Que répondriez-vous si l’on vous soumettait au dilemme suivant : « Joueur de football professionnel, préférerais-tu jouer pour ton club de cœur sans que cela ne te rapporte aucun trophée, ou bien jouer dans un des clubs de l’élite de ton championnat et y récolter argent, gloire et palmarès ? ». Assurément, la majorité répondrait très fièrement que son club de cœur passerait avant tout, non sans penser tout au fond d’elle que, confrontée à ce choix en réalité, elle douterait sûrement un peu plus. Il est des joueurs de football auxquels ce choix-là s’est présenté. Poussés par leur envie de gloire, certains sont partis chez les grands, tel Achille embarquant pour Troie sur les conseils d’Ulysse. D’autres sont restés à la maison. Alan Shearer est de ceux-là.
Sur les rives du fleuve Tyne, le club de Newcastle United pourrait bientôt être racheté par un fond d’investissement saoudien, après des années de tensions et d’appels à la vente du club par le président Mike Ashley. Les dernières années du club ne sont pas roses, avec deux descentes en Championship (actuelle D2 anglaise) en 2009 et 2016. Mais une renaissance économique et sportive pourrait voir le jour avec ce rachat et faire du club du Nord de l’Angleterre un « gros » de Premier League. Ou plutôt, refaire. Car Newcastle United a par le passé connu des jours, et des joueurs, glorieux. Le plus symbolique d’entre eux est sans aucun doute Alan Shearer. Légende absolue du football britannique, l’ancien numéro 9 de Newcastle est aujourd’hui encore détenteur du record de buts marqués en Premier League (260). Shearer fut une icône absolue à Saint James Park où trône maintenant sa statue. Pourtant, la tentation vint maintes fois sonner à sa porte.
Début de carrière, premier et dernier trophée
Alan Shearer voit le jour à Gosforth, une petite ville de la banlieue de Newcastle. Comme beaucoup d’enfants du nord de l’Angleterre, ses origines sont modestes. Tous les soirs, son père rentre épuisé de son usine de métallurgie. Pas désireux de n’offrir à son fils que cette triste perspective d’avenir, il incite ce dernier à jouer au football autant qu’il peut. Le jeune Alan n’a pour terrain de jeu que les petites pelouses bordant les zones pavillonnaires de Gosforth, il envoie ses premiers ballons contre un mur, encore loin des filets des cages de Saint James Park. Ses premiers adversaires, Shearer les affronte à l’école, où il progresse de compétitions en compétitions avant d’avoir la chance d’être repéré par un homme auquel il doit beaucoup : Jack Hixon. Le scout du Southampton FC intègre Alan à l’équipe jeune du club en 1986, il a 15 ans.
Deux ans plus tard, Shearer débute sa carrière professionnelle en intégrant l’équipe première. Southampton joue alors en First Division, la D1 anglaise de l’époque (renommée Premier League en 1992). A 17 ans, il inscrit un triplé pour les Saints face à Arsenal (champion de First Division cette saison 1988-89), les Gunners sont battus 4-2. Malgré cette entrée fracassante, le jeune buteur, trop jeune, ne s’impose pas encore définitivement dans l’équipe. Il obtient des morceaux de matchs, est titularisé lors des petites affiches. Mais Shearer n’est pas pressé et continue sa progression. Si bien qu’en 1991, il est appelé pour la première fois en équipe d’Angleterre U21 pour participer au festival international espoir de Toulon. Les jeunes Three Lions remportent le tournoi et Shearer est la grande star de l’équipe : il marque sept buts en quatre matchs. L’année est heureuse pour le buteur anglais, il y épouse aussi sa femme Lainya, rencontrée durant ses jeunes années à Southampton. La paire ne se quittera plus, Shearer étant, vous allez le comprendre, un homme à la fidélité sans faille.
La réputation de « club-vendeur » de Southampton (auquel Liverpool doit par exemple Sadio Mané ou Virgil van Dijk ces dernières années) ne date pas d’hier. Le club est connu pour être formateur de grands joueurs, et Shearer ne déroge pas à la règle. Parmi les nombreux prétendants à la signature du joueur à l’été 1992, c’est le nouveau promu en Premier League Blackburn qui va se montrer le plus insistant. Les Rovers montrent d’importantes ambitions pour leur retour dans l’élite, le président Jack Walker veut construire un projet capable de disputer les premières places de la Premier League. Shearer rencontre le président ainsi que le coach, un certain Kenny Dalglish assez connu du côté de la Mersey, et son assistant Ray Harford. Le jeune joueur est emballé par le projet et désire s’engager avec Blackburn.
