Sans poste actuellement, Claude Puel reste un personnage central du football français. Joueur emblématique de l’AS Monaco, il est, depuis, devenu l’un des entraîneurs les plus connus de la Ligue 1. Malgré ses mandats à la tête de grandes écuries nationales, il conserve un palmarès relativement faible et une image quelque peu écornée. Pourquoi le ballon rond tricolore malmène-t-il tant l’un de ses rares penseurs ?
Guy Roux, Karid Firoud, Albert Batteux et José Arribas sont les quatre entraîneurs ayant officié le plus longtemps dans le championnat de France. La plupart en Division 1, certains même en Division Nationale (nom officiel jusqu’en 1972). Claude Puel, lui, apparaît à la cinquième place de ce classement à seulement deux matchs d’Arribas et six de Batteux. Il a d’ailleurs disputé la quasi-totalité de ses 652 rencontres en Ligue 1 et dans une époque où les dirigeants sont bien moins cléments. Ajoutez à cela 601 matchs en tant que joueur et vous obtenez un tableau de chasse qui mérite d’être valorisé.
L’obstiné de la Principauté
Avant d’être un coach pour le moins opiniâtre, Claude Puel a été un footballeur acharné. Jamais avare d’effort, ce milieu récupérateur de devoir a rarement été dans la lumière monégasque mais a tout de même une place plus qu’importante dans l’histoire du club. Une entrée dans le centre de formation de l’AS Monaco en 1977 puis un titre de champion de France acquis en tant qu’entraîneur en 2000, et, entre temps, une histoire d’amour marquée par plus de dix-sept années professionnelles.
Constamment vanté pour son physique, il peut également l’être pour sa loyauté. En effet, il est l’un des rares joueurs à avoir effectué l’intégralité de sa carrière sous les mêmes couleurs. Le natif de Castres se classe à la deuxième place des joueurs ayant porté le plus de fois le maillot rouge et blanc derrière son coéquipier de l’époque au poste de gardien de but Jean-Luc Ettori.
Freiné par les pépins physiques et face à la concurrence de Didier Christophe et Dominique Bijotat, le jeune Claude Puel remporte le titre de D1 1981-1982 avec seulement onze apparitions. Un titre tout de même fondateur pour le joueur de 20 ans qui voit, en plus, le premier cité partir du côté de Lille. A partir de là, il sera très difficile de lui enlever sa place de titulaire indiscutable. C’est donc avec l’étiquette de cadre de l’entrejeu qu’il remporte un autre trophée de champion national en 1988 ainsi que deux Coupes de France en 1985 et 1991. Un an plus tard, il échoue en finale de la Coupe des coupes face au Werder Brême avant de ranger les crampons définitivement au placard en 1996.
Débuts rêvés pour coach Puel
Aussitôt la carrière de joueur terminée, aussitôt celle d’entraîneur lancée. Pour apprendre ce métier ô combien différent, l’ancien milieu de terrain enchaîne les postes au sein de l’institution monégasque : préparateur physique, entraîneur de la réserve et adjoint de Jean Tigana. Alors en charge de l’équipe première, le champion d’Europe 1984 voit ses choix constamment remis en question et estime que Claude Puel est à la tête de cette fronde. Celui que l’on surnomme « Don Quichotte » pour cette habilité à tourner chaque situation au conflit quitte le club en janvier 1999 et voit son adjoint lui succéder. Une prise de fonction qu’il ne lui pardonnera jamais et ne cessera de le faire savoir au fil de leurs retrouvailles sur les bancs de Ligue 1.
Malgré cette ambiance pesante, Claude Puel arrive tout de même à maintenir le navire à flot puisque l’AS Monaco termine la saison à la quatrième place synonyme de qualification en Coupe de l’UEFA dans laquelle le club se hissera en huitième de finale l’année suivante. Lors de la saison 1999/2000 c’est surtout le parcours en championnat qui impressionne. Alors que l’on reprochait à Jean Tigana de ne pas faire jouer son équipe assez vers l’avant, le visage affiché par le club de la principauté change radicalement. Grâce aux 21 buts de Marco Simone et aux 22 de David Trezeguet, le champion de France caracole largement en tête du classement de la meilleure attaque avec pas moins de quinze réalisations d’avance sur son dauphin, le Paris Saint-Germain. En plus de ce titre, Marcelo Gallardo, Ludovic Giuly et consorts remportent aussi le Trophée des champions.
La deuxième saison pleine de Claude Puel sur le banc est bien plus compliquée. Si les buts continuent de pleuvoir chaque week-end en faveur des Monégasques, ces derniers en encaissent toutefois trop – 50 contre 38 l’année précédente. La finale perdue de Coupe de la Ligue ne changera rien, l’entraîneur quitte son club de toujours après 24 ans de bons et loyaux services.
Long terme face logique actuelle
Sa longue expérience sur le rocher symbolise parfaitement sa conception du football. Pas plus tard que cette semaine, il a encore affirmé dans les colonnes de La Revue de l’After Foot : « Ce qui m’intéresse, c’est ce qui est durable ». Une vision à long terme qu’il a su plus ou moins imposer dans les clubs où il a continué sa carrière d’entraîneur avec six saisons à la tête du LOSC, trois à l’Olympique Lyonnais et quatre à l’OGC Nice. Chaque expérience avait ses caractéristiques mais même dans l’institution rhodanienne alors septuple championne de France en titre, il a réussi à rester en poste en atteignant notamment les demi-finales de la Ligue des Champions 2010.
