Il existe des clubs qui, peu importe leur forme actuelle, resteront à jamais dans l’histoire. Des clubs qui ont conquis l’Europe de multiples fois, qui dominent leur championnat depuis toujours et qui ont vu des joueurs majestueux porter leurs couleurs. Quand vous pensez à la Ligue des Champions, vous pensez au Real Madrid, au FC Barcelone, à l’AC Milan… et à l’Ajax. L’Ajax, ce club d’Amsterdam qui a conquis le plus gros trophée d’Europe à quatre reprises au XXème siècle et qui a vu la légende Cruyff sous son maillot. Après un « premier âge d’or » dans les années 1970 pendant lesquelles le club conquit 3 Ligues des Champions, 4 Coupes des Pays-Bas et 5 Eredivisie (championnat hollandais), une nouvelle équipe naît dans les années 1990 et s’apprête à reconquérir cette gloire disparue : c’est la Class 95.
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A la recherche du temps perdu
Après avoir remporté trois fois de suite la Ligue des Champions et de multiples fois les compétitions nationales, l’Ajax doit se défaire de son leader, Cruyff, transféré au FC Barcelone en 1973. A partir de ce moment, les choses se corsent pour le club hollandais. Le déclin n’en finit plus, et malgré une Supercoupe d’Europe et quelques titres nationaux, la gloire européenne paraît bien lointaine. Le retour de Cruyff en 1981 et les deux championnats que l’Ajax remporte ne suffisent pas à faire ressortir le club de l’eau. Lorsqu’il revient, cette fois-ci en tant qu’entraîneur, entre 1985 et 1988, il est déjà trop tard : le championnat hollandais ne se résume plus qu’à une lutte entre l’Ajax et le PSV pour le titre, et tous les talents naissants partent vers de meilleurs clubs plus compétitifs. La Coupe des coupes (C2, aujourd’hui disparue) de 1987 n’est qu’une infime lueur dans une période bien sombre de son histoire. Comme si elle n’était pas assez obscure, des affaires de corruption et d’hooliganisme viennent ternir l’image de l’Ajax et l’écarter de toutes les compétitions européennes. Seulement… un club légendaire ne meurt jamais. Les années 1990 illustreront parfaitement cette phrase puisque l’Ajax va s’améliorer au point de faire taire pratiquement toute opposition nationale et, surtout, de faire son grand retour dans la plus prestigieuse des compétitions : la Ligue des Champions.
Un seul objectif : retrouver cette gloire oubliée
Tout commence en 1992 lorsque Louis van Gaal, adjoint de l’entraîneur Leo Beenhakker, remplace ce dernier parti au Real Madrid. Il impose son rythme, explique sa tactique. Rapidement, son talent et sa vision du jeu sont récompensés : après une finale disputée contre le Torino, l’Ajax remporte son unique Coupe UEFA (aujourd’hui, Ligue Europa) en 1992. Malheureusement, le club ne parvient pas à remporter le championnat et termine derrière le PSV, champion pour la deuxième fois de suite. L’année suivante, c’est pire encore : l’Ajax termine sur la troisième marche du podium pour la première fois depuis presque dix ans. Le club s’offre tout de même une nouvelle Coupe des Pays-Bas en terrassant le SC Heerenveen 6-2 lors de la finale. L’année suivante, le club remporte l’Eredivisie pour la 16ème fois et renoue enfin avec la victoire, notamment grâce à son numéro 10, le finlandais Jari Litmanen. Ce trophée est synonyme de participation à la Ligue des Champions, compétition longtemps mise de côté.
La campagne de 1994/95 peut commencer. Après un nouveau trophée obtenu le 21 août 1994, une Supercoupe des Pays-Bas, le club pense à la Ligue des Champions. L’Ajax hérite d’une poule avec l’AEK Athènes, Salzburg et l’AC Milan, tous champions en titre de leurs pays. L’AC Milan est, en plus, le précédent vainqueur de la C1. L’équipe de Louis van Gaal se retrouve donc dans une situation délicate pour son retour en Europe, et va devoir se surpasser pour espérer aller plus loin dans la compétition.
Le 14 septembre 1994, l’Ajax joue l’AC Milan, grand favori de la compétition. Le club d’Amsterdam domine étonnamment en première période, mais la défense italienne est parfaitement placée et ne laisse rien passer. Les deux clubs rentrent aux vestiaires avec leurs cages inviolées. Au retour sur la pelouse, l’Ajax n’a plus le temps. Il faut faire un gros coup et marquer. A la 51ème minute, lorsque Patrick Kluivert, 18 ans, reçoit le ballon dans ses pieds, il comprend : son coéquipier de Boer veut faire un une-deux, et il est parfaitement placé pour cela. En une fraction de seconde, un défenseur du Milan se retrouve mystifié, et Kluivert humilie ensuite le capitaine adverse, Baresi, par un petit pont avant de déposer le ballon sur de Boer qui marque sans difficulté. L’Ajax est en tête et Litmanen double la mise dans le quart d’heure qui suit, l’emportant 2-0 contre l’ogre milanais. Deux semaines plus tard, l’Ajax récidive et l’emporte 2-1 sur la pelouse de l’AEK Athènes grâce à des buts de Kluivert et Litmanen, encore dans un grand soir. Le club fait ensuite match nul contre Salzburg puis Athènes, et doit absolument gagner un match pour s’assurer une place en quarts de finale. Le 23 novembre 1994 à 20h30, le coup d’envoi entre l’Ajax et l’AC Milan est donné, et l’histoire est en marche. Les hommes de Capello sont impuissants et prennent un premier but de Litmanen à la deuxième minute : 1-0 d’entrée de jeu. Baresi commet plus tard l’erreur qui offrit à l’Ajax la première place de son groupe : un but contre son camp à la 66ème minute. Le match se termine sur le score de 2-0, et l’Ajax termine ensuite sa phase de groupes en l’emportant (une nouvelle fois 2-0) contre Athènes. Le club est invaincu en Ligue des Champions et en championnat, faisant route seul en tête dans les deux compétitions.
