Anciens vainqueurs ou finalistes de la plus prestigieuse compétition continentale, ces clubs sont désormais des anonymes. La réforme de la C1 pour la lucrative Champion’s League et l’arrêt Bosman ont pesé sur leur parcours européen. Hormis Porto en 2004, aucun autre « petit » club n’a plus réussi à soulever la Coupe aux grandes oreilles et le spectre de la Super League ne va pas arranger ce phénomène. Retour sur ces ex-vainqueurs désormais portés disparus sur la scène européenne et sur ces finalistes qui, en plus, ont eu la désagréable expérience d’être définitivement passés à côté du Graal européen…
Eintracht Francfort (finaliste, 1960)
Lauréat de son premier titre de champion d’Allemagne en 1959 (époque pré-Bundesliga), Francfort obtient de facto son ticket pour la Coupe des Champions 1959/60. Et leur campagne européenne débute par une victoire par forfait contre les Finlandais de KuPS Kuopio qui préfèrent se retirer de la compétition. Leur vraie entrée en matière se déroule face aux Young Boys de Berne. L’Eintracht tue le suspens dès le match aller en Suisse où ils s’imposent facilement 1-4 avec trois réalisations dans le dernier quart d’heure. Au match retour, les Allemands gèrent leur avance. Ils ouvrent le score après l’heure de jeu mais concèdent l’égalisation à la dernière minute (1-1). En quart de finale, ils font face encore à des voisins. Cette fois, le tirage au sort leur oppose le Wiener Sportclub. L’opposition est plus difficile et les scores plus serrés avec une courte victoire au Waldstadion (2-1) et un match nul en Autriche (1-1) qui assure la place dans le dernier carré pour Francfort. Pour leur première participation, les joueurs de Paul Oßwald atteignent la demi-finale de la Coupe. Déjà, une très belle performance.
Opposés aux Rangers, Die Adler étrillent les Britanniques à l’aller avec un très sévère 6-1 avec deux doublés de Pfaff et de Lindner. Un handicap trop large à rattraper pour les Écossais en dépit de l’ambiance surchauffée à Ibrox Park. Pire, Francfort impose une nouvelle leçon aux ‘Gers avec une large défaite 3-6 synonyme de 12-4 sur l’ensemble des deux rencontres. La route vers la finale est totalement dégagée mais l’adversaire est un Grand d’Espagne et d’Europe puisque, comme depuis 1956 et la création du tournoi, l’autre finaliste n’est autre que le Real Madrid. Pour en arriver là, les Espagnols n’ont pas vraiment souffert même si Nice les a contraint à la défaite à l’aller du quart de finale (3-2) mais au retour Madrid n’a pas tremblé avec un succès 4-0. Et malgré l’armada offensive du Barça, composée du trio hongrois Zoltán Czibor, Sandor Kocsis et Ladislav Kubala, les Blaugranas ne font pas le poids pour empêcher leur rival d’accéder à la dernière manche de la compétition. Lors de la finale, disputée à Glasgow, l’offensive prime sur les défenses et va entrer dans le livre des records de la compétition comme étant la plus prolifique en termes de buts (10 au total) et comme ayant eu le plus grand nombre de spectateurs (127 621). Dans un match considéré comme l’une des meilleures rencontres de clubs de l’histoire, les attaquants de la Maison Blanche Di Stéfano et Puskás régalent. Auteurs respectivement d’un triplé et d’un quadruplé, l’Hispano-Argentin et le Hongrois ne laissent aucune chance aux joueurs adverses (7-3).
