Anciens vainqueurs ou finalistes de la plus prestigieuse compétition continentale, ces clubs sont désormais des anonymes. La réforme de la C1 pour la lucrative Champion’s League et l’arrêt Bosman ont pesé sur leur parcours européen. Hormis Porto en 2004, aucun autre « petit » club n’a plus réussi à soulever la Coupe aux grandes oreilles et le spectre de la Super League ne va pas arranger ce phénomène. Retour sur ces ex-vainqueurs désormais portés disparus sur la scène européenne et sur ces finalistes qui, en plus, ont eu la désagréable expérience d’être définitivement passés à côté du Graal européen…
Les années 90
Étoile rouge de Belgrade (1991)
Cinq ans après le premier sacre d’un club issu du bloc communiste, une deuxième équipe des pays de l’Est s’ajoute au palmarès de la prestigieuse compétition européenne. Pendant la Seconde guerre mondiale, et alors que les précédents clubs serbes ont été dissouts par décret du régime de Tito car jugés comme collaborateurs pour avoir tenter d’organiser un championnat pendant l’occupation allemande, un groupe de jeunes hommes décide de fonder un club omnisports pour la jeunesse. Après une longue réflexion, les premiers dirigeants optent pour Étoile et décident d’y associer le rouge afin de poursuivre l’héritage du SK Jugoslavija l’un des deux grands clubs de Belgrade entre 1929 et 1945 dont ce nouveau venu se veut le successeur. L’idée est immédiatement approuvée par le parti socialiste local très friand de la symbolique. L’Étoile Rouge de Belgrade est née et devient rapidement l’une des places fortes du pays. Vainqueur de plusieurs titres nationaux, l’équipe connaît également des succès en Europe avec deux victoires (1958 et 1968) en Coupe Mitropa opposant les meilleurs clubs d’Europe centrale (Autriche, Hongrie, Italie, Roumanie, Suisse, Tchécoslovaquie et Yougoslavie) et échoue de peu en Coupe de l’UEFA 1979 perdant la finale contre le Borussia Mönchengladbach de Allan Simonsen, Berti Vogts et dirigé par Udo Lattek. Retour en 1990 : avant de se hisser jusqu’au toit de l’Europe, les Yougoslaves de l’Étoile Rouge entament leur épreuve par un nul 1-1 à domicile contre les Suisses des Grasshoppers. Ce résultat n’est pas une bonne opération mais les doutes sont vite balayés au retour avec une brillante victoire au Hardturm de Zürich grâce à Pančev, Prosinečki (x2) et Radinović.
Au tour suivant, les espoirs de leur adversaire des Rangers FC sont mis à mal dès le match aller au Marakana avec un lourd revers 3-0. La douche écossaise se poursuit avec l’ouverture du score de Pančev à Ibrox Park qui ruine toute tentative de remontada même si Ally McCoist égalise dans le dernier quart d’heure. En quart de finale, les Est-Allemands du Dynamo Dresde subissent aussi la loi des Yougoslaves avec une défaite 3-0 à la clé. En dépit de l’ouverture du score précoce de Dresde, Savićević et Pančev redonnent l’avantage à leurs couleurs. À la suite de divers jets de projectiles de la part des supporters du Dynamo, et malgré plusieurs tentatives pour reprendre la partie, le match est définitivement interrompu à la 78ème minute. Quelques jours plus tard, l’UEFA donne la victoire sur tapis vert 3-0 à l’Étoile Rouge et exclut Dresde pour un an de toutes compétitions européennes. Qualifiée pour le dernier carré, la Crvena zvezda tire un très gros morceau avec le Bayern Munich. Le triple champion d’Europe est logiquement le favori de cette confrontation mais va tomber de haut dès le match aller. Pourtant, Roland Wohlfarth ouvre le score pour les Bavarois. Cependant, deux somptueuses réalisations en seconde période signées Pančev et Savićević amènent la première défaite européenne de la saison pour le Bayern. En Serbie, le pied gauche magique de Mihajlović fait déjà des ravages et propulse son coup-franc direct dans les filets ouest-allemands. Mais, Augenthaler d’une part, également sur coup-franc après une énorme boulette de Stojanović, et Bender d’autre part, rétablissent la parité sur l’ensemble des deux matchs. Alors que la prolongation se dessine, un dernier rush de Prosinečki côté gauche sème la panique dans la défense germanique. Il sert en retrait Mihajlović qui centre instantanément dans la boîte, Augenthaler se jette pour dégager son camp mais son tacle complètement dévissé lobe son propre gardien pour le 2-2 et offre la finale aux joueurs de l’Étoile Rouge.