« Personne, dans cette équipe, n’oubliera cette époque. Nous étions souvent intouchables, avec talent et professionnalisme. Nous devrions restés dans les mémoires comme l’une des plus grandes équipes de l’histoire. » Patrick Kluivert
Place aux quarts de finale et au HNK Hajduk Split, club croate de la ville de Split, qui a fini deuxième de son groupe derrière le Benfica. Après un match morne à l’extérieur et un score vierge, l’Ajax prend les choses en main dans un match retour à sens unique remporté trois-zéro, notamment grâce à un doublé de de Boer, toujours dans une forme olympique cette saison. En demi-finales, l’Ajax tombe contre le Bayern, qui vient de se défaire difficilement de l’IFK Göteborg, club suèdois, en l’emportant grâce à la règle des buts à l’extérieur (0-0 à l’aller, 2-2 au retour). Une nouvelle fois, le match aller, à Munich, se solde par un triste 0-0. Les deux clubs légendaires devront régler ça en 90 minutes à Amsterdam, le 19 avril 1995. Dès le début de la rencontre, à la douzième minute, Litmanen (encore lui) prend les devants et marque le premier but. Toutefois, c’est mal connaître le Bayern que de penser qu’un aussi grand club allait se laisser faire : les munichois égalisent à la 36ème. Mais l’Ajax veut gagner, reconquérir l’Europe et retrouver sa gloire passée. Cinq minutes après l’égalisation, Finidi marque le but du 2-1. Trois minutes plus tard, de Boer en met un troisième pour calmer les ardeurs du Bayern. Les deux clubs quittent la pelouse à la mi-temps sur le score de 3-1. Lorsqu’ils reviennent, Litmanen fait ce qu’il sait faire de mieux : marquer en début de période. A la 46ème minute, l’Ajax mène 4-1 et tout semble fait. Le Bayern réduit le score grâce à un penalty de Scholl à la suite d’une faute dans la surface, mais Overmars crucifie le club de Munich en marquant le dernier but de la rencontre à deux minutes de la fin. Vingt-deux ans après son dernier titre, l’Ajax est à nouveau en finale de la plus grande compétition européenne, et doit écrire l’histoire.
La finale se joue à Vienne, au stade Ernst-Happel, le 24 mai 1995. L’Ajax est déjà mathématiquement champion d’Eredivisie et toujours invaincu dans les deux compétitions. Face aux hollandais, l’inévitable AC Milan, battu deux fois par l’Ajax en phase de poules mais bien décidé à l’emporter sur ce match, qui compte plus que tout. C’est sans surprise que le match se joue pratiquement sans but : nous sommes loin de l’équipe de Cruyff qui faisait passer le style avant tout. La moyenne d’âge des joueurs du club est de 24 ans, et Van Gaal leur ordonne de jouer comme dans une partie d’échec : pragmatiques, ils doivent autant utiliser leur corps que leur cerveau. Litmanen, Overmars et de Boer, auteurs d’une compétition exceptionnelle et plus mature que leurs compères, sont attendus au tournant, tout comme le sont les ainés de l’équipe, le capitaine Danny Blind et Frank Rijkaard. De toute l’équipe, c’est finalement Patrick Kluivert, remplaçant de 18 ans rentré en jeu seize minutes plus tôt, qui scelle le sort du match et de son club. A la 85ème minute, l’insouciance l’emporte sur l’expérience. Kluivert se défait de Baresi et marque le but de la victoire. L’Ajax est champion d’Europe et reste invaincu dans les deux compétitions que le club remporte, établissant un record d’invincibilité toujours inégalé.
A la différence de beaucoup d’histoires dans lesquelles l’équipe qui remporte la Ligue des Champions est composée de grands joueurs expérimentés, celle-ci est particulièrement touchante puisque c’est une équipe de jeunes qui s’est chargée de reconquérir un trophée trop longtemps oublié. Finalement, la Juventus prive l’Ajax d’un doublé l’année suivante en l’emportant aux tirs au but, et l’arrêt Bosman de 1995 fait exploser le club qui est maintenant voué à se séparer de ses pépites, et c’est la fin d’une merveilleuse histoire. La Class 95, cependant, traversera les époques et restera dans les mémoires comme l’équipe qui a atteint la perfection.
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