Pourtant, à la surprise générale, l’Eintracht ouvre le score peu après le quart d’heure de jeu. Suite à une interception dans le camp madrilène, le ballon arrive en une touche sur l’aile droite. L’ailier centre et trouve Kress qui reprend instantanément. Le jeu direct, qui a fait tant de ravage lors des tours précédents notamment contre les Rangers, vient de frapper à nouveau. Mais le Real n’a pas le temps de gamberger puisque Di Stéfano égalise facilement deux minutes plus tard après un superbe travail côté droit de Canário. Bien que portés par des individualités hors normes, les joueurs de Miguel Muñoz réalisent un travail collectif de haut niveau. Madrid déroule et assomme littéralement son adversaire en creusant largement l’écart. À partir de la 70ème minute, le match devient alors complètement fou et les deux équipes se rendent coup pour coup. En l’espace de cinq minutes, les spectateurs assistent à quatre buts, deux de chaque côté. Pour l’honneur, Stein s’offre un doublé. Mais, après une action individuelle de grande classe ponctuée par une frappe limpide du droit à l’entrée de la surface, Di Stéfano clôture définitivement le score. Le Real engrange un cinquième titre consécutif et s’impose comme LA référence européenne. La maîtrise et l’expérience madrilène ont payé. Ils ont complètement étouffé Francfort qui n’a jamais pu enrayer la puissance offensive de Madrid. Hormis Kress, Lutz et Stein, les joueurs allemands n’ont pas été à la hauteur de l’événement. Pfaff est l’une des déceptions pour l’Eintracht, le champion du monde 1954 n’a pas réussi à s’illustrer favorablement malgré son surnom : le Di Stéfano de Francfort. Face à l’original, il a forcément souffert de la comparaison.
Mais si l’Eintracht a largement perdu ce match fou, cette finale reste un excellent souvenir pour le club, les joueurs et les supporters. Cela reste à ce jour leur meilleure performance en Coupe des Champions / Champions League. En 1980, les Allemands et leur fameux attaquant Sud-Coréen Cha Bum-Kun montent sur le toit en gagnant la Coupe de l’UEFA face au Borussia Mönchengladbach de Lothar Matthäus. Le club alterne le bon avec des saisons dans le top 5 du championnat, plusieurs coupes nationales (cinq au total) et le moins bon avec quatre relégations en 1996, en 2001, en 2004 et en 2011. De nouveau parmi l’élite, Francfort atteint à nouveau un dernier carré européen en 2019 avec une belle épopée en Europa League.
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Benfica (champion, 1961 et 1962)
Après cinq ans de domination merengue, un club va mettre un terme à cette ère : Benfica. Le club lisboète remporte même le trophée à deux reprises sous la houlette de Béla Guttmann. En 1961, Lisbonne s’appuie sur la future ossature de l’équipe nationale portugaise de 1966 qui remportera la médaille de bronze en Angleterre notamment Costa Pereira, Germano, José Augusto, Santana, Mário Coluna ou encore Domiciano Cavém. Champion du Portugal pour la dixième fois en 1960, l’équipe de Guttmann élimine facilement Heart of Midlothian au tour préliminaire. Ce succès lui ouvre les portes des huitièmes de finale où elle est opposée aux Hongrois de Újpest, l’une des nombreuses anciennes équipes de Guttmann.
Dès le match aller, les Portugais écrasent leur adversaire en leur imposant un cinglant 6-2. Grâce à cette victoire, la défaite concédée en Hongrie est anecdotique et sans conséquence. Le quart de finale contre Aarhus est tout aussi aisément géré (3-1). Néanmoins, le but marqué par les Danois à la Luz aurait pu s’avérer problématique au retour. Il n’en a rien été puisque Benfica s’est imposé avec la manière en Scandinavie (1-4) pour atteindre la demi-finale. Opposés au Rapid Vienne, les Portugais frappent un grand coup au match aller avec une victoire nette 3-0. Ils abordent donc le retour au Prater avec sérénité. Une sérénité encore plus grande quand Águas ouvre le score à la 66ème. L’égalisation autrichienne, quatre minutes plus tard, prive Benfica d’un nouveau succès mais pas de la finale (1-1). D’ailleurs, la fin de match est très tendue avec des émeutes en tribune et un envahissement de terrain obligeant l’arbitre à interrompre la rencontre prématurément.