À Bari, l’opposant est bien connu des supporters tricolores. Un an après la désillusion de Lisbonne, Marseille atteint enfin la dernière marche de la compétition européenne. Flamboyant offensivement avec treize buts inscrits lors des deux premiers tours, l’OM a ensuite éliminé l’AC Milan dans une confrontation épique restée dans toutes les mémoires notamment au match retour avec la reprise de Waddle et l’extinction d’un projecteur qui fait littéralement péter les plombs aux Milanais. Pourtant, en dépit du potentiel offensif des deux finalistes, la rencontre est cadenassée. Considérée comme l’outsider, l’équipe des Balkans possède néanmoins une pléiade de joueurs très talentueux à l’aube d’une superbe carrière comme Jugović, Mihajlović, Prosinečki ou encore Savićević. Une mosaïque diverse et variée, composée de plusieurs nationalités telles que la Croatie, le Kosovo, la Macédoine, le Monténégro et la Serbie. Du côté marseillais, la nervosité est palpable comme quand Papin tente sa chance et croise trop sa frappe. Inhabituel pour le serial buteur olympien. Il faut dire que l’organisation tactique yougoslave empêche Marseille de développer son jeu. Les occasions sont rares et les tombeurs du Milan sont poussés jusqu’en prolongation. L’ancien capitaine de Belgrade, Dragan Stojković, entre alors en jeu à la 112e dans la perspective des tirs au but dont il était un spécialiste mais finalement Pixie choisit de ne pas affronter son ex-coéquipier Stojanović lors de l’épreuve décisive. Le plan de Ljupko Petrović a parfaitement fonctionné et il a obtenu ce qu’il voulait. Petite précision, il n’y avait pas de match nul dans le championnat yougoslave de l’époque, alors une séance de tirs au but avait lieu à l’issue du temps réglementaire pour déterminer le vainqueur de la rencontre.
Habitué de cet exercice, l’expérimenté Manuel Amoros se présente en premier devant Stojanović et manque pourtant la tentative française. Il raconte plus tard au Parisien : « Je le rate et c’est comme si le ciel me tombait sur la tête. » Il ajoute : « Je regardais autour de moi, mais je ne voyais personne, et malgré les gestes d’amitié de mes coéquipiers, je me suis senti seul comme jamais. J’ai eu l’impression que tout s’écroulait… ». Leurs adversaires ne tremblent pas (5-3 tab) et Pančev met un terme aux rêves olympiens de conquête de la Coupe aux grandes oreilles. Les larmes de Boli n’émeuvent pas ses adversaires qui se justifient après ce triste spectacle. L’entraîneur Petrović s’explique : « La victoire justifie les moyens, à nous les Yougoslaves, on nous reproche d’être romantiques. » Et Mihajlović enfonce le clou dans So Foot : « Selon moi, ça a été la finale la plus moche de l’histoire de la Coupe des Champions. » Belodedić en profite pour soulever son second trophée après la victoire du Steaua. En 1988, le libero roumain a fuit illicitement son pays pour rejoindre Belgrade. La victoire entraîne une vague massive de départ pour l’Ouest. Dès 1991, Prosinečki rejoint le Real Madrid puis un an plus tard, il est suivi par Jugović, Mihajlović, Pančev et Savićević qui partent tous en Italie. Avec la Guerre des Balkans, la Yougoslavie s’effrite et la Serbie devient indépendante. L’Étoile Rouge ne participe désormais plus qu’au championnat local dont le niveau s’est affaibli et doit partager la suprématie avec son rival local du Partizan. Régulièrement dépouillés de ses jeunes pousses par les grands clubs d’Europe de l’Ouest, les Crveno-beli (les rouges et blancs) rencontrent une longue période d’abstinence européenne. En 2018, après vingt-sept ans d’absence, les Serbes retrouvent à nouveau les phases de groupe de la Champion’s League. Sans pouvoir y faire beaucoup plus que de la figuration. Bien loin du sommet atteint au début des années 90.