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Un coup de fil, pourtant, ne passe pas loin de changer le destin du joueur. Cet appel, il est passé par le géant Manchester United, qui explique à Shearer l’intérêt du club pour lui. C’est le premier clin d’œil de la gloire à Alan, le premier appel du pied d’une carrière faite de finales grandioses, de trophées scintillants, de coéquipiers de génie et de chèques aux multiples zéros.
Cependant, le jeune anglais garde son calme face à ce revirement de situation. Il faut dire qu’à l’été 1992, Manchester United n’est pas encore le colosse qu’il s’apprête à devenir. Aux commandes depuis 1986, Alex Ferguson (pas encore Sir alors) n’a pas encore offert de première place aux Red Devils. Shearer leur répond très simplement :
« Si vous me voulez, pas de problème : une offre et vous m’avez. J’ai promis de donner une réponse à Blackburn d’ici 4 ou 5 jours. C’est ce que je ferai, à moins que vous ne fassiez votre offre avant. »
Cinq jours passent, et Manchester United ne formule pas d’offre de transfert officielle à Southampton pour Shearer. Peut-être que le calme, presque le flegme du jeune Anglais n’a pas séduit. Peut-être qu’en l’appelant, un titan pareil s’attendait à une réaction plus enthousiaste, totalement dévouée et disponible. Toujours est-il qu’Alan Shearer, n’ayant pas donné sa parole à Blackburn à la légère, s’engage cet été-là avec les Rovers de Kenny Dalglish, pour une somme alors record en Angleterre de 3,6 millions de livres Sterling. Entre temps, l’Angleterre signe un mauvais Euro 1992 en finissant dernière de son groupe et sans aucune victoire. Shearer n’y joue qu’un match où il ne peut guère faire mieux que les dix autres de l’équipe. Place à la Premier League.
Les quatre saisons de Shearer à Blackburn peuvent être résumées dans son premier match chez les Rovers : des buts et du spectacle. Au milieu du mois d’août 1992, Blackburn se déplace à Crystal Palace pour son premier match de la saison. Dans un match haletant conclu par un 3-3, Shearer inscrit deux buts dont le premier est une pépite, une demie volée superbe et puissante à la suite d’un élégant contrôle de la poitrine.
Alan Shearer poursuit sa première saison de Premier League sur un rythme fou, dépassant bientôt la barre des quinze buts (en 21 matchs) avant d’être brutalement stoppé dans sa course par une rupture des ligaments antérieurs du genou droit. Le sage Kenny Dalglish convainc le fougueux buteur d’en rester là pour cette saison et de se concentrer sur son rétablissement. Encore aujourd’hui, Shearer lui est redevable : « De ce fait, cette blessure ne m’a pas handicapé. Quelque part, ça m’a servi car j’ai encore plus marqué les saisons suivantes ».
La fin de la première saison d’Alan Shearer à Blackburn voit Alex Ferguson gagner son premier championnat anglais. Beaucoup à sa place auraient pu regretter leur réponse trop froide au club mancunien un an plus tôt. Le buteur anglais, lui, repart plus motivé que jamais. Il joue la saison 93-94 au complet et y inscrit 31 buts, menant Blackburn à une fabuleuse deuxième place, déjà un exploit pour un club promu deux saisons auparavant. Mais ça ne suffit pas à un Shearer fraîchement nommé joueur de l’année par la FA, pas satisfait de finir 8 points derrière… Manchester United, forcément.
Cette deuxième place plus qu’encourageante pousse le président de Blackburn Jack Walker à consolider encore son effectif afin de lui faire franchir un cap. Il recrute Chris Sutton à l’été 1994. L’attaquant natif de Nottingham va, en plus de se lier d’amitié avec Shearer, développer une entente footballistique hors du commun avec la star de sa nouvelle équipe. Des années avant le duo liverpuldien Suarez & Sturridge, le premier SAS (Shearer and Sutton) survole la totalité de la Premier League cette saison-là : 34 buts pour Shearer, 15 pour Sutton.