De son côté, Barcelone a bataillé contre le champion en titre et rival madrilène dès les huitièmes de finale et a cette fois réussi à s’imposer. Avant d’entamer la dernière manche, le club catalan possède logiquement le statut de favori avec le quatuor offensif composé des deux Hongrois de l’Aranycsapat Zoltán Czibor, Sandor Kocsis, le Hongrois naturalisé Espagnol László Kubala et de l’Espagnol Luis Suárez. Mais, comme en 1954 lors du miracle de Berne où une Hongrie invaincue depuis le 8 mai 1949 a concédé la défaite face à la RFA, le Barça et ses joueurs Hongrois ne parviennent pas à l’emporter dans ce même stade du Wankdorf de la capitale helvète. Au terme d’un très grand match, équilibré et serré, Os Encarnados s’imposent en dépit de la domination catalane. Si Kocsis, de la tête, ouvre le score pour Barcelone, José Águas égalise au second poteau après une belle percée côté gauche de l’ailier Cavém. Contre le cours du jeu, le défenseur espagnol Ramallets propulse une tête lobée dans ses propres filets. Puis Coluna augmente l’avance des Portugais d’une superbe volée déclenchée à l’entrée de la surface du Barça. Suite à un corner mal dégagé par la défense portugaise, Czibor gratifie l’assistance d’une merveilleuse reprise de volée du gauche de vingt-cinq mètres qui se loge dans la lucarne de Costa Pereira. Malgré la beauté du geste et encore une quart d’heure à jouer, Barcelone laisse filer sa chance (3-2). D’une capitale ibérique à une autre, le trophée demeure dans la péninsule comme depuis 1956.
L’année suivante, Benfica en sa qualité de champion en titre est exempté du tour préliminaire et commence son aventure européenne dès les huitièmes de finale. L’Austria Vienne est donc le premier adversaire des Portugais qui obtiennent un bon nul en déplacement et abordent sereinement le match retour. D’ailleurs, l’obstacle autrichien est passé sans encombre à Lisbonne où les Aigles s’imposent 5-1 avec deux doublés de Águas et Santana et un but de leur nouvelle recrue, un certain Eusébio. Si le joueur originaire du Mozambique a signé au Benfica en décembre 1960, son transfert controversé n’a été enregistré qu’en mai 1961. En effet, Eusébio était promis au Sporting car avant d’arriver au Portugal, il jouait dans un club filiale des Leões : le Lourenço Marques. Repéré lors d’une tournée en Afrique par l’un des anciens joueurs de Béla Guttmann, le Brésilien Bauer, le jeune prodige est arraché à la concurrence et il est même caché un temps dans la région de l’Algarve pour éviter une tentative d’enlèvement crainte par les dirigeants du Benfica.
Le tour suivant, les Portugais subissent une défaite sur les terres de Nuremberg (3-1) en dépit de l’ouverture du score précoce de Cavém. Cependant, pas le temps de cogiter pour les tenants du titre. Les Allemands s’effondrent totalement à la Luz et s’inclinent lourdement 6-0 grâce à des réalisations de Águas, Eusébio, double buteur, Coluna et Augusto, également double buteur. En demi-finale, l’équipe de Guttmann fait le job à l’aller contre Tottenham (3-1) mais le but inscrit par les Anglais laisse planer l’ombre d’un doute au White Hart Lane. Heureusement, Águas place son équipe sur de bons rails en marquant un précieux but à l’extérieur. La défaite concédée face aux Spurs 2-1 n’empêche pas les Portugais de filer en finale pour la seconde année consécutive.