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Sampdoria (1992)
L’édition 1991/92 marque un tournant dans la compétition majeure en Europe. Si la nouvelle dénomination Champion’s League n’intervient que la saison suivante, le format de la C1 change. Après deux tours initiaux à élimination directe, une phase de groupes (A et B) intervient. Ceux-ci sont composés de quatre équipes chacun dont les vainqueurs respectifs vont en finale. Soixante-treize matchs sont disputés contre cinquante-neuf l’année précédente. Parmi ces équipes, la Sampdoria représente l’Italie après l’unique Scudetto remporté par le club génois. Sous la houlette du technicien yougoslave Vujadin Boškov, l’équipe emmenée par un duo offensif prolifique composé de Roberto Mancini et Gianluca Vialli, surnommé « i gemelli del gol » (les jumeaux du but en VF), initie son parcours par un large succès 5-0 contre Rosenborg. Quasiment qualifiée pour le second tour, la Samp valide son ticket à la suite d’une victoire en Norvège grâce à des buts de Vialli et Mancini. Opposés aux Hongrois du Budapest Honvéd, les coéquipiers de Toninho Cerezo – auteur de l’unique réalisation italienne – s’inclinent de justesse 2-1 dans la capitale magyare. Un but de Lombardo et un doublé de Vialli sont suffisants pour écarter l’ancien club de Ferenc Puskás au match retour. Placés dans le groupe A, les Génois héritent des Belges d’Anderlecht, des Grecs du Panathinaïkos et des Yougoslaves, tenants du titre, de l’Étoile Rouge de Belgrade. La Sampdoria débute bien avec une victoire et un nul respectivement contre l’Étoile Rouge et le Pana. La défaite face à Anderlecht rebat les cartes mais les Italiens repartent en avant et s’imposent au Marassi contre les Belges et à Sofia face aux Yougoslaves, dans un match délocalisé après le début des hostilités dans les Balkans. Le résultat nul obtenu contre les Grecs est synonyme de place en finale pour les Ligures.
Pour la cinquième fois de son histoire, Wembley accueille l’événement. À Londres, l’affiche oppose le FC Barcelone, ancien finaliste en 1961 et en 1986, à un néophyte. Cependant, et même si la Sampdoria a perdu la Coupe des coupes contre le Barça en 1989, les Blucerchiati possèdent une petite expérience du très haut niveau grâce à leur victoire la saison suivante dans la même compétition contre Anderlecht. Si les Italiens surfent sur une bonne période insufflée par le président Mantovani depuis sa prise de fonction en 1979 avec plusieurs titres à la clé (un Scudetto, quatre Coppi Italia, une Supercoppa et donc la Coupe des coupes), les Catalans sont largement favoris avec la Dream Team composée de José Mari Bakero, Josep Guardiola, Michael Laudrup, Julio Salinas ou Hristo Stoichkov et dirigée par Johan Cruyff. Pour en arriver là, les Blaugranas effacent facilement leur premier adversaire, le Hansa Rostock, mais se font peur contre Kaiserslautern. Au retour, les Allemands sont virtuellement qualifiés jusqu’à la 87ème et la réalisation de Bakero. Vainqueurs du groupe B avec quatre victoires, un nul et une défaite, les Catalans résistent aux assauts de Benfica, du Dynamo Kiev et du Sparta Prague. Pour contrer les Barcelonais et exploiter la lenteur de la défense catalane, Vujadin Boškov demande à ses joueurs d’user de longs ballons dans le dos de la défense azulgrana pour l’occasion en maillot orange.