« Dans ma carrière, mes meilleurs partenaires étaient ceux où le travail n’a jamais été nécessaire. Ceux avec lesquels l’alchimie était naturelle. Je n’ai jamais travaillé ma relation avec Chris Sutton, ça a fait tilt, il connaissait mon jeu et moi le sien. »
Cette alchimie formidable mène Blackburn à l’un des plus beaux épisodes de son histoire. Alors qu’il ne reste plus qu’un match à jouer dans la saison, les Rovers ont réussi l’exploit de dépasser Manchester United au classement. 89 points pour Blackburn, 87 pour les Red Devils. Le match restant s’avère donc de la plus haute importance pour décider du champion. Malheureusement pour Shearer, Sutton et les leurs, il s’agit d’un déplacement à Anfield contre Liverpool. Au même moment, Alex Ferguson mène sa troupe à Upton Park pour y affronter West Ham. Une défaite des Rovers à Anfield combinée à une victoire mancunienne sur les Londoniens verrait le titre leur échapper à la dernière journée. Le match contre Liverpool débute sous de bons auspices, Shearer marque le premier, Blackburn a une main sur le trophée. Dans la tribune des visiteurs, la célébration du but de Shearer est bientôt doublée par la célébration de celui de… Michael Hughes. Le milieu de terrain de West Ham vient de marquer face à Manchester. Les fans exultent, ils voient et écoutent, l’oreille sur le poste de radio, le destin leur sourire. Les choses se corsent au fil des deux matchs : Manchester comme Liverpool égalisent. Complètement sous tension, la tribune ne célèbre plus, elle attend impatiemment son sort. En toute fin de match, Liverpool marque une deuxième fois et prend la tête de la partie. Malheur. Manchester n’a plus qu’à marquer et le titre est à eux. Mais le commentateur radio annonce le coup de sifflet final, et le score à Londres n’a pas bougé : 1-1. Blackburn est défait mais champion d’Angleterre, trois ans après sa promotion. Le club et la ville entière célèbrent follement un titre qu’ils doivent beaucoup à Shearer, le président Walker fond en larmes. Il n’avait jamais aussi bien dépensé 3,6 millions de livres. Le destin paraît également sourire à Kenny Dalglish : après une victoire de Liverpool chez lui à Anfield, le voilà champion d’Angleterre. De quoi se croire de retour à la fin des années 1980. Pourtant, c’est bien avec les Rovers qu’il glane ce titre. Il devient après cette saison dirigeant sportif, laissant les rênes de l’équipe à son adjoint Ray Harford.
La dernière saison de Shearer à Blackburn se passe moins bien. Toujours aussi généreux en buts, Alan en inscrit 31 en 35 rencontres, ce qui en fait le meilleur buteur de la saison. Mais Blackburn finit septième, et Shearer, Sutton et d’autres cadres de l’équipe reprochent à leur direction de n’avoir pas renforcé l’équipe après le titre. Pourtant, ils n’étaient pas passé loin, un certain Zinédine Zidane avait visité les centres d’entrainement du club. Mais le président Jack Walker s’était fendu d’une phrase qu’il a dû longuement regretter : « Pourquoi recruter Zidane ? Nous avons Tim Sherwood ! ». A la fin de la saison, Shearer annonce à Walker son désir d’être vendu. Le président fait tout pour garder sa star, allant même jusqu’à lui proposer le poste de manager-joueur de l’équipe. Le buteur insiste, alors Walker met un prix sur son contrat : 15 millions de livres Sterling, chiffre lunaire pour l’époque (le transfert le plus cher au monde), mais qui n’effraie pas Manchester United, qui revient à la charge, bien décidé à faire de Shearer un Red Devil. Cette fois, le buteur anglais n’a pas d’hésitation. Il se rend à Manchester avec sa femme Lainya, prêt à y acheter une maison, son avenir (radieux) semble tout tracé.
Mais le destin va une fois de plus changer la vie de Shearer, lorsque celui-ci reçoit un appel. Au téléphone : Kevin Keegan. L’ex légende de Liverpool avait passé deux ans à Newcastle United de 1982 à 1984. Shearer n’était alors qu’un enfant, il le regardait jouer avec admiration. A présent entraîneur des Magpies (surnom de Newcastle United), Keegan demande à Alan de rejoindre le club de sa ville, son club. Le sang de Shearer ne fait qu’un tour. Il se remémore son enfance à Gosforth, son père qui rentre le dos cassé de l’usine, ses passes aux murets des jardins, ses rêves de blanc et noir, de Saint James Park où il se rendait enfant… Sa décision est prise : il décline poliment l’offre de Manchester United, et s’engage avec Newcastle.