Comme l’année précédente, ils retrouvent un adversaire espagnol pour l’ultime manche. Absent de la finale 1961 pour la première fois depuis 1956, le quintuple vainqueur madrilène accède à nouveau à ce stade de la compétition sans réellement avoir tremblé, excepté contre la Juventus où un match d’appui a été nécessaire. La confrontation entre les deux formations, les deux seules à avoir conquis le trophée, débute par une domination du Real. Bien lancé en profondeur par Di Stéfano, Ferenc Puskás part de son camp et profite d’un alignement aléatoire de Benfica pour récupérer la balle. Et après une course de quarante mètres, le Hongrois ajuste du gauche Costa Pereira. Cinq minutes plus tard, même joueur et même punition pour les Lisboètes. Puskás hérite d’un ballon suite à un coup-franc joué rapidement et envoie une frappe du gauche de vingt-cinq mètres. Le rebond capricieux trompe encore le gardien. Sonnés mais pas encore K.O, l’équipe de Guttmann se réveille peu après. Un coup-franc à l’entrée de la surface de Eusébio heurte le montant de Araquistáin mais atterrit dans les pieds de Águas qui pousse la balle dans le but vide pour réduire l’écart. Les Portugais recollent même au score après une action construite, le ballon arrive sur Eusébio dans la surface. Ce dernier ne parvient pas à contrôler le ballon mais pousse en retrait vers Cavém qui, du gauche, nettoie la lucarne espagnole. En état de grâce, le numéro 10 magyar tente une ouverture axiale pour Felo repoussée par la défense portugaise. Le ballon revient sur Puskás, il évite un défenseur et trompe à nouveau Costa Pereira d’une frappe limpide du gauche. Si Madrid mène à la pause, rien n’est encore joué. D’ailleurs, au retour des vestiaires, Mário Coluna récupère une balle perdue par Di Stéfano et tente immédiatement sa chance de loin pour égaliser. Si le sort de cette rencontre spectaculaire était encore incertaine jusqu’à l’heure de jeu, le talent de la star montante Eusébio scelle le sort de la partie. D’abord grâce à un penalty puissant et très bien placé puis avec une lourde frappe du droit de l’extérieur de la surface. Benfica se succède à lui-même avec cette victoire obtenue contre le Real Madrid et entre dans le cercle fermé des Grands d’Europe.
Fort de ses succès, le coach Hongrois demande une prime à ses dirigeants. Requête rejetée. Béla Guttmann quitte alors Lisbonne avec fracas : « Je m’en vais en vous maudissant. À partir d’aujourd’hui et pendant 100 ans, Benfica ne remportera pas une Coupe d’Europe. » Finaliste à cinq reprises en C1 (1963, 1965, 1968, 1988 et 1990) et également à trois reprises en C3 (1983, 2013 et 2014), les Águias ont toujours échoué dans leur conquête du titre européen. Depuis la dernière finale face au Milan en 1990, Benfica n’a plus dépassé les quarts de finale et doit souvent interrompre sa campagne européenne lors de la phase de groupe. Classé vingt-quatrième au classement de l’indice UEFA, le recordman des titres au Portugal (37) est actuellement devancé par… le Red Bull Salzburg. Et la malédiction court encore pour quarante et un ans.
Partizan Belgrade (finaliste, 1966)
Dix ans après la première édition à Paris, l’Europe de l’Est place un premier représentant en finale pour ce onzième tournoi : le Partizan Belgrade. Déjà passé par les huitièmes en 1962 et les quarts de finale en 1956 et en 1964, le club yougoslave, dont la sélection nationale reste sur de bons résultats en compétitions internationales avec une place de finaliste à l’Euro 1960, une médaille d’or aux JO de Rome et une quatrième position au Mondial 1962, s’appuie sur des joueurs de talent dont le gardien Milutin Šoškić et l’attaquant Milan Galić, tous deux internationaux. Pour son entrée en matière, le Partizan se débarrasse facilement du champion de France le FC Nantes (2-0 / 2-2). Après une large défaite dans les Balkans (3-0), le Werder Brême est aussi éliminé en dépit d’un court succès en Allemagne (1-0).
En quart de finale, le spectre de l’élimination flotte au-dessus de la Serbie. Dans son antre du stade Letná, le Sparta Prague assomme le Partizan (4-1). Les hommes de Abdulah Gegić alignent une très grosse performance pour atteindre le dernier carré en infligeant un cinglant 5-0 à son adversaire tchèque. Vladica Kovačević et Mustafa Hasanagić sont les héros de ce match retour avec un doublé chacun. Contre Manchester United, le Parni valjak assure l’essentiel à domicile avec une victoire 2-0. Un succès suffisant pour résister aux assauts des Red Devils à Old Trafford. Si les Anglais font plier Belgrade par l’intermédiaire de Nobby Stiles qui pousse Šoškić à envoyer son centre tendu dans ses propres filets, leur succès (1-0) est trop juste pour renverser la situation. En finale, le Partizan fait face au Real Madrid qui a principalement éliminé le tenant du titre (Inter Milan) en demi-finale. La Casa Blanca rêve d’un sixième titre potentiel dans la compétition après un intermède de six ans sans succès.