D’habitude adroit devant les filets, Vialli manque des grosses opportunités face à Zubizarreta. Il se remémore : « Je ne vais pas oublier cette finale de sitôt car c’était mon dernier match avec la Sampdoria. J’ai eu trois énormes occasions. J’ai manqué de réussite sur la première, puis Zubizarreta a réussi une belle parade. J’aurais dû être plus précis sur la troisième. Mais c’est comme ça. Avec plus de réussite, l’histoire aurait pu être tout autre, mais on avait face à nous un adversaire fabuleux. » Si les Espagnols ont la possession du ballon, ils ne parviennent pas à concrétiser leur domination territoriale. D’ailleurs, Pagliuca s’illustre également à de nombreuses reprises. Le match est agréable et se poursuit jusqu’en prolongation. À la suite d’une faute de Invernizzi sur Sacristán, M. Schmidhuber accorde un coup-franc en faveur des Catalans. Si la distance semble lointaine, le tir puissant de Ronald Koeman parvient quand même à transpercer le gardien blucerchiato. Le score n’évolue plus et la Samp doit s’avouer vaincue. Les Espagnols gagnent leur première C1. La belle période des Génois s’achève quelques années après cet échec. En 1999, le club descend même une première fois en Serie B avant d’y retourner en 2011. De retour en Serie A, la Samp est désormais un pensionnaire régulier de l’élite italienne mais se classe le plus souvent loin des places européennes.
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Olympique de Marseille (1993)
Au début de la saison 1992/93, la compétition européenne est reliftée et renommée Champion’s League. Le format de l’année précédente est conservé avec un tour préliminaire, deux tours à élimination directe et une phase de groupe qui détermine les deux finalistes. Après l’échec contre le Sparta Prague l’année précédente, Bernard Tapie redessine son groupe en laissant partir Mozer, Papin et Waddle. Ils sont remplacés par le prometteur défenseur central Marcel Desailly, l’expérimenté buteur allemand Rudi Völler et le dynamique attaquant croate Alen Bokšić. La majorité des autres joueurs est conservée, ils sont quasiment tous internationaux français. Exempt du tour préliminaire, Marseille tombe sur Glentoran au propre et au figuré avec un sévère 0-5 en Irlande du Nord avec notamment un doublé de l’éphémère olympien Rafael Martín Vásquez, international espagnol et ex-membre de la « Quinta del Buitre » du Real dans les années 80, arrivé à l’été 1992 et auteur de seulement sept matchs sous le maillot blanc de l’OM. Le 3-0 au Vélodrome valide le bon résultat à l’aller. Ensuite, c’est au tour du Dinamo Bucarest. Les Roumains tiennent bon à domicile avant de céder 2-0 au retour. Dans le groupe A avec Bruges, le CSKA Moscou et les Rangers, les Marseillais ramènent un bon résultat nul de Glasgow. Sous une pluie battante, les Phocéens mènent 0-2 avec un but du renard des surfaces Rudi Völler avant de se faire rattraper dans le dernier quart d’heure. Un partage des points positif mais amer tant la victoire semblait à portée de mains. Ensuite, les victoires à domicile contre Bruges et le CSKA Moscou et le nul en Russie placent l’OM dans une belle situation. Après avoir concédé un nouveau nul contre les Rangers, le succès 0-1 en Belgique permet aux Olympiens de retrouver la finale.
En finale, Marseille retrouve une vieille connaissance : le Milan, éliminé en quarts de finale en 1991. À l’inverse de Bari deux ans auparavant, les Phocéens ne sont pas favoris et ont appris de leurs erreurs. Leur mise au vert en Bavière est ouverte, joyeuse et détendue. Chris Waddle passe même voir ses anciens coéquipiers pour les encourager. Côté milanais, si Capello a remplacé Sacchi, les Italiens font figure d’épouvantail avec une défense de fer (Tassotti, Baresi, Coscacurta et Maldini), un milieu solide et percutant (Donadoni, Albertini, Rijkaard et Lentini) et une attaque flamboyante (van Basten et Massaro). Comme prévu, le Milan domine largement le début de match. L’OM plie mais ne rompt pas. Milan a les premières occasions mais Rijkaard et Massaro ne cadrent pas leur tête. Sur un pressing haut de Deschamps, Völler se retrouve dans une position idéale à l’entrée de la surface mais le tir du gauche de l’Allemand est trop axial et bute sur Rossi. Bokšić a également une belle situation mais il ne parvient pas à ajuster son lob. Malgré l’insouciance de ses 21 ans, Fabien Barthez est en feu. Il résiste à deux reprises aux assauts de van Basten et garde sa cage inviolée. Gêné par des douleurs au genou, Basile Boli demande à Raymond Goethals de sortir à la 40e comme il le confirme : « Je me sens bien pendant dix minutes, et après la douleur monte. Je veux sortir, je le dis à Rudi Völler. » Mais sa supplique est rejetée par Bernard Tapie, en tribune officielle et muni d’un talkie-walkie pour communiquer avec le banc. Juste avant la pause, Pelé obtient un corner et catapulte le ballon sur le crâne de Boli. L’ancien défenseur de l’AJ Auxerre décroise sa tête, marque le but le plus important de sa carrière et laisse un Sebastiano Rossi sans réaction.
