En 1980, la Mannschaft atteint pour la troisième fois consécutive la finale du Championnat d’Europe des nations. La RFA a appris à se passer de Franz Beckenbauer, a encensé Karl-Heinz Rumenigge, mais surtout a découvert Bernd Schuster, l’ange blond.
Schuster, formé à Augsbourg, connaît un début de carrière précoce. Très en vue chez les jeunes, à 18 ans, il est convoité par les plus grands clubs de Bundesliga. Le joueur semble destiné à l’un des deux géants de l’époque, le Borussia Mönchengladbach ou le Bayern Munich. Pourtant, c’est le champion en titre qui tire son épingle du jeu et signe le jeune Bernd. Le FC Cologne sort d’une saison parfaite (doublé coupe/ championnat), s’apprête à retrouver la Coupe des clubs champions et croit détenir dans ses rangs le futur prodige du football allemand. A Cologne, Schuster convainc dès ses débuts et se fait une place dans l’équipe. Celui qui n’est encore qu’un talent parmi d’autres participe activement à la campagne européenne du club de la Ruhr.
Malheureusement pour Cologne, l’aventure s’arrête contre le futur vainqueur, Nottingham Forest. A 19 ans, pour sa première saison en pro, Bernd Schuster s’impose chez le champion allemand en titre et participe activement au parcours européen de son club. Tout commence parfaitement donc pour le nouveau wunderkid allemand qui confirme parfaitement la saison suivante et récolte logiquement ses premières sélections avec la Nationalmannschaft.
Après avoir échoué à conquérir son premier titre face à Düsseldorf en Coupe d’Allemagne, l’impétueux allemand prend la direction de l’Italie et de l’Euro 1980 avec une soif de titre. Si il commence sur le banc pour le remake de la finale malheureuse de 1976, Schuster trouve rapidement sa place dans l’entrejeu allemand. Lors du deuxième match remporté 3-2 par la RFA contre les Pays-Bas, Schuster se révèle. A l’origine des trois buts, apportant simplicité, spontanéité et créativité, il transforme le jeu allemand. Schuster sèche ensuite le troisième match de poule pour éviter une suspension lors de la finale, un choix payant. L’Allemagne s’impose 2-1 contre la Belgique grâce à un doublé de Hrubesch et un Bernd Schuster impliqué. Deux performances de haut niveau qui lui permettent de remporter le premier titre de sa carrière à 20 ans, mais aussi de figurer au sein de l’équipe de la compétition. Mieux, à la fin de l’année, il finit deuxième du Ballon d’Or juste derrière son compatriote et coéquipier, Karl-Heinz Rumenigge.
De retour à Cologne, Bernd s’embrouille avec son nouveau coach. La rupture est consommée, Schuster souhaite partir et Cologne veut encaisser. Forcément, après des performances aussi précoces, Schuster attire. Beaucoup voient en lui la nouvelle superstar du football mondial, encensé par ses coéquipiers et par d’illustres entraîneurs comme Helenio Herrera, on voit en lui le futur Pelé ou Cruyff. Un prétendant improbable s’apprête cependant à prendre l’ascendant dans les négociations, le New York Cosmos. Face à l’imminence de ce transfert improbable, le sélectionneur allemand, Jupp Derwall, s’inquiète. Derwall menace Schusti de ne plus le sélectionner si jamais il signe en faveur du club américain. Schusti n’est pas vraiment du genre à recevoir des ordres, mais Franz Beckenbauer, pourtant joueur des New York Cosmos, le dissuade de traverser l’Atlantique. Bernd écoute son aîné, bien inspiré, il signe finalement au FC Barcelone.
Bernd, le Catalan
Malgré une réputation exceptionnelle pour un joueur de 20 ans, l’Allemand n’arrive pas en terrain conquis en Catalogne. La saison débute sous les ordres de Lazslo Kubala et l’ancienne légende du Barça n’a que peu d’admiration pour le Bavarois. Heureusement, Kubala est rapidement écarté et Helenio Herrera prend les rênes du Barça. Sous ses ordres, Schuster évolue dans une position de meneur de jeu reculé qu’il affectionne tant. La qualité de son jeu long lui permet de trouver aisément ses partenaires, sa vitesse et sa qualité de frappe d’arriver lancé et percer les défenses. Balle au pied, Schusti se débrouille donc plutôt bien et l’adaptation à la Catalogne est un succès. Dès son premier clasico, il contribue à la victoire des Blaugranas en ouvrant le score. Difficile de faire mieux pour se mettre le public dans sa poche.