Par rapport à l’expérimentée équipe espagnole, les Slaves font office d’outsider et de néophyte. Cependant, le Partizan est quand même bien rodé et oppose un beau collectif au Heysel de Bruxelles. Lors de la première période, le match est équilibré et les Serbes s’offrent même les deux plus belles occasions par l’intermédiaire de Galić. En seconde période, les joueurs des Balkans continuent de réciter leur tactique. Dix minutes après la pause, les Yougoslaves prennent l’avantage grâce à Vasović. Suite à un corner tiré au second poteau remisé de la tête dans l’axe, le défenseur central marque de la tête et bat Araquistáin. Conscient d’avoir fait un grand pas vers la victoire, le Partizan recule et gère ce but d’avance. Cependant, ce changement tactique permet aux Merenguesde revenir dans le match par Amancio (1-1). Lancé dans la profondeur, il résiste au dernier défenseur de Belgrade et mystifie le gardien. Six minutes plus tard, une splendide demi-volée de Serena trompe Šoškić et porte l’estocade (2-1). C’est la fin des espoirs des Crno-beli. Madrid savoure cette sixième victoire. Ce sera la dernière jusqu’en 1998 et, ironie de l’histoire, Predrag Mijatović le buteur providentiel est un ex-joueur du… Partizan.
Cette défaite marque la fin d’un cycle pour les Yougoslaves. Après cette finale, de nombreux joueurs quittent le club comme Šoškić, Jusufi, Vasović, Kovačević, Galić et même l’entraîneur Abdullah Gegiç qui aurait dû prendre en charge le Real Madrid en cas de victoire. Malgré de multiples titres de champion de Yougoslavie puis de Serbie, le club de l’Armée est rentré dans le rang laissant même la gloire européenne en 1991 à son éternel rival : l’Étoile Rouge de Belgrade.
Celtic (champion, 1967)
Onze ans après les débuts de la compétition, aucun représentant britannique n’a encore remporté le titre continental. Pour les inventeurs du football, cela fait tâche. Il faut donc attendre 1967 pour voir cette anomalie réparée grâce aux Écossais du Celtic. Et leur succès est une vraie et belle surprise. Mais avant d’en arriver là, les hommes de Jock Stein ont gagné leur ticket pour la Coupe des Champions après leur vingt-et-unième titre de champion d’Écosse juste devant les Rangers. Pour leur entrée en lice, ils débutent donc leur parcours par une opposition face aux Suisses du FC Zurich en seizièmes de finale. Des buts de Tommy Gemmel et John McBride assurent l’essentiel à domicile. Au Letzigrund, les Bhoys l’emportent facilement (0-3) avec une réalisation de Chalmers et un doublé de Gemmel. Au tour suivant, le FC Nantes de José Arribas, Robert Budzinski, Coco Suaudeau et Henri Michel se dresse devant le Celtic. À Saupin, le champion de France prend rapidement le contrôle par Magny mais Joe McBride égalise quelques minutes plus tard. La différence intervient en seconde période quand Bobby Lennox et Bertie Auld ne scellent le score pour l’équipe de Glasgow (1-3). Même punition au match retour pour les Nantais en dépit de l’égalisation de Georgin (3-1). Après l’hiver, les quarts de finale proposent Vojvodina aux Hoops.
En Yougoslavie, le Celtic connaît l’amer goût de la défaite (1-0). La première depuis le début du tournoi. Un accroc finalement sans conséquence. Chalmers (58e) remet les deux équipes sur un pied d’égalité. Le spectre d’un replay flotte au-dessus du Celtic Park mais le capitaine Billy McNeill (90e) offre la qualification au bout du suspens. En demi-finale, le Dukla Prague, club de l’Armée tchécoslovaque, ne fait pas le poids pour empêcher les Écossais d’aller à Lisbonne. Le match aller est aisément validé par le Celtic (3-1) qui gère son avance sans trembler au retour (0-0).