En dépit de l’entrée d’un Papin très tendu peu avant l’heure de jeu côté rossoneri, Marseille tient bon et défend vaillamment son avantage. Une situation illustre bien l’état d’esprit phocéen dans cette seconde période. Après un corner et une tête contrôlée en deux temps par Barthez, JPP essaie de profiter de l’occasion pour s’emparer du ballon. Mais son geste dangereux envers le jeune portier ariégeois engendre une altercation avec Éric Di Meco et Jean-Jacques Eydelie. Le latéral gauche marseillais raconte : « Est-ce que je l’ai insulté ? Je ne sais plus exactement ce que je lui ai dit. Mais ce n’était sûrement pas gentil. Après c’était pour essayer de le faire sortir de son match. » Mission réussie : Papin ne marque pas contre son ancienne équipe. À l’issue d’un interminable compte à rebours jusqu’au coup de sifflet libérateur, l’OM offre à la France son premier trophée continental après les échecs du Stade de Reims (1956 et 1959), de Saint Étienne (1976) et la défaite provençale en 1991. Un aboutissement pour Bernard Tapie. Malheureusement, l’euphorie ne va pas durer longtemps. À la suite de l’affaire VA-OM, les Phocéens connaissent ensuite une lente descente aux enfers. Les cadres sont vendus pour récupérer de l’argent frais (Bokšić à la Lazio, Desailly à Milan, Deschamps à la Juventus…). L’équipe est reléguée en deuxième division et lutte avec ses armes notamment lors de la saison 1994/95 disputée avec une équipe d’anciens (Cascarino, Casoni, De Wolf, Dib, Durand, Ferrer, Ferreri, Germain) et de minots (Asuar, Echouafni, Jambay, Libbra, Wacouboué). Il faut attendre la saison 1999/00 pour les revoir en Champion’s League. Irréguliers en championnat, ils prennent part à sept reprises à la compétition continentale lors des vingt dernières années dont un quart de finale en 2014. Plus en mesure de bien y figurer, Marseille récolte même un triste record en cumulant treize défaites successives. À jamais les premiers, dans les bons ou les mauvais moments.
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Ajax Amsterdam (1995)
Plus de vingt ans après leur dernier sacre européen, l’Ajax d’Amsterdam revient sur le devant de la scène à la surprise générale. Habitué à biberonner des jeunes, l’ancien club de Cruyff possède dans ses rangs une génération dorée avec une majorité de joueurs formés au club tels van der Sar, Reiziger, les jumeaux de Boer, Seedorf, Davids, Kluivert à l’exception de Bogarde, George, Kanu, Litmanen et Overmars. Encadrée par de glorieux anciens comme Blind ou Rijkaard, la bande de gamins surdoués va défrayer la chronique. Sous les ordres d’un jeune quadra, Louis van Gaal, l’équipe propose une version revisitée du « football total » nécessitant une grande qualité technique, une intelligence tactique supérieure et un très bon physique. Jugé sans expérience et arrogant par la presse néerlandaise, van Gaal innove, propose de nouvelles méthodes d’entraînement et ramène dans son staff des spécialistes d’autres sports pour transposer leurs connaissances dans le monde du football. En poste depuis 1991, quand il passe d’adjoint à coach principal à la suite de Leo Beenhakker, van Gaal met du temps à convaincre en dépit de la victoire en Coupe de l’UEFA 1992 contre le Torino, principalement à cause de l’absence de titre en Eredivie.