En 23 matchs de Liga, Schuster distribue les passes notamment pour Quini et plante à 11 reprises. Malgré une cinquième place décevante en championnat, le Barça remporte même la Copa del Rey contre le Sporting Gijón, au désespoir de Quini qui inscrit quand même un doublé contre son ancien club, et s’ouvre les portes de la Coupe des vainqueurs de coupes. Une saison particulière tout de même pour Schuster qui est choqué par l’enlèvement de son coéquipier Quini. Les joueurs barcelonais, Schuster en tête se mobilisent et refusent de jouer tant que Quini n’aura pas été libéré.
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Une première saison de haut niveau qui préfigure une carrière exceptionnelle, pourtant le caractère impulsif de l’Allemand commence déjà à lui jouer des tours. Derwall tient temporairement l’ange blond à l’écart de la sélection. Le motif n’est évidemment pas footballistique, plutôt comportemental. En effet, Schuster sèche une fête organisée par l’un de ses coéquipiers en sélection pour la simple et bonne raison qu’il ne l’apprécie pas. Dès sa jeunesse, Schusti entretient une relation explosive et contradictoire avec la Nationalmannschaft.
La saison suivante marque un tournant dans la carrière de Bernd Schuster. Alors qu’il semble désormais sur les bons rails pour devenir le patron du foot mondial, l’Allemand est fauché. L’obstacle sur sa route s’appelle Andoni Goikoetxea, affectueusement surnommé le Boucher de Bilbao. Goikoetxea n’a pas volé son surnom et le démontre en brisant le genou de l’esthète allemand lors d’un match entre Bilbao et le Barça. Une blessure extrêmement grave au moment de ce qui aurait du être la saison de la confirmation pour l’ange blond. Le Barça fait la course en tête pratiquement toute la saison mais s’effondre sans son maître à jouer dans les dernières journées et échoue à deux points de la Real Sociedad. Schuster ne participe aussi que très modestement au succès des Catalans en Coupe des vainqueurs de coupe, il dispute les quatre premiers matchs, inscrit deux buts, mais ne peut être présent pour la victoire barcelonaise sur le Standard de Liège. Pire encore, l’ange blond ne participe pas au Mundial de 1982, une compétition qu’il ne disputera jamais.
Maradona/ Schuster, la paire à la mode
Schuster revient tant bien que mal sur les terrains, marqué par une blessure dont il ne se remettra jamais vraiment. Au moins, à son retour, le FC Barcelone est renforcé par l’arrivée de Diego Maradona. Après un Mundial médiocre, el Pibe de Oro entend bien mettre l’Espagne à ses pieds et Schuster semble pouvoir endosser le rôle du parfait acolyte. La connexion entre les deux hommes est naturelle, sur le terrain ou en dehors.
Jalousé, Maradona est systématiquement ciblé par ses adversaires. Malgré ces difficultés, la première saison se déroule bien et une vraie complicité naît entre Schuster et Maradona. Au début de la saison 1983-1984, le Barça, désormais entraîné par Cesar Luis Menotti, rencontre Bilbao, champion en titre. La paire Schuster-Maradona se régale, mène la vie dure à l’Athletic Bilbao et fait l’étalage de son talent.
C’était sans compter sur la présence du Boucher de Bilbao. Andoni Goikoetxea, qu’on aurait aussi pu surnommer le briseur de jambes, récidive. A l’heure de jeu, le Basque s’emporte et détruit Maradona. Goikoetxea vient d’exploser la jambe de l’Argentin. Privé de Maradona pendant trois mois et demi, Schuster ne trouve plus son relais offensif. Bilbao s’adjuge finalement le titre et se présente en finale de Coupe du Roi face au Barça pour un doublé historique.
Une finale restée dans l’histoire, non pas pour la qualité du jeu, mais bien pour sa violence. Schuster reçoit un projectile dans le visage en provenance d’un Santiago Bernabeu acquis à la cause basque. Schuster renvoie rageusement le projectile. Plus tard, la rencontre tourne à la bagarre générale. Sous les yeux d’un Juan Carlos médusé, la paire Schuster-Maradona vient de disputer son dernier match.
