Andrea Pirlo était un joueur à part, du genre que l’on retient. Un joueur immédiatement identifiable par sa manière de jouer, de se mouvoir sur un terrain. Né en 1979 à proximité de Brescia, passé professionnel au milieu des années 1990 et retraité depuis 2017, il aura foulé les terrains du monde entier – mais surtout ceux d’Italie – durant deux décennies et fait le bonheur de millions de personnes, surtout lors d’un certain été 2006 qui le vit remporter la plus grande des compétitions avec son équipe nationale. S’il a porté le maillot de six clubs différents, il a surtout été un joueur majeur des trois équipes qui comptent le plus en Italie : l’AC Milan, la Juventus et la Nazionale, trois équipes avec lesquelles il remporta les plus grands trophées. Celui que les Italiens surnomment affectueusement « la Fée Clochette », joua avec les plus grands et devint, lui-même, l’un des plus grands. S’il a également connu des périodes plus difficiles dans sa carrière, il a toujours su rebondir afin de la relancer.
Né dans la région de Brescia en Lombardie, au sein d’une famille aisée, Andrea Pirlo touche rapidement ses premiers ballons et se retrouve inscrit, tout comme son grand frère, au sein du club de football de sa ville, Flero. Très doué, le jeune Andrea est rapidement repéré par des représentants de clubs de Brescia. C’est à Brescia que Pirlo démarre en tant que professionnel, goûtant pour la première fois à la Serie A. Logiquement, après être passé de Flero à Brescia, le futur champion du monde passe un nouveau cap en signant à l’Inter, l’un des deux géants lombards.
Ce passage d’Andrea à l’Inter, souvent oublié, et faisant de lui l’un des membres de la liste fermée des joueurs ayant joué pour les trois grands d’Italie (Inter, Milan, Juve), représente un demi-échec dans sa carrière, car, comme il l’avouera plus tard, il aurait grandement souhaité réussir à l’Inter, un club auquel il était attaché durant sa jeunesse. Seulement voilà, l’Inter, à la fin des années 1990, est un club extrêmement instable où la valse des entraîneurs est constante. La solution trouvée pour le jeune joueur est de partir en prêt. C’est à cette occasion qu’il va, pour la seule fois de sa carrière, s’éloigner du Nord de l’Italie. En effet, en 1999, Pirlo rejoint la Reggina, club calabrais ambitieux, alignant une équipe jeune où Pirlo trouve toute sa place et surtout du temps de jeu. Après cette saison satisfaisante, la situation de Pirlo à l’Inter ne s’améliore guère et il choisit même de retourner à Brescia, toujours sous forme de prêt. C’est la consécration d’un premier échec qui marquera le joueur, lui qui s’apprêtait alors à connaître des années fastes.
Andrea Pirlo et les grandes heures de l’AC Milan d’Ancelotti
Finalement, ce n’est pas du côté des nerrazzuri que Pirlo s’épanouira, mais du côté de leurs ennemis rossoneri qu’Andrea rejoint en 2001. Dès sa deuxième saison en rouge et noir, il devient indispensable. Ce n’est que la troisième fois de sa carrière qu’il joue une saison complète, jusqu’ici cela n’avait été le cas qu’avec Brescia et la Reggina, mais désormais c’est dans un club d’un tout autre calibre que le milieu de terrain s’impose. L’AC Milan, du haut de ses seize titres de champion d’Italie et de ses cinq C1, est bien sûr un géant non seulement italien mais également européen et mondial. Pirlo rejoint une équipe brillante où il côtoie des légendes telles que Paolo Maldini, capitaine emblématique, mais aussi des joueurs fantastiques tels que Shevchenko. Pour sa première saison complète, Andrea remporte la plus prestigieuse des compétitions de clubs, la Ligue des Champions, que son nouveau club soulève pour la sixième fois de son histoire, deuxième total le plus élevé. Les Milanais se défont en finale d’un autre club italien, la Juventus, sacrée championne d’Italie cette année-là, loin devant les coéquipiers de Pirlo, troisièmes. L’affront est réparé dès la saison suivante puisque les places s’inversent : le Milan AC est premier, la Juve troisième reléguée à treize points des Lombards. Pirlo est alors devenu un titulaire indiscutable dans l’une des meilleures équipes d’Europe. Son nouveau coach, Carlo Ancelotti, n’y est pas étranger, il a su trouver la position idéale pour son joueur.
« Carlo Ancelotti a été comme un père pour moi, un maître, un ami qui rendait les choses amusantes. » Daily Mail, avril 2014
Carlo Ancelotti, conférence de presse d’avant-match Juve-Real, mai 2015 :
« Pirlo est un joueur fantastique, un fuoriclasse. J’ai lu qu’il me considérait comme un père. Moi, je le considère comme un frère, pas comme un fils. »
En effet, si Pirlo, plus jeune, a pu jouer dans une position proche de celle d’un numéro 10, il a été amené à reculer, incarnant parfaitement le rôle de regista qui consiste à organiser le jeu de son équipe en étant situé juste devant ses défenseurs, à l’inverse du numéro 10 qui organise le jeu en étant placé bien plus haut sur le terrain. C’est dans ce rôle que Pirlo fait parler tout son talent puisque toutes ses qualités y sont exacerbées. En effet, afin d’organiser le jeu depuis cet espace du terrain, il faut une grande maîtrise technique, un sang-froid certain et une vision du jeu très développée. Or ces trois qualités sont les principales caractéristiques du joueur qu’était Andrea Pirlo. Ajoutez à cela un brin de nonchalance et vous obtenez un joueur d’une élégance rare.
