Ville ayant vu naitre Hristo Stoïchkov, Plovdiv est un véritable vivier à football. Du Maritsa au Lokomotiv en passant par le Botev, le ballon rond a bien sa place dans la deuxième plus grande ville de Bulgarie après Sofia. Un club se détache toutefois de ces derniers de par son histoire : le Botev Plovdiv. Puisant ses racines dans les innombrables insurrections bulgares à l’encontre de l’Empire Ottoman, le Botev s’inscrit profondément dans l’histoire du pays des Thraces.
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Du joug Ottoman à la révolte bulgare
Au XIVème siècle, l’Empire Ottoman règne d’une main de maitre en Europe Occidentale. Fondée en 1299 par Osman 1er, la « Sublime Porte » perdure jusqu’en 1923, un des empires ayant duré le plus longtemps au monde. En 1396, cette force en puissance conquiert la Bulgarie. Le pays est annexé et devient une province de l’Empire Ottoman. La Bulgarie se nomme désormais la Roumélie, une appellation pour désigner la partie de la possession balkanique sous domination ottomane. Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, le développement économique, social et culturel de la Bulgarie subit un véritable coup d’arrêt. Les Bulgares doivent payer des impôts élevés, les mosquées et minarets se construisent alors que de nombreuses églises sont détruites. Cette répression entraîne une forte protestation. A la tête de ces multiples révoltes, un homme : Hristo Botev.
Poète, journaliste engagé et révolutionnaire, il est l’une des figure emblématique de la rébellion bulgare. Inspiré par son père, avocat d’un mouvement nationaliste et fervent opposant à la Sublime Porte Ottomane, Hristo Botev est contraint à l’exil en 1867 après avoir organisé un discours exhortant l’indépendance de la Bulgarie dans sa ville natale de Kalofer. Direction la Roumanie.
Hristo Botev ne baisse pourtant pas les bras et continue ses activités révolutionnaires à travers de nombreux poèmes. Logé dans un moulin abandonné, il rencontre Vassil Levski, un autre révolutionnaire bulgare désormais considéré comme un héros national. L’insurrection en Bosnie-Herzégovine contre l’Empire Ottoman lui donne des idées. Après un premier soulèvement maté par les Bachibouzouks en 1875, Hristo Botev lance une nouvelle offensive l’année suivante.
Les troupes sont pourtant affaiblies et peu nombreuses en raison de l’insurrection précédente. Les 200 révolutionnaires embarquent discrètement à bord du Radetzky pour mener l’assaut. Vêtus de costumes traditionnels, ils sortent alors des armes de leurs valises, sous la stupéfaction des touristes à bord. Hristo Botev demande ensuite au commandant de bifurquer vers la rive droite de Kozloduj pour lancer l’assaut. Mais les gendarmes turcs, en apercevant la trajectoire inhabituelle de la vapeur du bateau comprennent ce qui se trame et lancent l’alerte pour obtenir du renfort. Les combats durent plusieurs jours et les bulgares doivent se réfugier dans les montagnes. Quelques jours plus tard, Hristo Botev meurt au combat à seulement 28 ans, un héros national aux yeux de tous les bulgares.
Ce revers aura pourtant incité les habitants de la Bulgarie à revendiquer leur souveraineté. Le pays sera libéré du joug ottoman par la Russie en 1878. Trente ans plus tard, en 1908, l’indépendance est déclarée. Le début d’une nouvelle ère après plus de cinq siècles de domination.
Le Botev Plovdiv, héritage de révolutionnaires
Même après sa mort, Hristo Botev, symbole de la résistance, inspire toujours la Bulgarie : c’est d’ailleurs pourquoi un astéroïde et une falaise des îles Shetland en Antarctique portent son nom. Mais c’est surtout à travers le football que Hristo Botev va renaitre de ses cendres. En 1912, le plus vieux club de football bulgare est fondé par des étudiants de Plovdiv : Le SK Botev Plovdiv.