Sommets et déboires en Catalogne
En parallèle, Schuster met un terme à sa carrière internationale à 24 ans. Frustré d’avoir raté la Coupe du monde 1982, Schuster ne s’entend toujours pas avec le sélectionneur Jupp Derwall. L’ange blond est poussé à la retraite internationale pour avoir refusé de participer à un déplacement en Albanie afin de pouvoir assister à la naissance de son enfant. Breitner et Rumenigge militent déjà de leur côté pour l’éviction de Schuster de la sélection. Paul Breitner, absent de l’Euro 1980 et éclipsé par l’ange blond entend bien conserver la place acquise en 1982. La rivalité entre Breitner et Schuster divise et sème la discorde au sein d’un vestiaire particulièrement chaud. Jupp Derwall, dépassé, évince Schuster. Vexé, l’ange blond refuse de revenir malgré les sollicitations toujours plus insistante du Kaiser désormais sélectionneur. Le Bavarois snobe la Coupe du monde 1986 et une fois de plus, on ne peut s’empêcher d’imaginer à quoi aurait ressemblé la RFA avec un Schuster affûté dans ses rangs. Assurément, cette retraite prématurée empêche la réputation de Bernd de franchir les frontières.
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Après le départ de Maradona, le Barça renoue avec le succès et remporte le championnat 1984-1985 avec 10 points d’avance sur l’Atlético de Madrid. Dès l’entame de la saison, le Barça écrase le Real 3-0 au Bernabeu. Une saison parfaite durant laquelle Bernd Schuster pratique son tout meilleur football, termine troisième au classement du Ballon d’Or, et porte le FC Barcelone qui ne connaît la défaite que deux fois cette année là. Encore une fois, néanmoins, les succès de l’ange blond sur le terrain cachent des désagréments personnels. En coulisse, ses relations avec le coach Terry Venables laissent à désirer. Les irruptions dans le vestiaire de Gabi, la femme/agent de Bernd Schuster, irritent l’entraîneur britannique. L’Anglais envisage de se passer d’un Schuster devenu ingérable. Mais pour le sulfureux président du Barça, Josep Luis Nunez, pas question de se débarrasser de la coqueluche du Camp Nou alors que les Blaugranas retrouvent enfin la Coupe des clubs champions. Une véritable obsession pour le Barça et son président, après onze ans de patience, le Barça va enfin pouvoir retenter sa chance de conquérir un trophée qui lui manque tant.
A 25 ans, Bernd Schuster, avide de trophées, renoue enfin avec la Coupe des clubs champions. Le Barça passe les premiers tours avec difficulté en écartant successivement le Sparta Prague, Porto et la Juventus. Après la demi finale aller, Nunez croit voir son rêve s’échapper, son Barça vient de recevoir une claque 3-0 sur le terrain de l’IFK Göteborg. Pourtant, au Camp Nou, la remontada a lieu, grâce à un triplé de Pichi Alonso, les Catalans traînent les Suédois aux tirs au but. Séance victorieuse pour le Barça qui fait alors figure de favori pour le titre face au Steaua Bucarest.
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Au stade Sanchez-Pizjuan, les deux équipes proposent l’une des pires prestations de l’histoire des finales de C1. Les Roumains empêchent les Catalans de mettre leur jeu en place et Schuster, en difficulté, peine à exercer son influence habituelle sur le jeu barcelonais. A cinq minutes du terme, alors que le match semble se diriger vers une douloureuse prolongation, Venables décide de sortir Bernd Schuster. L’Allemand pète les plombs, au lieu de s’asseoir sur le banc, Schusti quitte le stade et appelle un taxi en direction de l’hôtel. Sans Schuster, le Barça s’incline au tir au but. Nunez fulmine. Excédé, il décide tout simplement de bannir Schuster, refuse toutes les offres et colle l’Allemand au placard pendant un an en guise de punition. Après un an, Schuster rejoue une saison sous les couleurs barcelonaises, mais son départ est inéluctable. Amoureux de l’Espagne et rancunier, Schuster choisit naturellement de rejoindre le Real Madrid.
