histoire du championnat chilien. Ils remportent le titre en ouverture 2014 et 2015. Le championnat de transition 2017 est le dernier championnat remporté par Coco-Colo, son 32ème.
Habitué à jouer continuellement le haut du tableau, le club s’est fait très peur lors de la saison 2020. Colo-Colo s’est sauvé de la relégation lors d’un match de barrage remporté 1 but à 0. Mais tout est rentré en ordre depuis. Cette année, le Cacique lutte à nouveau pour le titre face à l’Universidad Católica. Il souhaite l’empêcher de remporter son quatrième titre consécutif, ce qui égalerait son record.
Malgré de grandes irrégularités au cours de son histoire, Colo-Colo a remporté près de 50 titres majeurs depuis sa fondation. Avec l’aide de nombreux internationaux sud-américains et surtout chiliens, le club vise perpétuellement les sommets depuis près de 100 ans, et compte toujours une grande longueur d’avance sur ses principaux rivaux au niveau du palmarès national et continental.
Sources :
- Site officiel du club
- Nicolas Cougot, « Universidad de Chile – Colo Colo, l’autre Superclásico », Lucarne Opposée, 27 août 2017
- Ruben Curien, « Colo-Colo et le lourd héritage de Pinochet », So Foot.com, 20 avril 2015.
- Benjamin Pezziardi, « Carlos Caszely, l’homme qui s’opposa à Pinochet », Lucarne Opposée, 6 mai 2017
Crédits photos : Icon sport