A Lille et Nice également Claude Puel a réalisé de belles saisons. Il ramène la Coupe Intertoto 2004 dans le Nord et joue le titre face à l’OL l’année suivante avant de terminer à la deuxième place. Un exercice remarquable qui lui vaudra plusieurs distinctions personnelles. Aucun trophée remporté sur la Côte d’Azur mais d’excellents souvenirs pour les amateurs du championnat de France. Les deux quatrièmes places acquises en 2012-2013 et 2015-2016 évoquent évidemment les prestations de Dario Cvitanich, Éric Bauthéac, Valentin Eysseric puis celles d’Hatem Ben Arfa, Valère Germain ou encore Nampalys Mendy.
Quelques semaines après son départ du Gym, Claude Puel décide de changer d’air en prenant les rênes de Southampton. En plus de découvrir le football britannique, il commence à appréhender la logique actuelle laissant de moins en moins de temps au coach pour poser sa patte sur l’équipe. Après les pertes de Sadio Mané et Victor Wanyama, les Saints ne peuvent faire mieux qu’une huitième place de Premier League et une finale de League Cup. Trop peu pour que Claude Puel conserve sa place. En octobre 2017, il succède à Craig Shakespeare pour tenter de remettre le navire Leicester City à flot. Mission réussie puisque le club passe de la dix-huitième à la neuvième place. La deuxième saison commence par le drame qui a mené à la mort de Vichai Srivaddhanaprabha, le propriétaire du club, dans un accident d’hélicoptère sur le parking du King Power Stadium. Les résultats sportifs ne sont pas aussi bons que l’année précédente, ce qui lui vaudra le premier licenciement en cours d’exercice de sa carrière.
Vert à moitié vide
Il lui faudra plusieurs mois pour digérer les récents événements. Il revient toutefois en France pour prendre la place de Ghislain Printant en tant qu’entraîneur et manager général de l’AS Saint-Etienne. En mauvaise position au classement, l’historique club du Forez est également dans le rouge financièrement alors que les luttes internes font rage. « J’avais la perception d’un groupe de haut niveau mais qui ne pouvait pas s’inscrire dans le futur. Avec ma fonction élargie, j’ai eu connaissance de la situation économique. Le club allait dans le mur, il s’est beaucoup endetté pour suivre ce schéma, qui avait vécu », explique le nouvel arrivé aux ambitions étonnantes. Freiné par les départs des deux prodiges William Saliba et Wesley Fofana, il entend tout de même s’appuyer sur les jeunes pousses vertes pour remettre l’ASSE à sa place initiale. Il explique clairement dans les colonnes de L’Équipe :
« Il nous faut deux ou trois ans pour solder l’ancien projet, installer le nouveau et décoller vraiment ».
Le temps ne lui sera finalement jamais laissé. Maintenu de justesse par la pandémie du Covid-19 pour sa première saison chez les Verts, il fait largement mieux la deuxième année malgré un fond de jeu méconnaissable par rapport à ses expériences précédentes. La troisième saison est censée être fondatrice pour le lancement du nouveau projet voulu mais la fusée explose en plein vol. Malchanceux lors de nombreux matchs de Ligue 1, il est démis de ses fonctions en décembre 2021 et remplacé par Pascal Dupraz qui ne pourra empêcher la descente en Ligue 2.
Le penseur esseulé
Cela fait donc désormais neuf mois que Claude Puel n’exerce plus le métier d’entraîneur même si l’on imagine qu’il reste un suiveur assidu du football français et mondial. Un milieu qu’il connaît sur le bout des doigts après quarante ans de carrière et largement plus de 1 000 matchs officiés sur le terrain puis sur le banc. Malgré tout, il est loin de faire partie des personnalités préférées de la troupe du ballon rond tricolore. Rarement de bonne humeur avant, durant et après les rencontres, il ne charme pas le public comme certains de ses confrères.
Parmi les quatre entraîneurs ayant disputé davantage de matchs de championnat de France que lui, Guy Roux, Albert Batteux et José Arribas sont des noms qui interpellent directement. Le premier est la figure emblématique de l’AJ Auxerre, le deuxième du Stade de Reims et le troisième du FC Nantes. Claude Puel ne peut se targuer d’avoir eu une longévité comparable à ses aînés mais garde une pérennité relativement étonnante au XXIe siècle. Parmi ses contemporains, il devance assez largement Frédéric Antonetti, Antoine Kombouaré ou Christophe Galtier. Moins mis en avant que le nouveau technicien du Paris Saint-Germain, il n’a jamais été pressenti dans les plus grands clubs du pays après son semi-échec du côté de Lyon. Le quotidien espagnol Marca estime qu’il n’est pas « un adepte de l’école de sa fédération, promotrice de football défensif caractéristique de la sélection championne du monde 1998 et 2018. Comme Wenger chez lui, Puel est contre-culturel ».
A l’heure où la France se gargarise d’être l’un des meilleurs pays formateurs du monde, il délaisse l’un de ses plus glorieux éducateurs. Le paysage footballistique européen est fait de joueurs ayant appris sous ses ordres. David Trezeguet, Willy Sagnol, Eric Abidal d’abord, Eden Hazard, Hugo Lloris, Karim Benzema plus tard, Virgil van Dijk et Etienne Green plus récemment. De la même façon, Hatem Ben Arfa a retrouvé ses habits de lumières dans l’OGC Nice de Claude Puel. Toutefois, aux yeux des hautes instances, cela ne vaut pas plus que les titres acquis par un autre ancien milieu travailleur du sud-ouest.
Sources :
- Thibaud Leplat, « Claude Puel : « Ce qui m’intéresse, c’est ce qui est durable » », After Foot La Revue
- Régis Dupont et Bernard Lions, « Claude Puel : « Si je suis carriériste, je ne viens pas » », L’Équipe
Crédit photos : Icon Sport