La vengeance dans la peau
Comme le Barça, le Real convoite la Coupe des clubs champions. En ajoutant Schuster à Hugo Sanchez, Butragueno, Sanchis ou Michel, la Casa blanca entend bien renouer avec le sommet européen. Depuis 1986, le Real enchaîne les titres de champion et l’arrivée de Schuster ne change pas cette mécanique. Les Merengues remportent la Liga 1989, mais échouent en Europe. En demi-finale, les Merengues tombent sur un monstre, le Milan de Sacchi. Le Real se fait corriger 5-0 à San Siro et abandonne ses rêves de sommets. L’ogre milanais revient traumatiser les Madrilènes l’année suivante en huitièmes de finale. Impressionnant en Liga, et malgré l’arrivée de Bernd Schuster, le Real continue d’attendre le sacre européen.
Encore une fois, en 1989-1990 le Real écrase la Liga. Schuster s’illustre et alimente une attaque de feu qui marque 107 buts. Mais le Real Madrid est un club impatient, et malgré les succès domestiques, le passage de Schuster au Real a le goût de l’échec le club décide de rompre le contrat de Schuster afin de libérer une place pour un nouveau joueur étranger. Le message est clair, la direction du Real ne croit plus ne l’ange blond et lui préfère un certain Gheorghe Hagi. Un nouveau renvoi mal digéré par l’Intéressé qui se tourne encore une fois vers un rival de son ancien club. Vers l’Atlético de Madrid en l’occurrence, dont le président Jesus Gil y Gil a flairé le bon coup. Iconoclaste, Schuster devient le premier joueur a porté les couleurs du Barça, du Real et de l’Atlético.
Durant les trois saisons sous les couleurs rouges et blanches, l’Atlético revient sur le devant de la scène espagnole. L’ange blond séduit rapidement Vincente Calderón et forme une association redoutable avec Paulo Futre. Sous la houlette de Luis Aragones, l’Atlético retrouve la lutte pour le titre. Malheureusement, mais assez logiquement, il apparaît rapidement impossible de concilier les tempéraments de Schuster, Aragones, Gil et Futre.
Pourtant, l’Atlético accumule les résultats probants, se mêle à la course au titre et échoue à seulement deux points du Barça en 1992. Associé à Paulo Futre et Manolo, Schusti remporte deux Copa del Rey en 1991 et en 1992. Buteur sur coup franc en finale contre le Real en 1992, Schusti savoure une nouvelle revanche. Une hargne qui lui vaudra l’affection du public colchonero. Cette coupe, gagnée contre le Real, reste l’un des titres les plus importants de l’histoire du club pour les supporters colchoneros, Un titre qui marque la fin de l’insolence avec laquelle le voisin madrilène a écrasé l’Atlético depuis le milieu des années 1980. Les colchoneros se permettent même d’aller chercher des succès de prestige en corrigeant Manchester United 3-0 en quart de finale de Coupe des vainqueurs de coupes 1992. Bien que vieillissant, Schusti s’offre une parenthèse dorée sous le maillot de l’Atlético. Il y réalise trois saisons excellentes et participe au renouveau de l’Atlético de Madrid qui savoure enfin un retour mérité au premier plan.
L’histoire se répète, évidemment, et Schuster se brouille avec sa direction. L’iconique allemand rentre au pays, dispute trois saisons convaincantes pour le Bayer Leverkusen. Son nom est même évoqué pour la Coupe du Monde 1994, mais Schusti a définitivement fait une croix sur la Nationalmannschaft. L’ange blond achève finalement sa carrière en 1997 au Mexique. Le joueur devient entraineur et connaît quelques succès comme un championnat avec le Real en 2008, et, surtout, continue de nous gratifier de coups de sang mémorables. Toni Kroos, pris à partie par l’ancien meneur de jeu, peut en témoigner.
Bernd Schuster demeure aujourd’hui trop souvent oublié en dehors d’Espagne ou d’Allemagne. Véritable icône de sa génération, l’Allemand n’a pourtant pas atteint les sommets auxquels il était promis au début de sa carrière, la faute à de nombreuses blessures, à une absence de visibilité internationale et peut-être à un tempérament volcanique.
Sources :
- These football times –Bernd Schuster : the impossible gemran maverick – Steven Scragg
- Furia Liga – Copa del Rey 84 : indépendantisme, Maradona, le boucher de Bilbao et Menotti
- Furia Liga – Bernd Schuster, l’enfant terrible du football allemand
- Le Temps – Bernd Schuster, pour l’amour du risque – Fred Hirzel
- So Foot – Le jour où Goikoetxea a commis un attentat sur Maradona – Antoine Donnarieix
- Euro 1980 : Schuster fait le show – Uefa
Crédits photos : Icon Sport