« Si j’étais parti ailleurs, j’aurais eu mes meilleures années derrière moi. Je veux jouer avec Newcastle avec mes meilleurs années ».
Dans une après-midi des plus anglaises, 20.000 fans attendent Shearer sous la pluie pour lui souhaiter la bienvenue chez lui.
Le bonheur de tous les siens
Accueilli en héros par les Geordies (habitants de Newcastle), Shearer prend vite ses aises dans son nouveau club. Lorsqu’il le demande, on lui donne le numéro 9 porté par Les Ferdinand, pourtant auteur de 29 buts la saison passée.
Comme avec Blackburn, Shearer semble avoir un don pour marquer les esprits quand il s’agit d’ouvrir son compteur pour un club. Son premier but pour Newcastle est une merveille de coup-franc contre Wimbledon. Le commentateur se fend d’un jeu de mot habile : « That’s what 15 million pounds buys you ! Sheer quality ! » (« Voilà ce que vous avez pour 15 millions de livres, de la pure qualité ! ». « Sheer » (pure) sonnant presque comme Shearer).
Shearer maintient son rythme fou durant toute cette saison 1996-97, et en finit meilleur buteur (pour la troisième fois d’affilée). Le 2 février 1997, Newcastle est mené 3-1 par Leicester, chez eux à Saint James Park. Dans les 15 dernières minutes du match, Alan inscrit un triplé et son équipe l’emporte 4-3. Le club finit deuxième de Premier League à égalité de points avec Arsenal, et sept points derrière le Manchester United de Ferguson.
En revanche, les choses se passent moins bien sur le banc. Au cours de la saison, Kevin Keegan démissionne après ce qui semble être un différend avec la direction. Shearer est déçu : c’est Keegan, son idole d’enfance, qui l’a encouragé à signer pour Newcastle. Pour le remplacer, la direction, soucieuse de mettre Alan dans les meilleures conditions possibles, fait appel à Kenny Dalglish, son ancien coach à Blackburn. Celui-ci reste 19 mois à la tête de l’équipe, obtient des résultats en deçà des attentes, et est remercié. Le club fait alors appel à une légende du football, mais qui débute dans sa carrière de coach : Ruud Gullit. Le Néerlandais entretient une mauvaise relation avec Shearer. Très vite, le vestiaire se retrouve divisé entre son buteur star et son entraîneur. Cette tension se sent sur le terrain, les mauvais résultats s’enchaînent au cours de la saison 1998-99, l’équipe joue sans envie, comme rongée par cette guerre d’égos. Ces troubles affaiblissent Newcastle en championnat, mais n’empêchent pas l’équipe de jouer deux finales de FA Cup d’affilée. Malheureusement, les Magpies sont battus à Wembley, par Arsenal en 1998 et par Manchester United l’année suivante.
La plus grande erreur de Gullit survient la saison suivante lors du derby contre Sunderland, le rival absolu. Pour ce match crucial, le coach néerlandais décide de laisser deux joueurs clés sur le banc : Duncan Ferguson et Alan Shearer. Sunderland bat Newcastle à Saint James Park par deux buts à un, la rupture entre les joueurs et le staff est définitive : Ruud Gullit démissionne. Il laisse le club en zone de relégation et en état de crise.
Arrive alors Sir Bobby Robson, qui stabilise l’équipe par sa gestion humaine irréprochable. Il remet les joueurs en confiance, tant et si bien que Shearer inscrit cinq buts face à Sheffield Wednesday pour son premier match sous Robson. De là, les saisons vont se stabiliser et se ressembler. Peinant à s’installer dans le top 4 de Premier League, Newcastle joue périodiquement en Europe, où la tâche s’avère trop ardue pour Shearer (qui marque tout de même trente buts en compétitions européennes) et les siens.
En 2000 et après 63 sélections (pour 30 buts inscrits), Alan prend la décision de ne plus jouer pour l’équipe nationale d’Angleterre. Déçu par les performances des Three Lions, le buteur préfère se concentrer sur sa carrière en club.