Finalement champion des Pays-Bas en 1994, l’Ajax et van Gaal débutent leur épopée européenne dans le groupe D avec l’AEK Athènes, l’Austria Salzbourg et l’AC Milan. Lors de la première journée, les Italiens se font surprendre 2-0 à Amsterdam. Ce succès est confirmé par une autre victoire en Grèce. La double confrontation contre Salzbourg débouche sur deux résultats nuls. Les Rossoneri chutent à nouveau 0-2, à San Siro cette fois. Enfin, le succès final contre Athènes assure la première place du groupe et un ticket pour les quarts de finale. Milan prend la seconde place qualificative en dépit d’un retrait de deux points contre Salzbourg après un jet de bouteille en plastique sur Otto Konrad venant de la Curva Sud et d’une suspension d’un match de San Siro. Les Croates de l’Hadjuk Split obtiennent un résultat nul intéressant à domicile mais explosent au retour avec un lourd 3-0 à Amsterdam. La demi-finale offre un classique du football européen auquel nous pouvons ajouter ce soupçon de rivalité entre Allemands et Bataves. Incapable de prendre le dessus sur l’Ajax à Munich, le Bayern se désintègre littéralement au retour. Litmanen place rapidement ses coéquipiers dans les meilleures dispositions. Par la suite, les Néerlandais marchent sur les Bavarois. Tout s’accélère avant et après la mi-temps quand l’Ajax inscrit trois buts en six minutes. Vainqueur 5-2 de ce duel, l’Ajax retrouve une finale de C1 pour la première fois depuis 1973.
L’autre finaliste est le tenant du titre milanais, tombeur de Benfica et du PSG. Si l’obstacle semble imposant, les joueurs de l’Ajax ne font pas de complexe face aux Milanais déjà rencontrés et battus à deux reprises plus tôt dans la saison. Frank de Boer confirme pour Four Four Two : « Il s’est passé quelque chose au début de cette saison. Il y avait une incroyable alchimie entre les jeunes et les joueurs les plus expérimentés. Tout le monde se sentait bien dans cette équipe. Il y avait un noyau solide d’une douzaine de joueurs titulaires mais également de trois ou quatre remplaçants. » Il poursuit : « Quand nous avons battu Milan à San Siro, on a tous réalisé que nous n’avions à craindre personne. » Averti des dangers présents dans le camp adversaire, le Diavolo met en place une tactique destinée à gêner Amsterdam. Capello place Desailly en pointe basse de son milieu de terrain en losange pour étouffer Litmanen. Massaro se charge de bloquer les relances de Frank de Boer. Le plan du technicien frioulan fonctionne pendant les quarante-cinq premières minutes. La pause permet aux Néerlandais de s’ajuster tactiquement. Rijkaard recule de cinq mètres pour lui permettre d’avoir plus de temps et d’espace à la relance. Puis l’entrée de Kanu fait également du bien aux Lanciers. Mais, même si Milan subit, il faut attendre le money time et la 85ème minute pour avoir le dénouement signé par le jeune Kluivert (18 ans), entré à la place de Litmanen.
Malgré les convoitises – auxquelles seul Seedorf succombent – et plusieurs faits divers extra-sportifs touchant Patrick Kluivert (impliqué dans un accident routier mortel et miné par la dépression) et Finidi George (touché par le décès brutal de son frère, abattu au Nigéria), les champions d’Europe atteignent néanmoins la finale à nouveau l’année suivante après un parcours étincelant mais s’inclinent de justesse à Rome contre la Juventus lors de la séance de tirs au but. La promulgation de l’arrêt Bosman en 1995 facilitant les départs des joueurs à la fin de leur contrat fait exploser l’équipe. Davids et Reiziger partent gratuitement au Milan, Finidi s’engage au Betis et Kanu à l’Inter. Demi-finaliste en 1997, les Godenzonen perdent Kluivert en partance pour le Milan et disparaissent à nouveau des radars européens jusqu’en 2019 où ils atteignent le dernier carré et manquent de peu une place en finale. Quadruple vainqueur de la compétition, l’Ajax est un club historique de la scène européenne. Le spectre de la Super League, agité avec insistance fin 2020, pourrait priver les supporters de football de l’un des clubs les plus importants du Vieux Continent si ce projet venait un jour à se concrétiser.