Double vainqueur en 1964 et 1965, l’Inter Milan de Helenio Herrera est l’adversaire du Celtic et largement favori en dépit des absences de Luis Suárez et Jair. Les Italiens peuvent néanmoins compter sur l’expérience de Burgnich, Facchetti ou encore Mazzola. Novice à ce niveau, le Celtic s’apprête à connaître sa première finale européenne. Cette finale est principalement une opposition de style entre le football offensif des joueurs de Glasgow et le catenaccio proposé de Herrera. Et le manager du Celtic, Jock Stein annonce un brin provocateur avant la finale : « Je vais maintenant dire à Herrera comment le Celtic sera la première équipe à ramener la Coupe d’Europe en Grande-Bretagne, mais cela ne l’aidera en aucune manière : nous allons attaquer comme nous n’avons jamais attaqué auparavant. » et d’ajouter : « Les coupes ne sont pas gagnées par des individus. Elles sont gagnées par des hommes dans une équipe, des hommes qui font passer leur club avant leur prestige personnel. J’ai de la chance – j’ai les joueurs qui font cela pour le Celtic. » Si Stein dit cela, c’est parce que tous les joueurs de son équipe sont originaires de Glasgow ou de ses environs proches et qu’ils sont quasiment tous formés au club.
Devant quarante cinq milles spectateurs, c’est pourtant l’Inter qui attaque avec un premier avertissement de Mazzola dont la tête est repoussée des genoux par Simpson. Puis, quelques instants plus tard, les Milanais obtiennent un penalty facilement converti par Mazzola suite à une faute de Craig. Le scénario est alors idéal pour « La Grande Inter« , adepte des scores serrés et à la défense de fer. Le Celtic se lance à l’attaque mais se heurte à la muraille nerazzurra. Gemmel heurte même la barre de Sarti qui livre une performance de haut niveau. Les offensives se multiplient après la pause et Gemmel trouve la faille d’une lourde frappe des vingt-cinq mètres peu après l’heure de jeu.
Malgré l’égalisation, l’Inter ne change pas de tactique. Le Celtic non plus. Ils continuent de pousser pour arracher la victoire. Cinq minutes avant le coup de sifflet final, un tir lointain Bobby Murdoch est astucieusement dévié par Stevie Chalmers dans les filets de Sarti pour donner un avantage définitif à son camp (2-1). Si ce but ressemble à un coup du sort ou à un geste instinctif, le buteur (et ses coéquipiers) affirme après le match que c’était un geste travaillé et répété à l’entraînement : « Les gens disent que c’était de la chance – mais Jock Stein nous faisait travailler sur ce mouvement au moins trois fois par semaine. » L’arbitre délivre les Lisbon Lions, le terrain est envahi par les supporters écossais et certains joueurs doivent même abandonner leur maillot aux fans. Le trophée n’est pas donné sur le terrain mais sur un podium d’une tribune du stade. Billy McNeill soulève alors le trophée devant une foule de journalistes. It’s coming home. Dans le vestiaire, c’est le délire comme nous le décrit Chalmers : « C’était le chaos dans le vestiaire. Il y avait surtout des journalistes et des amis du manager. Bill Shankly était là, il a félicité tout le monde et a dit que Jock était un grand monsieur. » Avec ce succès, le Celtic est vraiment entré dans l’histoire. Premier représentant d’Europe du Nord et premier britannique à gagner le trophée, ces joueurs ont marqué l’histoire. D’ailleurs, Bobby Lennox ajoute : « La victoire en Coupe d’Europe a fait la renommée du club. Après cela, tout le monde connaissait le Celtic. Nous avons même battu le Real Madrid deux semaines plus tard. Ils avaient gagné l’année précédente et ils n’arrêtaient pas de dire qu’ils étaient les vrais champions, mais nous sommes allés les battre 1-0 sur leur propre terrain devant 135 000 personnes. »
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