Les années passent et Shearer sent ses jambes s’alourdir, son souffle lui manquer sous l’effort. Il a 35 ans en 2005 lorsqu’il décide de raccrocher les crampons. Mais l’Écossais Graeme Souness, qui remplace Sir Bobby Robson en 2004, arrive à convaincre Shearer de lui donner une saison de plus. Pas besoin d’un long discours, Souness lui rappelle juste un chiffre : 200. C’est le nombre de buts inscrits par la légende Jackie Milburn pour Newcastle United, et Shearer n’en est pas loin. Cette saison 2005-2006 lui permet donc de battre ce record et de s’inscrire éternellement dans l’histoire du club du Tyne & Wear. Il marque 10 buts dans une saison interrompue par une blessure, mais a le plaisir de marquer son 206e et dernier but face au rival de Sunderland, dans un match gagné 4-1.
Alan Shearer passe dix années à Newcastle United, de 1996 à 2006. Au cours de ces dix années, le Manchester United d’Alex Ferguson gagne six fois la Premier League, une fois la Ligue des Champions et deux fois la FA Cup. Pendant ce temps, Newcastle ne gagne rien. A deux reprises, le Geordie a eu l’occasion de signer chez les Red Devils, à deux reprises il a eu l’occasion de devenir une légende mondiale du football, au palmarès fleuri et à la renommée internationale. Il aurait pu, qui sait, apporter encore plus de trophées à Ferguson avec son talent de buteur hors pair. Mais par deux fois le destin en a décidé autrement, et Alan Shearer a préféré vivre son rêve d’enfant et devenir le meilleur buteur de l’histoire de son club de cœur.
Assez ironiquement, si Newcastle connait déjà des déboires sportifs lorsque Shearer est joueur, c’est lorsque celui-ci va reprendre l’équipe en tant que manager que le club va descendre en Championship. En 2009, le club est en crise totale et est menacé par la relégation. Pire encore, le coach Joe Kinnear, malade, subit une opération du cœur qui l’écarte du banc pour le reste de la saison. Alan Shearer prend le club en main pour les huit derniers matchs, dans une mission suicide de maintient qu’il ne peut mener à bout.
« C’est le club que j’aime et je ne veux pas qu’il descende. Je ferai tout pour éviter ça ».
Il ne récolte que 5 points sur les 24 possibles, et n’obtient pas le poste de manager pour la saison suivante en Championship. Il est douloureux d’imaginer ce que ressentait un tel joueur devant le spectacle de son équipe malmenée, battue et reléguée, lui qui fut si grand sur le terrain. Impuissant sur son banc de touche, il a dû plusieurs fois vouloir chausser ses crampons pour lui-même sauver son club. Mais qu’importe. Les fans essuient leurs larmes dans les tribunes de Saint James Park et applaudissent leur idole pour le remercier de son sacrifice.
Le 12 septembre 2016, le sculpteur Tom Maley inaugure la statue d’Alan Shearer devant Saint James Park. L’homme a qui le monde s’offrait, le buteur hors pair, la star des Three Lions et de la Premier League, était avant tout un joueur romantique. Malgré toutes les opportunités, il décida de rester chez lui, à quelques kilomètres de son lieu de naissance, dans cette ville qu’il aime et qui l’aime. Il est, aujourd’hui encore, détenteur de deux records : le plus grand nombre de buts inscrits en Premier League (260) et le plus de buts marqués pour Newcastle United toutes compétitions confondues (206). Joueur au maigre palmarès mais ayant marqué sa génération, il n’a jamais regretté ses choix de carrière, véritables choix de vie. Qu’importent les trophées, Alan Shearer a gagné le bonheur des siens.
Approche-toi de cette fenêtre d’un pas ferme,
Comme un homme courageux qui serait prêt depuis longtemps,
Tu te le dois, ayant été jugé digne d’une telle ville.
Ému, mais sans t’abandonner aux prières et aux supplications des lâches,
Prends un dernier plaisir à écouter les sons des instruments exquis de la troupe divine,
Et salue Alexandrie que tu perds.
-Konstantinos Petrou Kavafis, Dieu abandonne Antoine
Crédit photos : Iconsport
Sources :
- Alan Shearer Small Talk Interview, The Guardian
- Alan Shearer, True Geordie Podcast
- Les légendes de Premier League : Alan Shearer
- Site officiel de la Premier League