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Borussia Dortmund (1997)
Fondé en 1909 par de jeunes ouvriers des aciéries et des mineurs, Dortmund connaît ses premiers succès dans les années 1950/60 en remportant le premier titre de champion d’Allemagne de son histoire en 1956, la coupe d’Allemagne en 1965 et la Coupe des vainqueurs de coupes contre Liverpool en 1966. Avec ce succès, le BVB devient le premier club allemand à vaincre en coupe d’Europe. Après une période de déclin dans les années 70, Dortmund revient au premier plan national dans le milieu des années 90. Dans le top 4 national, ils atteignent la finale de la Coupe de l’UEFA en 1993 mais s’inclinent à l’aller et au retour contre une Juventus trop forte. Emmenés par Stéphane Chapuisat, Andreas Möller, Mattias Sammer ou Michael Zorc, les Schwarz-Gelben remportent leur premier sacre depuis l’instauration du professionnalisme en 1963. L’année suivante, l’équipe de Ottmar Hitzfeld se renforce avec le puissant défenseur international Jürgen Kohler, participe pour la première fois depuis plus de quarante ans à la Champion’s League (élimination en quarts de finale) et conserve son titre aux dépens du Bayern Munich. Lors de cette période, un homme sort du lot. Il s’agit de Mattias Sammer désigné à deux reprises meilleur joueur du championnat et élu Ballon d’Or 1996 après avoir été l’un des artisans de la victoire allemand à l’Euro en Angleterre. Surnommé le « Kaiser de Dortmund », Sammer est une pièce majeure de l’effectif du Borussia et de Hitzfeld qui a construit son équipe autour du libero est-allemand. Dans le groupe B avec Widzew Lodz, le Steaua Bucarest et l’Atlético de Madrid, les joueurs de la Ruhr signent un très bon début avec trois victoires consécutives contre tous leurs adversaires. Surpris à domicile contre les Espagnols, les Allemands se reprennent avec un nul en Pologne et se qualifient après une large victoire au Westfalenstadion contre les vainqueurs de la compétition en 1986. Pour les quarts de finale, le tirage au sort offre les Français d’Auxerre avec un match retour en Bourgogne. Les deux équipes s’étaient déjà affrontées en 1993 à l’occasion de la demi-finale de la Coupe de l’UEFA. Une rencontre au souvenir très amer pour les Auxerrois qui ont perdu lors de la séance de tirs au but.
Rapidement, le BVB prend l’avantage par Karl-Heinz Riedle qui conclue une belle action collective et reprend de la tête une belle offrande acrobatique de Chapuisat. Mais Lilian Laslandes donne des sueurs froides aux Allemands peu avant la mi-temps. À la suite d’un coup-franc côté gauche, le ballon remis par Alain Goma dans la boîte est parfaitement repris d’un sublime ciseau retourné par le numéro 9 icaunais. Malheureusement, l’arbitre espagnol, M. García-Aranda estime que cette action de jeu est dangereuse et refuse le but. Au retour des vestiaires, Chapuisat délivre sa deuxième assist sur coup-franc déposé sur la tête du défenseur central René Schneider. Si Lamouchi termine une belle action de Moussa Saïb côté gauche, Andreas Möller enfonce le clou dans la foulée et redonne deux buts d’avance à son équipe. La tension est à son comble quand Dortmund vient dans l’Yonne. Un exploit est possible pour les Bourguignons. Mais, comme quatre ans auparavant, le BVB ne fait pas de sentiment et avance jusqu’en demi-finale grâce au jeune Lars Ricken. Manchester United et Cantona se dressent face aux Allemands. Dans un match compliqué, Dortmund prend une option par l’intermédiaire de Tretschok qui envoie un boulet de canon sous la barre de van der Gouw. À Old Trafford, les joueurs de Sir Alex Ferguson n’ont pas le temps d’espérer. Dès la 8ème minute, Lars Ricken place idéalement son équipe vers la finale d’un superbe tir enroulé du gauche à l’entrée de la surface qui trompe Schmeichel de retour dans la cage mancunienne. Le duo Andy Cole-Cantona ne parvient pas à retourner la tendance et Dortmund acquiert son ticket pour la finale disputée à l’Olympiastadion de Munich. En Bavière, ils retrouvent la Juventus pour la revanche de 1993. Une Vecchia Signora en pleine forme et favorite de cette quarante-deuxième finale. Après avoir réalisé un sans faute dans le groupe C, la Juve dispose de Rosenborg au retour et s’impose facilement contre l’Ajax, battu deux fois dont un cinglant 4-1 à Turin. Cette équipe semble imbattable en Europe ou en Italie. Le Milan, tenant du titre, en a fait les frais avec un inoubliable 1-6 à San Siro et a dû leur céder le Scudetto. Logiquement, l’équipe de Marcelo Lippi attaque fort. Vieri ne cadre pas et envoie sa tentative dans le petit filet. Mais à la demi-heure de jeu, Dortmund frappe en premier. Après un corner mal repoussé par la défense turinoise, Paul Lambert remet le ballon dans la surface. Riedle enchaîne amorti de la poitrine et tir au ras du sol. Peruzzi ne peut rien faire.