Après des débuts en fanfare à l’AC Milan, le soufflet ne retombe pas pour Pirlo et ses illustres partenaires. Vices-champions en 2005, ils sont également finalistes malheureux de la Ligue des Champions, perdue à Istanbul face à Liverpool dans un match au scénario bien connu. L’année suivante, l’AC Milan termine à nouveau deuxième derrière la Juve avant que le scandale du « Calciopoli » ne rabatte les cartes, faisant tomber le Milan au troisième rang, mais surtout, déclassant la Juve en Serie B. Mais l’année 2006 est surtout pour les Italiens synonyme de Coupe du Monde.
Devenu international en 2002, Pirlo s’est vite intégré au onze italien jusqu’à en devenir là aussi un titulaire indiscutable. C’est ainsi qu’en 2006, dans sa position de regista, il distribue les caviars dont le plus fameux est son offrande à Fabio Grosso afin de qualifier son pays pour la finale de la plus grande des compétitions. Pirlo brille lors de cette Coupe du Monde et commence alors sérieusement à apparaître comme l’un des tous meilleurs joueurs au monde, dans une planète foot pas encore écrasée par Ronaldo et Messi.
Si la pénalité de points reçue empêche les Milanais de disputer le titre à leurs rivaux de l’Inter en 2007, les hommes d’Ancelotti brillent à nouveau au niveau européen en atteignant pour la troisième fois en cinq ans la finale de la C1. De nouveau confrontés à Liverpool, Pirlo et les siens vengent la défaite traumatisante de 2005 en rapportant une septième Ligue des Champions à la maison.
« J’ai pensé à arrêter ma carrière après la finale perdue à Istanbul contre Liverpool. Pendant quelques jours, je croyais vraiment que c’était fini. Je n’avais plus la force et ne réussissais pas à trouver une explication de cet effondrement. » Undici, avril 2015
Ce Milan version Ancelotti, vainqueur de deux Ligues des Champions, est une équipe stable dotée d’une charnière qui ne bouge pas entre 2003 et 2007 : le trio Dida-Maldini-Nesta en défense, Pippo Inzaghi en attaque et entre les deux un fantastique Pirlo secondé par un infatigable Gattuso, l’homme sans qui le talent de Pirlo ne se serait pas si bien exprimé. Ajoutez à cela des Ballons d’Or de la trempe de Shevchenko puis Kaka et vous comprendrez pourquoi cette équipe était si forte. Quoi qu’il en soit, Andrea Pirlo était véritablement la clé de ce système, indispensable à cette équipe.
La fin d’une histoire de 10 ans
Paradoxalement, c’est lorsque Milan retrouve les sommets nationaux, après quelques saisons moins excitantes, que l’histoire entre le club milanais et Pirlo prend fin d’une bien triste manière. En 2010-2011, un nouvel entraîneur est aux commandes, Max Allegri. De nouvelles recrues parmi lesquelles Thiago Silva et Zlatan Ibrahimovic permettent au Milan de remporter un nouveau championnat, sept ans après le dernier. Sauf que cette saison-là Pirlo était blessé, il n’a pu jouer que 17 matchs de championnats, lui qui d’ordinaire en jouait une trentaine. Le joueur a alors passé la trentaine et son entraîneur ne compte plus sur lui. Il quitte San Siro. C’est la fin d’une histoire si riche en trophées et en souvenirs. Le joueur part libre de l’AC Milan et la Juventus, en reconstruction, a la bonne idée d’accueillir chez elle, gratuitement, le champion du monde 2006. Bien lui en prendra.
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Renaissances
Andrea Pirlo fera vite comprendre à tous les observateurs que sa saison 2010-2011 n’annonçait en rien sa fin. Pour le plus grand malheur des supporters milanais, Andrea Pirlo fut un des artisans majeurs du grand retour de la Juventus. Son arrivée au club correspond au début de l’outrageuse domination nationale des bianconeri. L’Architecte passe quatre saisons du côté de Turin, quatre saison synonymes de quatre nouveaux titres de champion d’Italie pour le natif de Brescia. Mais surtout, Andrea Pirlo est élu meilleur joueur de l’année en Serie À en 2012, 2013 et 2014 : de quoi se mordre les doigts pour les dirigeants milanais ayant laissé partir libre un tel joueur. A Turin, Pirlo laisse s’exprimer sa classe, il n’a alors plus rien à prouver, a déjà tout remporté et chacune de ses apparitions est un régal pour les yeux tant il a atteint la plénitude de son talent.
L’Euro 2012 est d’ailleurs pour beaucoup son plus grand chef d’oeuvre, même si celui-ci s’est clôt par une finale perdue. Que l’on retienne sa Panenka face à Joe Hart ou son récital face à l’Allemagne, Pirlo a encore une fois été le joueur majeur de la Nazionale lors de cette compétition.
En 2015, pour sa dernière saison en Italie, il remporte sa deuxième Coppa, douze ans après la première et atteint surtout une quatrième finale de Ligue des Champions, perdue à Berlin, là où en 2006 il avait atteint le toit du monde. Cette dernière image de Pirlo en pleurs dans les bras de son homologue Xavi restera à coup sûr dans la tête de beaucoup d’amoureux du ballon rond, tout comme resteront les légendaires coups-francs de « la Fée Clochette », génie du football, l’un des joueurs les plus élégants qu’il nous ait été donné de voir jouer.
Sources :
- « Les salauds, ils ont oublié Pirlo… », So Foot, 8 janvier 2013
- « Pirlo est le football », So Foot, 28 juillet 2013.
- « 20 ans de football à la Pirlo », So Foot.
- Top 10 des coups-francs de sa Majesté, So Foot
- « Une expression pour briller en parlant foot : le regista », L’Equipe
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