Malheureusement, la première et deuxième guerre Balkanique entre 1912 et 1913 freinent le développement du Botev. En 1917, le club étudiant est rejoint par des hommes plus âgés et se structure peu à peu en choisissant les couleurs jaunes et noires. C’est en 1925 que la première rencontre internationale est organisée contre Fenerbahçe, un club turc, ironie du sort… La rencontre est remportée par le club Stambouliote sur le score de deux buts à six. Il faudra attendre 1929 pour voir le Botev remporter son premier championnat. Un tournoi à élimination directe remporté face au Levski Sofia (1-0). Le club adverse a d’ailleurs été nommé ainsi en l’honneur de Vassil Levski, ancien camarade de Hristo Botev. Toujours est-il que ce premier triomphe fut célébré de la meilleure des manière lorsque des milliers de supporters se retrouvèrent à la gare de Plovdiv pour célébrer ensemble leur succès.
En 1946, l’arrivée au pouvoir du Parti Communiste transforme le Botev Plovdiv. La Bulgarie, nouveau membre du bloc soviétique est alors à la tête de nombreux clubs bulgares. Le Botev devient un club militaire et change de nom plusieurs fois. Les supporters vivent cet évènement comme un affront mais restent fidèles à leur club de cœur.
Il faut dire que le gouvernement bulgare ne facilite pas la tâche du Botev. En 1950, les équipes militaires sont rassemblées à la capitale, Sofia, ce qui engendre l’expulsion du Botev de la première division. Mais en 1962, le club de province prend sa revanche en gagnant la coupe de Bulgarie. L’apothéose. Cinq années plus tard, en 1967, le Botev Plovdiv remporte également le championnat. Le deuxième de son histoire. Cette fois ci c’est une certitude, le club phare de Bulgarie est bien à Plovdiv.
Derby enflammé et reconstruction
Toutefois, l’ombre de l’exécutif plane toujours. Après le titre de champion, le Parti Communiste rassemble trois club en un : le Botev, le Spartak et l’Akademic se retrouvent sous le nom de Trakia. Une annonce qui signe la fin de l’hégémonie des Canaris pendant qu’un autre club occupe les premières places : Le Lokomotiv Plovdiv. Ce dernier est considéré comme le club ouvrier de la ville. De son côté, le Botev est davantage associé à la classe supérieure. Club de cheminots dans les années 40, le Lokomotiv jouit d’une popularité certaine. A la différence du Botev, le Lokomotiv a toujours été indépendant du gouvernement bulgare. Leur première confrontation officielle date de 1951. Un match remporté par les cheminots sur le score de trois buts à un.
L’entente est au début relativement cordiale. Mais c’est un peu plus tard que la relation va s’effriter. Dans les années 1990, le hooliganisme fait rage en Europe ainsi qu’en Bulgarie. Le derby de Plovdiv devient alors électrique et marque une scission entre les supporters pacifiques et les hooligans. Les Bultras, le groupe d’ultras du Botev, n’hésite pas à faire raisonner les chants en l’honneur de leur héros Hristo Botev.
Les Bultras lors du derby contre le Lokomotiv Plovdiv, 10 mars 2015
Les jaunes et noirs rencontreront cependant quelques troubles financiers. En 2010, le club s’effondre mais parvient à se restructurer grâce au nouveau président Tzvetan Vassilev qui octroie 10% du club aux fans. Grâce à des investissements dans le centre de formation et le stade, l’équipe réussit à revenir en première division en l’espace de trois saisons seulement. En 2015, un nouveau stade de plus de 20 000 places fait son apparition ce qui réjouit les fidèles Bultras. Tout est donc réuni pour que les Canaris remplissent l’armoire à trophées. L’année 2017 est justement synonyme de succès. Face au champion Ludogorets, les joueurs remportent une nouvelle coupe de Bulgarie. Après 36 ans d’attente, l’histoire est belle.
Pour l’heure, le Botev Plovdiv oscille en milieu de tableau. Cette saison, le club a terminé 10ème sur 14 équipes. Un résultat insuffisant pour inquiéter le grand club de Ludogorets, champion depuis dix saisons consécutives. Toutefois, l’âme de Hristo Botev subsiste toujours dans l’antre de Plovdiv. L’héritage du révolutionnaire n’est jamais loin…
Sources :
- Damien F, « Botev Plovdiv, le résistant Bulgare », Footballski.fr
- Antoine Jarrige, « Botev – Lokomotiv : la bataille de Plovdiv », Footballski.fr
- Tom Wood, « Botev Plovdiv – A short history of Bulgaria’s oldest club », Futbolgrad
- Site officiel du Botev Plovdiv
Crédits photos : Icon Sport