Cinq minutes plus tard, Möller tire un nouveau corner repris de la tête par Karl-Heinz Riedle. 2-0 pour le BVB. Zidane essaie mais sa frappe heurte le montant. Puis Vieri pense réduire l’écart mais son but est annulé pour une main. Puis, le Bison italien voit également sa frappe repoussée sur la barre. Après la pause, la Juventus continue de pousser. Sur un débordement de Bokšić, Del Piero marque d’une splendide « Madjer » et redonne de l’espoir aux nombreux tifosi juventini. Mais l’espoir est de courte durée. Cinq secondes après son entrée en jeu, Lars Ricken alors âgé de 20 ans mystifie Peruzzi d’un tir lobé de trente mètres au terme d’une contre attaque supersonique menée par Möller. La rencontre est pliée. Dortmund entre dans la légende. Décisif lors des deux tours précédents, Ricken raconte une anecdote sur son but : « avant la mi-temps, il y avait une situation où Peruzzi se trouvait à environ trente mètres de son but. Quand j’ai vu ça depuis le banc, j’ai dit que je frapperais à l’aveuglette la première fois que je frapperais la balle. » et il poursuit malicieusement : « c’était quelque chose de spécial de célébrer la victoire de la Ligue des Champions dans le vestiaire munichois. » Si le club atteint à nouveau le dernier carré en 1998, devient le premier club allemand coté en bourse en 2000 et remporte son troisième titre sous la direction de Mattias Sammer qui devient le premier à gagner le championnat en tant que joueur et entraîneur dans l’histoire du BVB en 2002, le club connaît un déclin pendant plusieurs saisons en raison d’une gestion financière douteuse. En 2005, le Borussia est même au bord de la faillite. La valeur initiale de ses actions a baissé de 80% à la Bourse de Francfort. Le renouveau arrive à la suite de la nomination de Jürgen Klopp à l’aube de la saison 2008/09. Le technicien met sur pied un effectif jeune et dynamique, installe le gegenpressing (contre-pressing) qui consiste à presser l’adversaire dès la perte du ballon et retrouve le chemin du succès en 2011 et 2012. Finaliste de la Champion’s League 2013, et en dépit de la présence de Robert Lewandowski auteur de dix buts européens cette saison, Dortmund perd contre son meilleur ennemi : le Bayern Munich. C’est la dernière performance en date du BVB lors de joutes continentales, victime du pillage en règle de la part du Bayern qui recrute les meilleurs éléments du club de la Ruhr tels que Götze en 2013, Lewandowski en 2014 ou Hummels en 2016. Et peut-être Håland en 2022 ?
Sources :
- fr.uefa.com
- Il y a 27 ans, l’Etoile rouge de Belgrade remportait la C1 contre l’OM, de Vincent Duchesne, Le Figaro.
- OM : Éric Di Meco revient sur son accrochage avec Jean-Pierre Papin en finale de la C1, de Morgan Piot, 90 Min.
- La Class 95, ou quand l’Ajax a atteint la perfection, FFT pour Eurosport.
- bvb.de
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